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Date : 20010608

Dossier : IMM-502-00

                                                                                              Référence neutre : 2001 CFPI 626

ENTRE :                                                                                                   

        IMRE POLGARI, EVA PASZTORNE ROSZÙNYAI, SZABINA POLGARI,

                               GINA POLGARI et BARBARA MELINDA NAGY

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]                 Les demandeurs contestent par la présente demande de contrôle judiciaire une décision de la Section du statut de réfugié (SSR) rendue le 30 décembre 1999, selon laquelle ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]                 Imre Polgari, le demandeur principal, sa conjointe de fait et leurs deux enfants ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de leur race et de leur nationalité, à savoir qu'ils sont des Rom hongrois. En même temps, la belle-fille du demandeur principal, Barbara Nagy, a présenté une revendication en tant que membre de la famille.


[3]                 Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur principal a énuméré les problèmes que lui et sa famille ont éprouvés du fait de leur ethnie rom. La difficulté d'obtenir une éducation, la rupture de son premier mariage et de celui de sa conjointe de fait parce que les familles de leurs partenaires non rom ne les acceptaient pas, les problèmes pour trouver un emploi et les périodes de chômage ainsi que les mauvais traitements, le harcèlement et l'ostracisme que subissaient ses enfants à l'école, figurent parmi les problèmes énumérés.

[4]                 Il a de plus relaté qu'il avait ouvert un petit restaurant mais que son permis a été révoqué après que le fait qu'il était un Rom eut été connu. Il a alors perdu son entreprise et sa maison qu'il avait hypothéquée afin d'investir dans son entreprise.

[5]                 Il a aussi décrit un incident dont il a été témoin et au cours duquel un voisin rom a été agressé à coups de bâtons de baseball et par des chiens. Lorsque le demandeur a tenté d'intervenir pour aider son voisin, les agresseurs ont menacé de se débarrasser du voisin, du demandeur principal et de leur famille. Le lendemain matin, le demandeur principal a constaté que son automobile avait été détruite. Il a déclaré qu'à partir de ce moment il n'a plus laissé les membres de sa famille sortir sans être accompagnés.


[6]                 C'est ce qui s'est passé le 4 mai 1998 qui a amené la famille à prendre la décision de quitter la Hongrie. Le demandeur, alors qu'il revenait du magasin tard en soirée, a été entouré par quatre hommes armés. Un des hommes lui a demandé pourquoi il insultait leurs mères. Dans son FRP, le demandeur déclare que la seule chose dont il se souvenait par la suite était d'avoir ressenti une douleur sourde à l'arrière du cou avant de perdre conscience. Sa femme l'a trouvé à l'extérieur de leur maison à environ 4 heures du matin. Avec l'aide d'un voisin, elle a réussi à l'amener dans la maison. Lorsqu'ils ont constaté que son corps était entièrement couvert d'ecchymoses et que ses poignets, qui portaient des marques de menottes, saignaient encore, ils l'ont fait transporter par ambulance à l'hôpital. Par la suite, un voisin a dit à la femme du demandeur qu'il avait vu des policiers le frapper, lui passer les menottes et le jeter dans une voiture de police. Le demandeur principal a déclaré qu'aucun rapport n'avait été préparé à l'hôpital parce que le personnel avait peur de la police. Il a déclaré qu'il avait fallu quatre jours avant de trouver un médecin disposé à signer un rapport quant à son état. À la suite de cet incident, sa famille et lui ont rapidement quitté la maison où ils habitaient et ont vécu dans une petite maison pendant qu'ils organisaient leur départ pour le Canada.

[7]                 Lors de l'audience, le demandeur principal et sa belle-fille ont tous deux témoigné. Au soutien de leurs revendications, les demandeurs ont de plus produit le rapport médical en provenance de Hongrie, daté du 8 mai 1998, et des rapports psychologiques relatifs au demandeur principal et à sa belle-fille.


