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Date: 20190904


Dossier : T-210-12

Référence : 2019 CF 1132

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2019

En présence de madame la protonotaire Mandy Aylen

ENTRE :

JENNIFER MCCREA

représentante demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU CANADA

défenderesse

et

HEATHER DERBECKER

demanderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Heather Derbecker, a déposé la présente demande de contrôle de la décision, en vertu de l’article 8 de l’entente de règlement conclue dans le cadre du présent recours collectif et approuvée par madame la juge Kane, dans son ordonnance et ses motifs datés du 29 janvier 2019. Mme Derbecker sollicite le contrôle de la décision du 22 mai 2019, par laquelle l’administrateur du recours collectif portant sur les prestations de maladie de l’assurance‑emploi a refusé sa demande de prestations de maladie.

[2]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que Mme Derbecker ne satisfait pas à la définition du groupe et que, par conséquent, la décision de l’administrateur doit être confirmée.

I.  Le contexte

[3]  Le contexte du recours collectif sous-jacent est décrit en détail dans les décisions McCrea c Canada (Procureur général), 2013 CF 1278, [2013] ACF no 1444 [McCrea 2013], et McCrea c Canada (Procureur général), 2015 CF 592, [2015] ACF no 1225 (QL) [McCrea 2015], ainsi que dans l’ordonnance et les motifs de madame la juge Kane datés du 29 janvier 2019.

[4]  En somme, il s’agit d’un recours collectif fondé sur une prétention formulée par la représentante demanderesse, à savoir que certaines personnes, dont elle‑même, tombées malades alors qu’elles touchaient des prestations parentales, se sont vu refuser illégalement des prestations de maladie sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi. Le recours collectif a été autorisé, mais après modification de la description du groupe. La Cour a en effet refusé d’élargir cette description afin d’y inclure les personnes qui, au cours de la période en cause, ont « été informées de vive voix ou par écrit par les défendeurs, la Commission ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail au moment où leur demande de congé de maladie aurait été présentée si, après avoir reçu cet avis et ces déclarations, elles ne s’étaient pas abstenues de présenter une telle demande ».

[5]  Pour les besoins de la présente demande, il est essentiel d’examiner certains détails de l’entente de règlement, de sa mise en œuvre et du processus relatif aux demandes de contrôle.

[6]  Le paragraphe 4.02 de l’entente de règlement définit le groupe ainsi :

Toutes les personnes qui, au cours de la période s’étendant du 3 mars 2002 au 23 mars 2013, inclusivement :

i)  ont présenté une demande de prestation et reçu des prestations parentales au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec;

ii)  sont tombées malades, ont été blessées ou mises en quarantaine alors qu’elles touchaient les prestations parentales en question;

iii)  ont présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine mentionnée au point ii) ci‑dessus;

iv)  ont vu leur demande de conversion de prestations parentales en prestations de maladie refusée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a)  elles étaient autrement indisponibles au travail; ou

(b)  elles n’avaient pas reçu au moins une semaine de prestations de maladie au cours de la période de prestations parentales.

[7]  Suivant le paragraphe 5.01 de l’entente de règlement, toute personne en mesure d’établir qu’elle répond à la définition du groupe et ayant touché moins de 15 semaines de prestations de maladie au cours de la période de prestations durant laquelle la demande originale de conversion en prestations de maladie a été présentée est admissible à un « paiement individuel » (au sens de l’entente de règlement).

[8]  L’entente de règlement prévoit que les personnes qui ont été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers sont réputées être des membres admissibles du groupe. Pour ce qui est des personnes n’ayant pas été identifiées à l’issue de ce projet, il est nécessaire d’établir qu’elles satisfont à la définition du groupe. Le paragraphe 5.03 de l’entente de règlement est ainsi libellé :

Le cas échéant, les demandeurs qui n’ont pas été identifiés comme membres du groupe à l’issue du projet d’examen des dossiers seront admissibles s’il est établit [sic] qu’ils satisfont à la définition de groupe sur la base de preuve d’une demande de conversion en prestations de maladie dans le dossier de EDSC dans : a) les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations; b) la liste de vérification des demandes de conversion utilisée pendant la période visée par le recours collectif; ou c) un autre dossier tenu par EDSC. Subsidiairement, EDSC prendra en compte un élément de preuve documentaire fournie [sic] par un demandeur qui atteste la présentation d’une demande de conversion.

[9]  L’article 7 de l’entente de règlement expose le processus d’administration des demandes à l’intention des personnes souhaitant présenter une demande de prestation au titre de l’entente de règlement. L’administrateur est chargé du traitement de toutes les demandes et il remet ses décisions aux demandeurs par écrit.

[10]  Suivant l’article 8 de l’entente de règlement, un demandeur peut demander à la Cour fédérale le contrôle de la décision de l’administrateur, si celui-ci détermine que la demande n’est pas fondée et refuse au demandeur un paiement individuel.

