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Date : 20010829

Dossier : T-1501-00

                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 963

ENTRE :

                                          CONAGRA, INC.

                                                                                          demanderesse

                                                         et

                                McCAIN FOODS LIMITED

                                                                                           défenderesse

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'un appel interjeté par ConAgra, Inc. (la demanderesse) contre une décision rendue le 14 juin 2000 par le registraire des marques de commerce par l'entremise de la Commission des oppositions (le registraire); cette décision rejetait en partie une déclaration d'opposition de la demanderesse à l'encontre de la demande no 760649 produite par McCain Foods Limited (la défenderesse) en vue de l'enregistrement de la marque de commerce HEALTHY DECISION.


LES FAITS

[2]                 Le 2 août 1994, la défenderesse a produit une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce Healthy Decision en se fondant sur l'emploi projeté de cette marque au Canada. Le 11 mars 1996 ou vers cette date, la demanderesse a produit une déclaration d'opposition à l'enregistrement de la marque, à la suite de l'annonce de la marque de commerce de McCain dans le Journal des marques de commerce.

[3]                 En 1998, la défenderesse a modifié son état de marchandises en liaison avec lesquelles la marque de commerce projetée devait être employée; les marchandises en cause sont ci-après énumérées :

-          produits à base de pommes de terre surgelés;

-          spécialités à base de pommes de terre;

-          fromage et fondue au fromage;

-          lasagnes et plats de pâtes alimentaires;

-          poissons et fruits de mer;

-          repas préparés surgelés réchauffables au four à micro-ondes;

-          jus de fruit et boissons aux fruits surgelés;

-          boissons;

-          tablettes aux fruits;

-          baies et fruits surgelés;

-          pizzas surgelées;

-          plats de résistance frais;

-          plats de résistance préparés surgelés;

-          pâtés;

-          produits de charcuterie.

[4]                 Les motifs d'opposition invoqués par la demanderesse étaient fondés sur le paragraphe 16(3) et sur l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), ainsi que sur le caractère non distinctif.


DÉCISION DU REGISTRAIRE

[5]                 Devant le registraire, la demanderesse s'est fondée sur le paragraphe 16(3) de la Loi; elle a soutenu que la défenderesse n'avait pas le droit de faire enregistrer la marque de commerce Healthy Decision parce que, à la date de production de la demande, Healthy Decision créait de la confusion avec les marques de commerce Make the Healthy Choice, Healthy Choice et Healthy Choice et dessin de la demanderesse, [TRADUCTION] « à l'égard desquelles des demandes d'enregistrement avaient antérieurement été produites par la demanderesse au Canada » .

[6]                 Le registraire a conclu qu'il n'y avait pas de preuve d'emploi de la marque de la demanderesse, Make the Healthy Choice, avant la date de production de la demande de la défenderesse, soit le 2 août 1994; il a donc rejeté le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)a) dans la mesure où ce motif se rapportait à cette marque de commerce.

[7]                 Selon le registraire, la preuve montrait clairement qu'à la date de l'annonce de la demande de la défenderesse, soit le 7 février 1996, la demanderesse n'avait pas renoncé à l'emploi de sa marque de commerce Healthy Choice à l'égard de sauces pour pâtes alimentaires.


[8]                 Toutefois, le registraire a fait remarquer que la preuve concernant les plats cuisinés et plats de résistance surgelés était moins claire. Il n'était pas clair que des ventes aient eu lieu au 7 février 1996, mais le registraire a néanmoins conclu qu'au 7 février 1996, la demanderesse n'avait pas abandonné ses marques à l'égard de plats cuisinés et plats de résistance surgelés.

[9]                 Quant aux motifs fondés sur l'alinéa 16(3)b), le registraire a fait remarquer que la demande no 663368 relative à la marque Make the Healthy Choice n'était pas pendante au 2 août 1994, puisqu'un certificat d'enregistrement avait été délivré le 1er octobre 1993. Le registraire a donc rejeté le motif fondé sur l'alinéa 16(3)b) dans la mesure où ce motif se rapportait à la demande relative à la marque Make the Healthy Choice.

[10]            La demande no 628993 relative à la marque Healthy Choice et au dessin y afférent et la demande no 679139 relative à la marque Healthy Choice étaient pendantes au 2 août 1994 et au 7 février 1996, mais elles ont été abandonnées en 1999.

[11]            La demande no 679140 relative à la marque Healthy Choice et au dessin y afférent est encore pendante, mais à l'heure actuelle, elle s'applique uniquement à des crèmes-desserts et à des sauces à spaghetti et on a renoncé au droit à l'emploi exclusif des mots « Healthy » et « Choice » indépendamment de la marque de commerce.


[12]            Le registraire a ensuite appliqué le critère relatif à la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Il a examiné la question de la possibilité de confusion entre les marques de commerce Healthy Choice et Healthy Decision, conformément à l'alinéa 16(3)a) de la Loi, la date pertinente à cet égard étant le 2 août 1994. Le registraire estimait qu'il s'agissait du motif le plus fort parmi les motifs d'opposition fondés sur le paragraphe 16(3) que la demanderesse avait invoqués; il a conclu que si ce motif était rejeté, les autres motifs fondés sur le paragraphe 16(3) le seraient également.

[13]            Le registraire a fait remarquer que ni la marque Healthy Choice ni la marque Healthy Decision n'ont un caractère distinctif inhérent appréciable étant donné que ces marques donnent toutes deux à entendre que l'acheteur ou le consommateur a pris une décision ou a fait un choix qui est bon pour sa santé.

[14]            Le registraire a conclu qu'étant donné que la demande de la défenderesse était fondée sur l'emploi projeté, l'examen de la période pendant laquelle chaque marque avait été employée à la date de production de la demande favorisait la demanderesse. De même, en ce qui concerne la mesure dans laquelle chacune des marques était devenue connue, l'examen favorisait nécessairement la demanderesse.


[15]            Le registraire a en outre fait remarquer qu'au 2 août 1994, la demanderesse avait employé la marque Healthy Choice pour les plats cuisinés surgelés, les plats de résistance surgelés et les sauces pour pâtes alimentaires. Or, certains plats cuisinés et plats de résistance surgelés Healthy Choice de la demanderesse étaient composés de lasagnes et de pâtes alimentaires. Étant donné que l'état de marchandises de la défenderesse comprenait des plats de résistance frais, des plats de résistance préparés surgelés, des lasagnes et des plats de pâtes alimentaires ainsi que des repas préparés surgelés réchauffables au four à micro-ondes, le registraire était d'avis que les marchandises de la défenderesse et les marchandises de la demanderesse se chevauchaient clairement.

[16]            Le registraire a également fait remarquer que les circuits de distribution des deux parties se chevauchaient puisque les deux parties vendaient leurs marchandises par l'entremise de magasins d'alimentation de détail.

[17]            Le registraire a conclu que les marques se ressemblaient dans la présentation et le son puisqu'elles étaient toutes les deux composées de deux mots, dont le premier était le mot « healthy » . Quant à l'idée que les marques suggéraient, le registraire a conclu que les marques Healthy Choice et Healthy Decision se ressemblaient énormément, puisque les sens des mots « choice » et « decision » se chevauchent.


[18]            En ce qui concerne les circonstances de l'espèce, le registraire a examiné l'état du registre des marques de commerce. Il a expliqué que même s'il n'est pas probable que de la confusion soit créée parmi les consommateurs du simple fait que deux marques commencent par le mot « Healthy » , il n'était pas convaincu que la preuve de la défenderesse relative à l'état du registre montrait qu'il y avait dilution à l'égard de l'idée exprimée par les marques en question aux dates pertinentes.

[19]            Le registraire n'était pas convaincu qu'il n'y avait pas de possibilité raisonnable de confusion entre les plats cuisinés surgelés, les plats de résistance surgelés et les sauces pour pâtes alimentaires Healthy Choice d'une part et les plats de résistance frais, les plats de résistance préparés surgelés, les lasagnes et les plats de pâtes alimentaires ainsi que les repas préparés surgelés réchauffables au four à micro-ondes Healthy Decision d'autre part. Le registraire a expliqué que la chose était principalement attribuable à la ressemblance existant entre les marques au point de vue des idées qu'elles suggéraient, ainsi qu'au chevauchement des marchandises et des circuits de distribution et à l'emploi répandu de la marque « Healthy Choice » avant le 2 août 1994.

[20]            En ce qui concerne les motifs d'opposition fondés sur l'alinéa 16(3)b), le registraire a tenu compte de l'état de la demande de la demanderesse en tant que circonstance additionnelle en appréciant la possibilité de confusion entre les marques de commerce en question.


[21]            Le registraire a conclu que la question de la confusion existant entre la marque de la défenderesse et les marques visées par les demandes nos 628993 et 679139 ne se posait plus. En outre, étant donné que les sauces à spaghetti et les crèmes-desserts étaient les seules marchandises encore visées par la demande no 679140, le registraire a conclu que les lasagnes et les plats de pâtes alimentaires étaient les seules marchandises de la défenderesse à l'égard desquelles il n'était pas convaincu qu'il n'y ait pas de possibilité raisonnable de confusion au sens de l'alinéa 16(3)b).

[22]            Parmi les motifs d'opposition invoqués devant le registraire, il était soutenu que la demande de la défenderesse n'était pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi [TRADUCTION] « puisque la défenderesse ne pouvait pas être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque de commerce Healthy Decision au Canada en liaison avec les marchandises décrites dans la demande étant donné qu'à la date de la production de la demande au Canada, la défenderesse était au courant de l'emploi par la demanderesse des marques de commerce Make the Heathy Choice, Healthy Choice, Healthy Choice et dessin y afférent. En outre, la défenderesse n'avait pas et n'a pas maintenant l'intention d'employer la marque de commerce Healthy Decision en liaison avec les marchandises énumérées dans la demande no 760649 » .

[23]            Le registraire a conclu que rien ne montrait que la défenderesse n'ait pas eu l'intention d'employer la marque demandée et que la défenderesse aurait pu être convaincue qu'elle avait le droit d'employer sa marque si elle ne croyait pas que sa marque était susceptible de créer de la confusion avec les marques de la demanderesse. Le registraire n'a pas examiné ce motif plus à fond.


[24]            Selon le dernier motif d'opposition, [TRADUCTION] « la marque de commerce de la défenderesse n'était pas distinctive puisqu'elle ne créait pas réellement de distinction et qu'elle n'était pas propre à créer une distinction avec les marchandises ou les services d'autres personnes, y compris les marchandises et les services de la demanderesse » .

[25]            Le registraire a reconnu que la défenderesse avait satisfait à la charge qui lui incombait de prouver les allégations de fait à l'appui du motif fondé sur le caractère non distinctif, du moins en ce qui concerne la sauce pour pâtes alimentaires Healthy Choice.

[26]            Le registraire a rendu une décision partagée en refusant la demande de la défenderesse conformément au paragraphe 38(8) de la Loi à l'égard des plats de résistance frais, des plats de résistance préparés surgelés, des lasagnes et des plats de pâtes alimentaires ainsi que des repas préparés surgelés réchauffables au four à micro-ondes; il a rejeté l'opposition de la demanderesse à l'égard des autres marchandises.

LA PREUVE

La preuve de la demanderesse

Preuve soumise au registraire

Affidavit de Taketo Murata (dossier de la défenderesse, vol. 1, onglet 4)


[27]            La demanderesse a déposé l'affidavit de Taketo Murata, président du distributeur canadien des produits Healthy Choice de la demanderesse.

[28]            Dans son affidavit, M. Murata a déclaré ce qui suit :

-          La demanderesse a d'abord employé sa marque de commerce Healthy Choice au Canada le 24 juin 1991. À ce moment-là, les plats cuisinés et plats de résistance surgelés Healthy Choice de la demanderesse ont été introduits, distribués et commercialisés en Ontario. Ces produits ont par la suite été distribués dans toutes les autres provinces canadiennes sauf au Québec et à Terre-Neuve;

-          Au mois de juillet 1992, la demanderesse a lancé sa ligne de sauces pour pâtes alimentaires Healthy Choice en vue de les vendre au détail en Ontario. Peu de temps après, ce produit a été introduit dans toutes les autres provinces canadiennes sauf au Québec et à Terre-Neuve;

-          Au mois de mai 1995, la valeur approximative des ventes brutes canadiennes des plats cuisinés, des plats de résistance et des sauces pour pâtes alimentaires Healthy Choice de la demanderesse s'élevait à 36 000 000 $ CAN;

-          La marque de commerce Healthy Choice était apposée sur l'emballage et sur l'étiquetage des plats cuisinés, des plats de résistance et des sauces pour pâtes alimentaires Healthy Choice vendus au Canada;

-          En 1991 et en 1992, lorsque la ligne de produits alimentaires Healthy Choice a été lancée au Canada, la marque de commerce a fait l'objet de messages publicitaires à la télévision et dans les magasins d'alimentation et des coupons ont été distribués aux consommateurs;

-          Par suite de la distribution des produits alimentaires Healthy Choice de la demanderesse à l'échelle mondiale, de l'étendue des ventes de ces produits au Canada et dans le reste du monde et de l'importance du budget de publicité de la demanderesse, la marque de commerce Healthy Choice de la demanderesse est devenue bien connue au Canada.


[29]            M. Murata a également été contre-interrogé au sujet de son affidavit : (dossier de la défenderesse, vol. 1, onglet 5).

