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Date : 20191003


Dossier : IMM‑950‑19

Référence : 2019 CF 1255

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

FEVEN ESKINDER DIGAF

ALONIAB ROBEL BERHANE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs, Feven Eskinder Digaf et son fils, Aloniab Robel Berhane sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SAR a rejeté l’appel des demandeurs à l’égard d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) et a confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La question déterminante pour la SPR et pour la SAR était celle de l’identité. La SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle les documents présentés par les demandeurs n’étaient pas fiables et n’établissaient pas de façon crédible leur identité.

[2]  La présente demande de contrôle judiciaire est fondée sur le paragraphe 72(1) de la LIPR.

[3]  Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

II.  Contexte

[4]  Selon leur récit, Mme Digaf et son fils sont des citoyens de l’Érythrée. Mme Digaf est mariée à M. Firemichael, également de l’Érythrée. En 2011, elle et son mari ont tenté de fuir l’Érythrée pour se rendre au Soudan. Ils ont été arrêtés par des agents gouvernementaux, détenus et maltraités pendant neuf mois. M. Firemichael est parti de l’Érythrée en juin 2014 et réside maintenant en Angola. Après son départ, les demandeurs ont vécu avec la belle-famille de Mme Digaf, laquelle était ciblée par le gouvernement érythréen pour ses opinions politiques.

[5]  Avec l’aide de M. Firemichael et de son cousin, des dispositions ont été prises pour que les demandeurs obtiennent des passeports érythréens et des visas américains. Les demandeurs ont quitté l’Érythrée le 4 juin 2017 pour se rendre aux États‑Unis. Ils se sont ensuite rendus à la frontière canado-américaine et ont présenté des demandes d’asile le 26 juin 2017. Mme Digaf allègue craindre d’être détenue et torturée si elle retourne en Érythrée en raison de sa détention antérieure par le gouvernement, de son incapacité à terminer son service militaire et des critiques formulées par sa belle-famille à l’endroit du gouvernement.

[6]  La SPR a entendu les demandes d’asile des demandeurs le 6 octobre 2017 et a rendu une décision le 15 novembre 2017. La SPR a examiné la preuve documentaire présentée par les demandeurs à l’appui de leur identité respective, notamment : les passeports érythréens; la carte d’identité érythréenne de Mme Digaf et le certificat de mariage; les certificats de naissance des demandeurs; et deux lettres écrites par M. Firemichael. La SPR a également tenu compte du témoignage de Mme Digaf au sujet du processus par lequel elle a obtenu les passeports érythréens et des expériences qu’elle a vécues en voyageant avec son passeport à Dubaï et, en bout de ligne, aux États‑Unis.

[7]  La SPR a conclu que la preuve documentaire des demandeurs n’était pas fiable. Le tribunal a mis en doute les visas de sortie sous forme autocollante étaient apposés dans les passeports des demandeurs et a conclu qu’ils n’étaient pas authentiques. Cette conclusion, conjuguée à l’évaluation par la SPR du témoignage de Mme Digaf comme étant déroutant et évasif, a amené le tribunal à conclure qu’elle n’avait pas quitté l’Érythrée comme elle l’avait allégué et que les passeports n’étaient pas des documents fiables. La SPR a également examiné les autres documents d’identité des demandeurs, en particulier la carte d’identité et le certificat de naissance de Mme Digaf, qui ont été utilisés pour obtenir son passeport. Le tribunal a relevé des problèmes au vu de chacun des documents. La SPR a conclu que les autres pièces d’identité n’étaient pas fiables et n’a accordé aucun poids à ces documents pour établir l’identité des demandeurs.

[8]  Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Comme il a été mentionné ci-dessus, la SAR a rejeté l’appel et a confirmé la décision de la SPR. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision (la décision) de la SAR.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[9]  La décision est datée du 21 janvier 2019. La SAR s’est concentrée sur les documents d’identité des demandeurs et a effectué un examen détaillé de chaque document. À titre préliminaire, la SAR a examiné les quatre nouveaux éléments de preuve que les demandeurs ont présentés et a répondu à leur demande d’audience. La SAR a refusé d’admettre les nouveaux éléments de preuve, ceux-ci étant jugés non conformes au paragraphe 110(4) de la LIPR et a rejeté la demande d’audience.

