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Date : 19991201


Dossier : IMM-6083-98


OTTAWA (ONTARIO), le 1er décembre 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O"KEEFE


ENTRE :


CHANDRAKUMAR THURAIRAJAH

CHANTHIRIKA CHANDRAKUMAR

PRAYANGAA CHANDRAKUMAR (représenté par son tuteur à l"instance)

PRESSENNA CHANDRAKUMAR (représenté par son tuteur à l"instance)


demandeurs


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



ORDONNANCE

LE JUGE O"KEEFE

     Après avoir entendu les observations des avocats et lu les documents que les parties ont déposés;

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire visant la décision, datée du 10 novembre 1998, dans laquelle la formation de la Section du statut de réfugié (la SSR) a conclu que les demandeurs s"étaient désistés de leurs revendications soit accueillie, et que la décision contestée soit annulée.


LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT QUE l"affaire soit entendue de nouveau par une formation différemment constituée de la SSR.






" John A. O"Keefe "

                                             J.C.F.C.











Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 19991201


Dossier : IMM-6083-98


ENTRE :


CHANDRAKUMAR THURAIRAJAH

CHANTHIRIKA CHANDRAKUMAR

PRAYANGAA CHANDRAKUMAR (représenté par son tuteur à l"instance)

PRESSENNA CHANDRAKUMAR (représenté par son tuteur à l"instance)


demandeurs


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE O"KEEFE


[1]      La présente demande a été entendue en même temps que la demande concernant les mêmes parties, qui a été présentée dans le dossier no IMM-2128-99.

[2]      Les demandeurs cherchent à obtenir le contrôle judiciaire d"une décision, datée du 10 novembre 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs s"étaient désistés de leurs revendications. Les demandeurs sont des citoyens du Sri Lanka. Une autre formation de la Section du statut de réfugié avait conclu en 1992 que les demandeurs n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Une demande de contrôle judiciaire contre cette décision a été présentée à la Cour fédérale du Canada (Section de première instance), qui a annulé la décision de la formation et renvoyé l"affaire à une formation différemment constituée de la Section du statut de réfugié, soit la formation qui a pris la décision datée du 10 novembre 1998.

[3]      L"audition des revendications des demandeurs devait avoir lieu le 14 septembre 1998.

[4]      Le jour même où les demandeurs se préparaient à se rendre à l"audition, la demanderesse, Chanthirika Chandrakumar, a eu des étourdissements, elle s"est effondrée, et elle est tombée malade. Le demandeur, Thurairajah Chandrakumar, a alors téléphoné au bureau de son avocat, mais personne n"a répondu au téléphone; il a donc laissé un message sur le répondeur automatique. Monsieur Chandrakumar n"a pas téléphoné à la SSR. Il ressort des documents que les nom et prénom de M. Chandrakumar ont été inversés dans l"intitulé de la cause.

[5]      L"avocat des demandeurs n"a pu se présenter à l"audition, car il avait été impliqué dans un accident d"automobile; dans les circonstances, il n"avait pu communiquer avec la SSR. Par contre, l"avocat a communiqué avec le commis chargé de l"affaire quand il est retourné à son bureau. Il a ensuite fait parvenir une lettre à la SSR le 15 septembre 1998.

[6]      Cette lettre s"est toutefois perdue entre le bureau de l"avocat et l"endroit où elle devait être déposée dans le système de classement de la SSR. L"avocat a donc envoyé une autre copie de la lettre à la SSR.

[7]      Le 14 septembre 1998 au matin, la formation a attendu jusqu"à 9 h 05 que les demandeurs se présentent, avant de décider d"entamer une instance en désistement.

[8]      Monsieur Chandrakumar a témoigné qu"il avait téléphoné au bureau de son avocat à 9 h environ. Il a également témoigné qu"il n"était pas convaincu de l"exactitude de ce renseignement, car cette journée-là, il était inquiet du fait que son épouse était tombée malade.

[9]      Monsieur Chandrakumar a également témoigné qu"il n"avait pu se présenter à l"audition, qui devait débuter à 8 h 15, étant donné que, son épouse étant tombée malade, il ne pouvait laisser les enfants seuls à la maison avec celle-ci.

[10]      Un certificat médical a été produit en ce qui concerne la maladie de Mme Chandrakumar, mais l"explication qu"il fournissait n"a pas convaincu la formation.

[11]      La formation a dit que vu l"absence de l"avocat des demandeurs, elle aurait peut-être accordé un ajournement à ces derniers, s"ils s"étaient présentés.

[12]      La Commission a envoyé aux demandeurs un avis, daté du 27 octobre 1998, les informant qu"une audition concernant leur omission de se présenter à l"audition du 14 septembre 1998 aurait lieu le 2 novembre 1998, à 8 h 15. L"avis les informait également du fait que s"ils ne se présentaient pas à cette audition, la SSR pourrait déclarer qu"ils s"étaient désistés de leurs revendications.

[13]      Les demandeurs, de même que leur avocat, se sont présentés à l"audition le 2 novembre 1998, prêts à y participer.

[14]      La formation a statué :

[TRADUCTION] " En conséquence, la formation recommandera au greffier de déclarer que les membres de la famille Chandrakumar se sont désistés des revendications du statut de réfugié au sens de la Convention qu"ils ont déposées ".

[15]      Le 10 novembre 1998, un avis de désistement a été émis. Cet avis mentionnait, à tort, que les demandeurs ne s"étaient pas présentés à l"audition du 2 novembre 1998 alors qu"en fait, ils y avaient été présents.

[16]      Le 12 avril 1999, le greffier a émis, au nom de la Commission, un nouvel avis de désistement, qui mentionnait que les demandeurs s"étaient effectivement présentés devant la SSR le 2 novembre 1998.

