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Date : 20190917

Dossier : IMM‑4696‑18

Référence : 2019 CF 1180

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2019

En présence du Juge en chef

ENTRE :

KADIR JEFFREY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La présente affaire porte sur l’étendue de la divulgation qui doit être faite à une personne autorisée à présenter des observations écrites exposant les raisons pour lesquelles un rapport d’interdiction de territoire fondé sur le paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] ne devrait pas être établi contre elle.

[2]  Les personnes qui ont la possibilité de présenter de telles observations doivent obtenir tous les renseignements importants qui leur sont inconnus et non accessibles. En l’espèce, le défendeur soutient que l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] ne détient pas de tels renseignements. Le demandeur, M. Jeffrey, n’a pas démontré le contraire.

[3]  Selon les articles 3 et 26 des Règles de la Section de l’immigration, DORS/2002­229 [les Règles de la SI], le ministre défendeur et ses délégués ne sont pas tenus de divulguer d’autres renseignements avant que la décision de tenir une enquête en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR n’ait été prise.

[4]  Par conséquent, la présente demande déposée en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de divulguer tous les renseignements pertinents en sa possession sera rejetée.

II.  Contexte

[5]  Monsieur Jeffrey est un ressortissant afghan. En 2008, lui, son épouse et leurs deux enfants ont quitté l’Afghanistan pour aller en Turquie parce qu’ils craignaient de subir des violences physiques de la part des talibans. L’année suivante, alors qu’ils se trouvaient toujours en Turquie, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [l’HCNUR] leur a accordé le statut de réfugié. Les membres de la famille se sont ensuite installés au Canada, à titre de résidents permanents, à l’automne 2012.

[6]  L’épouse et les deux enfants de M. Jeffrey ont obtenu la citoyenneté canadienne en mars 2018. Cependant, la demande de citoyenneté de ce dernier est toujours en cours de traitement.

[7]  Le demandeur a été interrogé à deux reprises par l’agente des Services frontaliers du Canada [l’agente], dont la décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire, et par d’autres autorités canadiennes, y compris le Haut‑Commissariat du Canada en Turquie.

[8]  Pendant ses entrevues, le demandeur a été interrogé à propos de son service militaire en Afghanistan. Il se souvient avoir répondu qu’il avait été conscrit vers le milieu des années 1990 et qu’il avait ensuite travaillé comme boulanger dans l’armée. Après avoir servi pendant un peu plus de deux ans, soit la période obligatoire, il a été renvoyé chez lui. Cependant, au départ, il n’a pas reçu ses documents de libération puisqu’il n’avait pas ramené l’arme qui, à ses dires, lui avait été volée par les talibans quand ces derniers ont capturé la ville où il se trouvait (Herat). Enfin, environ trois ans après avoir terminé son service dans l’armée, il a obtenu ses documents de libération.

[9]  En août 2018, l’agente a écrit à M. Jeffrey pour l’aviser qu’un rapport avait été ou pouvait être établi au titre du paragraphe 44(1) de la LIPR alléguant qu’il est interdit de territoire en vertu des alinéas 34(1)e) et 34(1)f) de la LIPR et en raison d’une fausse déclaration qu’il aurait faite dans sa demande de résidence permanente au Canada.

[10]  Dans cette correspondance, qui semble être une variante de la lettre type relative à l’équité procédurale, l’agente a notamment déclaré ce qui suit :  

[traduction]

Une décision visant à vous permettre de demeurer au Canada ou à faire en sorte qu’une mesure de renvoi soit prise à votre endroit sera rendue dans un avenir rapproché. La prochaine étape du processus consiste à procéder à un examen des circonstances entourant votre cas. Si un rapport est préparé, le gestionnaire peut ordonner la tenue d’une enquête, laquelle pourrait conduire à une mesure de renvoi.

Vous pouvez présenter des observations écrites précisant les raisons pour lesquelles une mesure de renvoi ne devrait pas être prise à votre endroit. […] 

[11]  En réponse à la lettre de l’agente, l’avocat de M. Jeffrey a demandé deux choses. Premièrement, il a demandé une prorogation de délai prévu pour déposer les observations écrites. Deuxièmement, il a demandé ce qui suit à l’agente : [traduction« tous les documents pertinents en votre possession et sous votre contrôle en ce qui a trait à la correspondance datée du 10 août 2018 afin que nous puissions préparer nos observations écrites en conséquence ».