[10]  La SAR a d’abord examiné les passeports érythréens des demandeurs. Le tribunal de la SAR a déclaré que la SPR n’était pas préoccupée quant à l’authenticité des passeports, elle s’intéressait plutôt à la façon dont ils ont été obtenus, aux renseignements contenus dans les passeports et au témoignage de Mme Digaf concernant les passeports et leur utilisation. La SAR a convenu avec les demandeurs que la SPR avait commis une erreur en concluant que le nom « Asmara » avait été mal orthographié, puisque le cartable national de documentation (CND) pour l’Érythrée confirmait que le nom « Asmara » pouvait être épelé de différentes façons. Toutefois, la SAR a conclu que le passeport de Mme Digaf et les renseignements qu’il contenait n’étaient pas dignes de foi, en partie parce qu’ils ne concordaient pas avec la preuve objective relative aux visas de sortie. La SAR a également conclu que le témoignage de Mme Digaf n’avait pas établi de façon crédible qu’elle avait voyagé comme elle l’avait allégué, en se fondant sur le passeport et les visas de sortie.

[11]  Les passeports contenaient des visas de sortie qui auraient été délivrés par le gouvernement érythréen et qui auraient permis aux demandeurs de voyager à l’extérieur de l’Érythrée. Les visas de sortie étaient en format autocollant, plutôt qu’en format estampillé, et l’un des visas était un visa à sorties multiples. La SAR a relevé un certain nombre de problèmes relativement au témoignage de Mme Digaf et aux éléments de preuve du CND concernant les visas qui remettaient en question l’authenticité des visas et la capacité de Mme Digaf d’obtenir un visa de sortie.

[12]  La SAR a répondu à l’argument des demandeurs selon lequel la SPR avait commis une erreur en remettant en question la fiabilité des passeports en raison de problèmes liés à la carte d’identité et au certificat de naissance de Mme Digaf. La SAR a déclaré que la carte d’identité et le certificat de naissance étaient intrinsèquement liés au passeport de Mme Digaf, car il s’agissait des documents utilisés pour obtenir le passeport. De plus, la SAR a confirmé les préoccupations de la SPR à l’égard du contenu de la carte d’identité et du certificat de naissance en soi.

[13]  Enfin, la SAR a relevé des problèmes concernant le certificat de mariage de Mme Digaf, plus précisément le sceau officiel sur le document et la date à laquelle il a été délivré, ainsi que des incohérences dans deux lettres qui auraient été écrites par M. Firemichael.

[14]  La SAR a conclu ce qui suit :

[45]  Les appelants n’ont pas établi leur identité selon la prépondérance des probabilités. Même s’il est vrai qu’ils ont présenté de nombreux documents, dont leurs passeports, il y a de nombreuses préoccupations relativement à la manière dont les passeports ont été obtenus, au contenu des passeports et à la crédibilité des pièces d’identité connexes qui ont été présentées. Je souscris aux conclusions de la SPR selon lesquelles les passeports des appelants ainsi que les autres documents ne sont pas fiables et ne permettent pas d’établir de façon crédible leurs identités respectives.

[15]  La SAR a rejeté l’appel et a confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

IV.  Questions en litige

[16]  Les demandeurs soulèvent les questions suivantes dans la présente demande :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve des appelants?

  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas établi leur identité?

V.  Norme de contrôle

[17]  L’interprétation qu’a faite la SAR du paragraphe 110(4) de la LIPR est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable, conformément à la présomption voulant que l’interprétation par un organisme administratif de sa loi constitutive fasse l’objet de déférence par la cour de révision (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, au paragraphe 29 (Singh)). Je vais également passer en revue l’examen que la SAR a fait de la preuve et de la crédibilité de Mme Digas selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica), 2016 CAF 93, au paragraphe 35; Gebremichael c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 646, au paragraphe 8).