Preuve additionnelle soumise à la Cour

Affidavit de Ronald Koopman (dossier de la demanderesse, onglet C)

[30]            Voici ce que déclare dans son affidavit M. Koopman, copropriétaire et directeur général de Great Northern Sales Merchandising Inc. (qui représente des fabricants de produits alimentaires au Canada et a principalement pour fonction d'assurer que leurs produits alimentaires et produits d'épicerie se trouvent dans les magasins d'alimentation canadiens, qu'ils soient de fait placés sur les étagères de magasins et qu'ils soient placés bien en vue par rapport aux produits alimentaires et aux produits d'épicerie des concurrents de ses clients) :

-          En général, les produits alimentaires surgelés de la défenderesse à l'égard desquels le Bureau des marques de commerce a autorisé l'enregistrement de la marque de commerce Healthy Decision seraient vendus tout près et, dans bien des cas, juste à côté, des plats cuisinés surgelés et des plats de résistance surgelés;

-          Au Canada, les entreprises de vente de produits alimentaires peuvent être divisées en deux catégories : les petits magasins et les magasins moyens, dont la superficie est d'au plus 25 000 pieds carrés d'une part, et les magasins plus gros, dont la superficie est supérieure à 25 000 pieds carrés d'autre part. Au Canada, la plupart des magasins d'alimentation sont des magasins à petite superficie ou à superficie moyenne;


-          Dans les magasins d'alimentation à petite superficie ou à superficie moyenne, la section des aliments surgelés est en général composée d'une seule allée. Dans cette allée, le magasin d'alimentation offre aux consommateurs un assortiment de produits alimentaires surgelés aussi grand que possible. Étant donné l'espace restreint, ces produits alimentaires surgelés sont donc habituellement entassés ensemble. Cela étant, les produits alimentaires surgelés, par exemple les frites surgelées, sont souvent placés à côté, ou près, des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés. Quoi qu'il en soit, à sa connaissance, en pareil cas, les produits à base de pommes de terre surgelés ne seraient habituellement pas placés à plus de trente pieds des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés. De même, les jus de fruit et les boissons aux fruits surgelés, les tablettes aux fruits, les baies et fruits surgelés et les pizzas surgelées ne seraient habituellement pas placés à plus de trente pieds des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés;

-          Dans les plus gros magasins, la section des aliments surgelés peut être composée de deux allées. Les produits laitiers seraient placés contre le mur extérieur d'une allée. De l'autre côté de l'allée, c'est-à-dire contre le premier mur intérieur où sont situées les glacières, on trouverait habituellement des pizzas surgelées, des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés, des bretzels en bâtonnets surgelés, des pogos surgelés, des gaufres surgelées, etc. Derrière, dans l'autre allée, on trouverait habituellement des boissons et jus surgelés ainsi que de la crème glacée. Entre les pizzas surgelées et les plats cuisinés et les plats de résistance surgelés, etc., et les boissons et jus surgelés et la crème glacée, on trouverait habituellement des légumes surgelés et des boissons surgelées. Par conséquent, même dans les magasins plus gros, tous ces aliments surgelés sont placés dans la même section (c'est-à-dire la section des aliments surgelés). Habituellement, le consommateur parcourt toute la section des aliments surgelés d'un bout à l'autre en faisant ses emplettes. Même dans les plus gros magasins, certains produits alimentaires de la défenderesse dont l'enregistrement a été autorisé par le Bureau des marques de commerce, comme les pizzas surgelées, seraient placés à côté des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés. Les autres produits alimentaires surgelés en question seraient également placés tout près des repas cuisinés et des plats de résistance surgelés;

-           Du point de vue de la commercialisation, les aliments surgelés sont généralement offerts aux consommateurs, à son avis, comme solution de rechange pratique par rapport aux mêmes aliments frais.

Affidavit d'Eli Fellman (dossier de la demanderesse, onglet D)


[31]            Dans son affidavit M. Fellman, étudiant en droit travaillant au cabinet Stikeman Elliott, avocats de la demanderesse, déclare ce qui suit :

-          Il a téléchargé le rapport annuel de 1999 de la demanderesse et l'a imprimé;

-          Le 11 septembre 2000, il s'est rendu au magasin d'alimentation Loblaws situé au 375, rue Rideau, à Ottawa (Ontario). La section des aliments surgelés du magasin est composée de deux allées;

-          Les frites surgelées étaient placées contre le mur intérieur où se trouvent les glacières de la première allée d'aliments surgelés. Les frites surgelées étaient placées juste en-dessous des repas cuisinés et plats de résistance surgelés. Les pizzas surgelées étaient placées à un bout de l'allée, à côté des frites surgelées ainsi que des plats cuisinés et plats de résistance surgelés. Les jus surgelés étaient placés à l'autre bout de l'allée, à peu près à trente pieds des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés;

-          La deuxième allée d'aliments surgelés était située derrière le mur intérieur où étaient les glacières de la première allée d'aliments surgelés. La glacière se trouvant dans la deuxième allée contenait de la crème glacée, des tablettes de crème glacée, des tablettes aux fruits et d'autres friandises glacées;

-          Il y avait également une glacière entre les première et deuxième allées d'aliments surgelés, à laquelle on accédait en sortant d'une allée pour tourner dans l'autre allée. Cette glacière contenait d'autres jus surgelés, placés à deux étagères en-dessous d'autres plats cuisinés et plats de résistance surgelés;

-          Le 11 septembre 2000, il s'est également rendu au magasin d'alimentation Loblaws situé au 64, rue Isabella, à Ottawa (Ontario). Les glacières du magasin étaient placées uniquement le long du mur extérieur de la section des produits laitiers et des aliments surgelés et occupaient environ un côté d'une allée;


-          Dans la première glacière, des frites surgelées étaient placées juste au-dessous des plats cuisinés et plats de résistance surgelés. Les lasagnes surgelées étaient placées juste à côté des frites surgelées ainsi que des plats cuisinés et plats de résistance surgelés. Les pizza pops et les pochettes de pizza surgelés étaient également placées juste à côté des lasagnes surgelées;

-          La deuxième glacière était placée perpendiculairement à la première glacière. Dans la deuxième glacière, les légumes surgelés étaient placés juste au-dessus des jus surgelés. Des fruits surgelés étaient placés juste à côté des jus surgelés et des légumes surgelés. Les gaufres surgelées étaient placées juste à côté des fruits surgelés. La crème glacée et les produits à base de crème glacée étaient placés juste à côté des gaufres surgelées. Des tablettes aux fruits surgelées étaient placées juste à côté de la crème glacée et des produits à base de crème glacée.

Preuve de la défenderesse

Preuve soumise au registraire

Affidavit de John Marsalek (dossier de la défenderesse, vol. 1, onglet 6)

[32]            Dans son affidavit, M. Marsalek, stagiaire travaillant pour l'agent de la défenderesse, a déclaré ce qui suit :

-          Il a communiqué par téléphone avec les fabricants de produits alimentaires suivants : U.L. Canada Inc. (Division Thomas J. Lipton); National Sea Products Ltd.; La Compagnie H.J. Heinz du Canada Limitée; Les soupes Campbell; et Borden Inc.;

-          Il a parlé à des représentants du service à la clientèle de chacune de ces sociétés et leur a demandé si la société fabrique des produits dont la marque de commerce renferme le mot « Healthy » . Les représentants du service à la clientèle lui ont fourni les renseignements suivants :

Healthy Request (Les soupes Campbell),

Healthy Harvest (Borden Inc.),

Healthy Catch (National Sea Products),

Healthy Bake (National Sea Products) et,

Healthy Gourmet (La Compagnie H.J. Heinz);


-          Il s'est rendu au Supercentre Store, à Burlington (Ontario), le dimanche, 8 juin 1997, en vue de chercher les produits énumérés et il a trouvé et acheté les produits susmentionnés;

-          Colleen Spring Zimmerman, avocate chez Fasken Campbell Godfrey, l'a informé que l'original des emballages de ces produits avait été déposé auprès du Bureau canadien des marques de commerce le 9 juin 1997;

-          Il a effectué des recherches en vue de déterminer quelle était la législation régissant les circonstances dans lesquelles un fabricant peut employer le mot « healthy » sur l'emballage d'un produit alimentaire. Un résumé de ses conclusions figure aux pages 3 et 4 de son affidavit.

[33]            M. Marsalek a été contre-interrogé au sujet de son affidavit : (dossier de la défenderesse, vol. 1, onglet 7).

Affidavit de Petra J. McDonald (dossier de la défenderesse, vol. II, onglet 1)

[34]            Dans son affidavit, Mme McDonald, agente de marques de commerce travaillant chez Fasken Campbell Godfrey, cabinet d'avocats et agent agissant pour le compte de la défenderesse, a déclaré ce qui suit :

-          Le 15 septembre 1997, elle a effectué une recherche informatisée dans la base de données trademarkscan du Bureau canadien des marques de commerce en vue de trouver les marques de commerce inscrites dans le registre canadien qui renfermaient le mot « healthy » ou des mots dérivés du mot « health » et qui étaient pendantes ou enregistrées à l'égard des marchandises appartenant aux catégories internationales 29, 30 et 31;

-          Elle a obtenu les historiques relatifs aux marques Make the Healthy Choice, Healthy Choice et Healthy Choice et dessin y afférent et a conclu ce qui suit :


          La demande no 628993 relative à Healthy Choice et au dessin y afférent a été produite le 5 avril 1989 et est encore pendante. La défenderesse pouvait jusqu'au 13 novembre 1997 produire une réponse à la communication de l'examinateur du 13 mai 1997. L'examinateur l'avait informée que l'annonce de la demande no 628993 dépendait de la réception d'une demande modifiée dans laquelle il serait renoncé aux mots « Healthy Choice » indépendamment de la marque de commerce, comme on l'avait déjà demandé;

          La demande no 679139 relative à Healthy Choice avait été produite le 3 avril 1991 et elle était encore pendante. L'examinateur avait maintenu son opposition, fondée sur l'alinéa 12(1)b) de la Loi, et ce, malgré les observations déposées le 24 mars 1993, dans lesquelles la défenderesse avait soutenu que la marque de commerce Healthy Choice est distincte et enregistrable. La défenderesse pouvait jusqu'au 6 mars 1998 répondre à la mesure prise par le Bureau le 6 avril 1994 en déposant une preuve en vue de se prévaloir des dispositions de l'article 14 de la Loi;

          La demande no 679140 relative à Healthy Choice et au dessin y afférent avait été produite le 3 avril 1991 et était encore pendante. L'examinateur avait demandé une renonciation aux mots « healthy » et « choice » . Par une lettre en date du 4 mars 1996, la défenderesse avait demandé une prorogation de délai étant donné qu'elle était en train de rassembler des éléments de preuve lui permettant de se prévaloir des dispositions de l'article 14 de la Loi. La défenderesse s'était vu accorder jusqu'au 6 mars 1998 pour répondre à la mesure prise par le Bureau le 6 avril 1994 en déposant une preuve lui permettant de se prévaloir des dispositions de l'article 14 de la Loi;

          La demande no 663368 relative à Make the Healthy Choice avait été enregistrée sous le no 417527 le 1er octobre 1993. Le déposant devait renoncer au droit à l'emploi exclusif du mot « healthy » indépendamment de la marque de commerce.


Affidavit de Steven A. Yung (dossier de la demanderesse, onglet H)

[35]            Dans son affidavit, Steven A. Yung, vice-président, Marketing chez McCain Foods (Canada) a déclaré ce qui suit :

-          La défenderesse emploie la marque de commerce Healthy Decision à l'égard de pommes de terre frites surgelées. Ce produit est vendu au grand public par l'entremise de magasins d'alimentation de détail;

-          La défenderesse a employé la marque de commerce Healthy Decision au Canada, elle continue à employer cette marque de commerce au Canada et elle n'a jamais renoncé à l'emploi de cette marque de commerce au Canada;

-          Les ventes de pommes de terre frites surgelées de la défenderesse, sous la marque de commerce Healthy Decision, au cours de l'exercice 1996 s'élevaient à 13 074 404 $, au cours de l'exercice 1997, elles s'élevaient à 12 255 623 $ et au cours de l'exercice 1998, elles devaient s'élever à 18 600 909 $;

-          Un grand nombre des concurrents de la défenderesse vendent des produits alimentaires dont la marque renferme le mot « healthy » . Les sociétés bien connues sont la Société des Produits Nestlé S.A. (Lean Cuisine et produits alimentaires Stouffer's) et Les soupes Campbell (produits alimentaires Swanson et Weight Watchers);

-          Au cours des trois dernières années, la défenderesse et ses filiales ont consacré chaque année à la publicité plus de 60 millions de dollars canadiens. Au cours de l'exercice 1997 qui a pris fin le 30 juin 1997, la défenderesse a consacré près d'un million de dollars canadiens à la publicité médiatique et à la promotion au Canada de produits à base de pommes de terre frites surgelées sous la marque de commerce Healthy Decision. Au cours de l'exercice 1998, on prévoyait que la défenderesse consacrerait plus de 660 000 $ CAN à la publicité et à la promotion au Canada pour des produits sur lesquels était apposée la marque de commerce Healthy Decision. Cette publicité comprend des messages à la télévision, à la radio et dans les journaux;


-          Il était d'avis que la marque de commerce Healthy Decision, telle qu'elle était employée et devait être employée par la défenderesse en liaison avec la liste de marchandises énumérées dans l'annonce de la demande que la défenderesse avait produite à l'égard de la marque de commerce Healthy Decision qui a paru dans l'édition du 7 février 1996 du Journal des marques de commerce, est distinctive, qu'elle peut créer une distinction à l'égard des marchandises de la défenderesse et qu'elle crée de fait une distinction en ce qui concerne les produits alimentaires de la défenderesse à l'égard desquels elle est employée à l'heure actuelle;

-          Il était d'avis que la demanderesse n'avait pas droit à un monopole à l'égard de l'emploi du mot « healthy » en liaison avec des produits alimentaires;

-          La marque Healthy Choice appartenant à la demanderesse n'était pas bien connue en dehors des États-Unis. Healthy Choice n'était pas bien connue au Canada et elle ne l'a jamais été;

-          La marque de commerce Healthy Choice a censément initialement été employée par la demanderesse au mois de juin 1991, mais à l'heure actuelle est presque inconnue sur le marché canadien. Les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés Healthy Choice ne se trouvent dans aucun gros magasin d'alimentation au pays. Au Canada, ces produits se trouveraient, le cas échéant, dans de petits magasins d'alimentation privés;

-          Les produits alimentaires Healthy Choice ont été mis sur le marché en 1991 et en 1992. En 1993, ces efforts de mise en marché ont échoué. En pleine campagne de lancement, les produits Healthy Choice détenaient peut-être six ou sept pour cent du marché des plats cuisinés surgelés et des plats de résistance surgelés au Canada;

-          Depuis 1993, il n'y a eu au Canada presque aucune publicité importante à l'égard des produits Healthy Choice de la demanderesse;

-          Au Canada, il n'y a pas d'installations fabricant les produits Healthy Choice; à son avis, la demanderesse ne s'est pas engagée à fabriquer et à vendre les produits au Canada;

-          La demanderesse ne vend pas ses produits Healthy Choice par l'entremise des entreprises de vente de produits alimentaires au Canada;


-          La pénétration du marché canadien par la demanderesse pour les produits Healthy Choice est presque nulle. La demanderesse n'est pas une participante en ce qui concerne les plats cuisinés et plats de résistance surgelés de marque Healthy Choice au Canada. La marque de commerce Healthy Choice serait employée au Canada en liaison avec des sauces pour pâtes alimentaires, mais elle est peu employée;

-          La demanderesse consacre fort peu de temps et d'argent en vue de promouvoir la marque Healthy Choice au Canada;

-          La demanderesse n'emploie pas une famille de marques de commerce Healthy Choice au Canada et ne fait pas de promotion à cet égard.