[8]                 Il faudrait d'abord noter que lors de l'audience une confusion importante entourait les événements du 4 mai 1998. Il ressort clairement de la transcription, que le tribunal a interprété la narration contenue dans le FRP du demandeur relativement à ce qui s'était passé le 4 mai 1998 comme étant la description d'une agression contre le demandeur principal par quatre hommes armés. Le demandeur principal soutient que deux incidents sont survenus : l'agression par quatre hommes armés, puis par la suite l'incident avec les policiers.

[9]                 La SSR a reconnu que les demandeurs étaient des Hongrois rom, mais a conclu que le demandeur principal n'avait pas démontré qu'il avait raison de craindre la persécution à son égard ou à l'égard des membres de sa famille. Le tribunal a conclu que plusieurs aspects du témoignage du demandeur principal manquaient de crédibilité : son témoignage était confus et difficile à suivre; il y avait des incohérences entre son exposé écrit des faits et son témoignage verbal; la perte de mémoire ne pouvait pas totalement expliquer les faiblesses de son témoignage; il [TRADUCTION] « a tenté d'enjoliver sa revendication en utilisant, d'une manière propre à tromper le tribunal, les blessures subies et le rapport médical attestant ces blessures » . La SSR a de plus conclu que la belle-fille du demandeur avait aussi enjolivé son témoignage dans le dessein de renforcer sa revendication.

[10]            Le tribunal a conclu que même si les incidents étaient survenus de la façon et en raison de la motivation alléguées, ils constitueraient de la discrimination et non pas de la persécution subie. En outre, le tribunal a conclu que les demandeurs obtiendraient la protection de l'État s'ils la demandaient puisqu'une protection appropriée existe en Hongrie.


[11]            Bien que de nombreuses questions aient été soulevées relativement à la demande de contrôle judiciaire, les présents motifs ne traiteront que des questions soulevées par les demandeurs : le tribunal a fondé sa conclusion défavorable sur des distorsions de la preuve et sur des conclusions sans fondement quant au manque de vraisemblance; le tribunal a commis une erreur en utilisant des conclusions de fait provenant des causes types de revendicateurs hongrois; le tribunal a fait défaut de prendre en compte la totalité de la preuve relative à la protection de l'État.

[12]            Le tribunal a fondé sa conclusion quant à la crédibilité sur le défaut du demandeur principal d'avoir mentionné dans son FRP les détails de l'incident du 4 mai 1998 qu'il a donnés dans son témoignage verbal et aussi sur les éléments de preuve « confus ou contradictoires » lors de l'audience.

[13]            La jurisprudence établit clairement que l'omission d'un élément essentiel à la revendication dans le FRP d'un demandeur peut entraîner une conclusion défavorable quant à la crédibilité, mais en l'espèce ce sont les inférences du tribunal quant à des incohérences et à des contradictions qui ont servi à appuyer sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, qui sont en litige.

[14]            La première incohérence relevée par le tribunal touche l'identité des hommes qui ont attaqué le demandeur principal. Le tribunal a déclaré :

            [TRADUCTION]


Le revendicateur dans l'exposé des faits de son FRP a déclaré que quatre hommes armés qui étaient des policiers l'ont entouré et attaqué. Dans son témoignage verbal, le revendicateur a déclaré que les agresseurs étaient des miliciens, membres d'une organisation bénévole, qui sont payés par la ville pour aider les forces policières à faire respecter la loi et qui ont le droit d'utiliser des matraques de caoutchouc et du gaz poivré mais pas d'armes... (Dossier du tribunal, à la page 8.)

Dans son FRP, le demandeur principal déclare [TRADUCTION] « quatre hommes armés m'ont entouré » et par la suite raconte ce que son voisin lui a dit quant à la participation des policiers à cet incident. Lors de l'audience, le demandeur principal a témoigné comme suit :

[TRADUCTION]

AVOCAT                                 Il [le FRP] mentionne par la suite que le voisin a vu les policiers vous battre, mais il ne mentionne pas que vous vous rappelez que les policiers vous battaient.

REVENDICATEUR              Non, parce que je ne m'en rappelle pas.