III.  La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire [la décision]

[12]  Dans la décision, l’agente a accueilli la demande de M. Jeffrey visant à obtenir la prorogation du délai prévu pour le dépôt de ses observations. Cependant, elle a rejeté pour les motifs suivants la demande visant les renseignements susmentionnés :

[traduction]

Pour le moment, aucun rapport n’a été rédigé puisque j’attends vos observations. Les documents que j’ai examinés comportent des renseignements que votre client a fournis dans ses demandes de résidence permanente et de citoyenneté. J’ai également examiné les entrevues qui ont été menées auprès de votre client, y compris celles que j’ai moi‑même réalisées. Comme votre client a fourni les renseignements dans ses demandes ou a lui‑même participé aux entrevues, les renseignements ne seront pas divulgués pour le moment. Il y a enquête parce que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) croit que votre client pourrait être un membre des talibans, lesquels figurent sur la liste des entités terroristes de Sécurité publique Canada. Les allégations qui font l’objet d’un examen sont fondées sur l’alinéa 34(1)e), soit être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada, et sur l’alinéa 34(1)f), soit être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c) de la [LIPR].

[13]  L’agente a ensuite expliqué que la prochaine étape consistait à procéder à un examen de l’affaire. Elle a ajouté que si un rapport devait être établi, la preuve serait divulguée conformément aux Règles de la SI.  

IV.  Dispositions législatives pertinentes

[14]  Selon l’alinéa 34(1)e) de la LIPR, emporte interdiction de territoire pour raison de sécurité le fait d’être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada. Selon l’alinéa 34(1)f), emporte aussi interdiction de territoire le fait d’« être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c) » de l’article 34.

[15]  Conformément au paragraphe 44(1) de la LIPR, s’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

[16]  Conformément au paragraphe 44(2), s’il estime le rapport prévu paragraphe 44(1) bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration [la SI] de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés du Canada pour enquête.  

[17]  Selon l’article 3 des Règles de la SI, lorsque le ministre demande à la SI de procéder à une enquête, il transmet au résident permanent ou à l’étranger, selon le cas, tout renseignement ou document pertinent en sa possession, notamment les éléments de preuve qu’il pourrait présenter à l’audience.

[18]  Cette obligation de communication est renforcée par l’article 26 des Règles de la SI, lequel est ainsi libellé :

Communication de documents par une partie

26 Pour utiliser un document à l’audience, la partie en transmet une copie à l’autre partie et à la Section. Les copies doivent être reçues :

Disclosure of documents by a party

26 If a party wants to use a document at a hearing, the party must provide a copy to the other party and the Division. The copies must be received

a) dans le cas du contrôle des quarante‑huit heures ou du contrôle des sept jours, ou d’une enquête tenue au moment d’un tel contrôle, le plus tôt possible;

(a) as soon as possible, in the case of a forty‑eight hour or seven‑day review or an admissibility hearing held at the same time; and

b) dans les autres cas, au moins cinq jours avant l’audience.

(b) in all other cases, at least five days before the hearing.

V.  Question en litige

[19]  La seule question soulevée en l’espèce est la suivante :

Monsieur Jeffrey est‑il en droit d’obtenir la communication des documents qu’il demande à l’agente par voie d’ordonnance de mandamus?

VI.  Norme de contrôle

[20]  Les parties conviennent que la question soulevée par M. Jeffrey en l’espèce est une question d’équité procédurale. Les questions de ce type sont habituellement examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43. Quand elle examine ces questions, la Cour se demande essentiellement si le processus contesté était ou est équitable sur le plan de la procédure : voir Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 90; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 54.

VII.  Analyse

[21]  M. Jeffrey soutient que la décision de l’agente de ne pas communiquer tous les renseignements en la possession de l’ASFC qui sont pertinents quant à sa possible appartenance à l’organisation des talibans constitue un manquement à l’obligation d’équité. Il prétend donc qu’une ordonnance de mandamus peut être rendue pour forcer la divulgation de ces renseignements. Je ne suis pas d’accord.

[22]  Pour que la Cour envisage d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance de mandamus enjoignant à une autorité publique de prendre une décision, le demandeur doit démontrer ce qui suit :

  1. Il existe une obligation légale d’agir à caractère public;

  2. L’obligation existe envers le requérant;

  3. Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

    • a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation, et

    • b) il y a eu

      • 1) une demande d’exécution de l’obligation,

      • 2) un délai raisonnable pour permettre de donner suite à la demande (à moins que celle‑ci n’ait été rejetée sur‑le‑champ), et

      • 3) un refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;

  4. Le requérant n’a aucun autre recours adéquat;

  5. L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

  6. En vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;

  7. Compte tenu de la prépondérance des inconvénients, une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

Apotex Inc c Canada (Procureur général) (1993), [1994] 1 CF 742, aux pages 766 à 769 (CA).