[36]            M. Yung a été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

Preuve additionnelle déposée devant la Cour

Affidavit de John Senders (dossier de la demanderesse, onglet E)

[37]            Dans son affidavit, M. Senders, scientifique-conseil travaillant principalement dans le domaine de la recherche et de l'analyse de la perception et du comportement humain dans un certain nombre de secteurs, déclare ce qui suit :

-          À son avis, la marque de commerce Healthy Decision destinée à être employée en liaison avec divers produits alimentaires est distinctement différente de la marque de commerce Healthy Choice de la demanderesse tant sur le plan de la définition formelle que de la connotation;

-          Cette conclusion est fondée sur trois sources. La première est l'American College Dictionary. La deuxième est constituée des recherches archivées examinées portant sur les théories de la décision et processus décisionnels énoncés dans la littérature scientifique des sciences du comportement. La troisième est sa propre appréciation de la façon dont la confusion se produit dans l'esprit des consommateurs;


-          Selon l'American College Dictionary, il est clair que le mot « decision » est employé en vue d'indiquer un processus mental. Il est également clair que le mot « choice » est employé en vue d'indiquer une action, la liberté de faire un choix parmi d'autres ou encore la chose elle-même que l'on choisit. Il est clair que le mot « choice » est employé en vue d'indiquer un processus observable, par opposition à un processus mental;

-          En ce qui concerne les « processus décisionnels » , la littérature scientifique fait également une distinction entre des actes manifestes, un comportement qui peut être observé dans le laboratoire, et des processus mentaux présumés sous-jacents, dont l'existence dépend entièrement de l'observation d'un choix - soit la sélection réelle d'une chose ou une déclaration également observable parmi une gamme de choses qu'il est possible de dire. Ainsi, lorsque quelqu'un - le sujet d'une expérience ou l'acheteur - choisit une chose parmi une gamme de choses possibles, le choix observable est un phénomène réel. Le choix peut être décelé, classifié et dénombré;

-          Une façon scientifique commune d'analyser les données recueillies à partir de choix réels consiste à imaginer un processus décisionnel mathématique dont les équations peuvent être calculées à partir de statistiques de choix. Dans le langage courant, les gens justifient leurs choix en affirmant qu'ils ont « décidé » d'agir comme ils l'ont fait. Il n'existe aucune preuve substantielle montrant qu'il y a réellement eu un processus décisionnel ou une « décision » . Pareille existence repose uniquement sur les assertions non corroborées de gens qui cherchent à rationaliser les choix qui ont été faits - qu'il s'agisse de leur propre choix ou de celui d'autres personnes;

-          Selon le témoin dont l'avis était en bonne partie fondé sur les nombreuses années pendant lesquelles il avait observé et apprécié la confusion entre deux marques de commerce employées pour des lignes de produits similaires ou identiques, il est peu probable que l'on constate l'existence d'une confusion importante entre les marques de commerce « Healthy Choice » et « Healthy Decision » ;

-          Il est également évident que la marque de commerce Healthy Choice décrit clairement ou décrit d'une façon fausse et trompeuse le caractère ou la qualité des produits alimentaires (sur lesquels cette marque est apposée). Le produit alimentaire est la « chose » que l'on choisit, c'est-à-dire le choix. Il faut également déterminer si le mot « healthy » est clairement descriptif ou s'il s'agit d'une description fausse et trompeuse. Selon la doctrine de l'exclusion du milieu, ce doit être l'un ou l'autre;


-          La marque de commerce Healthy Decision ne décrit pas clairement ou ne décrit pas d'une façon fausse et trompeuse le caractère ou la qualité des produits alimentaires (sur lesquels cette marque est ou doit être apposée). Elle se rapporte au processus mental de l'acheteur plutôt qu'au produit qui fait l'objet d'un choix.

POSITION DE LA DEMANDERESSE

Norme de contrôle

[38]            La demanderesse soutient que dans cet appel, elle a déposé de nouveaux éléments de preuve importants. En examinant la preuve, la présente Cour devrait donc se demander si le registraire est arrivé à la mauvaise décision en ce qui concerne la question de la confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque de commerce Healthy Decision de la défenderesse, telle qu'elle se rapporte aux autres marchandises.

L'affidavit de M. Senders n'est pas pertinent

[39]            La demanderesse soutient que M. Senders exprime son avis sur des questions qui ne sont pas en litige dans le présent appel, à savoir :

(i)        que la marque de commerce Healthy Decision destinée à être employée en liaison avec un assortiment de produits alimentaires est distinctement différente tant sur le plan de la définition formelle que sur le plan de la connotation des marques de commerce de la demanderesse;

(ii)         que la marque de commerce Healthy Choice de la demanderesse décrit clairement ou décrit d'une façon fausse et trompeuse le caractère ou la qualité des produits alimentaires sur lesquels la marque est apposée, alors que la marque de commerce Healthy Decision ne le fait dans aucun des deux cas.


Le registraire a commis une erreur en tenant compte de l'abandon, en 1999, de certaines demandes relatives à des marques de commerce produites par la demanderesse dans son appréciation de la question de la confusion en vertu de l'alinéa 16(3)b).

[40]            La demanderesse soutient que le registraire a commis une erreur dans sa décision puisqu'il n'a pas tenu compte du libellé clair de l'alinéa 16(3)b) et de l'intention du législateur de créer un système de priorité fondé sur la « première personne à effectuer la production » en déterminant si les demandes de marques de commerce des concurrents étaient enregistrables compte tenu de l'emploi projeté.

[41]            La demanderesse allègue en outre que le registraire a mal interprété la décision rendue dans l'affaire Les Brasseries Molson, société en nom collectif c. La Brasserie Labatt Limitée, (1996), 68 C.P.R. (3d) 202 (C.F. 1re inst.) (la décision Molson) en concluant qu'elle étayait la thèse générale selon laquelle la confusion entre une marque demandée et la marque qui fait l'objet d'une demande abandonnée après la date pertinente n'est plus une question en litige dans une opposition fondée sur l'alinéa 16(3)b).


[42]            La demanderesse allègue également que le registraire aurait dû tenir compte de la question de la confusion entre les demandes de marque de commerce abandonnées et la marque de commerce Healthy Decision puisque les autres marchandises visées par la demande de la défenderesse étaient visées par les demandes de marque de commerce nos 679139 et 679140 de la demanderesse relatives aux produits Healthy Choice, lesquelles étaient valides et en vigueur à la date pertinente, soit le 2 août 1994, et à la date de la production de la déclaration d'opposition de la demanderesse, mais ont été abandonnées cinq ans plus tard.

Il existe une possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque de commerce Healthy Decision (relative aux autres marchandises).

[43]            La demanderesse soutient que le registraire a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas de chevauchement entre les sauces pour pâtes alimentaires, les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés de la demanderesse et les autres marchandises et en concluant qu'il n'y avait donc pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et les marques de commerce de la défenderesse.

[44]            La demanderesse allègue que le registraire a commis une erreur en concluant que les deux marques de commerce créent de la confusion uniquement à l'égard des marchandises qui empiètent directement les unes sur les autres, mais non à l'égard d'autres marchandises similaires étant donné que la conclusion met d'une façon injustifiée l'accent sur une classification technique stricte des différentes catégories de produits alimentaires ici en cause.


[45]            La demanderesse soutient que l'erreur que le registraire a commise en concluant qu'il n'y avait pas de confusion à l'égard des autres marchandises est claire. Essentiellement, la défenderesse a demandé une marque de commerce, destinée à être employée en liaison avec divers produits alimentaires, qui est remarquablement semblable à la marque de commerce choisie dans la demande (laquelle est également destinée à être employée en liaison avec divers produits alimentaires), et antérieurement employée et demandée par la demanderesse. Il est clairement erroné de laisser la marque de commerce Healthy Decision franchir l'étape de l'enregistrement alors que du point de vue de la présentation et du son cette marque est presque identique aux marques de commerce de la demanderesse, qu'elle suggère un sens identique et qu'elle doit être employée en liaison avec des marchandises vendues dans les mêmes magasins d'alimentation (lesquelles sont souvent placées juste à côté les unes des autres ou, du moins, très près les unes des autres), simplement parce que les marchandises ne sont pas toutes de nature identique.

Le registraire a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas de confusion entre la marque de commerce Healthy Decision et les marques de commerce de la demanderesse à l'égard des autres marchandises.


[46]            La preuve dont disposait la Commission montre l'existence d'un lien étroit entre les marchandises sur lesquelles les marques respectives ici en cause sont apposées. Plus particulièrement, la preuve montre que les marchandises en cause pourraient fort bien être placées très près les unes des autres dans les mêmes sections des mêmes magasins d'alimentation de détail. La preuve montre également que les marchandises en question sont en général commercialisées d'une façon similaire. Pourtant, le registraire n'a pas tenu compte de cette preuve.

[47]            Selon la preuve qu'elle a elle-même fournie, la défenderesse se livre à des activités de marchandisage de produits associés, par exemple en offrant des rabais sur l'achat combiné de jus et de frites surgelées. Pourtant, selon la décision du registraire, ces marchandises ne seraient pas liées les unes aux autres.

[48]            Quant à la nature des marchandises, le registraire a statué que la possibilité de confusion est peut-être moins grande si les marchandises vendues en liaison avec les marques de concurrents sont ou doivent être vendues dans différentes sections d'un magasin d'alimentation.

[49]            Toutefois, étant donné que les plats cuisinés surgelés, les plats de résistance surgelés et les sauces pour pâtes alimentaires de la demanderesse ainsi que les autres marchandises ne sont pas intrinsèquement différents, qu'ils sont ou qu'ils doivent être vendus dans la même section ou dans la même allée d'un magasin d'alimentation, ou très près les uns des autres, qu'ils peuvent et sont souvent commercialisés d'une façon similaire, le registraire a clairement eu tort de conclure qu'il n'existe pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque de commerce de la défenderesse employée en liaison avec les autres marchandises.


Le registraire est arrivé à la mauvaise décision au sujet de la question de la confusion existant entre les marques de commerce de la demanderesse et les marques de commerce de la défenderesse, compte tenu des nouveaux éléments de preuve importants fournis par la demanderesse.

[50]            Il est soutenu que, compte tenu des nouveaux éléments de preuve importants fournis par la demanderesse, le registraire est arrivé à la mauvaise décision au sujet de la question du chevauchement des marchandises respectives des parties et, partant, au sujet de la question de la confusion.

[51]            La preuve que la demanderesse a fournie à l'appui du présent appel a une importance probante en ce qui concerne les questions dont le registraire est saisi. La preuve met clairement l'accent sur l'erreur que le registraire a commise en interprétant d'une façon stricte ou technique la question de savoir quelles marchandises empiètent sur les plats cuisinés surgelés, les plats de résistance surgelés et les sauces pour pâtes alimentaires de la demanderesse et en faisant de pareils chevauchements (ou de l'absence de chevauchement) le facteur décisif lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a confusion.

POSITION DE LA DÉFENDERESSE

L'affidavit de M. Koopman n'est pas admissible

[52]            La défenderesse fait remarquer que, dans son affidavit, M. Koopman ne traite pas des points soulevés dans l'affidavit de M. Yung ou des remarques que le registraire a faites dans sa décision. La preuve fournie par M. Koopman n'a donc rien à voir avec les questions qui sont ici en litige.


[53]            M. Koopman a exprimé l'avis selon lequel les aliments sont offerts aux consommateurs comme solutions de rechange pratiques par rapport aux mêmes aliments frais. Il n'a pas étayé son avis au moyen d'éléments de preuve statistiques ou autres.

[54]            La défenderesse fait en outre remarquer que ni l'affidavit de M. Yung ni la décision du registraire ne traitent de la question des produits alimentaires surgelés placés à proximité les uns des autres.

[55]            La défenderesse soutient que l'affidavit de M. Koopman n'est pas admissible ou, subsidiairement, qu'il ne faut pas lui accorder beaucoup d'importance étant donné qu'il ne porte pas sur des aspects qui sont ici pertinents.