[15]            Bien que le demandeur principal ait ajouté des renseignements lors de son témoignage verbal lorsqu'il a précisé que ceux qui l'avaient attaqué étaient des membres de la milice, il n'a pas identifié, ni dans son FRP ni lors de son témoignage verbal, les quatre agresseurs comme policiers.

[16]            Dans ses motifs, le tribunal a de plus fait ressortir la confusion et les contradictions entourant le témoignage du demandeur principal quant à savoir si les agresseurs lors de l'incident du 4 mai 1998 et lors de l'agression contre le voisin portaient des uniformes. Quant à l'incident du 4 mai 1998, le tribunal a déclaré :

            [TRADUCTION]


Le témoignage du demandeur sur la question de savoir si les quatre hommes portaient des uniformes était confus, il a déclaré à un moment donné lors de son témoignage verbal que les hommes portaient des uniformes et à un autre moment qu'ils n'en portaient pas. Lorsqu'on lui a demandé des explications supplémentaires, il a confirmé que les hommes ne portaient pas d'uniformes. (Dossier du tribunal, à la page 8.)

Puis, quant à l'agression contre le voisin :

            [TRADUCTION]

Il y avait une fois de plus de la confusion sur la question de savoir si les membres de la milice portaient des uniformes ou non; à un moment donné, le revendicateur a dit qu'ils n'avaient pas d'uniformes mais qu'ils avaient des uniformes. (Dossier du tribunal, à la page 10.)

[17]            Quant à l'incident du 4 mai 1998 et à la question de savoir si les agresseurs portaient ou non des uniformes, la transcription est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

AVOCAT                                  Alors ces hommes étaient-ils en service lorsque vous les avez vus au pub?

REVENDICATEUR              Je ne suis pas certain.

AVOCAT                                  Portaient-ils des uniformes?

REVENDICATEUR              Oui, ils portaient des uniformes..

(Dossier du tribunal, à la page 319.)                                                                                                            

   

Lors du contre-interrogatoire par l'ACR, le demandeur principal a témoigné comme suit :

[TRADUCTION]

ACR                                            Avaient-ils [les quatre hommes] des uniformes?

REVENDICATEUR              Ils avaient des uniformes foncés. Ils avaient des uniformes noirs.

(Dossier du tribunal, à la page 334.)


[18]            Quant à l'agression contre le voisin et la question de savoir si les agresseurs portaient des uniformes, la transcription est rédigée comme suit :

            [TRADUCTION]

AVOCAT                                  Quant à l'agression contre M. Feher.

REVENDICATEUR              Oui.

AVOCAT                                  D'accord. Alors les gens qui ont agressé M. Feher n'avaient pas de liens avec la police.

REVENDICATEUR              Ils n'étaient pas des membres de la police, c'est-à-dire qu'ils n'avaient pas d'uniformes. Ils n'avaient pas d'uniformes.

AVOCAT                                  Étaient-ils des policiers qui n'étaient pas en service?

REVENDICATEUR              L'organisation, ou le groupe de gens qui ont attaqué M. Feher, oui. Ils étaient des gens qui ont des uniformes, mais qui n'avaient pas d'uniformes. Ils étaient des membres de la milice.

AVOCAT                                  D'accord. Alors vous avez dit que lorsque vous marchiez ... d'accord. Sandor Feher, vous dites que lorsque vous marchiez près de chez lui, vous avez vu des gens l'agresser à l'aide de bâtons de baseball et de chiens.

REVENDICATEUR              Oui.

AVOCAT                                  D'accord. Vous avez dit les gens responsables de ces agressions ont menacé de se débarrasser de M. Feher, de moi et de nos familles.

REVENDICATEUR              Oui.

AVOCAT                                  Est-ce que vous témoignez aujourd'hui que ces gens étaient membres des forces de sécurité, ou comment les appelle-t-on, la milice?

REVENDICATEUR              Oui, oui, sauf qu'ils n'avaient pas d'uniformes.

SINGER                    Mais vous venez juste de nous dire qu'ils avaient des uniformes.


INTERPRÈTE                          Pardon?

SINGER                    Vous venez juste de nous dire qu'ils avaient des uniformes.

