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Date : 20190924


Dossier : IMM-1656-19

Référence : 2019 CF 1221

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2019

En présence de l’honorable juge Shore

ENTRE :

ERICK KARIM TORRES CASTRO

MARYTZA ROSALES CAMACHO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] rendue le 18 février 2019, dans laquelle la SAR confirmait la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] qui refusait la demande d’asile des demandeurs.

II.  Faits

[2]  Les demandeurs sont des citoyens du Mexique. La demanderesse Marytza Rosales Camacho est l’épouse du demandeur Erick Karim Torres Castro et fonde sa demande sur celle de son mari.

[3]  Le demandeur est impliqué en politique pour le parti Encuentro Social dans la municipalité de San Francisco del Rincon dans l’État de Guanajuato.

[4]  Le demandeur allègue avoir reçu des appels menaçants l’enjoignant d’arrêter son activité politique. Quelques mois plus tard, les membres de son parti et ceux du Partido Revolucionario Institucional [PRI] auraient eu un démêlé qui a fini par l’intervention de la police, police qui aurait détenu les membres d’Encuentro Social et le demandeur pendant deux heures avant de les libérer.

[5]  Suivant cette altercation, la police fédérale aurait questionné le demandeur au sujet de ses activités politiques et lui aurait conseillé de ne plus aller à certains endroits pour éviter des problèmes.

[6]  Quant à la demanderesse, celle-ci aurait été verbalement agressée par des personnes inconnues qui lui auraient demandé d’arrêter de critiquer le gouvernement. Quelque temps plus tard, des inconnus se seraient présentés chez les demandeurs alors que le demandeur était absent et auraient questionné la demanderesse. Des cris et des coups de feu auraient été entendus par des voisins.

[7]  Les demandeurs ont quitté le Mexique et le 12 décembre 2016 ont été admis au Canada en tant que visiteurs. Le 2 mars 2017, les demandeurs ont déposé leur demande d’asile contre le Mexique.

III.  Décision contestée

[8]  La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs, concluant à l’absence de crédibilité des demandeurs et des motifs au soutien de leur demande. Il n’est pas contesté que le demandeur était impliqué en politique. Toutefois, la SPR n’a pas cru les allégations à l’effet que la police ait été responsable de la persécution politique, et ce, pour deux raisons : (1) la police apparait simplement avoir agi en fonction des plaintes reçues, et (2) les omissions du demandeur à son formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] quant au rôle de la police dans les évènements allégués.

[9]  La SAR a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur et que les demandeurs n’étaient pas crédibles. Conséquemment, la SAR a confirmé la décision de la SPR de ne pas octroyer aux demandeurs le statut de réfugiés ou de personnes à protéger au sens de la LIPR.

[10]  De même, les demandeurs voulaient introduire en preuve un article de journal qui souligne un conflit entre partis politiques et l’implication de la police. La SAR a refusé le dépôt du nouvel élément de preuve et la tenue d’une audience en vertu des paragraphes 110(4) et (6) de la LIPR au motif que le document en question n’était pas pertinent.

IV.  Questions en litige

[11]  Les questions avancées par le demandeur peuvent être reformulées comme suit :

  • 1) La SAR a-t-elle erré en concluant que les éléments de preuve des demandeurs n’étaient pas conformes au paragraphe 110(4) de la LIPR?

  • 2) La SAR a-t-elle erré en refusant d’octroyer aux demandeurs le statut de réfugiés ou de personnes à protéger au sens de la LIPR?

V.  Dispositions pertinentes

[12]  Les dispositions suivantes sont pertinentes :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Immigration and Refugee Protection Act

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

Irrecevabilité

Ineligibility

101 (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

101 (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee Protection Division if

[…]

d) reconnaissance de la qualité de réfugié par un pays vers lequel il peut être renvoyé;

(d) the claimant has been recognized as a Convention refugee by a country other than Canada and can be sent or returned to that country;

Convention des Nations Unies relatives au statut des réfugiés

United Nations Convention Relating to the Status of Refugees

Article premier. - Définition du terme "réfugié"

Article 1 - Definition of the term "refugee"

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

VI.  Analyse

A.  Norme de contrôle applicable

[13]  La décision de la SAR quant à l’exclusion de la nouvelle preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR s’évalue en fonction de la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 au para 29 [Singh]).

[14]  L’évaluation de la crédibilité des demandeurs s’analyse aussi selon la norme de la décision raisonnable (Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1020 au para 7).

B.  Nouveaux éléments de preuve et application du paragraphe 110(4) de la LIPR

[15]  La SAR n’a pas erré en droit en refusant d’admettre le document en preuve. Il s’agissait d’un article de journal datant du 4 juin 2017 et il était donc disponible aux demandeurs au moment de l’audience devant la SPR. Conséquemment, le paragraphe 110(4) de la LIPR ne permettait pas aux demandeurs de présenter cette nouvelle preuve. De même, l’analyse de la SAR en vertu de l’affaire Singh, ci-dessus, n’est pas entachée d’irrégularités : il était tout à fait raisonnable de conclure que l’article de journal n’était pas pertinent à l’analyse.

C.  Raisonnabilité de la décision de la SAR

[16]  Les conclusions de la SAR quant à la crédibilité des demandeurs sont raisonnables et ne peuvent faire l’objet d’une révision de cette Cour. Contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, les motifs intelligibles et justifiés de la SAR démontrent que le décideur a pris soin de vérifier l’ensemble du récit des demandeurs.

[17]  Ainsi, sa conclusion quant à la crédibilité des demandeurs se justifie au regard des faits et du droit. Il était tout à fait loisible de conclure que les policiers n’ont fait que leur travail en interrogeant les participants au conflit politique suivant les plaintes formulées par les voisins.

[18]  De même, les omissions et discordances entre la version des demandeurs dans leur FDA et lors de leur témoignage devant la SPR sont importantes et permettent raisonnablement de conclure à l’absence de crédibilité des demandeurs.

[19]  Notons par ailleurs que la SAR a pris soin de considérer la preuve à l’égard des conditions nationales du Mexique et de la situation politique. À cet effet, la conclusion de la SAR est raisonnable : bien qu’il soit avéré qu’il puisse y avoir des conflits ouverts entre membres de différents partis politiques, il était raisonnable de conclure que la situation personnelle des demandeurs ne démontre pas une crainte bien fondée de persécution ou une probabilité d’être exposés à un tel risque.

VII.  Conclusion

[20]  Cette Cour ne décèle aucune erreur dans le processus décisionnel de la SAR et par conséquent rejette la présente demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT au dossier IMM-1656-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1656-19

 

INTITULÉ :

ERICK KARIM TORRES CASTRO, MARYTZA ROSALES CAMACHO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 septembre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 septembre 2019

 

COMPARUTIONS :

Claudia Andrea Molina

 

Pour les demandeurs

 

Erin Morgan

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Molina Inc.

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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