[23]  Dans les circonstances à l’origine de la présente demande, l’agente n’était pas tenue de fournir à M. Jeffrey les renseignements demandés. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les autres facteurs énumérés ci‑dessus.  

[24]  À l’appui de sa thèse selon laquelle une telle obligation existait et existe toujours envers lui, M. Jeffrey soutient qu’il n’est pas en mesure de présenter des observations utiles à l’agente sans avoir d’abord reçu les renseignements demandés. Cependant, ce n’est pas le cas. Il s’est fait dire qu’un rapport d’interdiction de territoire pouvait être établi en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR parce que l’ASFC croit qu’il pourrait avoir été membre des talibans, lesquels figurent sur la liste des entités terroristes. Il a également été avisé des allégations qui sont examinées, à savoir celles prévues par les alinéas 34(1)e) et f) de la LIPR. En outre, il a été informé que les renseignements pertinents se trouvant en la possession de l’agente se résument aux renseignements qu’il a lui‑même fournis dans ses demandes de résidence permanente et de citoyenneté, ainsi que dans les entrevues qu’il a eues avec l’agente et d’autres personnes. L’agente a expliqué que, étant donné qu’il a lui‑même fourni ces renseignements ou qu’il était présent lors des entrevues, il ne recevrait aucune copie. Par souci de clarté, dans une lettre datée du 26 mars 2019, l’avocat du défendeur a confirmé que les autres entrevues mentionnées par l’agente étaient des entrevues menées par des autorités canadiennes. De plus, la lettre que l’agente a initialement envoyée à M. Jeffrey en août 2018 faisait référence à une fausse déclaration qu’il aurait faite dans sa demande de résidence permanente au Canada.

[25]  Par conséquent, M. Jeffrey sait qu’il doit répondre à la question de savoir s’il était membre des talibans et clarifier certains renseignements qu’il a pu fournir dans ses demandes de résidence permanente et de citoyenneté, ainsi que dans les entrevues qu’il a eues avec l’agente et d’autres autorités canadiennes.  

[26]  M. Jeffrey soutient qu’il ne connaît pas les motifs pour lesquels l’agente craint qu’il soit ou qu’il ait pu être un taliban. Toutefois, il a été avisé que les renseignements ayant donné naissance à cette crainte sont tous des renseignements qu’il a lui‑même fournis ou qui ont fait l’objet de discussion lors de ses entrevues avec l’agente et d’autres autorités canadiennes. Encore une fois, il doit simplement se pencher sur ces renseignements et clarifier toute incohérence.

[27]  De toute façon, M. Jeffrey est ou devrait être en possession de tous les renseignements qu’il demande à l’agente. En l’absence d’une preuve convaincante permettant de supposer que certains des renseignements demandés sont « importants et lui sont par ailleurs inconnus et non accessibles », l’agente n’est pas actuellement tenue de lui communiquer les renseignements demandés : Durkin c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2019 CF 174, au paragraphe 18 (non souligné dans l’original) [Durkin].

[28]  M. Jeffrey ajoute qu’il n’a rempli aucune demande de résidence permanente. Je tiens à souligner que dans l’affidavit qu’il a souscrit à l’appui de la présente demande, il a exprimé un point de vue quelque peu différent quand il a déclaré qu’il ne [traduction« se souv[enait] pas avoir rempli un formulaire de résidence permanente au Canada pour [sa famille] » (non souligné dans l’original). Quoi qu’il en soit, s’il n’a pas rempli une telle demande, il doit simplement en faire part à l’agente. Si un rapport est établi au titre du paragraphe 44(1), il aura la possibilité d’obtenir la communication complète de tous les renseignements pertinents qui sont en la possession de l’agente, conformément aux articles 3 et 26 des Règles de la SI (voir les paragraphes 17 et 18 ci‑dessus).

[29]  M. Jeffrey soutient également qu’il a droit à un niveau supérieur d’équité procédurale en raison des conséquences potentiellement graves qu’il pourrait subir, y compris la perte de son statut de résident permanent et sa possible expulsion.

[30]  Cependant, à cette étape du processus, l’agente doit simplement se livrer à un exercice de recherche des faits : Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, aux paragraphes 35 et 44. Par conséquent, les droits de M. Jeffrey en matière d’équité procédurale consistent à être informé des faits élémentaires qui ont donné lieu à l’enquête menée au titre du paragraphe 44(1), à avoir la possibilité de présenter des éléments de preuve et de faire des observations, à obtenir une entrevue après qu’on lui ait fait part de l’objet de cette mesure et des conséquences possibles, à avoir la possibilité de demander l’assistance d’un avocat et à recevoir la communication des renseignements qui sont importants et qui lui sont par ailleurs inconnus et non accessibles : Sharma c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2016 CAF 319, au paragraphe 34; Shirambere c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2017 CF 602, au paragraphe 54; Durkin, précitée. M. Jeffrey n’a pas laissé entendre qu’un de ces droits avait été violé.

