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Date : 20190917


Dossier : IMM‑481‑19

Référence : 2019 CF 1185

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

RAMPERSAUD TONY BUDHRAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENTS ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 2 janvier 2019 par laquelle la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la décision] a rejeté l’appel qu’il avait interjeté contre le refus opposé par un agent des visas à la demande de résidence permanente de son épouse. La SAI a conclu, à l’égard de cette dernière, que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2]  Comme je l’expliquerai plus en détail ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, car après avoir examiné les arguments du demandeur, j’ai conclu que la décision était raisonnable.

II.  Contexte

[3]  Le demandeur, Rampersaud Tony Budhram, est un citoyen canadien. En janvier 2013, il a mis fin à une union de fait qui avait duré 17 ans. Le 28 septembre de la même année, il a accepté d’être présenté à la nièce d’un collègue, Backta Thipthida, par Skype. Mme Thipthida est une citoyenne du Laos. Elle n’a jamais été mariée, mais a une fille née le 25 avril 2010 d’une précédente relation. Après les présentations et des échanges subséquents, M. Budhram s’est rendu au Laos – où il est arrivé le 2 novembre 2013 – pour assister à un mariage et pour rencontrer Mme Thipthida. Le couple s’est marié le lendemain dans le cadre d’une cérémonie bouddhiste. M. Budhram est allé au Laos à deux occasions en 2014, puis à une occasion en 2018. Mme Thipthida et lui se sont mariés civilement dans ce pays le 24 octobre 2014.

[4]  M. Budhram a ensuite parrainé la demande de visa de résident permanent de Mme Thipthida. Cette dernière a été passée en entrevue par un agent des visas [l’agent] au bureau des visas de Singapour en février 2017, mais sa demande a été refusée. L’agent a conclu que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. M. Budhram a interjeté appel de cette décision devant la SAI et il a été débouté; c’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]  La SAI a jugé que M. Budhram était crédible et que, du point de vue de ce dernier, le mariage était authentique. En revanche, elle a mis en doute les motivations de Mme Thipthida. Après avoir relevé un certain nombre de préoccupations, la SAI a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le mariage avait pour Mme Thipthida le caractère d’une transaction et qu’il visait principalement à lui faire acquérir un statut au Canada. Comme l’agent, la SAI a conclu que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR.

III.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[6]  Le demandeur soumet les deux questions suivantes à l’examen de la Cour :

  1. La décision de la SAI était-elle déraisonnable en raison du fait que la SAI a tenu compte d’éléments sans pertinence et a omis de tenir compte d’éléments pertinents?

  2. La SAI a‑t‑elle mal compris ou mal interprété le droit, ou l’a-t-elle mal appliqué aux faits?

[7]  Les parties conviennent que ces questions doivent être soumises à la norme du caractère raisonnable, et je n’ai rien à redire à cet égard.

IV.  Analyse

A.  La décision de la SAI était-elle déraisonnable en raison du fait que la SAI a tenu compte d’éléments sans pertinence et a omis de tenir compte d’éléments pertinents?

[8]  Le demandeur soutient à ce chapitre que la SAI s’est appuyée sur des éléments dépourvus de pertinence et qu’elle a omis d’examiner des éléments pertinents. Cependant, j’ai examiné les observations du demandeur, et il m’apparaît qu’il y fait valoir en substance que la SAI aurait dû tirer d’autres inférences ou parvenir à d’autres conclusions compte tenu de la preuve dont elle disposait. Il soutient que la SAI aurait pu retenir d’autres explications ou interprétations possibles qui lui étaient plus favorables. Il affirme par exemple que si son épouse était à ce point motivée, elle aurait pu se chercher il y a longtemps un mari canadien par l’entremise de sa tante, qui vit au Canada depuis 1992. Cependant, le rôle de la Cour n’est pas de revenir sur les conclusions de fait de la SAI, même si je devais être tenté de parvenir à une conclusion différente, dans la mesure où ses inférences sont raisonnables au regard de la preuve (voir, p. ex., Valencia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 787, au par. 24).