L'affidavit de M. Fellman n'est pas admissible

[56]            La défenderesse soutient que l'affidavit de M. Fellman n'est pas admissible ou, subsidiairement, qu'il ne faut pas lui accorder beaucoup d'importance puisque le témoignage dans son ensemble se rapporte à des périodes postérieures à la date pertinente du 2 août 1994 et qu'aucun élément de preuve se rapportant de quelque façon que ce soit à la période antérieure n'a été fourni.


[57]            En outre, la preuve ne se rapporte pas à une question soulevée dans la preuve de la défenderesse ou à des déclarations relatives à la décision du registraire. La preuve n'a essentiellement rien à voir avec le présent appel.

[58]            M. Fellman parle de certaines observations qui ont été faites dans des magasins d'alimentation et de la façon dont les aliments surgelés sont placés. Il introduit également en preuve le rapport annuel de 1999 de la demanderesse. La preuve n'est pas pertinente en ce qui concerne les renseignements et statistiques de la demanderesse qui sont postérieurs à la date pertinente, quatre ans après le 2 août 1994. Il est soutenu qu'il ne faudrait pas tenir compte de cette preuve.

[59]            Compte tenu des affidavits additionnels que la demanderesse a déposés en appel, la défenderesse est d'avis qu'aucun élément de preuve n'a été déposé en vue de modifier le fondement sur lequel la décision du registraire repose. Les nouveaux éléments de preuve qui ont été déposés pour le compte de la demanderesse ne se rapportent pas au point précis soulevé par M. Yung et mentionné par le registraire, à savoir que les pommes de terre frites surgelées ne sont pas vendues tout près des sauces pour pâtes alimentaires. En outre, le registraire n'accordait pas beaucoup d'importance à ce point dans sa décision. Il est soutenu que la demanderesse n'a pas réussi à démontrer l'existence d'un fondement permettant d'annuler la décision du registraire, compte tenu de quelque nouvel élément de preuve soumis à la présente Cour.


Affidavit de M. Senders

[60]            La demanderesse soutient que la preuve d'opinion fournie par M. Senders n'est pas pertinente en ce qui concerne des questions qui ne sont pas ici en litige. La défenderesse affirme que la demanderesse interprète d'une façon beaucoup trop stricte la preuve de M. Senders ainsi que la question ici en cause.

[61]            L'affidavit de M. Senders se rapporte à la notion de confusion dans son ensemble et non simplement aux questions strictes liées aux dispositions de l'alinéa 6(5)e) - la ressemblance entre les marques. La défenderesse affirme que les considérations relatives à la définition formelle et à la connotation des marques respectives et à la différence existant entre les marques se rapportent clairement à la détermination de la question de la confusion, étant donné en particulier que l'avis exprimé par M. Senders a trait à la question de la confusion et à la date pertinente, à savoir le 2 août 1994. L'avis que M. Senders a exprimé selon lequel la marque de la demanderesse est clairement descriptive ou est descriptive d'une façon fausse et trompeuse et que la marque de la défenderesse ne l'est pas est également pertinent en ce sens qu'il porte directement sur le caractère distinctif inhérent des marques en cause à la date pertinente.


[62]            La défenderesse note que la demanderesse a fait des remarques au sujet de la déclaration de M. Senders selon laquelle il y aurait une [TRADUCTION] « confusion importante » entre les marques de commerce. M. Senders se fonde sur diverses sources à l'appui de l'avis qu'il exprime, mais il déclare que les avis qu'il exprime au sujet de la confusion se rapportent à ce que ferait le consommateur ordinaire ou à la perception du consommateur ordinaire. M. Senders précise également le sens dans lequel il emploie le mot [TRADUCTION] « importante » dans le contexte de l'avis qu'il exprime au sujet de la confusion, à savoir une [TRADUCTION] « confusion suffisamment grande pour qu'un tribunal la remarque » . M. Senders déclare essentiellement que les marques en cause ne créent pas suffisamment de confusion pour qu'il soit justifié de saisir la Cour de la question, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de possibilité de confusion.

[63]            Quant à l'avis que M. Senders a exprimé au sujet du caractère clairement descriptif et descriptif d'une façon fausse et trompeuse des marques en question, il était fondé sur une analyse critique appropriée. En outre, la demanderesse a admis que ses marques étaient descriptives et elle a renoncé au mot « Healthy » et au mot « Choice » . À cet égard, la demanderesse souscrit à l'avis de M. Senders.

Norme de contrôle

[64]            La défenderesse soutient que compte tenu en particulier de l'expertise du registraire en ce qui concerne la question de la confusion, des motifs pour lesquels un pouvoir décisionnel a été conféré au registraire et des droits en cause, la norme de contrôle fondée sur la « décision déraisonnable simpliciter » est la plus appropriée des trois normes qui existent à l'heure actuelle.


[65]            Quant à l'effet de la norme de contrôle sur la présentation d'éléments de preuve additionnels portant sur une question ici en cause, la défenderesse allègue que la demanderesse n'a présenté, dans le contexte du présent appel, aucun nouvel élément de preuve justifiant l'intervention de la présente Cour et l'annulation de la décision du registraire.

Portée de la preuve par affidavit

[66]            La défenderesse maintient que la présente Cour a statué que même si, en appel, la Cour n'est assujettie à aucune restriction lorsqu'il s'agit d'entendre de nouveaux témoignages, pareils témoignages doivent se rapporter uniquement à des faits liés aux questions dont le registraire était saisi.

[67]            Lorsqu'il faut déterminer le droit à l'enregistrement en se fondant sur les faits à la date de la production de la demande, il peut être tenu compte de la preuve d'événements subséquents en vue d'établir l'importance à accorder à la preuve des faits à la date de la production. Lorsqu'elle porte sur des faits actuels et qu'elle ne traite pas des faits qui existaient à la date de la production de la demande ou auparavant, la preuve par affidavit doit être refusée ou jugée non pertinente.


Preuve d'opinion de M. Senders

[68]            La défenderesse soutient que M. Senders a présenté son témoignage d'expert dans le contexte de l'instance et que ce témoignage est admissible puisque l'avis exprimé exige des connaissances spéciales dans le domaine de la perception humaine.

[69]            La Cour n'est pas liée par les conclusions des témoins experts, mais la preuve est admissible et la Cour apprécie ensuite sa pertinence pour arriver à sa propre conclusion.

[70]            Par conséquent, il faut accorder de l'importance à l'avis que M. Senders a exprimé au sujet de la possibilité de confusion entre les marques. De plus, M. Senders a présenté une preuve pertinente et clairement admissible.

Possibilité de confusion

Alinéa 6(5)a) - Caractère distinctif inhérent des marques de commerce respectives

[71]            La défenderesse est d'avis que, lorsqu'elles sont considérées dans leur ensemble, les marques de commerce ne créent pas de confusion.


[72]            Des mots fort communs tels que « Healthy » comportent un degré peu élevé de caractère distinctif inhérent, en particulier lorsqu'ils décrivent les marchandises employées en liaison avec les marques; ces mots n'ont droit qu'à un faible degré de protection. En outre, personne ne peut s'approprier ou monopoliser un mot commun de la langue anglaise ou française.

[73]            La partie qui choisit d'employer un nom suggestif non distinctif, indépendamment de tout caractère distinctif acquis, doit accepter un certain degré de confusion sans qu'aucune sanction ne soit imposée.

Alinéa 6(5)b) - Durée d'emploi des marques de commerce

[74]            Le fait que la marque Healthy Choice de la demanderesse avait été employée ne permet pas pour autant de supposer que la marque est plus distinctive (qu'elle ne peut l'être en fait), en particulier lorsque le mot commun décrit de nombreux produits alimentaires. Lorsque la preuve montre que d'autres parties emploient également l'élément commun entre deux marques en liaison avec les mêmes marchandises et dans les mêmes circuits de distribution, ni l'une ni l'autre partie n'a droit à un monopole à l'égard du mot commun.

Alinéa 6(5)c) - Nature des marchandises


[75]            La nature des marchandises autorisées en liaison avec les marques respectives est différente, étant donné en particulier que la défenderesse n'était pas autorisée à enregistrer la marque en liaison avec des plats de résistance préparés surgelés, des lasagnes, des plats de pâtes alimentaires et des repas préparés surgelés. En outre, lorsqu'une personne adopte un mot communément employé et cherche à empêcher ses concurrents de faire la même chose, les marques de commerce auront un caractère distinctif inhérent moindre et l'étendue de la protection fournie par la Cour sera restreinte.

Alinéa 6(5)d) - Nature du commerce

[76]            Le registraire a conclu qu'il y avait chevauchement dans les circuits de distribution, mais que les produits alimentaires de la défenderesse ne seraient pas vendus tout près des sauces pour pâtes alimentaires. Le registraire a limité les marchandises à l'égard desquelles la défenderesse pouvait faire enregistrer sa marque; il était convaincu que cela éviterait toute possibilité raisonnable de confusion.

Alinéa 6(5)e) - Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[77]            La décision partagée rendue par le registraire en l'espèce est tout à fait conforme aux autres décisions émanant de la Commission des oppositions des marques de commerce lorsque l'enregistrement de marques employant des mots communs en liaison avec des produits similaires est autorisé, mais uniquement à l'égard de produits qui sont différents, même s'ils doivent être vendus dans des points de vente au détail similaires comme des magasins d'alimentation et des supermarchés.


Circonstances de l'espèce additionnelles

[78]            Les dispositions du paragraphe 6(5) de la Loi ne sont pas destinées à indiquer les limites des circonstances de l'espèce, mais visent davantage à attirer l'attention du décideur sur les aspects précis de l'enquête qu'il doit nécessairement examiner.

[79]            Au début du paragraphe 6(5), il est question des « circonstances de l'espèce » . C'est à l'égard de ces circonstances, qui ne sont pas didactiquement énumérées au paragraphe 6(5) que la Cour, dans la décision Clorox, a tiré des conclusions additionnelles qui n'étaient pas expressément analysées dans la décision contestée et qui étaient déterminantes aux fins du règlement de l'affaire. Parmi ces aspects déterminants, il y avait le fait que la marque était un mot commun justifiant une protection restreinte et que l'on ne pouvait pas laisser l'utilisateur monopoliser ce mot d'une façon inéquitable.

[80]            La présente Cour ne dispose d'aucun élément de preuve de cas dans lesquels il y a réellement eu confusion. Elle peut donc tirer des conclusions défavorables au sujet des allégations de possibilité de confusion lorsqu'il y a eu une période prolongée de coexistence sur le marché et qu'aucun cas de confusion réelle n'a été établi.


[81]            Selon la défenderesse, la demanderesse n'a pas établi son présumé emploi d'une « famille » de marques l'autorisant à être mieux protégée. Le simple fait qu'un groupe de marques appartenant à une partie comportent un élément commun ne permet pas de présumer l'existence d'une série ou d'une famille de marques. En outre, l'existence de marques ayant le même mot commun pour des marchandises identiques ou similaires empêche un commerçant de revendiquer un monopole à l'égard de ce mot pour pareilles marchandises.

Abandon de demandes et restrictions relatives aux marchandises

[82]            La défenderesse affirme qu'il était loisible au registraire de tenir compte de l'abandon des demandes de marque de commerce et de la restriction des marchandises dans la troisième demande de marque de commerce sur laquelle la demanderesse s'est fondée dans les procédures d'opposition subséquentes à la date de la demande.

LES POINTS LITIGIEUX

[83]            1-        Le registraire a-t-il commis une erreur en tenant compte de l'abandon, en 1999, de certaines demandes de marques de commerce par la demanderesse, lorsqu'il a examiné la question de la confusion en vertu de l'alinéa 16(3)b)?

2-        Dans l'affirmative, la marque de commerce Healthy Decision crée-t-elle de la confusion avec les demandes abandonnées de marques de commerce de la demanderesse?

3-          En ce qui concerne l'aspect de la décision du registraire se rapportant au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)a) de la demanderesse :

a)        Le registraire a-t-il commis une erreur en concluant qu'il n'y a pas de chevauchement entre les sauces pour pâtes alimentaires, les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés vendus par la demanderesse et les autres marchandises, de sorte qu'il a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas de confusion entre les marques de commerce à l'égard de ces marchandises?


b)        Le registraire a-t-il rendu la mauvaise décision au sujet de la question de la possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque de commerce Healthy Decision (relative aux autres marchandises), compte tenu des nouveaux éléments de preuve fournis par la demanderesse dans le présent appel?

ANALYSE

1- Le registraire a-t-il commis une erreur en tenant compte de l'abandon, en 1999, de certaines demandes de marques de commerce par la demanderesse, lorsqu'il a examiné la question de la confusion en vertu de l'alinéa 16(3)b)?

[84]            La Loi prévoit ce qui suit :


16. (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n'ait créé de la confusion_ :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

16. (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the wares or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.


[85]            En ce qui concerne la question de la confusion, le registraire a appliqué le critère de la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui prévoit ce qui suit ;



6.(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

6.(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.


[86]            Le registraire a également tenu compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, qui est ainsi libellé :


6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

6.(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.



[87]            En ce qui concerne le motif d'opposition que la demanderesse a invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)b) de la Loi, le registraire a conclu que la preuve montrait clairement que la demanderesse n'avait pas cessé d'employer sa marque de commerce Healthy Choice à l'égard des sauces pour pâtes alimentaires à la date de l'annonce de la demande de la défenderesse, soit le 7 février 1996.

[88]            Toutefois, le registraire a fait remarquer que la preuve concernant les plats cuisinés et les plats de résistance surgelés était moins claire, mais il a conclu que la demanderesse n'avait pas abandonné ses marques à l'égard des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés au 7 février 1996.