[11]  Le paragraphe 8.05 de l’entente de règlement prévoit que le protonotaire de la Cour fédérale qui a été désigné détermine si le demandeur est ou non un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement), à la suite de quoi soit il maintient la décision de l’administrateur, soit il infirme cette décision et renvoie la demande à l’administrateur afin que celui‑ci procède au calcul et au traitement du paiement individuel auquel le demandeur a droit.

II.  La décision de l’administrateur

[12]  Le 21 février 2019, la demanderesse a présenté à l’administrateur une demande de prestations de maladie pour la période de 63 semaines s’échelonnant de décembre 2011 à mars 2013.

[13]  Dans une lettre datée du 22 mai 2019, l’administrateur a informé la demanderesse qu’il rejetait sa demande. Il y déclare :

[traduction]

Au terme d’un examen minutieux de votre dossier, nous avons déterminé que vous n’étiez pas admissible à un paiement individuel, conformément au texte de l’entente de règlement qui a été approuvé, relativement à la période de prestations d’assurance‑emploi commencée le 6 novembre 2011, parce que l’examen de votre dossier d’assurance‑emploi n’a pas révélé de preuve que vous aviez présenté une demande de prestations de maladie alors que vous touchiez des prestations parentales, tel que l’exige le paragraphe 5.03 de l’entente de règlement.

III.  Analyse

[14]  Dans le formulaire de demande de contrôle de la décision qu’elle a rempli, la demanderesse sollicite le contrôle de la décision de l’administrateur pour les motifs suivants :

[traduction]

J’ai subi ma première opération contre un cancer alors que mon fils avait cinq semaines. Comme cette opération a révélé que le cancer avait atteint mes ganglions lymphatiques, j’ai dû subir une deuxième opération quand mon fils avait neuf semaines. Le jour de ses quatre mois, j’ai commencé une chimiothérapie d’une durée prévue de 52 semaines. J’ai passé la totalité de mon congé de maternité à combattre un cancer de stade 3.

À deux reprises, on m’a avisée de NE PAS demander de prestations de maladie au titre du régime de l’assurance-emploi. La première fois, le service des ressources humaines de mon employeur, St. Joseph’s Healthcare London, m’a dit de ne pas présenter de demande et que je devais seulement demander des prestations de maternité/parentales auprès du régime d’assurance‑emploi. La deuxième fois, j’ai communiqué par téléphone avec le service de l’assurance‑emploi, qui m’a expliqué que si je faisais une demande de prestations de maladie, mes prestations de maternité prendraient fin, parce que je ne pouvais pas toucher en même temps deux prestations, et on m’a dit de ne pas faire de demande.

[15]  J’ai pris connaissance des observations écrites supplémentaires que la demanderesse a déposées, de la documentation produite par EDSC conformément au paragraphe 8.04 de l’entente de règlement ainsi que des observations écrites déposées également par EDSC.

[16]   Comme il a été précisé précédemment, pour satisfaire à la définition du groupe, la demanderesse doit avoir « présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine » au cours de la période s’étendant du 3 mars 2002 au 23 mars 2013. Or, je ne dispose d’aucun document me permettant de conclure qu’une telle demande a été faite.

[17]  Au contraire, dans sa demande et ses observations écrites, la demanderesse confirme explicitement ne pas avoir fait de demande de prestations de maladie, en raison de l’avis qu’elle a reçu de son employeur et d’un fonctionnaire de l’assurance‑emploi. Comme il a été souligné précédemment, ne font pas partie du groupe décrit par la Cour les personnes qui ont été informées par la défenderesse, la Commission ou RHDCC qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail au moment où leur demande de congé de maladie aurait été présentée si, après avoir reçu cet avis et ces déclarations, elles s’étaient abstenues de présenter une telle demande. J’en conclus donc que la demanderesse n’est pas visée par la définition du groupe.

[18]  Ayant déterminé que la demanderesse n’est pas visée par la définition du groupe, je conclus qu’elle n’est pas une membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement). L’administrateur a correctement appliqué les paragraphes 4.02 et 5.03 de l’entente de règlement, et, par conséquent, sa décision est maintenue.

[19]  Aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre de la présente demande.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-210-12

  1. La décision de l’administrateur rendue le 22 mai 2019 concernant la demande d’Heather Derbecker est maintenue.

« Mandy Aylen »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour d’octobre 2019

Christian Laroche, juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :

T-210-12

 

INTITULÉ :

JENNIFER MCCREA C. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et HEATHER DERBECKER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE mandy aylen

 

DATE DU JUGEMENT

ET DE MOTIFS :

LE 4 SEPTEMBRE 2019

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven J Moreau

Cavalluzzo LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA REPRÉSENTANTE

DEMANDERESSE

 

Christine Mohr

Ayesha Laldin

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

Heather Derbecker

pour son propre compte

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

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