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Date : 20190923


Dossier : T-1555-17

Référence : 2019 CF 1199

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2019

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

ROWAN WILLIAMS DAVIES & IRWIN INC.

demanderesse

et

PROWISE ENGINEERING INC.

ET REAGAN JING

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Dans la demande dont la Cour est saisie, Rowan Williams Davies & Irwin (RWDI) sollicite un jugement déclaratoire portant que ProWise Engineering Inc et Reagan Jing (ProWise) ont violé son droit d’auteur sur un rapport d’ingénierie, soit une évaluation des effets du vent sur les piétons qui a été préparée pour un projet de condominium. RWDI sollicite également une injonction interdisant toute contrefaçon ultérieure de son œuvre de la part de ProWise, en plus de réclamer des dommages‑intérêts.

[2]  ProWise répond en affirmant que la plupart des éléments de preuve présentés par RWDI sont inadmissibles. Elle soutient également que l’œuvre de RWDI n’est pas protégée par le droit d’auteur et que, même si elle l’était, l’utilisation qu’en a faite ProWise était équitable et n’a entraîné aucun préjudice pour RWDI.

[3]  À mon avis, la présente affaire repose sur la preuve ou, pour être plus exact, sur l’absence de preuve. Je suis d’accord avec ProWise pour dire que RWDI n’a pas adéquatement étayé sa demande par des éléments de preuve admissibles. RWDI a tenté de remédier à la situation en demandant l’autorisation de déposer des éléments de preuve supplémentaires la veille de l’audition de sa demande. Cependant, elle n’a pas justifié son retard dans la présentation de ces éléments de preuve. J’ai donc rejeté la demande d’autorisation. En fin de compte, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve admissibles pour étayer la présente demande. Je dois donc la rejeter.

II.  Le contexte

[4]  Les parties sont toutes les deux des firmes d’ingénierie. En 2015, ProWise a communiqué avec RWDI pour lui proposer un contrat de sous-traitance consistant à mener une évaluation des effets du vent sur les piétons dans le cadre d’un projet de condominium. RWDI a fourni une soumission ainsi qu’une proposition officielle à ProWise, mais aucun contrat n’a été conclu.

[5]  ProWise a préparé et soumis l’évaluation des effets du vent sur les piétons à la Ville de Waterloo.

[6]  En 2017, une ancienne employée de RWDI a communiqué avec la firme pour l’informer qu’elle avait vu une évaluation des effets du vent de ProWise qui ressemblait beaucoup à l’œuvre de RWDI. C’est sur le fondement d’une comparaison entre les deux rapports que RWDI a introduit la présente demande. RWDI allègue que ProWise a plagié le rapport d’évaluation des effets du vent qu’elle avait préparé pour un autre immeuble et que ce rapport était facilement accessible sur la page Web de la Ville de Waterloo.

III.  La preuve

[7]  ProWise soutient que la preuve présentée par RWDI est gravement insuffisante. Elle a donc déposé une requête en vue de faire radier la plupart des éléments de preuve au motif qu’ils n’étaient pas admissibles dans le cadre de la présente demande. RWDI conteste les observations de ProWise, mais elle a quand même tenté de combler les lacunes alléguées dans sa preuve en demandant, juste avant l’audition de la demande, l’autorisation de déposer un affidavit supplémentaire souscrit par un ingénieur de la firme, M. Hanqing Wu. ProWise s’est opposée à la demande d’autorisation de RWDI.

[8]  ProWise veut faire radier plusieurs annexes de l’avis de demande de RWDI ainsi que d’autres annexes jointes au mémoire des faits et du droit de RWDI, ainsi que l’affidavit original de M. Wu.

[9]  Je souscris à l’opinion de ProWise selon laquelle la majorité des éléments de preuve présentés par RWDI sont inadmissibles et devraient être radiés.

[10]  RWDI a cherché à présenter de nombreux éléments de preuve documentaire qui auraient étayé sa demande en les joignant simplement à titre d’annexes à son avis de demande et à son mémoire des faits et du droit. Cela ne suffit pas à les rendre admissibles. Les éléments de preuve doivent être présentés avec l’affidavit d’un témoin (Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Alberta, 2015 CAF 268, au par. 20, et Kahnapace c Canada, 2010 CAF 70, au par. 4).

[11]  RWDI fait remarquer que, lors des contre-interrogatoires préalables à l’audience, certains témoins ont identifié quelques-uns des documents contestés. Cela n’en fait toutefois pas des éléments de preuve admissibles dans le cadre de la présente demande.

[12]  ProWise soutient également que l’affidavit original de M. Wu visait à présenter une preuve par ouï-dire inadmissible provenant de l’ancienne employée qui a porté le rapport de ProWise à l’attention de RWDI. Dans cet affidavit, M. Wu a indiqué qu’une ancienne employée de RWDI l’avait informé qu’elle avait vu une évaluation des effets du vent [traduction] « qui ressemblait beaucoup au rapport de RWDI ». Il y est également mentionné que l’ancienne employée trouvait que l’évaluation qu’elle avait vue [traduction] « ressemblait tant à l’œuvre de RWDI » qu’elle s’était demandée si elle avait été préparée par un autre ancien employé. Elle a déclaré qu’elle pensait que ProWise utilisait les critères et les graphiques de RWDI.

