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Date : 20020509

Dossier : IMM-3616-00

Référence neutre : 2002 CFPI 541

Ottawa (Ontario), le jeudi 9 mai 2002

EN PRÉSENCE DE :     Madame le juge Dawson

ENTRE :

                                UDAY MITRA

                                                                Demandeur

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                Défendeur

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]              M. Mitra a demandé la résidence permanente au Canada en tant que demandeur indépendant. Celui-ci a demandé d'être apprécié en fonction de la profession de conseiller en gestion, CNP 1122.1, [TRADUCTION] « ou subsidiairement, toute autre profession qui selon votre opinion professionnelle permettra à M. Mitra d'être admissible à la résidence permanente » . La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la question qui consiste à savoir si, en rejetant la demande de résidence permanente de M. Mitra, l'agente des visas a commis une erreur en omettant d'apprécier M. Mitra en fonction d'une autre profession ou en omettant d'informer M. Mitra que sa demande ne serait appréciée qu'en fonction de la profession de conseiller en gestion.

[2]                 Les notes au Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) et le contre-interrogatoire de l'agente des visas dans l'affidavit qu'elle a déposé pour s'opposer à la présente instance établissent que, lorsqu'elle avait interrogé M. Mitra et qu'elle avait apprécié sa demande, elle savait que, M. Mitra demandait qu'on l'aide en le plaçant dans une autre profession mais elle a prétendu que cela ne faisait pas partie de son travail de fournir une telle aide. Les parties conviennent que, durant l'entrevue de M. Mitra, l'agente des visas n'a pas informé ce dernier qu'étant donné qu'il n'avait spécifié aucune autre profession, il ne pouvait seulement être apprécié que comme conseiller en gestion.

[3]                 Je suis convaincue que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en omettant d'apprécier M. Mitra en fonction d'une autre profession, et ce, pour les raisons suivantes.

[4]                 Premièrement, dans l'arrêt Adami c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 669 (C.F. 1re inst.), le juge Evans, tel était alors son titre, a examiné la jurisprudence pertinente de la Cour et il a conclu qu'un agent des visas n'est tenu d'apprécier un demandeur qu'en fonction de la profession pour laquelle celui-ci a indiqué qu'il était qualifié et qu'il désirait exercer au Canada. Je suis d'accord pour dire que la jurisprudence penche en ce sens.


[5]         Deuxièmement, dans l'arrêt Warsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1646 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein, tel était alors son titre, a examiné l'omission d'un agent des visas à apprécier un demandeur en fonction de domaines connexes alors que le demandeur avait indiqué que la profession qu'il envisageait d'exercer était celle d' « ingénieur en mécanique ou un emploi dans un domaine connexe » . Le juge Rothstein a conclu que la référence à « un emploi dans un domaine connexe » ne désignait pas une autre profession et il a estimé que « l'agent des visas n'est pas tenu de passer en revue la CNP et à décider si, dans une situation déterminée, un emploi appartient à un domaine connexe » . De même, j'estime que la référence à [traduction] « toute autre profession qui, selon votre opinion professionnelle, permettra à M. Mitra d'être admissible à la résidence permanente au Canada » ne désigne pas une autre profession de façon à déclencher l'obligation d'effectuer une appréciation en fonction de cette profession envisagée.

[6]         Je suis, de plus, convaincue, malgré l'argumentation soignée de l'avocat de M. Mitra, que l'agente des visas n'a pas violé l'obligation d'équité en omettant d'informer M. Mitra que sa demande ne serait appréciée qu'en fonction de la catégorie de conseiller en gestion.


[7]         Avant d'énumérer les motifs de cette conclusion, je souligne que, sans aucun doute, le fait que l'agente des visas n'ait pas dit à M. Mitra que sa demande ne serait appréciée qu'en fonction de la catégorie de conseiller en gestion a constitué une mauvaise pratique. Je ne comprend pas pourquoi l'agente des visas a omis de faire cela. La conduite de l'agente des visas donne l'impression que celle-ci a fait preuve d'une attitude arbitraire et légère.

[8]         Pour ce qui est de la raison pour laquelle ce que je considère comme étant une conduite inférieure aux normes n'équivaut pas à un viol de l'équité procédurale, je commence par considérer que l'obligation d'équité est contextuelle et qu'elle n'est ni abstraite ni absolue.