[18]  La norme de la décision raisonnable vise à garantir que la décision d’un tribunal est justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle s’inscrit dans une gamme d’issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit qui s’appliquent en l’espèce (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir)). En d’autres termes, la cour de révision doit examiner à la fois le résultat et les motifs le justifiant (Delta Air Lines Inc c Lukács, 2018 CSC 2, au paragraphe 27). Les critères établis dans l’arrêt Dunsmuir sont respectés si les motifs fournis par le tribunal « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et-Labrador (Conseil du Trésor)), 2011 CSC 62, au paragraphe 16).

VI.  Discussion

1.  La SAR a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve des appelants?

[19]  En appel devant la SAR, les demandeurs ont demandé à présenter les éléments de preuve d’identité suivants :

  • a) le certificat de baptême d’Aloniab;

  • b) la carte de la promotion de la croissance et de la santé des enfants du ministère de la Santé de l’Érythrée d’Aloniab;

  • c) la lettre de l’administration locale de Zoba Maekel concernant la nationalité de Mme Digaf;

  • d) le certificat d’études du ministère de l’Éducation (Érythrée) de Mme Digaf.

[20]  Les demandeurs affirment avoir demandé les documents à leur parenté en Érythrée après avoir reçu la décision de la SPR. Mme Digaf soutient que les documents ne lui étaient pas normalement accessibles auparavant parce qu’elle craignait de mettre sa parenté en danger en demandant les documents. Elle croyait que la preuve documentaire qu’elle a présentée à la SPR suffirait à établir l’identité. Ce n’est qu’après avoir reçu la décision défavorable de la SPR qu’elle a choisi de risquer de communiquer avec sa parenté pour obtenir les documents.

[21]  La SAR a conclu que les nouveaux éléments de preuve des demandeurs étaient inadmissibles au titre paragraphe 110(4) de la LIPR, car les documents étaient antérieurs à la décision de la SPR et qu’ils étaient normalement accessibles aux demandeurs au cours du processus de la SPR :

[12]  Les documents présentés à titre de nouveaux éléments de preuve sont tous antérieurs à la décision de la SPR. Même si les appelants soutiennent qu’ils sont tous [traduction] « nouveaux », je ne suis pas d’accord avec cette observation. Il incombe aux appelants de présenter les meilleurs arguments possible. Ces documents étaient normalement accessibles avant le rejet de la demande d’asile. Les appelants étaient tout à fait conscients que leur identité constituait une question essentielle et n’ont pas mentionné que d’autres documents étaient accessibles ou que de tels documents existaient, soit durant l’audience ou dans les semaines précédant la décision. En fait, il est expressément mentionné dans la décision de la SPR que l’appelante principale s’est fait demander si elle était en mesure d’obtenir d’autres documents pour établir son identité et celle de son fils. Selon la décision de la SPR, l’appelante principale a déclaré [traduction] « qu’elle n’avait pas de permis de conduire ni de documents scolaires ou de documents d’emploi. Il semble que les appelants étaient tout à fait conscients des préoccupations quant à leur identité durant l’audience.

[22]  La SAR a également conclu que, même si les nouveaux éléments de preuve répondaient aux exigences du paragraphe 110(4), les documents étaient inadmissibles parce qu’ils n’étaient ni probants ni pertinents. Le tribunal a déclaré que les nouveaux documents n’établissaient pas l’identité et qu’ils étaient des documents secondaires qui « ne peuvent pas dissiper les préoccupations quant à la crédibilité qu’ont suscité le témoignage de l’appelante principale et les documents déposés devant la SPR ».

[23]  Le paragraphe 110(4) de la LIPR est libellé ainsi :

Éléments de preuve admissibles

Evidence that may be presented

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[24]  J’estime que l’évaluation des éléments de preuve faite par la SAR par rapport aux exigences du paragraphe 110(4) était claire et justifiée et que sa conclusion était raisonnable. La conclusion du tribunal fondée sur le paragraphe 110(4) était également déterminante quant à l’inadmissibilité des nouveaux éléments de preuve (Singh, au paragraphe 35). Une fois que la SAR eut décidé que les nouveaux éléments de preuve ne satisfaisaient pas aux exigences du paragraphe 110(4), elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’admettre les éléments de preuve (Figueroa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 521, aux paragraphes 23 et 45).