[9]  Le demandeur a appelé l’attention de la Cour sur quelques exemples particuliers qui montrent, d’après lui, que la SAI a fait fi d’éléments de preuve ou les a mal interprétés. Cependant, comme je l’explique plus loin, j’ai examiné les éléments de preuve auxquels il fait référence, et je ne souscris pas à sa description du traitement que la SAI en a fait.

[10]  À l’audition de la présente demande, une grande attention a été accordée à la preuve établissant que le demandeur a remis à son épouse une somme de 10 000 $ en vue de l’achat d’un camion, qu’elle a vendu le camion pour 6 000 $ peu de temps après, et qu’elle a utilisé les produits de la vente au profit de sa famille et de l’entreprise familiale. Le demandeur s’oppose la conclusion de la SAI selon laquelle son épouse ne l’a pas consulté avant de vendre le camion, et fait ressortir en particulier la partie de son témoignage où il affirme qu’elle l’en avait informé au préalable.

[11]  Cependant, la SAI a conclu que, même si son épouse l’avait prévenu qu’elle allait vendre le camion, rien n’indiquait qu’elle l’avait consulté quant à ce qu’elle ferait du produit de la vente, comme il serait normal dans un couple. Même si, d’après l’affidavit du demandeur, il a expliqué durant l’audience devant la SAI que la décision d’en faire bénéficier sa famille et l’entreprise familiale n’était pas unilatérale, les parties de la transcription de l’audience qu’il invoque ne vont pas dans ce sens. Je ne vois aucune raison de conclure que la SAI a fait fi d’éléments de preuve à ce sujet.

[12]  Le demandeur conteste également la conclusion de la SAI selon laquelle son épouse ignorait qu’il avait vécu en union de fait de décembre 1996 à janvier 2013. La décision contient une mention selon laquelle son épouse a déclaré durant son témoignage qu’il avait [traduction« peut-être » été en couple, mais qu’elle ne l’avait pas interrogé à ce sujet et qu’elle n’y tenait pas. Le demandeur conteste la conclusion de la SAI en invoquant les notes de l’agent se rapportant à l’entrevue qui s’est soldée par le rejet initial de la demande de visa de résident permanent. D’après les notes en question, l’épouse du demandeur a déclaré qu’il avait été marié.

[13]  Je comprends mal en quoi cet argument peut aider le demandeur. La SAI s’est appuyée sur le témoignage de son épouse à l’audience de novo, dans lequel elle a déclaré que le demandeur n’avait jamais été marié et qu’elle ne savait s’il avait été en couple, ou même s’il avait vécu avec quelqu’un, parce qu’elle ne l’avait pas interrogé à ce sujet. Compte tenu des incohérences entre la preuve fournie à l’entrevue et celle fournie à l’audience, il était loisible à la SAI de considérer cet élément de preuve d’un œil encore moins favorable au demandeur en tirant une inférence défavorable concernant la crédibilité. Cependant, elle ne l’a pas fait, et il est bien difficile de lui reprocher de s’être appuyée sur le témoignage qu’a fourni devant elle l’épouse du demandeur pour parvenir à ses conclusions.

[14]  Le demandeur conteste également l’observation de la SAI selon laquelle son épouse a obtenu un passeport pour sa fille le 10 octobre 2013, deux semaines après son premier contact avec le demandeur, et un passeport pour elle-même le 14 janvier 2014, avant de présenter une demande de visa de résident permanent au Canada. Pour la SAI, rien n’indiquait que l’épouse du demandeur prévoyait voyager dans un pays où elle avait besoin d’un passeport pour entrer, ce qui l’a amenée à conclure qu’elle pensait d’abord et avant tout à déménager au Canada lorsqu’elle a accepté d’épouser le demandeur. Le demandeur fait valoir que la SAI a fait fi des éléments de preuve concernant le voyage en Thaïlande. Même s’il n’a pas précisé à quel élément de preuve il invoque à l’appui de cette prétention, la transcription de son témoignage devant la SAI me donne à penser que le demandeur faisait référence au fait qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir un passeport pour aller en Thaïlande ou au Vietnam. D’ailleurs, ce témoignage n’indique pas clairement la date du voyage en Thaïlande dont il est question. Encore une fois, rien ne me permet de conclure que la SAI a fait fi d’éléments de preuve lorsqu’elle est parvenue à sa décision.