[89]            Le registraire a fait remarquer que la demande no 628993 relative à la marque Healthy Choice et au dessin y afférent et la demande no 679139 relative à la marque Healthy Choice étaient pendantes le 2 août 1994 et le 7 février 1996, mais qu'elles avaient été abandonnées en 1999.

[90]            Quant à la demande no 679140 relative à la marque Healthy Choice et au dessin y afférent, le registraire a fait remarquer qu'elle était encore pendante, mais qu'à l'heure actuelle, elle ne s'applique qu'aux crèmes-desserts et aux sauces à spaghetti et que l'on a renoncé au droit à l'emploi exclusif des mots « Healthy » et « Choice » indépendamment de la marque de commerce.


[91]            Après avoir analysé les circonstances de l'espèce expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, le registraire a considéré l'état de la demande de la demanderesse comme constituant une circonstance additionnelle lorsqu'il a examiné la question de la possibilité de confusion entre les marques de commerce en question. Le registraire s'est fondé sur la décision Molson en concluant qu'il était approprié de tenir compte de l'état des demandes de la demanderesse en tant que circonstance additionnelle aux fins de l'examen de la question de la possibilité de confusion entre les marques de commerce.

[92]            Le registraire a conclu que la question de la confusion existant entre la marque de la défenderesse et les marques visées par les demandes nos 628993 et 679139 n'était plus en litige. En outre, étant donné que les sauces à spaghetti et les crèmes-desserts sont les seules marchandises qui sont encore en cause dans la demande no 679140, le registraire a conclu que les lasagnes et les plats de pâtes alimentaires étaient les seules marchandises de la défenderesse à l'égard desquelles il n'était pas convaincu de l'absence de possibilité raisonnable de confusion au sens de l'alinéa 16(3)b).

[93]            La demanderesse affirme que le registraire a commis une erreur dans sa décision parce qu'il n'a pas tenu compte du libellé clair de l'alinéa 16(3)b), qui se rapporte à la date de production de la demande, et de l'intention du législateur de créer un système de priorité fondé sur la « première personne à effectuer une production » , lorsqu'il a déterminé si les demandes de marque de commerce des concurrents fondées sur l'emploi projeté étaient enregistrables.


[94]            La demanderesse affirme en outre que la Loi n'exige pas qu'une demande pendante antérieure de l'opposant soit valide au moment où le registraire rend sa décision.

[95]            La demanderesse se fonde sur la décision que le registraire a rendue dans l'affaire Demerino c. The Liv Group Inc. Trading as the Panhandler Shoppes (1984), 4 C.P.R. (3d) 400 (C.O.M.C.). Dans cette affaire-là, le demandeur avait produit, le 16 avril 1980, une demande en vue de l'enregistrement de la marque de commerce Rafters en invoquant son emploi projeté. L'opposante avait produit une déclaration d'opposition en alléguant que la marque de commerce créait de la confusion avec la marque de commerce à l'égard de laquelle elle avait déjà produit une demande d'enregistrement. Le registraire a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans la mesure où le motif d'opposition de l'opposante est fondé sur la production antérieure de la demande no 442681, l'opposante doit satisfaire aux dispositions du paragraphe 16(4) de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10, en vertu duquel sa demande doit avoir été pendante à la date de l'annonce de la demande du demandeur, soit le 3 décembre 1980. La demande no 442681 de l'opposante était réputée avoir été abandonnée le 18 novembre 1982, mais elle était clairement pendante le 3 décembre 1980; je considère donc que les exigences du paragraphe 16(4) ont été satisfaites.

[96]            La demanderesse allègue en outre que le registraire a interprété d'une façon erronée la décision Molson, précitée, en disant qu'elle étayait la thèse générale selon laquelle la question de la confusion entre une marque demandée et la marque qui fait l'objet d'une demande abandonnée après la date pertinente n'est plus en cause dans une opposition fondée sur l'alinéa 16(3)b).


[97]            Dans la décision Molson, le prédécesseur en titre de Molson avait produit, le 25 avril 1968, une demande d'enregistrement de la marque de commerce Club. Molson avait obtenu l'enregistrement de cette marque de commerce le 31 janvier 1969.

[98]            Le 16 juillet 1968, le prédécesseur en titre de Molson avait produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce Club Ale et du dessin y afférent. Molson avait obtenu l'enregistrement de cette marque le 7 janvier 1994.

[99]            Le 15 décembre 1971, le prédécesseur en titre de Labatt avait produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce Manitoba's Club et du dessin y afférent. Cette marque de commerce avait été annoncée le 2 janvier 1985. Le 14 janvier 1985, Molson avait produit une déclaration d'opposition auprès du registraire en alléguant que la marque de commerce créait de la confusion avec plusieurs marques de commerce de Molson, notamment Club Ale et le dessin y afférent. Le 5 novembre 1987, la demande que Labatt avait produite à l'égard de cette marque de commerce avait été abandonnée sous toute réserve. Le 30 novembre 1987, le Bureau des marques de commerce a déclaré que la demande avait été abandonnée.


[100]        Le 17 novembre 1975, Molson avait produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce Molson Club Ale et du dessin y afférent. Le 30 janvier 1985, cette demande avait été annoncée. Le 15 octobre 1985, Labatt avait produit une déclaration d'opposition. Enfin, le 31 janvier 1995, le registraire s'est prononcé en faveur de Labatt et a refusé d'enregistrer la marque de commerce.

[101]        Dans la déclaration d'opposition qu'elle avait produite le 15 octobre 1985, Labatt s'était opposée à l'enregistrement de la marque de commerce Molson Club Ale et du dessin y afférent en affirmant notamment qu'à la date de production par la demanderesse, la marque de commerce demandée créait de la confusion avec la marque de commerce Manitoba's Club et le dessin y afférent, pour laquelle une demande avait antérieurement été produite le 15 décembre 1971.

[102]        En se fondant sur ce motif, le registraire a conclu que Molson ne s'était pas acquittée de l'obligation qui lui incombait de démontrer que la marque demandée ne créait pas de confusion avec la marque demandée de Labatt, Manitoba's Club et le dessin y afférent. Sur ce point, le registraire s'est prononcé en faveur de Labatt.

[103]        Quant à ce motif, Monsieur le juge Heald était d'avis que la marque demandée par Molson, Molson Club Ale et dessin y afférent, était simplement une version modifiée de la marque de commerce Club Ale et dessin y afférent qui avait antérieurement été enregistrée.


[104]        Le juge Heald a fait les remarques suivantes :

Selon moi, il est plutôt anormal que Molson soit dans l'impossibilité d'obtenir l'enregistrement d'une version modifiée de sa marque de commerce déposée CLUB ALE et dessin à cause de la marque MANITOBA'S CLUB et dessin demandée par Labatt. Il en est ainsi parce que Molson s'est opposée à la demande d'enregistrement de la marque MANITOBA'S CLUB et dessin produite par Labatt au motif que cette marque créait de la confusion avec la marque de commerce CLUB ALE et dessin de Molson. Qui plus est, la demande de Labatt n'a jamais franchi l'étape de l'enregistrement et a été abandonnée il y a près de dix ans. Le registraire n'a pas été indifférent à la situation de Molson, mais il s'est senti gêné par le libellé de l'alinéa 16(3)b) de la Loi. Cette disposition est ainsi rédigée :

16. (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n'ait créé de la confusion :

[...]

b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne; [non souligné dans l'original]

Par conséquent, conformément à l'alinéa 16(3)b), la date à laquelle Molson a produit sa demande (le 17 novembre 1975) est la date pertinente pour trancher la question de la confusion avec des marques de commerce à l'égard desquelles des demandes d'enregistrement ont été produites. Le 17 novembre 1975, la demande d'enregistrement de la marque de commerce MANITOBA'S CLUB et dessin de Labatt était en suspens, vu qu'elle a été produite le 15 décembre 1971 et n'a pas été abandonnée avant le 30 novembre 1987. Le registraire a donc tiré une conclusion quant à la probabilité de confusion entre les deux marques de commerce, même si Labatt s'était depuis longtemps désistée de sa demande lorsque la décision a été rendue en janvier 1995.


Molson s'était opposée à la demande d'enregistrement de Labatt au motif que la marque de Labatt créait de la confusion avec la marque de commerce déposée CLUB ALE et dessin de Molson. Le bien-fondé de ce motif d'opposition n'a jamais été établi car Labatt a retiré sa demande. Toutefois, pour illustrer l'anomalie créée par le paragraphe 16(3) précité, je vais supposer pendant un instant que l'opposition de Molson a abouti et que Labatt a été incapable d'obtenir l'enregistrement de la marque MANITOBA'S CLUB et dessin parce qu'elle créait de la confusion avec la marque de Molson. Même si telle avait été l'issue de la demande de Labatt, j'estime que le registraire dans la présente espèce n'aurait pas statué autrement, étant donné qu'il a uniquement tenu compte de la date de production de la demande de Molson, soit le 17 novembre 1975. Par conséquent, Molson pourrait bien avoir été dans l'impossibilité d'obtenir l'enregistrement de la marque de commerce modifiée MOLSON CLUB ALE et dessin parce que cette marque créait de la confusion avec une marque, MANITOBA'S CLUB et dessin, qui n'a jamais franchi l'étape de l'enregistrement parce qu'elle créait de la confusion avec la marque de commerce antérieurement enregistrée de Molson.

J'ai examiné ce scénario qui, dans les faits, ne s'est jamais matérialisé, dans le seul but d'illustrer l'absurdité d'un résultat auquel on pourrait parvenir en application du paragraphe 16(3) de la Loi. Néanmoins, le registraire a eu tout à fait raison d'affirmer qu'il n'y a [TRADUCTION] « rien dans la Loi qui empêche l'opposante de se fonder sur sa demande » .

Toutefois, pour trancher une question en application de l'alinéa 16(3)b) quant à la probabilité de confusion entre deux marques de commerce, il faut tenir compte des dispositions de l'article 6 de la Loi. Cet article est en partie libellé ainsi qu'il suit :

6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

[...]

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. [Non souligné dans l'original]

Il est bien établi en droit que, pour déterminer si des marques de commerce créent de la confusion, le tribunal peut prendre en considération les cinq facteurs énumérés aux alinéas a) à e) précités, mais il tient également compte de toutes les circonstances de l'espèce.

[...]


La troisième circonstance invoquée par Molson est l'abandon par Labatt de sa demande d'enregistrement de la marque de commerce MANITOBA'S CLUB et dessin. La difficulté à laquelle se heurte Molson à cet égard est la suivante : Molson demande à la Cour de prendre en considération une circonstance qui est survenue après la date pertinente prévue au paragraphe 16(3), soit la date de production de la demande. À mon avis, cet abandon, même s'il a eu lieu postérieurement à la date pertinente, constitue une circonstance intimement liée à une circonstance qui existait à la date pertinente. Compte tenu de ce lien fondamental et des circonstances inusitées de l'espèce, je conclus qu'il s'agit d'un cas dans lequel il convient de tenir compte du fait que la demande d'enregistrement de la marque MANITOBA'S CLUB et dessin a été abandonnée. Par conséquent, puisque j'ai tenu compte de cette circonstance, il n'est pas nécessaire que je procède à l'examen des facteurs énumérés aux alinéas a) à e), étant donné que je suis convaincu que la confusion entre les marques n'est plus une question litigieuse.

Pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis que rien n'empêche l'enregistrement de la marque de commerce MOLSON CLUB ALE et dessin de Molson dans le contexte de l'alinéa 16(3)b) de la Loi et, partant, ce motif d'opposition est irrecevable.

[105]        La demanderesse ici en cause soutient que les circonstances anormales qui existaient dans l'affaire Molson n'existent pas en l'espèce. C'est elle qui a été la première à produire une demande et à employer la marque de commerce. La défenderesse a produit sa demande après celle de la demanderesse. Les droits d'un commerçant qui a antérieurement employé une marque de commerce (ou qui a produit une demande antérieure) l'emportent, et l'utilisateur le moins ancien ou la personne qui a produit une demande par la suite doit céder le pas à la première personne. Il ne peut pas être soutenu que la défenderesse est privée d'un enregistrement auquel elle aurait droit, à cause d'un « détail technique » anormal.


[106]        La demanderesse soutient en outre que si la décision Molson est considérée comme un précédent qui s'applique d'une façon générale, il en découle des conséquences absurdes. Ainsi, si la décision Molson est suivie, cela veut dire que les droits d'une partie peuvent être différents, selon la durée de la procédure d'examen ou d'opposition. Ainsi, la demande de la défenderesse a été produite le 2 août 1994. À cette date, compte tenu des conclusions que le registraire a tirées au sujet de la confusion, la défenderesse n'avait pas le droit de faire enregistrer la marque de commerce Healthy Decision parce qu'elle créait de la confusion avec les demandes antérieurement produites à l'égard des marques de commerce de la demanderesse. Si la procédure d'examen et d'opposition relative à la demande de la défenderesse avait duré un an, deux ans, trois ans, quatre ans ou même cinq ans (plutôt que près de six ans), la demande de la défenderesse aurait été refusée parce que, à la date pertinente, elle créait de la confusion avec des demandes antérieurement produites à l'égard des marques de commerce de la demanderesse, lesquelles demandes n'avaient pas encore été abandonnées.

[107]        Pour des raisons d'intérêt public, la situation ne devrait pas changer simplement à cause de la durée de la procédure d'opposition. La Loi prévoit une date obligatoire qui devrait être respectée.