[13]  RWDI affirme que ces parties de l’affidavit ne faisaient qu’inclure des faits dont M. Wu avait une connaissance personnelle et qu’il ne s’agissait pas de ouï-dire.

[14]  Dans la mesure où l’affidavit de M. Wu se fonde sur les communications de l’ancienne employée pour prouver qu’il y a similitude entre les deux rapports en cause, il contient clairement une preuve par ouï-dire inadmissible. Si ces renvois visaient simplement à relater ce que l’ancienne employée a dit à M. Wu, il s’agirait alors d’éléments de preuve admissibles. Cependant, l’objectif principal de l’affidavit était de prouver la similitude entre les deux rapports. Puisque les déclarations de l’ancienne employée ne peuvent pas aider à prouver que les rapports étaient similaires, les principaux segments de l’affidavit contiennent des éléments de preuve inadmissibles.

[15]  Ces lacunes dans la preuve de RWDI ont été portées à son attention des mois avant l’audience, mais RWDI a attendu à la dernière minute pour agir. À mon avis, ces efforts n’étaient pas suffisants.

[16]  RWDI a demandé l’autorisation de présenter l’affidavit supplémentaire de M. Wu qui comprenait certaines des annexes qui avaient précédemment été jointes à son avis de demande. Elle prétend que ses éléments de preuve n’ont pas été déposés de manière adéquate en raison d’une erreur administrative involontaire. Le nouvel affidavit contient des renseignements supplémentaires, y compris une déclaration de M. Wu selon laquelle il a participé à la rédaction du rapport de RWDI. Il y est également affirmé que RWDI détient un droit d’auteur à l’égard de l’œuvre de M. Wu étant donné qu’il est un employé de la firme. En outre, des détails sont fournis sur la façon dont M. Wu a pris connaissance du rapport de ProWise et l’a comparé avec le rapport de RWDI.

[17]  RWDI soutient que l’admission en preuve de ce nouvel affidavit ne causerait aucun préjudice à ProWise puisqu’elle est déjà au courant du contenu des annexes qui y sont jointes.

[18]  En réponse à la requête de RWDI visant à déposer des éléments de preuve supplémentaires, ProWise indique que RWDI n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas présenté sa preuve de manière appropriée et pourquoi elle n’avait pas remédié à la situation rapidement une fois les lacunes portées à son attention. ProWise a décrit en détail les divers faux pas et retards de RWDI dans le cadre de la présente demande et soutient que les lacunes dans la preuve de RWDI ne sont qu’un exemple de son manque de diligence. En outre, ProWise affirme que RWDI n’a pas respecté les critères applicables au dépôt d’un affidavit supplémentaire.

[19]  Je suis d’accord avec ProWise. Un affidavit supplémentaire peut être déposé s’il contient des éléments de preuve admissibles et pertinents, mais la Cour doit aussi déterminer si ces éléments de preuve auraient pu être fournis avant, s’ils seront utiles à la Cour et si leur admission entraînerait un préjudice pour la partie adverse. De plus, la partie qui soumet le nouvel affidavit doit expliquer la raison de ce dépôt tardif (Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88, aux par. 6, 9-10).

[20]  RWDI n’a pas respecté ces critères et n’a pas essayé de le faire. Bien qu’à première vue, les nouveaux éléments de preuve puissent être pertinents et par ailleurs admissibles, et même s’ils pourraient être utiles à la Cour, il aurait certainement été possible de les déposer plus tôt et RWDI n’a pas fourni d’explication pour leur dépôt tardif. Par ailleurs, il serait préjudiciable à ProWise de permettre à RWDI d’enrichir sa preuve maintenant. L’affidavit supplémentaire de M. Wu contient de nouveaux éléments de preuve, décrits précédemment, auxquels ProWise n’a pas eu l’occasion de répondre.

[21]  Par conséquent, j’accueillerai la requête de ProWise visant à radier les éléments de preuve inclus à tort dans l’avis de demande et le mémoire de RWDI, et je rejetterai la requête de RWDI visant à déposer des éléments de preuve supplémentaires pour combler les lacunes dans sa preuve.

[22]  Par conséquent, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve admissibles pour étayer la demande de RWDI.

IV.  Conclusion et décision

[23]  RWDI n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour étayer son allégation selon laquelle ProWise a violé son droit d’auteur. Je dois donc rejeter sa demande avec dépens.


JUGEMENT dans le dossier T-1555-17

LA COUR STATUE que la demande est rejetée, avec dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26jour de septembre 2019

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1555-17

 

INTITULÉ :

ROWAN WILLIAMS DAVIES & IRWIN INC. c PROWISE ENGINEERING INC. ET REAGAN JING

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 MARS 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Rade Sajic

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Reive

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sorbara, Schumacher, McCann LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Miller Thomson LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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