[15]  Le demandeur soutient par ailleurs que la SAI a déraisonnablement tiré des conclusions contradictoires quant à l’authenticité du mariage à l’égard du demandeur et de son épouse, respectivement, sur la base d’éléments de preuve identiques ou analogues. La SAI a trouvé préoccupant que le couple se soit marié aussi peu de temps après que le demandeur et son épouse eurent été présentés, et qu’ils ne partageaient pas la même langue, mais elle a conclu que le mariage était authentique pour le demandeur, mais pas pour son épouse. Elle a également trouvé problématique qu’ils sachent tous les deux peu de choses de leurs antécédents respectifs. Le demandeur a renvoyé la Cour à la décision Ferraro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 22 [Ferraro], par laquelle la juge McDonald a annulé la décision de la SAI selon laquelle le mariage était authentique du point de vue de la répondante, mais pas de celui de l’époux.

[16]  Je conviens avec le défendeur qu’il est possible d’effectuer une distinction entre l’affaire Ferraro et celle qui nous préoccupe. La décision de la juge McDonald reposait sur le défaut de la SAI d’expliquer pourquoi certains éléments attestant un mariage authentique sur lesquels elle s’était appuyée en ce qui concerne la répondante ne pouvaient étayer la même conclusion à l’égard de l’époux. En l’espèce, la SAI a fourni une explication, notant que Mme Thipthida avait une petite fille et qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’elle veuille en savoir davantage sur le demandeur, et notamment sur ses antécédents, avant qu’il n’assume le rôle important de beau‑père. Je ne vois aucune raison de conclure que cette analyse est déraisonnable.

[17]  Le demandeur fait remarquer que Mme Thipthida était célibataire et mère d’une jeune fille lorsqu’ils ont été présentés, et il soutient que la SAI n’a pas tenu compte du contexte social et culturel qui prévaut au Laos, et qu’elle a indûment appliqué des normes nord-américaines à l’examen de la preuve, sans faire preuve de la sensibilité requise aux réalités culturelles.

[18]  Premièrement, en ce qui concerne les préoccupations de la SAI quant au fait que le couple se soit marié moins de six semaines après avoir été présenté, le demandeur soutient que la cérémonie bouddhiste était nécessaire pour qu’ils puissent rester ensemble, conformément au droit laotien. Je conviens avec le défendeur que cet argument ne dissipe pas valablement la préoccupation de la SAI liée au fait que la mère d’une petite fille s’engage aussi rapidement dans une relation si officielle.

[19]  Deuxièmement, le demandeur s’appuie sur la preuve documentaire concernant la situation dans le pays qui accompagne son affidavit, d’après lesquels le statut de femme non mariée, et en particulier d’être mère d’une enfant née hors mariage, est un motif important de stigmatisation sociale au Laos. Cependant, le défendeur fait remarquer que les documents en question ne figurent pas dans le dossier certifié du tribunal ni dans le cartable national de documentation relatif au Laos : la SAI ne disposait donc pas de ces documents lorsqu’elle a rendu sa décision et rien n’indique que Mme Thipthida ait subi, dans sa situation particulière, ce type de stigmatisation au Laos. Je souscris à ces observations et je conclus que cet argument du demandeur ne fait apparaître aucune erreur susceptible de contrôle de la part de la SAI.

[20]  À titre de conclusion sur ce point, je ne vois aucune raison de conclure que la SAI est parvenue à une décision déraisonnable pour avoir omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents ou pour s’être appuyée sur des éléments sans pertinence.