[108]        Selon la demanderesse, un autre résultat anormal découlant du raisonnement que la Cour a fait dans l'affaire Molson (et du raisonnement du registraire en l'espèce) est que la chose porte atteinte aux droits de tiers d'une façon tout à fait injustifiable. La décision du registraire permet de fait à la défenderesse de rétablir une demande de marque de commerce à laquelle elle n'avait de prime abord pas droit. La défenderesse peut donc invoquer une date de production, en 1994, à l'encontre de tout tiers, même si à la date de la production, la demande de la défenderesse ne pouvait pas être enregistrée. Cela est contraire à l'intérêt public, étant donné que cela permet à la défenderesse de « passer en tête » .

[109]        Pour être juste envers toutes les demanderesses (et non simplement envers les deux parties dans une opposition), et conformément au système de priorité que le législateur a choisi, il faut respecter le libellé de la Loi.

[110]        L'intérêt public exige que l'on assure l'intégrité et l'exactitude du système d'enregistrement. En déterminant si une marque doit être enregistrée, c'est l'intérêt du public (ainsi que l'intérêt des autres commerçants) qui doit être pris en considération. En d'autres termes, après que les marques de commerce de la demanderesse ont été abandonnées, et après que la demande de la défenderesse a été refusée au complet, n'importe qui devrait pouvoir produire une nouvelle demande.


[111]        La demanderesse se fonde sur la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Unitel International Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [2000] A.C.F. no 1652 (C.A.F.), à l'appui de sa prétention. Dans l'arrêt Unitel, il s'agissait de savoir si le registraire avait commis une erreur en refusant la demande de marque de commerce de la demanderesse en ce qui concerne la marque Unitel parce qu'elle créait de la confusion avec une demande antérieure produite par Télécommunications Canadien Pacifique Inc. à l'égard de la marque de commerce Unitel. La Cour d'appel fédérale a statué ce qui suit :

La marque de commerce en cause est « UNITEL » , et l'appelante reconnaît qu'elle crée de la confusion avec celle de Télécommunications Canadien Pacifique Inc. (CP). La demande présentée par CP pour l'enregistrement de sa marque de commerce a précédé celle de l'appelante et était donc en instance lors du dépôt de celle-ci. Vu les circonstances, le registraire a dû rejeter, en application de l'alinéa 37(1)c), la demande d'enregistrement d'une marque de commerce présentée par l'appelante.

La Cour a appris que, dans le cadre de la procédure d'opposition engagée relativement à la demande de CP, le registraire a refusé d'enregistrer la marque UNITEL de CP. Le rejet de sa demande initiale ne portera pas préjudice à l'appelante. Décision a été rendue au sujet de l'enregistrabilité de la marque UNITEL de CP, et l'appelante a eu gain de cause dans le cadre de cette procédure. L'appelante peut désormais présenter une nouvelle demande d'enregistrement de la marque UNITEL.

Dans leurs motifs, le registraire et le juge de première instance renvoient aux dates alléguées dans les deux demandes concernant l'emploi initial de la marque de commerce. Nous tenons à signaler que la date à laquelle la marque de commerce a été employée pour la première fois n'est pas pertinente aux fins de l'alinéa 37(1)c). La seule question à trancher est de savoir s'il y a confusion entre la marque du demandeur et celle pour laquelle une demande d'enregistrement est déjà en instance.

L'appelante paraît s'inquiéter de ce que l'application de l'alinéa 37(1)c) est susceptible d'occasionner des retards et de multiplier les instances. Si tel est le cas, il appartient au Parlement, et non à la Cour, de remédier à la situation.

[112]        La demanderesse soutient qu'il serait erroné en droit et en principe d'appliquer à toutes les oppositions l'exception que le juge Heald a énoncée dans la décision Molson.


[113]        La défenderesse fait remarquer que le registraire a le pouvoir discrétionnaire, étant donné que l'intérêt public exige le maintien de l'intégrité du registre, de vérifier ce registre afin de confirmer l'existence des enregistrements invoqués par la demanderesse à l'appui du motif fondé sur l'alinéa 12(1)d). De même, étant donné qu'il est peut-être dans l'intérêt public d'examiner les motifs fondés sur les alinéas 16(1)b), 16(2)b) ou 16(3)b), le registraire exercera le pouvoir discrétionnaire qu'il possède en vue de vérifier le registre du Bureau des marques de commerce et de confirmer l'existence d'une demande ou de demandes pendantes sur lesquelles on se fonde pour invoquer pareil motif.

[114]        Je suis d'accord avec la demanderesse pour dire que le libellé clair de l'alinéa 16(3)b) se rapporte à la date de la production de la demande et semble trancher la question.

[115]        En outre, je suis d'accord pour dire que les faits de l'affaire Molson n'étaient pas habituels. Toutefois, il pourrait néanmoins être soutenu que la conclusion du juge Heald s'applique, à savoir que, même si la circonstance en l'espèce (l'abandon de la demande) s'était produite après la date pertinente, elle était intrinsèquement liée à une circonstance qui existait à la date pertinente.


[116]        Néanmoins, si le législateur avait voulu qu'il soit tenu compte de l'abandon de la demande au moment où la décision est rendue, il l'aurait dit. À l'heure actuelle, la Loi parle des circonstances de l'espèce à la date de la production de la demande. Il m'est difficile de voir comment je puis conclure que les circonstances de l'espèce doivent inclure les circonstances existant au moment où le registraire a rendu sa décision, compte tenu de la Loi et de l'arrêt Unitel. J'estime donc que le registraire a commis une erreur en tenant compte du fait que la demanderesse avait abandonné certaines demandes de marques de commerce en 1999 lorsqu'il a examiné la question de la confusion en vertu de l'alinéa 16(3)b).

2- Dans l'affirmative, la marque de commerce Healthy Decision crée-t-elle de la confusion avec les demandes abandonnées de marques de commerce de la demanderesse?

[117]        La demanderesse allègue que les autres marchandises mentionnées dans la demande de la défenderesse étaient visées (et il y a de nombreux produits précis qui sont reproduits exactement) par les demandes de marques de commerce nos 679139 et 679140 relatives à la marque « Healthy Choice » , lesquelles étaient valides et en vigueur à la date pertinente, à savoir le 2 août 1994, et à la date de production de la déclaration d'opposition de la demanderesse, mais ont été abandonnées cinq ans plus tard.

[118]        Étant donné que la preuve dont disposait le registraire établit que les marchandises associées à la marque de commerce Healthy Decision et les marchandises associées aux marques de commerce abandonnées de la demanderesse se chevauchent, et compte tenu des conclusions que le registraire a tirées en faveur de la demanderesse au sujet de tous les autres facteurs énoncés au paragraphe 6(5), il est soutenu que la demande de la défenderesse devrait être refusée en entier.


[119]        Étant donné que le registraire n'a pas tranché la question de la confusion qui existe au sujet des demandes de marques de commerce abandonnées, j'analyserai cette question. Toutefois, il importe de noter que mon analyse ne se rapportera qu'aux autres marchandises étant donné que la conclusion que le registraire a tirée au sujet des autres marchandises n'a pas été portée en appel.

[120]        Dans la décision Prologic Systems Ltd. c. Prologic Corp. (1998), 78 C.P.R. (3d) 435 (C.F. 1re inst.), où il était question d'une procédure de radiation, Monsieur le juge Lutfy a dit qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait réellement confusion lorsque la question de la possibilité de confusion est tranchée :

La requérante ne doit toutefois pas nécessairement établir la confusion réelle. La requérante doit prouver la possibilité de confusion si l'emploi simultané de son nom commercial et de la marque de commerce de l'intimée dans la même région géographique ou sur le même marché serait susceptible de faire conclure que leurs services respectifs sont fournis par la même personne. Ce critère a été énoncé par la Cour d'appel dans l'arrêt Oshawa Holdings Ltd :

Voici ce qu'écrit Fox à propos de l'article 6 [dans Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e édition (1972) à la page 150]

[TRADUCTION] [...] La question se pose de savoir si l'emploi d'une marque de commerce, dans la même région où une autre marque de commerce ou un autre nom commercial est employé, pourrait amener les gens à penser que les produits ou services associés avec les deux marques de commerce, ou associés avec l'entreprise exploitée sous ce nom commercial, sont les produits ou services de la même personne lors même que ces produits ou services ne relèvent pas de la même catégorie.

Je conviens que cette question, telle qu'elle est posée ci-dessus par M. Fox, fait état des critères essentiels établis par l'article 6. Il n'est pas nécessaire, à mon avis, qu'il y ait eu utilisation effective des marques semblables dans la même région, ni qu'il y ait la preuve d'une confusion réelle. Les paragraphes 2 et 3 de l'article 6 n'envisagent pas une confusion réelle dans les faits, mais ce qui se produirait probablement si l'appelante et l'intimée employaient l'une et l'autre des marques et des noms commerciaux semblables pour différentes catégories de marchandises dans la même région.


Il a aussi été affirmé que le critère applicable est celui de la confusion du point de vue du consommateur, soit « une personne moyenne, d'intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale » . Lorsque deux marques de commerce sont composées du même mot, la seule différence étant l'ajout d'un dessin à l'une des marques, le dessin lui-même ne fait pas nécessairement disparaître la possibilité de confusion. La Cour devrait se mettre à la place d'un consommateur qui n'a qu'un souvenir général et imprécis de la marque précédente et qui voit ensuite la dernière marque toute seule.

[Notes de base de page omises.]

[121]        En déterminant s'il existe une possibilité de confusion, la Cour tiendra également compte des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :


6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

6.(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.


[122]        Quant à l'importance à accorder à chaque facteur, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit dans l'arrêt Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534 (C.A.) :


Les circonstances de l'espèce sont également importantes pour décider du poids à attribuer à chacun des facteurs énumérés. Dans la décision Polysar Ltd. c. Gesco Distributing Ltd., le juge Joyal a examiné la question de la souplesse dont jouit le tribunal ou le registraire dans l'appréciation de l'importance à accorder à chaque facteur énuméré au paragraphe 6(5). Il a précisé :

Le principe selon lequel les critères énumérés au paragraphe 6(5) n'ont pas tous le même poids est particulièrement pertinent en l'espèce. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères.

Ainsi, le tribunal ou le registraire doivent savoir que, dans chaque cas particulier, il faut apprécier à nouveau l'importance de ces facteurs.

[Notes de base de page omises.]

[123]        En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ces marques sont devenues connues, la Cour d'appel fédérale a donné les explications suivantes dans l'arrêt Pink Panther Beauty Corp., précité :

Le premier élément énuméré au paragraphe 6(5) est la solidité ou le caractère bien établi de la marque. Cet élément se divise en deux : le caractère distinctif inhérent de la marque et le caractère distinctif qu'elle a acquis. Une marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n'aiguille le consommateur vers une multitude de sources. La marque qui peut faire allusion à de nombreuses choses ou qui, comme je l'ai fait remarquer précédemment, se limite à décrire les marchandises ou leur origine géographique, jouira d'une protection moindre. Inversement, si la marque est un nom unique ou inventé, de sorte qu'elle ne peut faire référence qu'à une seule chose, la portée de sa protection sera plus grande.

Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinctif acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d'une source en particulier.

[124]        Le registraire avait conclu que ni la marque Healthy Choice ni la marque Healthy Decision n'ont un caractère distinctif inhérent puisqu'elles donnent toutes les deux à entendre que l'acheteur ou le consommateur des marchandises a pris une décision ou fait un choix qui est bon pour sa santé.


[125]        La défenderesse a soumis l'affidavit de M. John Senders, scientifique-conseil travaillant dans le domaine de la recherche et de l'analyse de la perception et du comportement humain dans un certain nombre de secteurs.

[126]        M. Senders estime que la marque de commerce Healthy Decision destinée à être employée en liaison avec divers produits alimentaires est distinctement différente de la marque de commerce Healthy Choice de la demanderesse tant sur le plan de la définition formelle que de la connotation.

[127]        M. Senders déclare que, selon l'American College Dictionary, il est clair que le mot « decision » est employé en vue d'indiquer un processus mental. Il est également clair que le mot « choice » est employé en vue d'indiquer une action, la liberté de faire un choix parmi d'autres ou encore la chose elle-même que l'on choisit. Il est clair que le mot « choice » est employé en vue d'indiquer un processus observable, par opposition à un processus mental.


[128]        En ce qui concerne les « processus décisionnels » , la littérature scientifique fait également une distinction entre des actes manifestes, un comportement qui peut être observé dans le laboratoire, et des processus mentaux présumés sous-jacents, dont l'existence dépend entièrement de l'observation d'un choix - soit la sélection réelle d'une chose ou une déclaration également observable parmi une gamme de choses qu'il est possible de dire. Ainsi, lorsque quelqu'un - le sujet d'une expérience ou l'acheteur - choisit une chose parmi une gamme de choses possibles, le choix observable est un phénomène réel. Le choix peut être décelé, classifié et dénombré.

[129]        M. Senders indique qu'une façon scientifique commune d'analyser les données recueillies à partir de choix réels consiste à imaginer un processus décisionnel mathématique dont les équations peuvent être calculées à partir de statistiques de choix. Dans le langage courant, les gens justifient leurs choix en affirmant qu'ils ont « décidé » d'agir comme ils l'ont fait. Il n'existe aucune preuve substantielle montrant qu'il y a réellement eu un processus décisionnel ou une « décision » . Pareille existence repose uniquement sur les assertions non corroborées de gens qui cherchent à rationaliser les choix qui ont été faits - qu'il s'agisse de leur propre choix ou de celui d'autres personnes.

[130]        De l'avis de M. Senders, la marque de commerce Healthy Choice décrit clairement ou décrit d'une façon fausse et trompeuse le caractère ou la qualité des produits alimentaires (sur lesquels cette marque est apposée). Le produit alimentaire est la « chose » que l'on choisit, c'est-à-dire le choix. Il faut également déterminer si le mot « Healthy » est clairement descriptif ou s'il s'agit d'une description fausse et trompeuse. Selon la doctrine de l'exclusion du milieu, ce doit être l'un ou l'autre.