REVENDICATEUR              Non, je n'ai pas dit ça. Non. Ils étaient des membres de la milice, mais ils n'avaient pas d'uniformes.

GOPIE                                       Comment savez-vous qu'ils étaient des membres de la milice?

REVENDICATEUR              Ce que je voulais dire, c'est que je connaissais de vue certains d'entre eux et que je les ai reconnus.

SINGER                    D'accord, mais il y a moins d'une minute, lorsque votre avocat vous a demandé s'ils étaient des policiers qui n'étaient pas en service, à moins que j'aie mal compris votre témoignage, vous avez dit qu'ils avaient des uniformes. Ai-je mal compris votre témoignage?

REVENDICATEUR              Oui, ils n'avaient pas d'uniformes. Ils n'étaient pas des policiers, ils étaient des membres de la milice.

AVOCAT                                  J'ai entendu l'interprète dire qu'ils avaient des uniformes, mais pas d'uniformes. Alors je ne savais pas non plus ce que cela voulait dire.

SINGER                    D'accord. Quoi qu'il en soit.

INTERPRÈTE                          Je ne me souviens pas, mais je... il s'agit du cas le plus difficile que j'aie eu à traduire...

(Dossier du tribunal, aux pages 349 et 350.)

  

[19]            Alors que, tel que noté précédemment, une omission importante dans le FRP peut être le fondement d'une conclusion défavorable quant à la crédibilité, en l'espèce, le tribunal s'est fondé sur ce qu'il a erronément compris des déclarations du demandeur principal lors de son témoignage pour conclure à des incohérences qui ont appuyé sa conclusion quant à la crédibilité. À mon avis, l'intervention de la Cour est justifiée.


[20]            Les demandeurs prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a importé des conclusions de fait de causes types fondées sur des éléments de preuve invoqués dans ces causes types qui n'étaient pas disponibles aux demandeurs et que, par conséquent, ils n'ont pas eu la possibilité de commenter. Ils se sont appuyés sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Le Procureur général du Canada c. Pompa 94 D.T.C. 6630 et, notamment, sur les motifs de M. le juge McKay dans la décision Osadolor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 87, dans lesquels il a déclaré au paragraphe 9 :

  • Je suis d'avis que le tribunal a commis une erreur en rendant sa décision en l'espèce parce qu'il s'est appuyé sur une décision non publiée rendue dans une instance antérieure, sans accorder au demandeur la possibilité de faire valoir son point de vue à son égard. Il a agi ainsi pour tirer une conclusion relative aux changements de la situation qui, selon la jurisprudence, constitue clairement une conclusion de fait. Bien que le tribunal affirme, dans sa décision, faire sien le raisonnement retenu par un autre tribunal, il le fait relativement à une conclusion de fait déterminante en l'espèce. Cela suffit, selon moi, pour justifier l'intervention de la Cour.

[21]            Les circonstances de la présente affaire sont cependant différentes de celles de l'affaire Osadolor, précitée. Les motifs en l'espèce ne font aucune référence à des causes types antérieures pas plus qu'ils ne s'appuient sur les conclusions de fait de décisions antérieures. Même si le tribunal s'était fondé sur l'argumentation et sur les conclusions de fait des causes types antérieures quant aux conditions générales dans le pays, je remarque que dans Koroz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. 1593, au paragraphe 3, la Cour d'appel fédérale a statué :

  • [...] Cependant, lorsqu'il s'agit de déterminer les faits concernant la situation qui régnait au pays vers la même époque, une formation peut se fonder sur le raisonnement d'une formation antérieure au sujet de la même preuve documentaire. Lorsqu'une formation estime qu'elle doit adopter l'analyse d'une autre formation au sujet de la même preuve concernant une telle question, rien ne l'empêche légalement de se fonder sur cette analyse.

[22]            En outre, bien que le tribunal ait choisi de se fonder sur la preuve documentaire et les transcriptions de témoignages de spécialistes des causes des Hongrois rom, la documentation était incluse dans le matériel d'information de l'ACR et était à la disposition des demandeurs.

