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Date : 20191003


Dossier : IMM‑2176‑19

Référence : 2019 CF 1260

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 3 octobre 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

KAUR GURSIMRAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une mesure d’exclusion dont elle a été frappée le 28 mars 2019 pour ne pas avoir respecté les conditions de son permis d’études. Elle est entrée au Canada en août 2016 pour suivre le programme d’administration des affaires de l’Université Simon Fraser (l’« USF »). Après avoir échoué au programme de l’USF, elle s’est inscrite à des programmes dans deux autres établissements, où elle a également échoué. La demanderesse a également accumulé de longues absences aux cours qu’elle suivait dans ces établissements.

[2]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée; la décision de l’agent — selon laquelle Mme Kaur ne poursuivait pas activement ses études comme l’exige le paragraphe 220.1(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le « RIPR ») — est raisonnable.

I.  Contexte

[3]  Gursimran Kaur est une citoyenne de l’Inde qui est arrivée au Canada le 22 août 2016 munie d’un permis d’études. Elle était inscrite à l’USF, mais elle a échoué aux deux trimestres pendant lesquels elle y a suivi des cours. Puis, en mai 2017, Mme Kaur s’est inscrite à des cours offerts à l’Université polytechnique Kwantlen, cours auxquels elle a également échoué.

[4]  En mai 2018, elle s’est inscrite au Canadian College et a réussi 10 des 13 cours auxquels elle était inscrite. Elle a cependant manqué un certain nombre de cours au début de 2019 à la suite d’un accident de voiture; par conséquent, elle n’a pas assisté au nombre minimum de cours requis et a abandonné ses études pour le trimestre.

[5]  Le 20 mars 2019, Mme Kaur est allée aux États‑Unis. À son retour au Canada, le même jour, elle a été interrogée par un agent d’immigration. Puis, le 24 mars 2019, elle a été interrogée par un autre agent et s’est vu accorder jusqu’au 28 mars 2019 pour fournir des documents.

[6]  Madame Kaur a été de nouveau interrogée le 28 mars 2019. Plus tard ce jour‑là, l’agent a pris une mesure d’exclusion contre elle au motif qu’elle n’avait pas respecté les conditions de son permis d’études. Plus précisément, l’agent a déclaré que Mme Kaur n’avait pas poursuivi activement ses études, comme l’exige la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la « Loi » ou la « LIPR »).

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[7]  La décision qui fait l’objet du contrôle est celle de la mesure d’exclusion prononcée par le délégué du ministre le 28 mars 2019. Cette mesure était étayée par un rapport produit au titre du paragraphe 44(1) de la LIPR par l’agent qui avait interrogé Mme Kaur.

[8]  Dans la mesure d’exclusion, l’agent a fait remarquer que Mme Kaur [traduction] « n’a[vait] pas activement poursuivi ses études comme l’exige[ait] la Loi ». Il a également indiqué que la demanderesse [traduction] « a[vait] changé d’établissement d’enseignement et de programme à plusieurs reprises sans pour autant terminer ses études ». Il a conclu que ce comportement [traduction] « ne correspond[ait] pas à ce que l’on attend[ait] de l’étudiante, à savoir qu’elle progresse de façon raisonnable vers l’obtention d’un diplôme canadien ».

[9]  L’agent a aussi mentionné que Mme Kaur avait affirmé avoir abandonné son dernier trimestre d’études en raison d’un accident de voiture, et que lorsqu’on lui avait demandé de présenter un rapport de police à ce sujet, elle avait été incapable de le faire. Elle avait également été incapable de lui fournir un rapport de l’Insurance Corporation of British Columbia à cet égard lorsqu’il le lui avait demandé.

[10]  L’agent a conclu que Mme Kaur était interdite de territoire au titre de l’article 41 de la LIPR parce qu’elle n’avait pas respecté les conditions prévues aux paragraphes 29(2) de la Loi et 220.1(1) du RIPR.

III.  Question en litige et norme de contrôle

[11]  L’unique question en litige consiste à savoir si la décision de l’agent de prendre une mesure d’exclusion contre Mme Kaur était raisonnable.

[12]  Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 54). Je constate également qu’« il faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard de l’expertise et de l’expérience du décideur sur la question » des mesures d’exclusion (Peng c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 537, au par. 15).

