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Date : 20050301

Référence : 2005 CF 307

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                                                                                             Dossier : T-413-04

                                                            SEAN WINSTANLEY

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                                                                                             Dossier : T-414-04

                                                                TARA JENKINS

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

CONTEXTE


[1]                Les demandeurs, Tara Jenkins et Sean Winstanley, ont demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de la fonction publique (la Commission) de refuser d'exercer sa compétence pour enquêter sur une plainte qu'ils ont déposée en application de l'article 7.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la LEFP).

[2]                Les demandes de contrôle judiciaire des demandeurs ont été réunies en une seule par la protonotaire Mireille Tabib le 29 avril 2004.

[3]                Les demandeurs sont des agents des pêches (AP) au service du ministère des Pêches et des Océans (le MPO) dans la région de l'Atlantique. Ils se sont plaints de ne pas avoir été nommés au poste d'AP dans le groupe et au niveau GT-3 en temps opportun, contrairement au Programme de progression de carrière des agents des pêches (le PPCAP). Le PPCAP est un programme de progression de carrière dans le cadre duquel des agents recrues suivent un programme de formation multi-niveaux. Le PPCAP pour lequel les demandeurs ont été recrutés comportait six mois de formation de cadet et 18 mois de formation de recrue. Les recrues, qui étaient au niveau GT-01 au début du programme et qui étaient en probation pendant toute la durée de celui-ci, atteignaient à la fin le niveau de travail GT-03.


[4]                Un PPCAP modifié a été mis en oeuvre le 23 octobre 2003. Le MPO a adopté des mesures transitoires afin d'intégrer les conditions du PPCAP original au nouveau PPCAP. La période de formation, qui était de 24 mois, est passée à 54 mois dans le cadre du nouveau programme; les employés étaient au niveau GT-02 au début du nouveau programme et atteignaient le niveau de travail GT-04 à la fin de celui-ci. Au dernier niveau, la période de probation des recrues était de 30 mois et non plus de 12.

[5]                Voici un résumé des étapes du programme original :

-            les six premiers mois : la personne est rémunérée comme un cadet participant à des cours en classe, mais elle n'est pas considérée comme une employée de la fonction publique;

-            les six mois suivants : la personne est maintenant une recrue et elle participe à de la formation sur le terrain; elle est considérée comme une employée de la fonction publique et est nommée officiellement au niveau GT-01;

-            les 12 mois suivants : la recrue est promue ou nommée au niveau GT-02 et elle poursuit sa formation sur le terrain;

-            la recrue est nommée à un poste d'AP au niveau GT-03 (le niveau de travail d'un AP) et ne fait plus partie du PPCAP ou n'est plus en probation.

[6]                Voici un résumé des étapes du nouveau programme :

-            les six premiers mois : la personne est rémunérée comme un cadet participant à des cours en classe, mais elle n'est pas considérée comme une employée de la fonction publique;

-            les 18 mois suivants : la personne est au niveau GT-02;

-            les 30 mois suivants : la personne est au niveau GT-03;

-            la recrue est nommée à un poste d'AP au niveau GT-04 (maintenant considéré comme le niveau de travail d'un AP) et ne fait plus partie du PPCAP ou n'est plus en probation.


[7]                Les éléments clés en cause en l'espèce sont la période de probation et la période pendant laquelle une personne doit demeurer au niveau inférieur au niveau de travail des AP (GT-02 dans l'ancien programme, GT-03 dans le nouveau programme).

[8]                Les demandeurs se plaignent de ne pas avoir été nommés en temps opportun au niveau de travail GT-03 des AP après avoir terminé leur dernière formation de 12 mois dans le cadre de l'ancien programme. Ils soutiennent qu'ils avaient le droit d'être nommés au niveau GT-03 le 1er octobre 2003.

DATES IMPORTANTES

[9]                Les dates suivantes sont importantes en l'espèce :

-            le 14 juillet 2003 : la date à laquelle le nouveau PPCAP a été adopté; cette date a donc été utilisée pour la conversion de l'ancien au nouveau programme;

-            le 1er octobre 2003 : la date à laquelle les promotions du niveau GT-02 au niveau GT-03 avaient habituellement lieu pour les agents GT-02 ayant terminé le programme avec succès;

-            le 31 octobre 2003 : la date à laquelle le nouveau PPCAP a été mis en oeuvre (la date de mise en oeuvre).