A.  La SAI a‑t‑elle mal compris ou mal interprété le droit, ou l’a-t-elle mal appliqué aux faits?

[21]  À ce chapitre, l’argument principal du demandeur est celui selon lequel la SAI a commis une erreur en confondant l’analyse de l’authenticité du mariage et celle des raisons qui ont amené son épouse à se marier, et/ou que la SAI n’a pas effectué chacune de ces analyses en adoptant la référence temporelle requise. La SAI a fondé sa décision sur le paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, qui prévoit :

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002‑227

Mauvaise foi

Bad faith

4 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

4 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

b) n’est pas authentique

(b) is not genuine.

[22]  Il n’est pas contesté que cette disposition est disjonctive, c’est-à-dire qu’une conclusion au titre de l’alinéa 4(1)b), suivant laquelle un mariage n’est pas authentique, ou de l’alinéa 4(1)a), suivant laquelle il visait principale l’acquisition d’un statut d’immigrant, empêchera l’époux visé d’obtenir un visa de résident permanent (voir, p. ex., Dosanjh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 193, au par. 19). Il n’est pas non plus contesté que l’évaluation de l’authenticité du mariage tient compte de la preuve recueillie jusqu’au moment de l’audience, alors que la question de savoir s’il visait principalement l’acquisition d’un statut d’immigrant concerne les intentions des parties au moment du mariage (voir, p. ex., Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1522, au par. 33).

[23]  Le demandeur fait remarquer que dans sa décision, la SAI précise qu’elle se laisse guider, en ce qui touche l’analyse de l’authenticité du mariage, par les facteurs énoncés dans Chavez c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2005] D.S.A.I. no 353 (SAIA3‑24409, Hoare, 11 février 2005) [Chavez]. Ces facteurs comprennent notamment l’intention des parties au mariage; la durée de la relation; le temps passé ensemble; le comportement au moment de la rencontre, des fiançailles et/ou du mariage; le comportement après le mariage; la connaissance que chaque partie a des antécédents de l’autre, l’ampleur des communications et des rapports soutenus, la prestation d’un soutien financier, la connaissance des enfants de l’autre partie et le partage de la responsabilité liée aux soins de ces enfants; la connaissance de la famille élargie de l’autre partie et la communication avec cette famille, et la connaissance de la vie quotidienne de l’autre partie.

[24]  Le demandeur prétend que, d’après la lecture de la décision, la SAI a appliqué ces facteurs non seulement à l’analyse de l’authenticité aux termes de l’alinéa 4(1)b), mais aussi à celle de l’objet du mariage au titre de l’alinéa 4(1)a). Cela constitue d’après lui une erreur susceptible de contrôle, d’autant plus que les évaluations fondées sur ces deux dispositions doivent se rapporter à des périodes différentes. Cependant, le demandeur n’a cité aucune source établissant que la SAI commet une erreur susceptible de contrôle si elle se laisse guider par les facteurs de Chavez pour effectuer les deux évaluations.

[25]  Dans Trieu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 925 [Trieu], la juge Kane a examiné l’argument d’un demandeur selon lequel la SAI avait confondu les deux analyses requises au titre du paragraphe 4(1) et qu’elle ne les avait pas abordées comme une évaluation en deux volets distincts. La Cour a conclu, à la lecture de la décision de la SAI dans son ensemble à la regard du dossier, que la SAI avait à l’évidence bien compris et correctement appliqué le paragraphe 4(1). En parvenant à cette conclusion, la juge Kane a fait remarquer que la SAI avait examiné la même preuve et tiré simultanément ses conclusions à l’égard des deux volets du paragraphe 4(1), sans pour autant commettre d’erreur (au par. 26). S’appuyant sur la décision Lawrence c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 369 [Lawrence], la Cour a estimé que la preuve pertinente à l’appréciation d’un élément du critère peut également l’être à l’appréciation de l’autre. La juge Kane a expressément renvoyé aux paragraphes 14 et 15 de Lawrence pour signaler que la preuve intéressant l’objet principal et celle qui concerne l’authenticité peuvent se recouper, nonobstant les différences sur le plan des références temporelles, et que les éléments de preuve postérieurs au mariage qui portent sur l’authenticité peuvent être pertinents dans l’évaluation de la question de l’objet principal (aux par. 37 et 38).