[9]         Dans l'arrêt Khan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 FCA 345; [2001] A.C.F. no 1699, la Cour d'appel fédérale a fait remarquer que de nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour abaisser le niveau du contenu de l'obligation d'équité due aux demandeurs de visas et dans l'arrêt Patel c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 FCA 55; [2002] A.C.F. no 178, la Cour d'appel fédérale a décrit l'obligation d'équité imposée à l'agent des visas lorsque celui-ci décide qu'une demande de visa présentée par un demandeur comme demandeur indépendant doit être placée dans ce qui a été décrit comme le bas de la fourchette.


[10]       Compte tenu des facteurs examinés par la Cour d'appel dans l'arrêt Khan, j'estime que les facteurs suivants abaissent le niveau du contenu de l'obligation d'équité en l'instance : l'absence d'un droit légal à un visa; l'effet le moins important sur un demandeur que le refus d'accorder un visa exerce par rapport au retrait d'un avantage; l'imposition au demandeur du fardeau d'établir son admissibilité à un visa; les paramètres législatifs qui régissent l'obligation d'appréciation de l'agent des visas.

[11]       Parmi ces facteurs, les plus importants à mon avis sont le fardeau imposé au demandeur afin d'établir son admissibilité à un visa et les dispositions législatives pertinentes.

[12]       Le paragraphe 6(1) de la Loi sur l'immigration L.R.C. (1985), ch. I-2 (Loi) prévoit ce qui suit :


6. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, tout immigrant, notamment tout réfugié au sens de la Convention, ainsi que toutes les personnes à sa charge peuvent obtenir le droit d'établissement si l'agent d'immigration est convaincu que l'immigrant satisfait aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourra ou non réussir son installation au Canada, au sens des règlements, et si oui, dans quelle mesure.

6. (1) Subject to this Act and the regulations, any immigrant, including a Convention refugee, and all dependants, if any, may be granted landing if it is established to the satisfaction of an immigration officer that the immigrant meets the selection standards established by the regulations for the purpose of determining whether or not and the degree to which the immigrant will be able to become successfully established in Canada, as determined in accordance with the regulations.


[13] Cela exige qu'un agent des visas apprécie un immigrant qui demande le droit d'établissement de la manière prescrite dans la Loi et dans le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (Règlement). En ce qui concerne les demandeurs de la catégorie des demandeurs indépendants, le paragraphe 8(1) du Règlement prévoit ce qui suit :



8. (1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :

a) dans le cas d'un immigrant qui n'est pas visé aux alinéas b) ou c), suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I;

b) dans le cas d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, autre que le facteur visé à l'article 5 de cette annexe;

c) dans le cas d'un entrepreneur, d'un investisseur ou d'un candidat d'une province, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, sauf ceux visés aux articles 4 et 5 de cette annexe;

d) [Abrogé, DORS/85-1038, art. 3]

e) [Abrogé, DORS/91-433, art. 3]

8. (1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant

(a) in the case of an immigrant, other than an immigrant described in paragraph (b) or (c), on the basis of each of the factors listed in column I of Schedule I;

(b) in the case of an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factor set out in item 5 thereof;

(c) in the case of an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factors set out in items 4 and 5 thereof.

(d) [Repealed, SOR/85-1038, s. 3]

(e) [Repealed, SOR/91-433, s. 3]


[14] Cela impose une obligation formelle d'effectuer l'appréciation d'un immigrant en se fondant sur les facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I du Règlement.

[15] La jurisprudence est d'accord pour affirmer qu'un agent des visas est obligéd'effectuer une appréciation en fonction de la profession qu'un demandeur prétend qu'il exercera au Canada. Voir : Uy c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 F.C. 201 (C.A.); Issaeva c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1679 (C.F. 1re inst.).

[16] Toutefois, j'estime qu'il n'existe aucune obligation d'apprécier en fonction d'une profession qui n'a pas été mentionnée par un demandeur comme étant celle qu'il envisage d'exercer au Canada. Un tel geste, en plus d'être contraire à l'intuition, serait contraire au Règlement.


[17] Le facteur 4 de la colonne I de l'annexe I du Règlement prévoit ce qui suit :


_4. Facteur professionnel

(1) Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession_:

a) à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la Classification nationale des professions;

b) pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles;

c) que le requérant est prêt àexercer au Canada

[Le souligné est de moi.]

4. Occupational Factor

__(1) Units of assessment shall be awarded on the basis of employment opportunities in Canada in the occupation

(a) for which the applicant meets the employment requirements for Canada as set out in the National Occupational Classification;

(b) in which the applicant has performed a substantial number of the main duties as set out in the National Occupational Classification, including the essential ones; and

(c) that the applicant is prepared to follow in Canada.