DÉCISION CONTESTÉE

[10]            Le 16 janvier 2004, les demandeurs ont demandé la tenue d'une enquête en application de l'article 7.1 de la LEFP. Dans une décision datée du 22 janvier 2004, la CFP a déclaré qu'elle n'avait pas compétence à l'égard de l'exercice du pouvoir de gestion et que cette question devait être réglée au moyen du processus de griefs en matière de relations de travail. Le passage pertinent de la décision se lit comme suit :

[TRADUCTION] Ayant analysé votre demande, j'ai le regret de vous informer que la Direction générale des recours n'effectuera pas d'enquête sur votre demande parce que la situation que vous décrivez n'est pas liée à un manquement possible à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ou à son règlement d'application. La Commission de la fonction publique n'a pas la compétence ou le pouvoir d'examiner les décisions relatives à la date d'entrée en vigueur d'une reclassification. Il ne s'agit pas d'une affaire de dotation, mais plutôt d'une décision de gestion assujettie au processus de griefs en matière de relations de travail. Je comprends que cette réponse contredit celle que vous avez reçue du ministère au première palier du mécanisme de griefs. Vous pourriez discuter de cette question avec votre représentant syndical. [Non souligné dans l'original.]

QUESTION EN LITIGE

[11]            La Commission a-t-elle compétence pour effectuer une enquête en vertu de l'article 7.1 de la LEFP?


NORME DE CONTRÔLE

[12]            Comme la question en litige a trait à la compétence, c'est la norme de la décision correcte qui s'applique (voir Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 86, et Oriji c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 815).

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[13]            Les articles 6, 7.1, 8 et 10 de la LEFP prévoient :

6. (1) La Commission peut autoriser un administrateur général à exercer, selon les modalités qu'elle fixe, tous pouvoirs et fonctions que lui attribue la présente loi, sauf en ce qui concerne ceux prévus aux articles 7.1, 21, 34, 34.4 et 34.5.

7.1 La Commission peut effectuer les enquêtes et vérifications qu'elle juge indiquées sur toute question relevant de sa compétence.

8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à des postes de la fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont la nomination n'est régie par aucune autre loi fédérale.

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats. [Non souligné dans l'original.]


L'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (la LRTFP), prévoit :

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

(2) Le fonctionnaire n'est pas admis à présenter de grief portant sur une mesure prise en vertu d'une directive, d'une instruction ou d'un règlement conforme à l'article 113. Par ailleurs, il ne peut déposer de grief touchant à l'interprétation ou à l'application à son égard d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale qu'à condition d'avoir obtenu l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale et d'être représenté par cet agent.

(3) Le fonctionnaire ne faisant pas partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée peut demander l'aide de n'importe quelle organisation syndicale et, s'il le désire, être représenté par celle-ci à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

(4) Le fonctionnaire faisant partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée ne peut être représenté par une autre organisation syndicale à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage. [Non souligné dans l'original.]

ANALYSE


[14]            La présente affaire a trait à l'application de dispositions transitoires à des personnes employées dans le cadre d'un programme de formation qui a été modifié. Les demandeurs prétendent qu'ils auraient dû être nommés au niveau GT-03 en vertu de l'ancien PPCAP. Ils soutiennent qu'ils satisfaisaient à toutes les conditions de l'ancien programme le 1er octobre 2003 et qu'ils auraient dû être nommés au niveau GT-03 en vertu de l'ancien programme. Ils se seraient ainsi trouvés au niveau GT-04 le 23 octobre 2003, date à laquelle le nouveau programme a été mis en oeuvre. Puisque c'est la date du 14 juillet 2003 qui a été utilisée pour évaluer leur statut et pour effectuer la conversion et qu'ils n'ont pas été nommés au niveau GT-03 le 1er octobre 2003, les demandeurs ont dû passer 30 mois additionnels au nouveau niveau GT-03 avant d'atteindre le niveau GT-04 (le niveau de travail). Ils ont ainsi été en probation pendant une période additionnelle de 30 mois.

[15]            Le 17 novembre 2003, les demandeurs ont présenté un grief relativement au fait qu'ils n'avaient pas été nommés. Ce grief a été rejeté le 6 janvier 2004 pour les motifs suivants :

[TRADUCTION]

J'ai examiné avec soin les détails entourant le présent cas, notamment les renseignements que vous et votre représentant syndical avez présentés à l'audience le 6 janvier 2004. Le paragraphe 18.02 de la convention collective des services techniques prévoit ce qui suit :

Sous réserve de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément aux dispositions du dit article, l'employé-e qui estime avoir été traité de façon injuste ou qui se considère lésé par une action ou l'inaction de l'Employeur au sujet de questions autres que celles qui découlent du processus de classification, a le droit de présenter un grief de la façon prescrite au paragraphe 18.05, compte tenu des réserves suivantes :

a) s'il existe une autre procédure administrative prévue par une loi du Parlement ou établie aux termes d'une telle loi pour traiter sa plainte particulière, cette procédure doit être suivie, ...