[25]  Il est important de garder à l’esprit qu’une analyse de l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve devant la SAR repose au départ sur la prémisse qu’un appel interjeté devant la SAR est essentiellement un appel « sur dossier » (Singh, aux paragraphes 35 et 51). Un appel interjeté devant la SAR n’offre pas une deuxième chance de présenter des éléments de preuve pour corriger les faiblesses relevées par la SPR (Abdullahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 260, au paragraphe 15) :

[15]  En d’autres termes, la réponse à une lacune relevée par la SPR, dans le cas d’une partie, ne peut pas être un fondement légitime pour que cette partie prétende que si elle avait été au courant de la lacune, elle aurait pu présenter une meilleure preuve qui existait toujours et qui provenait de personnes qui auraient pu être appelées, à savoir, dans ce cas, son cousin. Cela ferait du processus de la SPR un gaspillage de temps monumental, ce qui n’est certainement pas dans l’intention du législateur en accordant des droits d’appel.

[26]  Il incombe à un demandeur de présenter ses meilleurs arguments à la SPR. En l’espèce, les nouveaux éléments de preuve présentés par les demandeurs auraient pu et auraient dû être présentés à la SPR. Le fait que Mme Digaf ne s’attendait pas à ce que la SPR rende une décision défavorable en matière d’identité ne justifie pas le recours à l’appel devant la SAR pour remédier à ses lacunes en matière de preuve.

[27]  La SAR a examiné les circonstances entourant le défaut des demandeurs de présenter les éléments de preuve en question à la SPR, en décrivant précisément les motifs du retard de Mme Digaf et en les soupesant par rapport aux exigences du paragraphe 110(4). Les demandeurs citent ma décision antérieure dans Arafa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 6 (Arafa), à l’appui de leurs arguments quant à l’admissibilité. Toutefois, les motifs de Mme Digaf pour la présentation tardive d’éléments de preuve diffèrent sensiblement de ceux des demandeurs dans Arafa. Mme Digaf n’avait pas l’intention de continuer d’obtenir des pièces d’identité supplémentaires. Elle a plutôt pris des mesures en réponse à la décision défavorable de la SPR. 

2.  La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas établi leur identité?

Observations des parties

[28]  Les observations des demandeurs portent sur le traitement par la SAR de leurs passeports érythréens et de la carte d’identité et du certificat de naissance de Mme Digaf. Les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur en remettant en question la fiabilité de leurs passeports en raison de préoccupations au sujet de la carte d’identité et du certificat de naissance, les documents utilisés pour obtenir les passeports. Ils s’appuient sur la décision de la Cour dans l’affaire Mohmadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 884 (Mohmadi), pour déclarer que la SAR ne peut pas utiliser des conclusions défavorables en matière de fiabilité concernant un document pour conclure qu’un autre n’est pas authentique.

[29]  Les demandeurs font également valoir que les visas de sortie contenus dans leurs passeports devraient être considérés comme des documents autonomes et ils affirment que le fait que les visas de sortie ne soient pas valides ne compromet pas la fiabilité des passeports. Les demandeurs contestent le rejet par la SAR des visas de sortie, car Mme Digaf a été en mesure de quitter l’Érythrée et d’y entrer grâce aux visas, un processus qui comporterait l’examen des visas de sortie par les autorités érythréennes.

[30]  En ce qui concerne la carte d’identité de Mme Digaf, les demandeurs soutiennent que l’analyse de la SAR n’a pas tenu compte des éléments de preuve contraires du CND pour l’Érythrée et a appliqué une norme de qualité nord-américaine pour évaluer un document émanant de l’Érythrée. Ils soutiennent que la présence de deux encres sur la carte d’identité est le reflet de l’utilisation de deux langues, l’arabe et le Tigran, et font valoir que les renseignements auraient pu être complétés par deux personnes à deux moments différents.

[31]  Enfin, les demandeurs font valoir que la SAR a cerné des problèmes au recto du certificat de naissance de Mme Digaf en se concentrant sur des détails mineurs (p. ex., les fautes d’orthographe du mot « cimetière ») et qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’il n’y a pas de graphie normalisée des noms érythréens (Hadesh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 747, aux paragraphes 15 et 16).

