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Date : 20190930


Dossier : IMM‑706‑19

Référence : 2019 CF 1242

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

MANAO HE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La présente demande visant à faire annuler la décision rendue le 24 décembre 2018 par la Section d’appel des réfugiés [la SAR] est rejetée pour les motifs qui suivent.

[2]  La demanderesse affirme qu’elle a donné naissance à une fille en Chine et que, lorsqu’elle est tombée enceinte une deuxième fois, elle a été forcée de se faire avorter. Après l’avortement, le Bureau de la planification familiale de la Chine a exigé d’elle qu’elle subisse une stérilisation, mais elle s’est enfuie au Canada avant que l’intervention ait lieu. Elle soutient qu’elle risque de subir une stérilisation et d’être persécutée si elle retourne en Chine, parce qu’elle n’a pas respecté l’avis de stérilisation.

[3]  La SAR a conclu que les allégations de la demanderesse étaient frauduleuses et qu’elle ne risquait pas d’être persécutée en Chine. Plus particulièrement, la SAR a conclu qu’elle n’avait jamais donné naissance à une fille dans ce pays, qu’elle n’avait jamais subi d’avortement et qu’elle n’avait pas enfreint les politiques de planification familiale du gouvernement de la Chine. En raison de ces conclusions, la SAR a conclu que la demanderesse n’était pas crédible.

[4]  La demanderesse s’est appuyée sur un certain nombre de documents pour établir qu’elle avait donné naissance à une fille en Chine. Ces documents comprenaient : (1) le certificat de naissance de l’enfant; (2) un hukou mentionnant cette enfant; (3) un certificat des Services de planification familiale; (4) un jugement civil de divorce d’avec le père de l’enfant rendu par le Tribunal populaire du district de Baiyun, à Guangzhou; (5) un avis d’expulsion émis par l’école de l’enfant.

[5]  La SAR a conclu que le certificat de naissance était frauduleux, parce que son numéro de série n’était pas conforme à la description faite dans la demande à la demande d’information CHN106035.EF [la DDI], qui est intitulée « Chine : information sur les éléments de sécurité des certificats de naissance, y compris la signification du code alphanumérique (2000‑décembre 2017) ». Cette DDI commence ainsi :

Le texte suivant est un extrait traduit du document [traduction] « Avis concernant la normalisation de la délivrance des certificats médicaux de naissance », publié le 4 mai 2019 par le ministère de la Santé de la province de Fujian, le ministère de la Sécurité publique de la province de Fujian et le ministère de la Justice de la province de Fujian :

[TRADUCTION]

Annexe 6

ÉLÉMENTS ESSENTIELS POUR DISTINGUER LES CERTIFICATS MÉDICAUX DE NAISSANCE

[…]

[6]  La demanderesse fait valoir que la SAR n’aurait pas dû s’appuyer sur un élément de preuve qui portait sur le format des certificats de naissance délivrés dans la province du Fujian, parce que sa fille est née dans la province du Guangdong. De plus, elle affirme que la SAR n’a pas expliqué pourquoi elle s’est appuyée sur cet élément de preuve.

[7]  Je conviens avec le défendeur qu’il ressort de la DDI que les numéros des certificats de naissance sont normalisés dans l’ensemble de la Chine. En effet, la DDI précise ce qui suit : « Le certificat médical de naissance utilise un numéro normalisé propre à une unité régionale. Les unités régionales sont les provinces, les régions autonomes et les villes relevant directement du gouvernement central. Pour la province de Fujian, le numéro de certificat commence par le numéro régional “35” ».

[8]  Rien dans la DDI ne donne à penser que ce document s’applique seulement aux certificats de naissance de la province du Fujian. Dans la décision Han c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 449 [Han], le juge Fothergill a conclu qu’il était raisonnable que la SAR s’appuie sur la DDI dans une situation semblable à celle de la demanderesse en l’espèce. En effet, dans la décision Han, au paragraphe 28, le juge Fothergill mentionne :

Les demandeurs n’ont pas contesté l’applicabilité de la RDI durant les procédures devant la SAR. Devant la Cour, ils affirment qu’il était déraisonnable que la SAR s’appuie sur la RDI, car celle‑ci décrit les certificats de naissance qui sont délivrés dans la province du Fujian. Leurs filles seraient nées au Shandong.

[9]  En l’espèce, la SAR avait informé la demanderesse qu’elle tiendrait compte de la DDI. Avant de rendre sa décision, la SAR avait demandé à la demanderesse si elle souhaitait présenter des observations concernant la DDI, mais la demanderesse n’avait formulé aucune observation.