[23]            Les demandeurs prétendent de plus que la conclusion du tribunal quant à la protection de l'État était abusive compte tenu de l' [TRADUCTION] « avalanche d'éléments de preuve documentaire qui nient toute protection efficace de l'État » .

[24]            La preuve documentaire soumise lors de l'audience consistait en la trousse de documents de juin 1999 que l'ACR devait communiquer, identifiée comme pièce R-1, qui contenait les documents suivants :

1) La trousse de renseignements de la SSR - Hongrie, septembre 1998 (Index seulement);

2) Les documents additionnels que l'ACR devait communiquer - Hongrie - Roms, mai 1999 (Index        seulement)

3) La trousse de documentation sur les cas types hongrois (Index seulement).

[25]            De plus, les demandeurs ont soumis une trousse de documents sur la situation des Rom en Hongrie qui comprenait des rapports, des articles et des observations de diverses sources, identifiée comme pièce C-6.

                                                         


[26]            Dans ses motifs, le tribunal fait les observations et tire les conclusions suivantes :

[TRADUCTION]

[...] Le tribunal note que la preuve documentaire fait état d'une discrimination largement répandue à l'égard des Rom en Hongrie14. Cependant, la preuve documentaire décrit également des tentatives sérieuses de la part du gouvernement hongrois pour réprimer le problème de violence raciale et de discrimination à l'égard des minorités15 et la lente émergence grâce aux tribunaux du respect des droits des Rom16. Le tribunal conclut par conséquent qu'il n'existe pas plus qu'une simple possibilité que le revendicateur subirait de la persécution s'il retournait en Hongrie.

14 Voir Pièce R-1, Index de septembre 1998, numéro 4.15, Request for information, numéro HUN30156.EX.

15 Voir Pièce R-1, Trousse d'information sur les cas types hongrois.

16Voir Pièce R-1, Index de septembre 1998, numéro 4.1, Exposé - Hongrie : La situation des Roms, Direction des recherches, CISR, Mars 1998, page 35.

[27]            Plus loin dans ses motifs dans le contexte de son analyse de la protection de l'État pour les demandeurs, le tribunal déclare :

[TRADUCTION]

[...] Le tribunal a pris connaissance de la documentation sur la brutalité policière et la discrimination contre les Rom17qui a été déposée en preuve.

[...]

[...] Cependant, le tribunal croit que si le demandeur en avait besoin, il obtiendrait une protection adéquate de l'État en Hongrie; cette protection n'a pas à être parfaite et ne serait pas parfaite20. La preuve documentaire mentionne que l'État a instauré des programmes de protection21. Tel que noté précédemment, il existe des éléments de preuve montrant que les Rom, lorsqu'ils deviendront conscients de leurs droits et qu'ils chercheront à les faire respecter, obtiendront l'assistance des tribunaux22.

                                                                            

17 Voir les notes infrapaginales 10, 15 et 17: voir aussi divers articles de la Pièce C-3 détaillant la brutalité policière, surtout à l'égard de ceux qui sont détenus, et la discrimination des policiers à l'égard des Rom. Cependant, voir aussi la note infrapaginale 15 à la page 13, où il est mentionné que les mauvais traitements ou la violence aux mains des policiers surviennent tant à l'égard des non-Rom qu'à l'égard des Rom, quoique la fréquence de la violence est plus élevée à l'égard des Rom.

20 Canada (M.E.I.) c. Villafranca (1992), 18 Imm.L.R. (2d) 130 (C.A.F).

21Voir note infrapaginale 17, aux pages 17 à 20.

22 Voir note infrapaginale 17.


[28]            Le défendeur prétend que le tribunal a explicitement fait état de la preuve documentaire soumise par les demandeurs lorsqu'il a référé à la documentation [TRADUCTION] « sur la brutalité policière et la discrimination contre les Rom » . En outre, la véritable question soulevée par les demandeurs se rapporte à la préférence qu'ont les tribunaux pour certains éléments de preuve documentaire. Lorsque la preuve documentaire est contradictoire, la préférence de certains éléments de preuve par rapport à d'autres est une question d'appréciation qui doit être laissée à la SSR. Il n'est pas nécessaire que chaque élément de preuve dont il a été tenu compte dans le processus de décision soit détaillé dans les motifs. Dans la mesure où les conclusions sont raisonnables, la cour ne doit pas intervenir quant à la décision finale.