[131]        Dans son affidavit, M. Senders a conclu que la marque de commerce Healthy Decision ne décrit pas clairement ou ne décrit pas d'une façon fausse et trompeuse le caractère ou la qualité des produits alimentaires (sur lesquels cette marque est ou doit être apposée). Elle se rapporte au processus mental de l'acheteur plutôt qu'au produit qui fait l'objet d'un choix.

[132]        La demanderesse affirme que M. Senders exprime son avis sur des questions qui ne sont pas ici en cause.

[133]        Selon la demanderesse, M. Senders a admis pendant le contre-interrogatoire que l'avis qu'il exprime au sujet des présumées différences entre les marques en question sur le plan de la définition formelle et de la connotation devait porter sur les conclusions que le registraire avait tirées au sujet de l'examen fondé sur l'alinéa 6(5)e) de la Loi. Toutefois, ni l'une ni l'autre des parties n'a interjeté appel contre ces conclusions. Ce sont les conclusions que le registraire a tirées au sujet de la confusion existant entre les marques apposées sur les marchandises restantes qui sont en litige. Sur ce point, M. Senders a reconnu qu'en préparant son affidavit, il n'avait pas tenu compte des facteurs liés au paragraphe 6(5), à part l'alinéa 6(5)e).

[134]        En outre, le caractère descriptif de la marque de commerce Healthy Decision ou de la marque de commerce de la demanderesse n'est pas ici en litige.


[135]        Subsidiairement, la demanderesse affirme qu'il faut accorder peu d'importance à l'affidavit de M. Senders (ou même qu'il ne faut lui accorder aucune importance), et ce, pour les raisons suivantes :

a)        M. Senders n'a pas employé les méthodes appropriées habituellement employées en vue d'apprécier la confusion qui était créée entre les marques des concurrents, par exemple en effectuant un sondage;

b)        L'avis exprimé par M. Senders fausse le critère juridique pertinent applicable à la question de la confusion, en ce sens que M. Senders conclut qu'il n'y aurait pas une confusion importante entre les marques de commerce. Or, le critère juridique pertinent ne se rapporte pas à la question de savoir s'il y a une confusion importante et, en fait, cela donne à entendre une norme plus stricte que le critère juridique pertinent, qui consiste à déterminer s'il y a une possibilité de confusion;

c)        L'avis exprimé dans l'affidavit de M. Senders est contredit par les extraits de dictionnaires qui sont joints à l'affidavit lui-même, étant donné que pareils extraits montrent que les définitions et la connotation des mots « decision » et « choice » peuvent dans certaines circonstances être les mêmes. En outre, selon le Roget's International Thesaurus, les mots « choice » et « decision » sont synonymes. Pendant le contre-interrogatoire, M. Senders a également essentiellement confirmé que les mots « decision » et « choice » sont interchangeables;

d)        L'avis que M. Senders a exprimé au sujet de la question du caractère descriptif était fondé sur l'analyse critique que le témoin avait effectuée au sujet des mots figurant dans chaque marque de commerce; toutefois, une appréciation du caractère descriptif ne devrait pas être fondée sur l'analyse critique des mots figurant dans une marque de commerce;

e)        La présente Cour ne peut pas adopter l'avis de M. Senders en se fondant simplement sur son expertise. Étant donné que M. Senders n'a pas effectué de sondage et qu'il a exprimé son avis au sujet des différences existant entre les définitions formelles et la connotation des marques en question en se fondant sur de simples hypothèses, il convient de traiter son avis avec prudence.


[136]        La défenderesse soutient que l'affidavit de M. Senders se rapporte à la notion de confusion dans son ensemble et non simplement aux questions strictes se rapportant à l'alinéa 6(5)e) - la ressemblance entre les marques. La défenderesse affirme que des considérations fondées sur la définition formelle et sur la connotation des marques respectives et sur les différences y afférentes sont clairement pertinentes lorsqu'il s'agit de trancher la question de la confusion, étant donné en particulier que l'avis de M. Senders se rapporte à la confusion et à la période pertinente, soit le 2 août 1994.

[137]        J'ai tenu compte de l'affidavit de M. Senders et de la preuve soumise et je ne suis pas convaincu que les marques de commerce Healthy Choice et Healthy Decision aient un caractère distinctif inhérent ou un caractère distinctif acquis.

[138]        Le deuxième facteur dont il a été tenu compte se rapporte à la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage. Comme le registraire l'a fait remarquer, l'affidavit de M. Murata montre que la demanderesse a commencé à employer la marque Healthy Choice le 24 juin 1991 et qu'avant 1994, les ventes brutes canadiennes des produits Healthy Choice excédaient 23 000 000 $. La demande de la défenderesse était fondée sur l'emploi projeté. Toutefois, la défenderesse a commencé à employer la marque de commerce Healthy Decision dès 1995-1996 en liaison avec des pommes de terre frites surgelées et elle n'a jamais renoncé à son emploi au Canada.


[139]        La défenderesse affirme que l'emploi par la demanderesse de sa marque Healthy Choice était presque inexistant à la date pertinente, soit le 2 août 1994. L'affidavit de M. Yung montre que la marque Healthy Choice n'était pas bien connue au Canada. De plus, la marque de commerce Healthy Choice a censément été la première à être employée par la demanderesse au mois de juin 1991, mais elle était presque inconnue sur le marché canadien en 1997. Les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés Healthy Choice ne se trouvaient dans aucun des gros magasins d'alimentation.

[140]        Les produits alimentaires Healthy Choice ont été mis sur le marché en 1991 et en 1992. En 1993, ces efforts de mise en marché ont échoué. En pleine campagne de lancement, les produits Healthy Choice détenaient peut-être six ou sept pour cent du marché des repas cuisinés surgelés. À l'heure actuelle, la part du marché de la demanderesse est presque nulle.

[141]        Depuis 1993, les produits Healthy Choice ne font l'objet de presque aucune grosse campagne de publicité.


[142]        Je suis d'accord avec le registraire pour dire que l'examen de la période pendant laquelle chaque marque avait été en usage à la date de production de la demande joue naturellement en faveur de la demanderesse. Je suis également d'accord avec le registraire pour dire que la mesure dans laquelle chacune des marques était devenue connue est un facteur qui joue en faveur de la demanderesse.

[143]        Quant au genre de marchandises, services ou entreprises, la Cour d'appel fédérale a donné les explications suivantes dans l'arrêt Pink Panther Beauty Corp., précité :

Il est évident que, lorsque des marques de commerce sont similaires, le degré de similitude entre les marchandises ou les services qui portent ces marques constituera un facteur important pour déterminer s'il en résultera vraisemblablement une confusion. La similarité des marchandises ou des services ne peut être une condition sine qua non dans la détermination de l'existence de confusion, puisque le paragraphe 6(2) indique qu'il peut y avoir confusion « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » . Toutefois, le critère ultime est la confusion et, si un produit ne fait pas penser à l'autre, c'est là une forte indication de l'improbabilité d'une confusion. Par conséquent, le genre de marchandises, services et entreprises, bien que n'étant pas toujours déterminant, est certainement important. [...]

[144]        Quant au genre de marchandises, je crois qu'étant donné que les demandes abandonnées se rapportent aux mêmes marchandises, les marchandises des parties se chevauchent.

[145]        Quant à la nature du commerce, la Cour d'appel fédérale a statué ce qui suit, encore une fois dans l'arrêt Pink Panther Beauty Corp., précité :

S'apparente à l'examen du genre de marchandises ou de services celui de la nature du commerce dans lequel ces marchandises ou services circulent. Le risque de confusion est plus grand lorsque les marchandises ou les services, bien que différents, sont distribués dans le même genre de magasins ou appartiennent à la même catégorie générale de biens. [...]

L'analyse de la nature du commerce s'étend au genre d'environnement commercial. Si l'un des produits est vendu en gros et que l'autre l'est par l'intermédiaire de magasins de détail, c'est un élément dont il faut tenir compte. Ce facteur concerne tant l'environnement commercial que le type de consommateur. [...]


[146]        Je suis d'accord avec le registraire pour dire que les circuits de distribution des parties se chevauchent puisque les deux parties vendent leurs marchandises par l'entremise des magasins d'alimentation de détail. La demanderesse a en outre soumis les affidavits de M. Fullman et de M. Koopman. La défenderesse s'est opposée à ces affidavits, qui montrent que les marchandises seraient placées dans la même allée, dans les magasins d'alimentation, ou très près les unes des autres. À mon avis, ces affidavits étayeraient encore plus la conclusion selon laquelle les circuits de distribution des parties se chevauchent. Étant donné que je n'ai pas besoin des affidavits pour tirer ma conclusion, je n'examinerai pas cette question.

[147]        Dans l'arrêt Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a expliqué comme suit le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou dans le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent :

En outre, lorsqu'il s'agit d'évaluer le facteur « degré de ressemblance » mentionné à l'alinéa 6(5)e) de la Loi, on doit utiliser comme critère le point de vue d'une personne qui n'a qu'un souvenir général et imprécis de la marque antérieure. Il faut de plus trancher la question de la similitude en tenant compte de l'effet des marques considéré globalement. Les marques ne doivent pas être examinées les unes en regard des autres lorsqu'il s'agit d'analyser leurs similitudes et leurs différences : voir British Drug Houses Ltd. v. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, [1944] 4 D.L.R. 477, 4 Fox Pat. C. 93 [confirmé 5 C.P.R. 71, [1946] 1 D.L.R. 289, 5 Fox Pat. C. 135].


[148]        Sur ce point, le registraire a décidé que les marques se ressemblent quant à la présentation et au son du fait qu'elles sont toutes les deux composées de deux mots, le premier étant le mot « healthy » . Le registraire a en outre conclu que les mots « choice » et « decision » ont des sens qui se chevauchent. Je suis également d'accord avec le registraire sur ce point.

[149]        Dans l'arrêt Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a statué ce qui suit :

Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région ou de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale.

[Notes de base de page omises.]

[150]        Compte tenu de la preuve, j'estime que la marque de commerce Healthy Decision crée de la confusion avec la marque de commerce Healthy Choice de la demanderesse faisant l'objet des demandes nos 679139 et 679140 qui ont été abandonnées.

3-        En ce qui concerne l'aspect de la décision du registraire se rapportant au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)a) de la demanderesse :

a)        Le registraire a-t-il commis une erreur en concluant qu'il n'y a pas de chevauchement entre les sauces pour pâtes alimentaires, les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés vendus par la demanderesse et les autres marchandises, de sorte qu'il a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas de confusion entre les marques de commerce à l'égard de ces marchandises?


Norme de contrôle

[151]        La Cour d'appel fédérale a énoncé comme suit la norme de contrôle qui s'applique à la décision du registraire dans l'arrêt Les Brasseries Molson c. John Labatt Limitée, [2000] A.C.F. no 159 (C.A.F.) :

Du fait qu'il offre l'opportunité de produire une nouvelle preuve, l'appel prévu à l'article 56 n'est pas une disposition d'appel habituelle par laquelle la cour saisie rend sa décision sur la base du dossier de la cour dont la décision fait l'objet de l'appel. [...] L'appel prévu n'est pas non plus un « procès de novo » au sens strict du terme. Ce terme renvoie habituellement à un procès qui requiert la création d'un tout nouveau dossier, comme s'il n'y avait pas eu de procès en première instance. Ainsi, dans un procès de novo, la cause doit être jugée uniquement sur la base du nouveau dossier et sans égard à la preuve présentée dans les procédures antérieures.

[...]

Un appel sous l'article 56 implique, du moins en partie, une révision des conclusions du registraire. Du fait que les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues, ses décisions méritent une certaine déférence. Dans l'affaire Benson & Hedges Canada Limited c. St. Regis Tobacco Corporation ([1969] R.C.S. 192), le juge Ritchie a déclaré ceci à la page 200 :

[TRADUCTION] À mon avis, la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion doit être considérée comme étant d'un grand poids et la conclusion d'un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien, doit rendre des décisions sur ce point et sur d'autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais comme l'a déclaré Monsieur le juge Thorson, alors président de la Cour de l'Échiquier, dans l'affaire Freed and Freed Limited c. The Registrar of Trade Marks et al [14 C.P.R. 19] :

[...] le fait de se fonder sur la décision du registraire portant que deux marques se ressemblent au point de créer de la confusion ne doit pas aller jusqu'à décharger le juge qui entend l'appel de cette décision de l'obligation de trancher la question en tenant compte des circonstances de l'espèce.

Dans l'affaire McDonald's Corp. c. Silcorp Limited [(1989), 24 C.P.R. (3d) 207, à la page 210], le juge Strayer (alors juge puiné), commentant cette citation du juge Ritchie, a expliqué que, bien que la cour doive demeurer libre de revoir la décision du registraire, cette décision ne doit pas être rejetée à la légère.


Il semble clair qu'en matière d'oppositions, lorsque le litige porte essentiellement sur des faits relatifs à la confusion ou au caractère distinctif, la décision du registraire ou de la Commission constitue une conclusion de fait et non l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, la Cour ne devrait pas réviser cette décision avec autant de retenue que s'il s'agissait de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. La Cour est donc libre d'examiner les faits afin d'établir si la décision du registraire ou de la Commission était exacte; cependant cette décision ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles. Voir Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R. 1 à la page 8, 1 D.L.R. (3e) 462 (C.S.C.), [1969] R.C.S. 192, aux pages 199 et 200. Bien qu'à diverses reprises, la Cour d'appel fédérale ait jugé qu'en appel, la Cour avait l'obligation d'établir si le registraire avait ou non rendu une décision « manifestement erronée » ou s'il avait simplement « eu tort » , il semble que le juge saisi d'un appel semblable à l'espèce soit tenu de tirer ses propres conclusions quant à l'exactitude de la décision du registraire. Ce faisant, il doit toutefois tenir compte de l'expérience et des connaissances particulières dont dispose le registraire ou la Commission et surtout prendre en considération, le cas échéant, le fait que de nouvelles preuves, dont ne disposait pas la Commission, ont été déposées devant lui [confirmé à (1992), 41 C.P.R. (3d) 67 (C.A.F.)].