[10]  Comme dans la décision Han, la SAR s’est appuyée sur la DDI, malgré le fait que l’enfant n’est pas née dans la province du Fujian. Comme dans la décision Han, je conclus qu’il était raisonnable que la SAR s’appuie sur ce document, plus particulièrement compte tenu de l’absence d’observations de la part de la demanderesse.

[11]  La SAR a fait remarquer que le nom de la fille de la demanderesse figure sur le hukou qui lui a été transmis. Cependant, la SAR a conclu, « selon la prépondérance des probabilités, que le nom de la prétendue fille figurant sur le hukou ne l’emporte pas sur les conclusions concernant le certificat de naissance frauduleux délivré par le gouvernement ». La SAR a accordé peu de poids à ce hukou, puisqu’il ne comporte pas de caractéristiques de sécurité et que le cartable de documentation indique que les documents frauduleux sont répandus en Chine.

[12]  Citant la décision Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1133 [Chen], au paragraphe 11, que j’ai moi‑même rendue, la demanderesse soutient qu’il était déraisonnable que la SAR rejette ce document pour la simple raison qu’il était facile de se procurer des documents frauduleux en Chine, et qu’il était également déraisonnable qu’elle rejette ce document du fait qu’il ne contenait pas de caractéristiques de sécurité, sans préciser en quoi consistent ces caractéristiques.

[13]  À mon avis, les circonstances en l’espèce sont très différentes de celles de l’affaire Chen. En l’espèce, à la différence de l’affaire Chen, la SAR avait conclu que le principal document sur lequel s’appuyait la demanderesse – le certificat de naissance – était frauduleux. Il n’était pas déraisonnable que la SAR conclue que, dans de telles circonstances et compte tenu de l’abondance des documents frauduleux, le hukou l’emporterait sur la conclusion qui avait déjà été tirée seulement s’il comportait des caractéristiques de sécurité, ce qui n’était pas le cas.

[14]  La SAR a également conclu que le certificat des Services de planification familiale qu’avait présenté la demanderesse était frauduleux, parce qu’il ne portait pas le sceau particulier de l’organisation émettrice qui, selon le cartable de documentation, doit figurer sur de tels documents. Le cartable de documentation précise en outre que le certificat n’est pas valide s’il ne porte pas ce sceau. L’appréciation qu’a faite la SAR de ce certificat est raisonnable et concorde avec les renseignements dont elle disposait.

[15]  La SAR a rejeté le jugement civil, puisqu’il ne contenait ni les coordonnées du tribunal ni celles de l’avocat de la demanderesse. De plus, bien que la possibilité d’interjeter appel soit mentionnée dans ce document, aucune information n’était fournie sur la juridiction devant laquelle l’appel pourrait être interjeté. La SAR a souligné que ce manque d’information était une « circonstance inhabituelle », étant donné la nature du document. La SAR n’a pas d’expertise en matière de documents délivrés par les tribunaux chinois, mais je puis difficilement conclure que son appréciation était déraisonnable, d’autant plus qu’elle avait conclu que les autres documents présentés par la demanderesse étaient frauduleux. Dans ce contexte, et compte tenu du fait que la SAR avait soulevé des préoccupations relativement à ce jugement civil, la conclusion de la SAR selon laquelle « ce document est frauduleux et a été produit pour étayer les allégations de l’appelante selon lesquelles elle a eu un enfant » est raisonnable.

[16]  Enfin, la SAR a rejeté l’avis d’expulsion, puisqu’il ne contenait pas les coordonnées de l’école en question et que, selon la SAR, il est raisonnable de s’attendre « pour un avis officiel de cette nature » que les coordonnées de l’école s’y trouvent. Comme je l’ai déjà dit, je puis difficilement conclure que l’appréciation de la SAR était déraisonnable, d’autant plus qu’elle avait conclu que les autres documents présentés par la demanderesse étaient frauduleux.

[17]  Par conséquent, je conclus que la décision de la SAR était raisonnable et qu’elle concordait avec la preuve dont disposait la SAR. La présente demande doit être rejetée.

[18]  Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑706‑19

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour d’octobre 2019

Christian Laroche, juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑706‑19

 

INTITULÉ :

MANAO HE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 12 septembre 2019

 

jugement et motifs :

le juge ZINN

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 30 septembre 2019

COMPARUTIONS :

Stephanie K. Fung

pour la demanderesse

Margherita Braccio

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

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