Dans la présente affaire, l'application des dates d'entrée en vigueur de la reclassification à l'intérieur du Programme de progression de carrière des agents des pêches est une décision ayant trait à la dotation qui, en conséquence, ne peut faire l'objet d'un grief. Vous pouvez cependant déposer une plainte à la Commission de la fonction publique conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Je vous invite à lire la circulaire du 21 novembre 2003 qui a été envoyée aux présidents et secrétaires des sections locales au sein du MPO par le président national de l'élément Environnement de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, M. William Pynn. M. Pynn y décrit les recours dont disposent les agents des pêches qui ne possèdent pas les années d'expérience requises par suite de la reclassification dans le cadre du Programme de progression de carrière des agents des pêches.

[16]            La circulaire du 21 novembre 2003 publiée par le syndicat indique :

Nous avons reçu plusieurs demandes des sections locales au sujet des recours possibles pour les Agents des pêches GT-03 comptant moins de 30 mois d'expérience et qui seront jugés comme ne répondant pas aux conditions pour une nomination aux postes GT-04 reclassifiés. Le recours pour les Agents des pêches GT-03 est le dépôt d'une plainte en matière de dotation en vertu des articles 7.1 et 12.1 de la LEFP auprès du Bureau du greffier de la Direction générale des recours de la Commission de la fonction publique. Il est essentiel que les membres qui désirent déposer une plainte écrivent à la Direction générale des recours de la CFP et demandent une révision des qualifications conformément à l'article 12.1 de la LEFP, avant que le processus de sélection soit complété. Les membres devraient remplir et retourner le formulaire de la CFP Demande d'enquête à l'adresse ci-dessous, par la poste ou par télécopieur, accompagné d'une lettre explicative détaillée indiquant les raisons de leur plainte.

[17]            Ainsi, la situation est sans issue : le MPO et le syndicat disent qu'il ne s'agit pas d'une affaire pouvant faire l'objet d'un grief et la Commission affirme que l'affaire peut faire l'objet d'un grief et, partant, qu'elle n'a pas compétence.

[18]            La question qu'il faut se poser est en fait la suivante : le fait de ne pas avoir nommé les demandeurs le 1er octobre 2003 (lorsque l'ancien PPCAP était encore en vigueur) constitue-t-il une affaire de dotation qui relève de la Commission ou s'agit-il plutôt de déterminer, conformément à l'article 91 de la LRTFP, si les demandeurs satisfaisaient aux conditions rattachées à un emploi dans la fonction publique?

[19]            Aux termes du paragraphe 10(1) de la LEFP, les nominations sont faites par la Commission, laquelle a le pouvoir d'effectuer des enquêtes à cet égard en vertu de l'article 7.1.

[20]            Par ailleurs, la jurisprudence établit assez clairement qu'il n'appartient pas à la Commission de déterminer si des conditions ont été remplies. Dans Canada (Procureur général) c. Viola (C.A.), [1991] 1 C.F. 373, le juge Décary a écrit ce qui suit au paragraphe 9 :

Une jurisprudence constante de cette Cour [Voir Note 2 ci-dessous] a établi, et je reprends les mots du juge en chef Thurlow dans Ricketts [à la page 382] :

... que la définition des exigences essentielles et autres d'un poste de la Fonction publique ne fait pas partie des devoirs attribués à la Commission de la Fonction publique par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, car il s'agit d'une fonction de gestion relevant du pouvoir du ministre de gérer son propre ministère en vertu de sa loi constitutive; que le rôle de la Commission, selon l'art. 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, consiste à choisir parmi les candidats possédant les qualités requises par le ministère le candidat le mieux qualifié pour le poste et à le nommer à ce poste; enfin, que le rôle du comité d'appel établi par l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne consiste pas à examiner les conditions définies par le ministère pour un poste précis mais à se demander si le principe du mérite établi par l'art. 10 a été respecté dans le choix et la nomination d'un candidat qui [page 384] possède les qualités requises par le ministère pour le poste en question.

Note 2 : Bauer c. Le comité d'appel de la Fonction publique, [1973] C.F. 626 (C.A.); Demers c. Le procureur général du Canada, [1974] 1 C.F. 270 (C.A.); Brown c. La Commission de la Fonction publique, [1975] C.F. 345 (C.A.); Irwin c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1979] 1 C.F. 356 (C.A.); Ricketts c. Ministère des Transports (1983), 52 N.R. 381 (C.A.F.); Guy c. Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1984] 2 C.F. 369 (C.A.).

[21]            Le pouvoir de nomination peut être et est habituellement délégué aux sous-ministres suivant l'article 6 de la LEFP. Il s'agit cependant toujours d'un pouvoir de la Commission qui est exercé en vertu de la LEFP.