[underlining added]


[18] En l'absence d'une intention déclarée d'exercer une profession particulière au Canada il n'y a, par conséquent, aucun fondement pour effectuer une appréciation en fonction du facteur professionnel. De plus, une appréciation faite en fonction du facteur de l'instruction, de la formation et de l'expérience, s'appuie sur la profession en fonction de laquelle le demandeur est apprécié en vertu du facteur professionnel.

[19] En l'occurrence, comme on n'a fait aucune mention d'une autre profession envisagée, je ne vois pas en quoi M. Mitra a été privé de l'équité procédurale lorsque l'agente des visas a omis de lui dire qu'un agent des visas ne l'apprécierait pas en fonction d'une autre profession envisagée qui n'existe essentiellement pas.


[20] M. Mitra est une personne instruite qui a été représentée par un conseiller en immigration professionnel. Ce conseiller a préparé la demande de résidence permanente de M. Mitra et il a correspondu avec le bureau des visas en rapport avec cette demande. Sur son papier àcorrespondance officielle le conseiller se décrit comme étant un [traduction] « spécialiste en immigration, entreprise et établissement au Canada » et comme étant un membre de l' « Association of Immigration Counsel of Canada » .

[21] M. Mitra a été convoqué pour une entrevue au cours de laquelle il aurait pu demander une appréciation en fonction d'une autre profession ou affirmer son intention d'exercer une autre profession. Lors de cette entrevue, on a discuté de quatre lettres émanant d'agences de recrutement canadiennes qui, selon M. Mitra, décrivaient la capacité éventuelle de ce dernier à obtenir un emploi au Canada comme conseiller en gestion. M. Mitra a fourni une lettre provenant d'un ancien employeur qui décrivait le rôle que M. Mitra avait joué comme conseiller en gestion. M. Mitra était censé savoir qu'il n'avait mentionné aucune autre profession envisagée et que l'on n'avait discuté d'aucune autre profession lors de l'entrevue.

[22] Compte tenu de ces faits particuliers, je ne vois pas comment on puisse dire que l'obligation d'équité a été violée. On pourrait conclure autrement si l'on disposait de faits différents.


[23] M. Mitra s'est aussi plaint que l'agente des visas n'a pas tenu compte de la description de travail qu'il avait fourni avec sa demande, mais qu'au lieu de cela, celle-ci l'avait jetée à la corbeille durant l'entrevue. L'agente des visas a nié ceci dans son affidavit. Elle a aussi nié avoir jamais vu ce document et elle a affirmé avoir tenu compte de tous les renseignements qui lui avaient été fournis. Compte tenu du fait que la description de travail n'apparaît pas sur la liste de documents qui ont censément été fournis avec la demande de résidence permanente, je ne suis pas enclin àpréférer le témoignage de M. Mitra à celui de l'agente des visas sur cette question.

[24] L'agente des visas n'a accordé aucun point d'appréciation en raison du facteur professionnel et je n'ai trouvé aucune erreur susceptible de révision selon les motifs énoncés par M. Mitra. Il s'ensuit, par application du paragraphe 11(2) du Règlement que M. Mitra n'avait pas droit qu'on lui délivre un visa d'immigrant.

[25] Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les prétendues erreurs commises quant à l'appréciation des diplômes, du lien familiale et de la personnalité de M. Mitra. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26] L'avocat de M. Mitra a demandé de certifier la question qui consiste à savoir s'il existe une obligation d'informer un demandeur que sa demande ne peut pas être traitée en raison de sa formulation. L'avocat du ministre s'est opposé à la certification de toute question parce que la Cour d'appel a déjà tranché le point de droit concernant la nature de l'obligation d'équité due dans la présente affaire.


[27] En raison du caractère contextuel de l'obligation d'équité et parce que la présente décision dépend d'une situation factuelle précise, je ne suis pas convaincue qu'une question générale d'application soit soulevée. Aucune question ne sera certifiée

                                   ORDONNANCE

[28] IL EST ORDONNÉPAR LES PRÉSENTES :

1.      que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.     qu'aucune question ne soit certifiée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                         

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       IMM-3616-00

INTITULÉ:                      UDAY MITRA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'MMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :            LE 1ER MAI 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :        LE 9 MAI 2002

COMPARUTIONS :

CARL H. CASSIANPOUR LE DEMANDEUR

NEETA LOGSETTYPOUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DAIGLE & HANCOCKPOUR LE DEMANDEUR

Avocats

Mississauga (Ontario)

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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