[26]  Pour ce qui est de la présente affaire, je conviens avec le demandeur que la SAI n’a pas structuré sa décision de manière à séparer l’analyse de l’objet principal de celle de l’authenticité. Cependant, comme c’était le cas dans la décision Trieu, à la lecture de la décision, on constate que la SAI a compris et correctement appliqué le paragraphe 4(1). En énumérant plusieurs des facteurs qui fondent sa décision, la SAI a expressément énoncé que ces facteurs l’ont amené à remettre en cause l’authenticité du mariage du point de vue de l’épouse, ainsi que les raisons pour lesquelles elle l’a contracté. Cette analyse démontre que la SAI a compris qu’elle appliquait un critère en deux volets. De même, sa conclusion subséquente, à l’égard de l’épouse du demandeur, était à la fois que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’immigration au Canada.

[27]  Même si les temps des verbes employés pour formuler cette conclusion s’accordent avec les références temporelles différentes de chaque volet du critère, il faudrait peut-être se garder d’y attacher trop d’importance, car il est possible que cette formulation reprenne simplement le libellé du paragraphe 4(1). Cependant, il est clair que la SAI a examiné la preuve se rapportant aux circonstances en l’espèce, comme la connaissance que les parties ont actuellement l’une de l’autre, les progrès qu’elles ont faits chacune dans l’apprentissage de la langue de l’autre, ainsi que le soutien financier fourni par le demandeur, et qu’elle a évalué l’authenticité sous l’angle du présent. Prendre en compte de tels éléments de preuve pour évaluer également l’objet principal du mariage ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle (voir Lawrence, aux par. 14 et 15), pour autant que la SAI évalue cet objet principal au moment du mariage. Une lecture de la décision démontre par ailleurs que l’évaluation se rapportait à cette période. La SAI a relevé que Mme Thipthida avait une jeune enfant au moment du mariage, et elle s’est dite préoccupée par le fait que celle-ci n’avait pas voulu en savoir davantage sur M. Budhram avant qu’il n’assume le rôle important de beau-père, et qu’elle pensait d’abord et avant tout à déménager au Canada en acceptant d’épouser M. Budhram.

[28]  Enfin, même si le demandeur n’a pas fait valoir cet argument durant les plaidoiries, je prends note de son observation écrite suivant laquelle la SAI devait évaluer l’intention de Mme Thipthida au moment où elle a contracté le mariage à la date de la cérémonie civile en 2014, plutôt qu’à celle de la cérémonie bouddhiste en 2013. Bien que la SAI ne fasse pas de distinction explicite entre ces deux dates dans son analyse concernant l’objet principal, les observations du demandeur ne relèvent aucune différence importante parmi les éléments de preuve se rapportant à cette période.

[29]  Je sais bien que la période écoulée entre le moment des présentations et la cérémonie est plus longue si l’on tient compte de la cérémonie civile plutôt que bouddhiste. Cependant, comme la SAI a conclu que le mariage n’était pas authentique du point de vue de Mme Thipthida au moment de la décision, plusieurs années après, rien ne permet de conclure que son évaluation de l’objet principal aurait été favorable au demandeur si celui-ci avait été effectué en fonction du moment de la cérémonie civile.

[30]  Ayant examiné les arguments du demandeur, je juge que la SAI n’a pas mal compris ou interprété le droit, ni mal appliqué le droit aux faits de la présente affaire, et que sa décision est raisonnable.

V.  Conclusion

[31]  Compte tenu des conclusions énoncées ci-dessus, la décision est raisonnable et la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune partie n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑481‑19

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour de septembre 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑481‑19

INTITULÉ :

RAMPERSAUD TONY BUDHRAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 SEPTEMBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE southcott

DATE DES MOTIFS :

LE 17 SEPTEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Parineeta Chahal

POUR Le demandeur

Nadine Silverman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR Le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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