[32]  Le défendeur soutient que les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait d’établir leur identité de citoyens érythréens parce que leurs principales pièces d’identité n’étaient pas fiables et que le témoignage de Mme Digaf manquait de crédibilité. Le défendeur soutient également que les arguments des demandeurs concernant les conclusions de la SAR s’assimilent à un désaccord quant au poids accordé à chacun de leurs documents d’identité.

[33]  Le défendeur affirme que la SAR a relevé un certain nombre de problèmes liés aux passeports des demandeurs qui les rendaient peu fiables. Les problèmes comprenaient la façon dont les passeports avaient été obtenus, les visas de sortie contenus dans les passeports, la capacité des demandeurs de partir de l’Érythrée avec les visas de sortie et les pièces d’identité qui auraient été utilisées pour obtenir les passeports. Le défendeur fait valoir que, lorsqu’un document non fiable sert à la délivrance d’un deuxième document, la fiabilité du deuxième document doit nécessairement poser problème.

[34]  Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas répondu à un certain nombre de questions soulevées par la SPR concernant la fiabilité des visas de sortie. La SAR a présenté sa propre analyse des éléments de preuve documentaire concernant l’Érythrée et a conclu de façon raisonnable que la capacité de Mme Digaf d’obtenir un visa de sortie et la forme des visas soulevait de graves préoccupations. Les observations des demandeurs selon lesquelles la SAR a remis en question les passeports uniquement en se fondant sur les documents utilisés pour les obtenir ne sont pas exactes.

Discussion

[35]  La SAR a entrepris un examen détaillé de chacun des documents d’identité des demandeurs. Le tribunal a relevé des préoccupations de fond au verso de chacun des documents, les a comparés aux rapports pertinents du CND et a évalué le témoignage de Mme Digaf sur le fait qu’elle se fiait à son passeport et à ses visas de sortie et qu’elle a voyagé avec ceux-ci. Les motifs de la SAR sont détaillés et intelligibles. Les demandeurs soulèvent des questions distinctes au sujet de certaines des conclusions de la SAR à l’égard de chaque document sans faire mention de l’analyse du document dans son ensemble par la SAR ou de son analyse de la relation entre les documents et la crédibilité du témoignage de Mme Digaf. Je conclus que la SAR n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son évaluation des éléments de preuve documentaires des demandeurs. Je conclus également que la conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs n’ont pas établi leur identité de citoyens érythréens faisait partie des issues acceptables en l’espèce et qu’elle était raisonnable.

[36]  Le caractère raisonnable des conclusions de la SAR concernant la fiabilité et la crédibilité des passeports érythréens des demandeurs et de la carte d’identité et du certificat de naissance de Mme Digaf est la question cruciale dont je suis saisie. Je souligne brièvement que la SAR a également examiné deux documents secondaires : le certificat de mariage de Mme Digaf et deux lettres qui auraient été écrites par M. Firemichael, signalant encore une fois des erreurs dans chaque document. Les demandeurs n’ont pas contesté les conclusions de la SAR concernant le certificat de mariage, mais ils soutiennent que le tribunal a conclu de façon déraisonnable que les lettres de M. Firemichael manquaient de véracité. La SAR a pris acte des arguments des demandeurs concernant l’absence de graphie normalisée en Érythrée, mais elle a conclu que la graphie différente de son propre nom et du nom de son fils que M. Firemichael a utilisée dans des lettres écrites dans un délai de 24 heures l’une de l’autre, ainsi que le fait qu’aucun document d’identité n’ait été déposé corroborant son identité, ont miné les lettres. J’estime que le fait que les demandeurs se soient fondés sur des questions linguistiques générales n’est pas suffisant pour établir que la SAR a commis une erreur dans ses conclusions particulières.

[37]  Les passeports des demandeurs étaient leurs principaux documents d’identité. La SAR a souligné que la SPR n’était pas préoccupée par l’authenticité des passeports, mais par la façon dont ils ont été obtenus et les renseignements qu’ils contenaient. La SAR a examiné les conclusions de la SPR et a conclu que les passeports n’étaient pas fiables ou dignes de foi pour établir l’identité des demandeurs. L’analyse comportait deux volets. Premièrement, la SAR a relevé des problèmes avec les visas de sortie dans les passeports et, deuxièmement, le tribunal a statué que le manque de fiabilité des documents utilisés par Mme Digaf pour obtenir les passeports minait leur fiabilité.