LA QUESTION LITIGIEUSE

[17]      La question litigieuse à trancher dans le cadre de la présente demande est de savoir si la Commission aurait dû déclarer que les demandeurs s"étaient désistés de leurs revendications.

L"ANALYSE ET LA DÉCISION

[18]      Il ne fait aucun doute que les demandeurs étaient confrontés à deux problèmes le 14 septembre 1998 au matin. Premièrement, Mme Chandrakumar est tombée malade, elle s"est effondrée, et elle s"est blessée à la cheville, alors qu"elle se préparait à assister à l"audition. Deuxièmement, leur avocat a été impliqué dans un accident d"automobile et il n"a pu aviser la Commission qu"à 10 h 30, bien après l"heure à laquelle l"audition devait commencer, soit 8 h 15.

[19]      En l"espèce, aucune conclusion n"a été tirée selon laquelle le témoin n"était pas crédible. Nous devons donc accepter le témoignage de M. Chandrakumar, qui a dit que son épouse était tombée malade alors qu"ils se préparaient à assister à l"audition, et la déclaration de leur avocat, qui a dit avoir été impliqué dans un accident d"automobile et n"avoir pu aviser la Commission qu"à 10 h 30 ce matin-là.

[20]      Les faits ne sont pas contestés dans la présente demande.

[21]      À mon avis, il était déraisonnable de ne pas permettre aux demandeurs de présenter leur cause devant la formation. Non seulement Mme Chandrakumar était-elle malade le matin de l"audition, mais l"avocat des demandeurs n"était pas disponible parce qu"il avait été impliqué dans un accident d"automobile. La déclaration de la formation, selon laquelle [TRADUCTION] " les formations n"acceptent pas ces types de certificats médicaux qui mentionnent simplement qu"un individu est traité par un professionnel ", est une déclaration déraisonnable, compte tenu de la preuve des demandeurs établissant que Mme Chandrakumar était malade le matin de l"entrevue et que leur avocat ne pouvait être joint parce qu"il avait été impliqué dans un accident d"automobile. La formation doit examiner l"ensemble de la preuve qui lui a été soumis. Le demandeur représenté par un avocat va d"abord téléphoner à celui-ci. Or, c"est précisément ce que les demandeurs ont fait dans la présente affaire.

[22]      J"estime que la décision de la formation de déclarer que les demandeurs se sont désistés de leurs revendications du statut de réfugié au sens de la Convention est déraisonnable. Tout demandeur qui tente de communiquer avec son avocat parce qu"il ne peut se présenter à une audition vu que son épouse est malade agit de façon raisonnable et normale. Les demandeurs n"y peuvent rien si leur avocat est impliqué dans un accident d"automobile alors qu"il se rend à l"audition.

[23]      La Cour suprême du Canada a conclu, dans son arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1999), 174 DLR (4th) 193, que la norme de contrôle applicable à la décision en cause dans cette affaire était celle de la décision raisonnable simpliciter. À mon avis, la même norme de contrôle doit s"appliquer en l"espèce.

[24]      J"estime que la décision de la formation de déclarer que les demandeurs s"étaient désistés de leurs revendications était déraisonnable, étant donné qu"elle a dit, à la page 9 de sa décision :

[TRADUCTION]
     Monsieur et Madame Chandrakumar, les membres du tribunal ont discuté de ce qu"ils ont entendu ici ce matin. Je dois vous dire que nous ne sommes pas convaincus que ce certificat médical dit que vous ou votre épouse étiez incapable d"assister à l"audition. Les formations n"acceptent pas ces types de certificats médicaux qui mentionnent simplement qu"un individu est traité par un professionnel.
     Il vous incombait ce matin de convaincre la formation de la raison pour laquelle vous ne pouviez vous présenter ici le 14 septembre, et le seul dépôt de ce certificat médical ne suffit pas.

La formation disposait d"un autre élément de preuve, soit le témoignage sous serment de M. Chandrakumar selon lequel Mme Chandrakumar a eu des étourdissements, s"est effondrée, et s"est blessée à la cheville le matin de l"audition. Il a donc dit qu"il ne pouvait pas la laisser seule en compagnie des enfants. Comme il a déjà été souligné, la formation n"a pas conclu que cet élément de preuve n"était pas crédible. La formation avait également entendu le témoignage du demandeur, qui a déclaré avoir tenté d"aviser son avocat, mais que ce dernier avait été impliqué dans un accident d"automobile et qu"il n"avait pu joindre la Commission qu"à 10 h 30. Tous ces éléments de preuve établissent que la décision de la formation était déraisonnable. La formation elle-même a dit que si les demandeurs s"étaient présentés sans leur avocat à l"audition qui devait avoir lieu le 14 septembre 1998, elle leur aurait peut-être accordé un ajournement.

[25]      À mon avis, vu les circonstances extraordinaires de la présente affaire, la décision de la formation de déclarer que les demandeurs s"étaient désistés de leurs revendications était déraisonnable et, en conséquence, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs doit être accueillie et leurs revendications doivent être entendues par une formation différemment constituée de la Section du statut de réfugié.

[26]      Ni l"une ni l"autre des parties n"a proposé de question à certifier.

[27]      Aucune ordonnance n"est rendue pour ce qui est des dépens.


" John A. O"Keefe "

                                             J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 1er décembre 1999.


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-6083-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          CHANDRAKUMAR THURAIRAJAH ET                              AUTRES C. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 22 SEPTEMBRE 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O"KEEFE

EN DATE DU :                  1 ER DÉCEMBRE 1999



ONT COMPARU :


JEGAN N. MOHAN                      POUR LE DEMANDEUR

CHERYL MITCHELL                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


JEGAN N. MOHAN                      POUR LE DEMANDEUR


M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureuer général du Canada

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