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Date : 20190924


Dossier : IMM‑871‑19

Référence : 2019 CF 1214

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2019

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

ALEXANDER CHUKUEMEKA MADUABUNA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le 15 janvier 2019, la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel interjeté par le ministre à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle le défendeur, un garçon de cinq ans détenant la double citoyenneté américaine et nigériane, a la qualité de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2]  Les membres de la famille du défendeur sont tous des citoyens nigérians, mais aucun d’eux n’a la double citoyenneté américaine et nigériane. La SPR a accordé l’asile au défendeur et à sa famille après avoir conclu qu’il s’agissait de personnes à protéger et qu’il n’y avait aucun endroit au Nigéria où ils pourraient se réinstaller en toute sécurité sans courir de risques.

[3]  La SPR a conclu que le défendeur pouvait obtenir l’asile parce qu’il avait présenté une demande d’asile seulement à l’égard du Nigéria, et non à l’égard des États‑Unis.

[4]  Le ministre a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR au motif que la SPR n’avait pas tenu compte de la citoyenneté américaine du défendeur.

[5]  La SAR a rejeté l’appel au motif qu’elle n’avait pas compétence pour l’entendre aux termes de l’alinéa 110(2)d) de la LIPR, qui prévoit que les décisions de la SPR ayant trait à des demandes d’asile faites par des demandeurs arrivés d’un pays qui est partie à un accord comme l’Entente sur les tiers pays sûrs (l’ETPS) conclue avec les États‑Unis ne sont pas susceptibles d’appel devant la SAR.

[6]  Le ministre a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR en vue d’obtenir l’annulation de la décision et de faire renvoyer l’affaire à un autre commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucun document n’a été présenté au nom du défendeur, mais son père a assisté à l’audition de la présente demande sur invitation de l’avocate du demandeur.

[7]  Le fait crucial en l’espèce est que la famille est entrée au Canada à un endroit autre qu’un point d’entrée. En effet, la famille a traversé la frontière canado‑américaine de façon irrégulière pour arriver dans un endroit situé au Québec.

[8]  À cet effet, le ministre s’appuie sur la décision récente de la Cour dans l’affaire Zhao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1384 [Zhao], dans laquelle le juge Fothergill a statué que la restriction visant les demandes d’asile présentées à la SPR et les appels d’une décision de la SPR interjetés devant la SAR ne s’applique pas lorsque les demandeurs d’asile entrent au Canada de façon irrégulière.

[9]  Je suis d’accord pour dire que l’analyse qu’a faite le juge Fothergill dans la décision Zhao s’applique en l’espèce :

Une simple lecture des dispositions législatives applicables confirme que la demande présentée par le demandeur d’asile qui entre au Canada en provenance des États‑Unis n’est habituellement pas recevable (alinéa 101(1)e) de la LIPR). Cependant, la LIPR prévoit aussi que le Règlement peut régir l’application de cette disposition. L’alinéa 159.4(1)a) du Règlement mentionne que l’alinéa 101(1)e) ne s’applique pas au demandeur d’asile qui cherche à entrer au Canada à un endroit autre qu’un point d’entrée. La restriction visant les appels interjetés devant la SAR contenue au paragraphe 110(2) de la LIPR ne s’applique que lorsque le demandeur d’asile entre au Canada en provenance des États‑Unis et que sa demande est déférée à la SPR par un agent à un point d’entrée en vertu de l’une des exceptions à l’ETPS.

(Zhao, au paragraphe 15, non souligné dans l’original)

[10]  La SAR n’a pas tenu compte de la façon dont le défendeur est entré au Canada. Si elle en avait tenu compte, elle aurait constaté qu’elle avait compétence pour entendre l’affaire. Par conséquent, la présente demande est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SAR pour qu’il rende une nouvelle décision.

[11]  Le défendeur est un enfant innocent pris par inadvertance dans les subtilités de la LIPR et de son règlement d’application. À la fin de l’audience, le père du défendeur a discuté avec les avocats afin de savoir ce qu’il pourrait faire pour que son fils puisse demeurer légalement au Canada. Les avocats ont envisagé des solutions possibles au nom du demandeur et ils communiqueront ces solutions à la Cour et au père du défendeur après les avoir examinées plus avant.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑871‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie.

  2. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SAR pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27jour de septembre 2019

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑871‑19

 

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c ALEXANDER CHUKUEMEKA MADUABUNA

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 23 septembre 2019

(par vidéoconférence)

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 24 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Amy Lambiris

 

pour le demandeur

 

Udo Alexander Maduabuna

pour le défendeur mineur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

 

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