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                                                                                                                              Date : 20020322

                                                                                                                Dossier : IMM-1464-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 22 MARS 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                                        MOHAMMAD IQBAL

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 26 avril 2001, que le défendeur était un réfugié au sens de la Convention selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audience et rende à nouveau une décision.

« Yvon Pinard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                              Date : 20020322

                                                                                                                Dossier : IMM-1464-01

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 301

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                                        MOHAMMAD IQBAL

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 26 avril 2001, que le défendeur était un réfugié au sens de la Convention selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).


[2]                 Le défendeur, Mohammad Iqbal, est un citoyen pakistanais. Il a quitté le Pakistan le 2 août 2000; il est arrivé au Canada le 3 août 2000 et il a présenté une revendication le jour même de son arrivée. Il allègue craindre avec raison d'être persécuté du fait des opinions politiques qui lui sont imputées, de son appartenance à un groupe social et de sa nationalité à titre d'immigrant indien venant du Cachemire et habitant dans la partie du Cachemire qui est occupée par le Pakistan.

[3]                 Le demandeur affirme que la Commission a agi sans tenir compte du sous-alinéa 69.1(5)a)(ii) de la Loi et sans tenir compte de l'obligation d'équité en empêchant le représentant du ministre de présenter des observations écrites dans le dossier du défendeur. Je suis d'accord.

[4]                 Dans l'arrêt Prassad c. Canada (MEI), [1989] 1 R.C.S. 560, pages 568 et 569, la Cour suprême du Canada a confirmé que les tribunaux administratifs ont le pouvoir de diriger leurs propres procédures :

[...] Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure.    En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux.    En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. [...]


[5]                 De plus, dans la décision Lin c. Canada (MCI) (1999), 1 Imm. L.R. (3d) 287, 171 F.T.R. 289, Monsieur le juge Evans a statué qu'un vice de procédure n'équivaut pas toujours à un manquement à l'obligation d'agir avec équité. Pour que le tribunal judiciaire puisse annuler une décision, les erreurs reprochées doivent avoir privé l'intéressé de ce qu'une personne objective considérerait comme une possibilité raisonnable d'influencer le décideur par la production d'éléments de preuve et la présentation d'observations.

[6]                 En l'espèce, le représentant du ministre, M. Simon-Pierre Lessard, a demandé à la Commission, le 5 mars 2001, de reporter son intervention à une date ultérieure. Un ajournement a été accordé, une autre audience devant avoir lieu le 9 mars 2001. Ce jour-là, le représentant du ministre s'est vu accorder un délai d'un mois pour présenter des observations écrites. Toutefois, les parties ont reçu un préavis et une décision reconnaissant au défendeur le statut de réfugié a été rendue oralement le 14 mars 2001. Voici ce qu'a dit la Commission, comme en fait foi l'enregistrement :

[TRADUCTION]

Le membre de la Commission :                 Merci.

Cela ne sera donc pas (inaudible) [...] vendredi dernier, et vous devez respecter votre serment.

La dernière audience a eu lieu le 9 mars 2001. Nous avions (inaudible) l'intéressé et, à la fin de cette audience, il a été décidé de demander que des observations soient présentées et un délai d'un mois a été accordé au représentant du ministre et (inaudible) quinze jours à l'avocat de l'intéressé. Et à la fin de l'audience (inaudible) [...] les membres de la Commission ont eu la possibilité d'examiner le témoignage de l'intéressé et la preuve (inaudible) [...] abondante qui a été présentée; après avoir tenu de longues discussions et après avoir réfléchi à l'affaire pendant la fin de semaine, il a été décidé, lundi dernier, il y a deux jours, que les membres de la Commission ne demanderaient pas que des observations soient présentées dans cette affaire et qu'ils, le tribunal avait (inaudible) [...] en particulier le [...] (inaudible) [...] lundi prochain (inaudible) [...] et la preuve et il était prêt à rendre une décision à l'audience. C'est la raison pour laquelle nous avons avisé tout le monde (inaudible) [...] de comparaître aujourd'hui, ce matin à 8 h 30. Or, il est maintenant 9 h 25 (inaudible) [...] et nous sommes maintenant prêts à rendre oralement une décision.

                                                                                                                         [Non souligné dans l'original.]


[7]                 Je crois qu'aucun pouvoir discrétionnaire n'a été conféré à la Commission dans ce contexte. Le sous-alinéa 69.1(5)a)(ii) de la Loi montre fort clairement que la Commission est tenue de donner au ministre la possibilité de produire des éléments de preuve, d'interroger l'intéressé ou tout autre témoin et de présenter des observations, ces deux derniers droits n'étant toutefois accordés au ministre que si, à son avis, la revendication met en cause la section E ou F de l'article premier de la Convention.

[8]                 Il est clair selon moi que depuis l'audience initiale qui a eu lieu le 5 mars 2001, la Commission savait fort bien que le représentant du ministre avait l'intention de présenter des observations écrites puisqu'il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis un crime contre l'humanité au sens de la section F de l'article premier de la Convention. Par conséquent, j'ai examiné la législation en cause ainsi que les faits de la présente espèce et je suis d'avis que la Commission était tenue de donner au représentant du ministre la possibilité de présenter des observations écrites.


[9]                 Je crois que la Commission a simplement examiné les observations qui avaient déjà été faites et qu'elle n'a pas cherché à obtenir l'avis du représentant du ministre au sujet de l'applicabilité de la section F de l'article premier. Contrairement aux prétentions du défendeur, je suis également d'avis que, même si l'on avait communiqué par téléphone avec le représentant du ministre avant le 14 mars 2001, celui-ci aurait néanmoins pu s'attendre avec raison à ce que ses observations soient entendues. Premièrement, la législation prévoit clairement que le représentant du ministre aura la possibilité de présenter des observations écrites. En outre, c'est ce qu'on lui avait promis.

[10]            Je suis donc d'avis que, dans ce cas-ci, la Commission a manqué aux règles d'équité procédurale et que le représentant du ministre n'a pas eu la possibilité de remédier au problème (voir Ke c. Canada (MCI), 100 F.T.R. 46).

[11]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la

Commission est annulée. L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audience et rende à nouveau une décision.

   

« Yvon Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 22 mars 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

  

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                                      IMM-1464-01

INTITULÉ :                                                                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

MOHAMMAD IQBAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 12 FÉVRIER 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 22 MARS 2002

  

COMPARUTIONS :

Mme SYLVIANE ROY                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Mme ELEANOR K. COMEAU                                                    POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MORRIS ROSENBERG                                                         POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Mme ELEANOR K. COMEAU                                                    POUR LE DÉFENDEUR

MONTRÉAL (QUÉBEC)

  
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