[38]  En ce qui concerne tout d’abord les visas de sortie, la SAR a indiqué que les demandeurs n’ont pas abordé dans leur appel les préoccupations de la SPR à l’égard des visas. Le passeport de Mme Digaf contenait trois visas de sortie en format autocollant avec des périodes de validité de 2017. Le troisième visa était un visa à sorties multiples. Le passeport d’Aloniab contenait deux visas de sortie en format autocollant, également pour les périodes de 2017. La SAR a souligné le témoignage de Mme Digaf selon lequel elle s’est rendue à deux reprises à Dubaï en se fondant sur les visas de sortie contenus dans son passeport.

[39]  La SAR a relevé les questions suivantes relativement au témoignage de Mme Digaf et aux éléments de preuve contenus dans le CND :

  1. Âge de Mme Digaf : Le CND a démontré qu’il était très difficile pour les Érythréens de quitter le pays légalement. En général, les Érythréens âgés de 18 à 50 ans étaient aptes au service national et, par conséquent, ne pouvaient pas obtenir de visas de sortie. Mme Digaf avait 30 ans en 2017 et n’avait pas terminé son service national.

  2. Format des visas de sortie : Le CND indiquait que les visas de sortie étaient délivrés sous forme de timbre dans les passeports érythréens. La SAR a cité le CND pour l’Érythrée (point 3.9) et une réponse de la CISR à une demande d’information (2017) indiquant que le gouvernement n’a plus délivré de visas de sortie sous forme autocollante à la suite d’une arnaque portant sur des autocollants en 2009.

  3. À entrée unique ou à entrées multiples : Les éléments de preuve du CND indiquent également que les visas à sorties multiples n’ont pas été délivrés.

  4. Profil des demandeurs : Le profil de Mme Digaf (qui vivait avec sa belle-famille qui avait été ciblée en raison de ses opinions politiques; la détention antérieure de Mme Digaf par le gouvernement érythréen lorsqu’elle a tenté de fuir illégalement le pays avec M. Firemichael; le fait que M. Firemichael avait fui le pays en juin 2014) signifiait qu’il était peu probable qu’elle obtienne un visa de sortie légal.

[40]  La SAR a comparé ces éléments de preuve avec le témoignage de Mme Digaf selon lequel elle a pu quitter l’Érythrée et y retourner sans problème. Le tribunal a conclu que les renseignements contenus dans son passeport n’étaient pas fiables, car ils ne correspondaient pas à la preuve objective concernant l’Érythrée. La SAR a également conclu que le témoignage de Mme Digaf n’établissait pas de façon crédible qu’elle s’était déplacée en dehors de l’Érythrée et qu’elle s’y était rendue de la façon qu’elle alléguait.

[41]  Les demandeurs soutiennent que les visas de sortie devraient être considérés comme des documents indépendants et qu’ils ne devraient pas faire partie des passeports. Je ne crois pas que cet argument soit convaincant. Les visas de sortie étaient présentés comme des renseignements contenus dans les passeports. Ils ont été raisonnablement évalués par la SAR dans ce contexte. Le fait que les visas de sortie n’étaient pas pour l’essentiel conformes aux renseignements fournis par le CND a miné la fiabilité des passeports et le témoignage de Mme Digaf selon lequel elle a voyagé à plusieurs reprises avec son passeport. Les demandeurs soutiennent également que le CND démontre qu’une personne doit avoir un passeport valide pour obtenir un visa de sortie, mais la SAR a conclu essentiellement que les visas de sortie n’avaient pas été délivrés par le gouvernement érythréen.

[42]  Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte des éléments de preuve figurant au dossier selon lesquels les autorités érythréennes avaient implicitement examiné les passeports et accepté les visas de sortie parce que Mme Digaf avait pu voyager à l’étranger en utilisant son passeport (Haramicheal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1197). Cet argument ne tient pas compte de la conclusion de la SAR selon laquelle Mme Digaf n’avait pas voyagé comme il est allégué parce que les visas de sortie n’étaient pas en bonne et due forme et n’auraient pas été acceptés par les autorités érythréennes. La SAR n’a pas fait fi des éléments de preuve pertinents au dossier concernant les contrôles frontaliers en Érythrée, car sa conclusion selon laquelle Mme Digaf n’a pas voyagé au moyen des visas de sortie signifiait que les contrôles frontaliers n’avaient pas été mis à l’essai.