IV.  Analyse

[13]  La demanderesse soutient que, même si elle se heurte à des difficultés dans ses études, elle n’en reste pas moins une véritable étudiante. Elle invoque l’affaire Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 365, au par. 23 [Gill] à l’appui de son affirmation selon laquelle l’agent aurait dû procéder à une évaluation plus globale de son statut d’étudiante. Dans la décision Gill, la Cour a examiné une liste non exhaustive de cinq facteurs qui permettent de déterminer si une personne est un véritable étudiant. Ces facteurs sont les suivants : 1) le dossier de présence de l’étudiant; 2) les notes qu’il a obtenues; 3) sa capacité à discuter des matières qu’il étudie (au moins de façon rudimentaire); 4) le déroulement satisfaisant de son programme d’études; et 5) la question de savoir s’il a fait des « efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignées dans ses cours » [non en italique dans l’original].

[14]  Toutefois, les circonstances factuelles de l’affaire Gill et, par conséquent, le critère pertinent qui y a été appliqué, sont différents de ceux de l’espèce. Dans cette affaire, la demanderesse était entrée au Canada comme enfant à charge mentionnée sur la demande de résidence permanente de son père. La question était de savoir si elle répondait à la définition d’« enfant à charge » figurant dans le RIPR (selon laquelle elle devait être aux études de façon continue). Il ne s’agissait donc pas de savoir si elle respectait les conditions d’un permis d’études (lequel exige la poursuite active des études dans un établissement d’enseignement désigné jusqu’à l’obtention du diplôme).

[15]  En l’espèce, la preuve démontre que Mme Kaur a obtenu de très mauvaises notes et que son taux de présence en classe était on ne peut plus faible. Elle a échoué à plusieurs cours et a changé d’établissement d’enseignement à deux reprises. Même si l’on appliquait le critère global utilisé dans l’affaire Gill, la demanderesse ne pourrait vraisemblablement pas discuter de façon rudimentaire des matières qu’elle étudie. De même, je vois difficilement quels efforts elle pourrait bien faire pour assimiler les connaissances enseignées, puisqu’elle a suivi de nouveau ce qu’elle décrit comme les [traduction] « mêmes cours » dans un autre établissement, et qu’elle y a de nouveau échoué.

[16]  Madame Kaur soutient que l’agent a omis de tenir compte du fait qu’elle avait des problèmes de santé. Ce dernier a bien noté que la demanderesse avait eu un accident de voiture, mais que celle‑ci ne lui avait fourni aucun élément de preuve relatif à son état de santé. Par conséquent, comme Mme Kaur n’a pas fourni ces renseignements à l’agent au moment opportun, la Cour ne peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, tenir compte des renseignements contenus dans l’affidavit supplémentaire du 10 août 2019 de la demanderesse.

[17]  La conclusion de l’agent selon laquelle Mme Kaur n’a pas respecté les conditions prévues au paragraphe 220.1(1) est raisonnable. Elle a changé d’établissement d’enseignement et de programme, passant d’un programme en administration des affaires à un programme général en arts et en sciences, et ce, en dépit du fait que son permis d’études précisait qu’elle devait étudier en administration des affaires ou en commerce. En outre, elle a abandonné son trimestre à deux reprises en trois ans, et elle a échoué à plus de cours qu’elle n’en a réussi.

[18]  La présente affaire est semblable à l’affaire El Kamel c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 730 [El Kamel], dans laquelle un étudiant n’avait jamais commencé ses cours à l’université désignée en raison de problèmes de santé et s’était par la suite plutôt inscrit dans un collège technique. La Cour a conclu que la décision de l’agent de prendre une mesure d’exclusion contre l’étudiant au motif que celui‑ci n’avait pas respecté le paragraphe 220.1(1) du RIPR était non seulement raisonnable, mais qu’il s’agissait également d’une « conclusion inévitable étant donné que le demandeur n’a[vait] plus de statut légal au Canada » (El Kamel, au par. 14).

[19]  De la même façon, dans la décision Kone c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 845, au par. 59 [Kone], la Cour a déclaré que le fait que le demandeur n’avait pas assisté à ses cours pendant deux trimestres était suffisant pour justifier la mesure d’exclusion prise au titre du paragraphe 220.1(1) du RIPR, et ce, même s’il avait repris ses études entre les deux trimestres en question.

[20]  Suivant les conclusions tirées dans l’affaire Kone, les absences seules de Mme Kaur sont suffisantes pour démontrer qu’elle ne respectait pas les exigences de l’alinéa 220.1(1)b), selon lesquelles elle devait activement poursuivre ses études. Ces absences suffisent également pour étayer la conclusion selon laquelle elle ne s’efforçait pas d’obtenir un diplôme canadien.

[21]  Dans l’ensemble, la décision de l’agent est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2176‑19

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour d’octobre 2019.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2176‑19

INTITULÉ :

KAUR GURSIMRAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 OCTOBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 3 OCTOBRE 2019

COMPARUTIONS :

Manjit Walia

POUR LA DEMANDERESSE

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Walia Law Group

Avocats et notaires publics

Surrey (Colombie‑Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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