[29]            Les principes généraux invoqués par le défendeur sont bien établis en jurisprudence. Dans l'affaire Zhou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1087, au paragraphe 1, M. le juge Linden a déclaré que : « La Commission a le droit de s'appuyer sur la preuve documentaire de préférence au témoignage du demandeur du statut. La Commission n'a aucune obligation générale de préciser expressément les éléments de preuve documentaire sur lesquels elle pourrait se fonder. » Comme la Cour d'appel l'a déclaré dans Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.), le fait qu'une partie de la preuve n'est pas mentionnée dans les motifs du tribunal n'entache pas sa décision de nullité.


[30]            Dans Iqbal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 568, M. le juge Rouleau a explicité ce point en déclarant :

  • [...] Il est clairement établi en droit que la Commission n'a pas besoin de faire référence à toute la preuve documentaire au moment de résumer les motifs d'une décision. Toutefois, lorsqu'un affidavit d'expert est donné en preuve à la Commission et que d'autres preuves documentaires mettent en doute ou contredisent celles que l'agent chargé de la revendication a exhibées, la Commission devrait expliquer, un tant soit peu, ce qui l'a poussée à donner préférence à l'avis d'expert sur lequel elle s'est fondée et, à tout le moins, la raison qui l'a conduite à écarter celui que l'avocat des demandeurs a produit, ce qu'elle a omis de faire.
  •                                                          

[31]            Dans les circonstances de l'espèce, plusieurs questions sont soulevées. Premièrement, la référence du tribunal à la trousse d'information sur les causes types hongroises. L'index de cette trousse réfère à plus de soixante-quinze documents, de diverses sources, couvrant une période de 1987 à 1998, et est accompagné des transcriptions des témoignages de six experts. Vu qu'il n'y a pas de référence à des éléments de preuve particuliers de la trousse sur laquelle on s'appuie, il n'existe pas de fondement qui permette aux demandeurs de contester la fiabilité de la documentation, l'objectivité de la source ou l'expertise. La Cour ne peut pas non plus apprécier le caractère raisonnable de conclusions fondées sur cette documentation.


[32]            Deuxièmement, les documents soumis par les demandeurs et ceux contenus dans les documents communiqués par l'ACR sèment des doutes et en fait contredisent la disponibilité et l'efficacité de la protection de l'État pour les Hongrois rom. Si, d'une part, il était raisonnable pour le tribunal de tirer les conclusions qu'il a tirées, d'autre part l'absence d'analyse de la volumineuse documentation contenue dans la trousse d'information sur les causes types hongroises, des documents de la trousse de documents communiqués par l'ACR et des documents soumis par les demandeurs, jointe à un traitement inadéquat des documents contradictoires et à l'absence d'explications sur ses préférences pour la preuve sur laquelle il s'est fondé, justifient l'intervention de la Cour.

[33]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

[34]            Les avocats doivent signifier et déposer toute demande de certification d'une question grave de portée générale dans les sept jours de la réception des présents motifs. Chaque partie aura trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux soumissions de la partie adverse. Par la suite, une ordonnance accueillant la demande de contrôle judiciaire et renvoyant l'affaire à un tribunal différemment constitué pour réexamen sera rendue.

  

                                                                              « Dolores M. Hansen »             

Juge                       

  

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 juin 2001

  

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                   IMM-502-00

INTITULÉ :                               Imre Polgari et autres c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :           Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :            Le 29 septembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Madame le juge Hansen

DATE DES MOTIFS :         Le 8 juin 2001

COMPARUTIONS :

R. Galati                                     POUR LES DEMANDEURS

Greg George                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          

  

Galati, Rodrigues and Associates                                     POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

  

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

  
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