[43]  Les conclusions de la SAR concernant les visas de sortie figurant dans les passeports des demandeurs ne sauraient être dissociées de sa conclusion selon laquelle les documents utilisés par Mme Digaf pour obtenir les passeports n’étaient pas en soi dignes de confiance. Les demandeurs prétendent que la SAR a commis une erreur en fondant ses conclusions défavorables sur la carte d’identité et le certificat de naissance de Mme Digaf pour remettre en question la fiabilité des passeports, mais je ne souscris pas à cette prétention. À mon avis, le fait que la carte d’identité et le certificat de naissance n’étaient pas des documents d’identité fiables constituait à juste titre le fondement du refus de la SAR d’accepter les passeports comme preuve de l’identité des demandeurs.

[44]  Dans Mohmadi, la Cour a cité l’extrait suivant de la décision du juge Russell dans Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 969, au paragraphe 49 :

[49]  Comme la juge Carolyn Layden‑Stevenson l’a fait remarquer au paragraphe 12 de la décision Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 84, la conclusion qu’un document est (ou que certains documents sont) faux ne signifie pas nécessairement que tous les documents le sont également, même lorsque de faux documents sont facilement accessibles. La SPR doit faire des efforts pour établir l’authenticité des documents qui semblent authentiques.

[45]  Je souscris à la prémisse générale selon laquelle la conclusion de la SPR ou de la SAR voulant que parce qu’un demandeur a présenté un document frauduleux, tous les documents du demandeur sont frauduleux. Une décision fondée uniquement sur une telle analyse serait presque inévitablement déraisonnable. L’analyse de la SAR en l’espèce est plus nuancée et étroite. Les passeports érythréens des demandeurs ont été présentés comme preuve d’identité. La SAR a reconnu que les passeports ont été délivrés par le gouvernement érythréen. Toutefois, la SAR a conclu que les documents d’identité (carte d’identité et certificat de naissance) utilisés par les demandeurs pour persuader les autorités érythréennes de délivrer les passeports n’étaient pas fiables. Cette constatation a une incidence directe et logique sur l’utilité des passeports dans l’établissement de l’identité. Les passeports sont minés par le même manque de fiabilité en tant que preuve d’identité que la carte d’identité et le certificat de naissance de Mme Digaf. Je conclus que la SAR n’a commis aucune erreur en reliant la fiabilité des documents justificatifs à la fiabilité des passeports.

[46]  Il s’ensuit que les conclusions de la SAR concernant la fiabilité de la carte d’identité et du certificat de naissance de Mme Digaf doivent être examinées attentivement. Les principales préoccupations de la SAR à l’égard des deux documents étaient les suivantes :

  1. Carte d’identité de Mme Digaf : L’utilisation de deux encres différentes sur la carte d’identité et la mention du fait que Mme Digaf était étudiante lorsqu’elle a été délivrée en 2005 alors qu’elle n’était pas étudiante depuis 2002. La SAR n’a pas accepté l’explication de Mme Digaf selon laquelle elle était jeune et qu’elle avait dû apporter son rapport d’études avec elle pour obtenir la carte d’identité. Le CND indiquait qu’un citoyen devait demander à l’administration locale une lettre de recommandation pour obtenir une carte d’identité. La SAR a écarté l’explication des demandeurs présentée dans leur mémoire à la SAR et selon laquelle deux personnes différentes auraient peut-être complété les renseignements figurant sur la carte d’identité à l’aide de deux encres différentes. La SAR a déclaré que les éléments de preuve étaient hypothétiques et constituaient une tentative de fournir de nouveaux éléments de preuve sur une question dont était saisie la SPR.