La décision McDonald's Corp. c. Silcorp, rendue en 1989, est bien antérieure à la jurisprudence récente de la Cour suprême établissant le continuum moderne des critères de contrôle, à savoir la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable; voir Southam c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches) ([1997] 1 R.C.S. 748, aux pages 776 et 777). Du fait que le juge Strayer était disposé à faire preuve d'une certaine déférence à l'égard du registraire, je ne considère pas que l'utilisation qu'il fait du terme « correct » reflète la norme de contrôle sans retenue et rigoureuse qui est de nos jours associée aux termes « correct » ou « décision correcte » .


Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges c. St. Regis et McDonald c. Silcorp est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

[152]        Dans la décision Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. et al. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.), le juge Evans a dit ce qui suit au sujet de la norme de contrôle :

Les conséquences à l'égard de la norme de contrôle qu'entraîne le dépôt en appel d'une preuve additionnelle seront largement fonction de la mesure dans laquelle cette autre preuve a une force probante plus grande que celle des éléments fournis au registraire. Si l'élément apporté a peu de poids et ne consiste qu'en une simple répétition des éléments déjà mis en preuve sans accroître la force probante de ceux-ci, la présence de cet élément additionnel ne devrait avoir aucune incidence sur la norme de contrôle appliquée par la Cour en appel.

Par contre, lorsque la preuve additionnelle va au-delà de ce qui a déjà été établi devant le registraire, la Cour doit alors se demander si, à la lumière de cette preuve, le registraire a rendu la mauvaise décision à l'égard de la question sur laquelle porte ces éléments de preuve et, peut-être, si la décision au fond est elle-même justifiée. Plus les éléments de preuve additionnels ont un poids important, plus la cour d'appel sera portée à tirer elle-même une conclusion de fait.

Décision du registraire selon laquelle il n'y avait pas chevauchement

[153]        La demanderesse affirme que le registraire a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas de chevauchement entre les sauces pour pâtes alimentaires, les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés de la demanderesse d'une part et les autres marchandises d'autre part et en concluant qu'il n'y avait donc pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et les marques de commerce de la défenderesse.


[154]        La demanderesse allègue que le registraire a commis une erreur en concluant que les deux marques de commerce créent de la confusion uniquement à l'égard des marchandises qui se chevauchent directement, mais non à l'égard des autres marchandises similaires puisque la conclusion met trop l'accent sur une classification technique stricte des différentes catégories de produits alimentaires ici en cause.

[155]        En outre, la conclusion ne tient pas compte de la preuve relative à la similarité existant entre un grand nombre des autres marchandises et les plats cuisinés surgelés, les plats de résistance surgelés et les sauces pour pâtes alimentaires de la demanderesse, en ce qui concerne le fait que les produits alimentaires sont placés très près les uns des autres sur les étagères des magasins d'alimentation et la façon dont pareils produits sont généralement commercialisés.

[156]        La demanderesse soutient que la conclusion ne protège pas les consommateurs contre la confusion qui pourrait exister au sujet de la source des autres marchandises.

[157]        Cette conclusion ne tient pas compte de la réalité commerciale, en ce sens que la demanderesse et la défenderesse sont des conglomérats internationaux, produisant une vaste gamme de produits alimentaires.

[158]        Cette conclusion est à tort fondée sur une remarque incidente figurant dans un précédent (Clorox, précité), à l'égard duquel il est possible de faire une distinction.


[159]        À la page 6 de sa décision, le registraire a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Au 2 août 1994, l'opposante avait employé la marque HEALTHY CHOICE pour des plats cuisinés surgelés, des plats de résistance surgelés et des sauces pour pâtes alimentaires. Certains plats cuisinés et plats de résistance HEALTHY CHOICE de l'opposante sont composés de lasagnes et de pâtes alimentaires. Étant donné que l'état des marchandises de la demanderesse comprend des plats de résistance frais, des plats de résistance préparés surgelés, des lasagnes et des plats de pâtes alimentaires, ainsi que des plats préparés surgelés réchauffables au four à micro-ondes, les marchandises de la demanderesse et les marchandises de l'opposante se chevauchent clairement. En ce qui concerne les autres marchandises visées par la demande de la demanderesse, je note la décision que la Cour fédérale a rendue dans l'affaire Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), où la Cour a dit ce qui suit, à la page 490 : « Il suffit de considérer les milliers de variétés d'aliments, de viandes, de confiseries, de céréales, etc. dans un supermarché quelconque, pour comprendre que, dans certains cas, mieux vaut ne pas trop se fier au critère de la « même catégorie générale. »

Les circuits de distribution des parties se chevauchent étant donné que les deux parties vendent leurs marchandises par l'entremise de magasins d'alimentation de détail. Toutefois, M. Yung déclare que les produits alimentaires de la demanderesse ne seraient pas vendus très près des sauces pour pâtes alimentaires.

[Alinéa 23(vii), affidavit Yung.]

[160]        La demanderesse note que, dans la décision Clorox, la présente Cour a donné des précisions au sujet du passage cité par le registraire :

La règle vise la probabilité de confusion au cas où les marchandises portant les marques en conflit, comme dans le cas de figure classique adopté par la jurisprudence en la matière, se trouveraient l'une à côté de l'autre sur le même rayon dans le même magasin. Voilà une éventualité qui me paraît fort peu probable en l'espèce. Les marchandises de l'intimée n'ont certainement pas été mises en vente en dehors de ses propres établissements.


[161]        La demanderesse soutient que l'un des motifs importants sous-tendant la conclusion qui a été tirée dans la décision Clorox était que les marchandises de la défenderesse, dans cette affaire-là, ne seraient pas vendues ailleurs que dans les magasins Sears. C'est plutôt le contraire qui se produit ici. En outre, dans la décision Clorox, il ne semble pas que le registraire ou la Cour aient eu une preuve à leur disposition en ce qui concerne la façon dont les produits étaient placés sur les étagères des magasins ou au sujet de la façon commune de commercialiser les produits en question. La demanderesse affirme qu'en somme, la décision Clorox n'étaye pas la thèse selon laquelle seuls des produits identiques se trouvant dans les magasins d'alimentation peuvent être considérés comme se chevauchant dans le contexte de l'alinéa 6(5)c).

[162]        Dans l'arrêt Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., précité, la Cour d'appel fédérale a donné les explications suivantes :

Il est évident que, lorsque des marques de commerce sont similaires, le degré de similitude entre les marchandises ou les services qui portent ces marques constituera un facteur important pour déterminer s'il en résultera vraisemblablement une confusion. La similarité des marchandises ou des services ne peut être une condition sine qua non dans la détermination de l'existence de confusion, puisque le paragraphe 6(2) indique qu'il peut y avoir confusion « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale » . Toutefois, le critère ultime est la confusion et, si un produit ne fait pas penser à l'autre, c'est là une forte indication de l'improbabilité d'une confusion. Par conséquent, le genre de marchandises, services et entreprises, bien que n'étant pas toujours déterminant, est certainement important. [...]

[163]        La demanderesse soutient que la preuve dont disposait le registraire montre que les marchandises en question pouvaient bien être placées très près les unes des autres, dans les même sections des mêmes magasins d'alimentation de détail. La preuve montre également que les marchandises en question sont généralement commercialisées de la même façon.


[164]        La demanderesse affirme en outre qu'étant donné que ses plats cuisinés surgelés, ses plats de résistance surgelés et les sauces pour pâtes alimentaires d'une part et les autres marchandises d'autre part a) ne sont pas intrinsèquement différents, b) sont, ou doivent être, vendus dans la même section ou dans la même allée d'un magasin d'alimentation, ou très près les uns des autres, c) peuvent être, et sont souvent, commercialisés de la même façon, le registraire a clairement eu tort de conclure qu'il n'y avait pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque de commerce de la défenderesse employée en liaison avec les autres marchandises.

[165]        Dans l'arrêt Pink Panther Corp., précité, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit au sujet de la nature du commerce :

S'apparente à l'examen du genre de marchandises ou de services celui de la nature du commerce dans lequel ces marchandises ou services circulent. Le risque de confusion est plus grand lorsque les marchandises ou les services, bien que différents, sont distribués dans le même genre de magasins ou appartiennent à la même catégorie générale de biens. À titre d'exemple, il est plus probable qu'il y ait confusion si les deux articles sont de la même catégorie générale de produits d'entretien domestique et sont vendus dans des endroits semblables. En revanche, si une marque renvoie à des produits d'entretien domestique tandis que l'autre s'applique à des produits automobiles et que ces produits sont distribués dans des boutiques d'un genre différent, la probabilité que les consommateurs confondent une marque avec l'autre sera moins grande.

L'analyse de la nature du commerce s'étend au genre d'environnement commercial. Si l'un des produits est vendu en gros et que l'autre l'est par l'intermédiaire de magasins de détail, c'est un élément dont il faut tenir compte. Ce facteur concerne tant l'environnement commercial que le type de consommateur. [...]


[166]        La défenderesse soutient que la nature des marchandises autorisées en liaison avec les marques respectives est différente, étant donné en particulier que la défenderesse n'était pas autorisée à faire enregistrer la marque en liaison avec des plats de résistance préparés surgelés, des lasagnes, des plats de pâtes alimentaires et des repas préparés surgelés. En outre, lorsqu'une personne adopte un mot communément employé et cherche à empêcher ses concurrents de faire la même chose, les marques de commerce ont un caractère distinctif inhérent moindre et l'étendue de la protection fournie par la Cour est restreinte. Il est loisible à l'industrie d'employer une marque qui est commune dans le commerce.

[167]        À mon avis, la décision du registraire sur ce point peut être considérée comme déraisonnable. Les marchandises des parties appartiennent à la même catégorie générale, c'est-à-dire qu'il s'agit de produits alimentaires. Seule la nature des marchandises est différente. Je ne suis pas d'accord avec la défenderesse pour dire que les marques respectives sont différentes. En outre, il peut être accordé plus d'importance à la nature du commerce. Par conséquent, j'estime que le registraire a commis une erreur en concluant qu'il n'y a pas de chevauchement entre les sauces pour pâtes alimentaires, les plats cuisinés surgelés et les plats de résistance surgelés de la demanderesse d'une part et les autres marchandises d'autre part et par conséquent en concluant qu'il n'y a pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et les marques de commerce de la défenderesse à l'égard des autres marchandises.

b)        Le registraire a-t-il rendu la mauvaise décision au sujet de la question de la possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque de commerce Healthy Decision (relative aux autres marchandises), compte tenu des nouveaux éléments de preuve fournis par la demanderesse dans le présent appel?


[168]        La demanderesse a présenté de nouveaux éléments de preuve devant la Cour. Elle se fonde sur la conclusion que M. Koopman a énoncée dans son affidavit, à savoir que les produits alimentaires surgelés en liaison avec lesquels le registraire a accueilli la demande de la défenderesse (à savoir, des produits surgelés à base de pommes de terre, des boissons et des jus de fruits surgelés, des tablettes aux fruits surgelées, des baies et des fruits surgelés et des pizzas surgelées) seraient vendus très près des plats cuisinés surgelés et des plats de résistance surgelés et, dans bien des cas, à côté de pareils plats.

[169]        La demanderesse se fonde également sur l'affidavit de M. Fellman qui s'est rendu dans deux magasins d'alimentation Loblaws de la région d'Ottawa pour examiner la section des aliments surgelés. Dans le magasin le plus gros, M. Fellman a constaté que les frites surgelées étaient placées juste en-dessous des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés. Les pizzas surgelées étaient placées à côté des frites surgelées ainsi que des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés. Les jus surgelés étaient placés à environ trente pieds des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés dans une allée, et il y avait une autre glacière entre deux allées, renfermant d'autres jus surgelés qui étaient placés uniquement à deux étagères en-dessous des plats cuisinés et des plats de résistance surgelés. Enfin, une deuxième allée d'aliments surgelés renfermait de la crème glacée, des tablettes de crème glacée, des tablettes aux fruits et d'autres friandises glacées.

[170]        Dans le deuxième magasin d'alimentation, M. Fellman a constaté que la section des aliments surgelés était uniquement composée de deux glacières.


[171]        Compte tenu de la réponse que j'ai donnée à la question 3a), je n'ai pas besoin de nouveaux éléments de preuve en vue de conclure qu'il existe une possibilité de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse à l'égard des sauces pour pâtes alimentaires, des plats cuisinés surgelés et des plats de résistance surgelés vendus par la demanderesse et les autres marchandises de la défenderesse. Je n'examinerai donc pas les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés devant la Cour.

[172]        Par conséquent :

-          La présente demande est accueillie;

-          La décision de la Commission des oppositions des marques de commerce est annulée;

-          Il est ordonné au registraire des marques de commerce de rejeter en entier la demande no 760649 de la défenderesse McCain Foods Limited;

-          Les dépens sont adjugés à la demanderesse.

                             Pierre Blais                          

        Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 août 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.



                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                             T-1501-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Conagra Inc. c. McCain Food Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 29 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                           MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                     le 29 août 2001

ONT COMPARU

Mirko Bibic et Justine Whitehead                       POUR LA DEMANDERESSE

Colleen Spring-Zimmerman                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Stikeman Elliott                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Fasken Martineau DuMoulin, LLP                      POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)

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