[22]            On n'a pas prétendu que les demandeurs ne satisfaisaient pas aux conditions du niveau GT-03 dans le cadre de l'ancien programme le 1er octobre 2003. Je présumerai donc qu'ils remplissaient ces conditions.

[23]            La question en litige découlait uniquement du fait que le MPO a utilisé des dates différentes pour la conversion (le 14 juillet 2003) et pour la mise en oeuvre (le 31 octobre 2003).

[24]            Le nouveau PPCAP a donc, dans les faits, un effet rétroactif. Les demandeurs sont visés par les dispositions du nouveau PPCAP, même si celui-ci n'était pas en place à la date à laquelle ils auraient atteint le niveau GT-03 dans le cadre de l'ancien PPCAP.

[25]            On ne me demande pas de décider si le MPO avait le pouvoir de donner un effet rétroactif au nouveau PPCAP, et je ne me prononcerai pas sur cette question. Celle-ci concerne cependant la Commission. À cause de cet effet rétroactif, les nominations effectuées sous le régime de l'ancien PPCAP n'ont pas eu lieu au moment où elles l'auraient dû. Comme les nominations sont faites par le sous-ministre au nom de la Commission, il s'agit clairement d'une question qui relève de la compétence de la Commission et à l'égard de laquelle celle-ci peut effectuer une enquête. De même, la Commission pourrait aussi être concernée par la possibilité, pour les demandeurs, de se fonder sur le concept d'attente légitime.

[26]            En outre, le fait de ne pas avoir été nommés en vertu de l'ancien PPCAP a une incidence sur la période de probation des demandeurs. Les périodes de probation sont régies par le paragraphe 10(2) de la LEFP et par le paragraphe 5(2) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2000-80. Cette question relève également de la compétence de la Commission.

[27]            Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une affaire qui devrait faire l'objet d'un grief en vertu de l'alinéa 91b) de la LRTFP :

(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé : [...]

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[28]            Compte tenu des mots « si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale » employés à l'article 91 de la LRTFP, il m'est difficile d'accepter cet argument. La question étant régie par la LEFP, la LRTFP ne s'y applique pas.

[29]            Les circonstances et la date de nomination à un poste dans la fonction publique et le traitement réservé aux personnes dans le cadre de cette nomination et de ce processus promotionnel sont des questions qui relèvent parfaitement de la compétence de la Commission.

[30]            Comme le juge Mosley l'a dit dans Oriji, précitée, au paragraphe 21 :


Tout d'abord, la LEFP a « principalement pour objet » de faire en sorte que la sélection et la nomination de candidats à l'Administration fédérale se font suivant le mérite : voir les arrêts Bambrough c. Comité d'appel de la Commission de la fonction publique, [1976] 2 C.F. 109 (C.A.), à la page 115, et Buttar c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 437 (C.A.) (QL). L'enquête menée en application de l'article 7.1 de la LEFP a pour objet de fournir une recommandation à la CFP afin qu'elle puisse prendre les mesures de redressement qu'elle juge indiquées (voir l'article 7.5 de la LEFP). Le pouvoir de présenter une telle recommandation est de nature discrétionnaire plutôt qu'obligatoire.

[31]            Plusieurs types de recours sont prévus par la LEFP, plus précisément aux articles 21, 34, 34.3 et 42, mais ces recours visent respectivement les manquement au principe du mérite, les activités politiques, les mutations et les fraudes, et ne s'appliquent pas en l'espèce. L'article 7.1 de la LEFP confère cependant à la Commission le pouvoir résiduel d'effectuer une enquête sur toute question qui relève de sa compétence, ce qui est le cas des questions soulevées dans la présente demande.

[32]            Par conséquent, je conclus que la Commission a commis une erreur en considérant que la présente affaire ne concernait pas la dotation. En l'espèce, l'effet rétroactif du nouveau PPCAP a eu des répercussions défavorables sur la nomination des demandeurs. La Commission a le pouvoir d'enquêter sur cette question.


                                        ORDONNANCE

LA COUR

1.         Ordonne que la demande soit accueillie.

2.          Ordonne que la décision de la CFP datée du 22 janvier 2004 soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à la CFP pour qu'un autre agent l'examine en tenant compte des motifs qui accompagnent la présente ordonnance.

3.         Déclare que les demandeurs ont droit à leurs dépens en l'espèce.

                                                                        « K. von Finckenstein »                   

                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                           T-413-04 et T-414-04

INTITULÉ :                                                            SEAN WINSTANLEY

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

TARA JENKINS

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 8 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                           LE 1ER MARS 2005

COMPARUTIONS :

James G. Cameron                                                    POUR LES DEMANDEURS

Richard Casanova                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron,                                             POUR LES DEMANDEURS

Ballantyne & Yazbeck LLP

Ottawa (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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