  2. Le certificat de naissance de Mme Digaf : L’utilisation d’un nom complet différent pour sa mère, les fautes d’orthographe dans le nom du service administratif qui a estampillé le document et une erreur dans le timbre lui-même. La SAR a déclaré que l’utilisation d’un nom différent pour la mère de Mme Digaf et les fautes d’orthographe du service administratif qui a apposé le timbre sur le certificat de naissance compromettaient son authenticité. De plus, l’erreur d’orthographe (dans le mot « cimetière ») dans le timbre officiel rendait le certificat de naissance peu fiable. La SAR a pris acte des observations des demandeurs selon lesquelles les erreurs d’orthographe découlaient du fait que l’anglais n’était pas une langue officielle en Érythrée, mais a conclu que les fautes d’orthographe dans le timbre et dans le nom du ministère officiel étaient déraisonnables.

[47]  Dans la présente demande, les demandeurs font de nouveau valoir que deux personnes peuvent avoir rempli la carte d’identité de Mme Digaf, ce qui expliquerait l’utilisation de deux encres différentes. Comme il a été mentionné précédemment, la SAR a écarté cet argument comme étant hypothétique et comme constituant une tentative de présenter de nouveaux éléments de preuve. Les demandeurs soutiennent également maintenant que Mme Digaf a inscrit le mot « étudiante » sur sa carte d’identité parce qu’elle évitait le service national et qu’elle devait être étudiante pour poursuivre son évitement. La SAR n’a pas fait mention de cet argument et il n’est pas clair qu’il a été présenté à la SAR.

[48]  Je conclus que les observations des demandeurs dans le cadre de leur contestation de l’évaluation faite par la SAR de la carte d’identité de Mme Digaf n’établissent pas qu’il y a une erreur susceptible de contrôle dans la décision de la SAR selon laquelle la carte n’était pas fiable comme pièce d’identité. La SAR n’a pas appliqué une norme de qualité nord-américaine rigoureuse à son évaluation de la carte d’identité, comme dans Mbang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 68. En réalité, la SAR n’a pas traité les questions liées à la qualité. Le tribunal a plutôt relevé un problème évident et inexpliqué au verso même de la carte et une incohérence importante entre les renseignements figurant sur la carte et le témoignage de Mme Digaf.

[49]  Les demandeurs soutiennent que les erreurs sur le certificat de naissance de Mme Digaf découlent du fait qu’il n’y a pas de graphie normalisée dans la langue érythréenne. Ils soutiennent également que l’accent mis par la SAR sur l’orthographe du mot « cimetière » indique un examen trop microscopique du document. À mon avis, les erreurs relevées par la SAR étaient importantes et étayaient de façon raisonnable la conclusion du tribunal selon laquelle le certificat de naissance de Mme Digaf n’était pas fiable. Les préoccupations de la SAR concernant le nom de la mère de Mme Digaf ne concernaient pas la graphie, mais l’utilisation d’un nom différent. En outre, la SAR a souligné qu’elle ne se concentrait pas sur le simple fait qu’un mot était mal orthographié dans le corps du document. Les erreurs mises en évidence par le tribunal se trouvaient dans le nom officiel du service administratif et dans le timbre officiel apposé sur le certificat de naissance.

[50]  La carte d’identité et le certificat de naissance de Mme Digaf étaient les documents utilisés pour obtenir son passeport érythréen. Ces trois documents étaient les principaux documents présentés par les demandeurs pour s’acquitter de leur obligation d’établir leur identité (paragraphe 100(4) et article 106 de la LIPR; article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256; voir aussi Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 743 aux paragraphes 3 et 4). Comme je l’ai mentionné précédemment, je conclus que la SAR n’a commis aucune erreur dans son analyse de chaque document et de la preuve documentaire du CND ni dans la foi qu’elle a accordée à ses conclusions défavorables en matière de fiabilité concernant la carte d’identité et le certificat de naissance pour remettre en question la fiabilité et l’authenticité des passeports des demandeurs en tant que preuve d’identité.

VII.  Conclusion

[51]  La demande est rejetée.

[52]  Aucune question à certifier n’a été proposée par les parties et aucune n’a été soulevée en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑950‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour d’octobre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑950‑19

 

INTITULÉ :

FEVEN ESKINDER DIGAF

ALONIAB ROBEL BERHANE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 septembre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 3 OCTOBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Daniel Tilahun Kebede

 

POUR LES DEMANDEURS

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Daniel Kebede

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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