[31]  Le législateur a expressément prévu, aux paragraphes 3 et 26 des Règles de la SI, que les autres renseignements pertinents doivent être communiqués après que la décision de mener une enquête relativement à l’interdiction de territoire a été prise. Ces dispositions ont supplanté tout droit en matière d’équité procédurale que M. Jeffrey aurait autrement pu avoir en common law et qui lui aurait permis d’obtenir la communication des renseignements avant ce moment, au‑delà de ce qui a été décrit dans l’affaire Durkin, précitée : Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique, section locale 2‑69 c Consolidated‑Bathurst Packaging Ltd, [1990] 1 RCS 282, aux pages 323 et 324, citant Kane c Conseil d’administration de l’Université de la Colombie‑Britannique, [1980] 1 RCS 1105, à la page 1113. (Voir aussi Johnny c Bande indienne d’Adams Lake, 2017 CAF 146, au paragraphe 31, qui applique le même principe à un autre aspect de la justice naturelle.)

[32]  M. Jeffrey se fonde sur l’affaire AB c Canada, 2013 CF 134 [AB] pour étayer son point de vue selon lequel l’agente avait l’obligation de lui divulguer les renseignements demandés. Cependant, cette affaire se distingue de la présente espèce puisque le manquement à l’équité procédurale dont il est question dans cette affaire se rapportait à la non‑divulgation de (i) la « nature » des allégations portées par le demandeur, à savoir qu’il pouvait être interdit de territoire en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, et (ii) certains renseignements extrinsèques : AB, précitée, aux paragraphes 53 et 54 et 61 à 67. Il n’y a pas eu en l’espèce d’omission semblable entre l’agente et M. Jeffrey.

[33]  En résumé, l’agente n’était pas tenue de divulguer à M. Jeffrey [traduction« tous les renseignements pertinents sur lesquels reposaient » les lettres qu’elle lui a envoyées. Par conséquent, une exigence importante pour obtenir la délivrance de l’ordonnance de mandamus que M. Jeffrey a demandée à la Cour n’a pas été respectée.

[34]  La seule obligation de divulgation à laquelle était tenue l’agente était celle de divulguer les renseignements qui étaient importants pour M. Jeffrey et qui lui étaient par ailleurs inconnus et non accessibles. Le ministre maintient qu’il n’existe pas de tels renseignements. M. Jeffrey n’a pas démontré le contraire. Par conséquent, il n’a pas établi que ses droits en matière d’équité procédurale avaient été violés.

[35]  En ce qui concerne les autres renseignements en la possession de l’agente, les articles 3 et 26 des Règles de la SI prévoient expressément que la divulgation des autres renseignements, outre ceux décrits précédemment, n’est requise qu’après que la décision de mener une enquête eut été prise.

[36]  Malgré ce qui précède, à l’instar du juge Barnes, au paragraphe 31 de l’affaire Durkin, précitée, je m’interroge sur le bien‑fondé du refus de l’agent de communiquer quelque renseignement que ce soit à M. Jeffrey. Je reconnais que le fait de recueillir, photocopier ou numériser et envoyer beaucoup de renseignements aux personnes faisant l’objet d’une enquête au titre du paragraphe 44(1) imposerait probablement un lourd fardeau administratif aux agents de l’ASFC. Cependant, il est raisonnable de s’attendre à ce que le lourd fardeau financier et administratif associé aux procédures portées devant la Cour puisse être évité quand l’élément essentiel de la préoccupation de l’agent est communiqué à la personne de sorte qu’elle comprend mieux ce qui a suscité cette préoccupation. Il en découle implicitement que la personne serait alors mieux placée pour faire des observations utiles à l’agent de l’ASFC. En l’espèce, si l’agente avait simplement expliqué pourquoi elle croyait que M. Jeffrey avait pu être un taliban, elle aurait pu éviter aux parties et à la Cour de consacrer beaucoup de temps et d’efforts dans le cadre de la présente affaire. Dans d’autres cas, il pourrait être possible d’atteindre ce même objectif en renvoyant la personne à des documents précis qu’elle a fournis.

VIII.  Conclusion

[37]  La présente demande sera donc rejetée.

[38]  À la fin de l’audition de la présente demande, le demandeur a eu de la difficulté à formuler une question grave de portée générale aux fins de certification. Le défendeur était d’avis qu’aucune question grave ne découle des faits et des questions en litige en l’espèce. Je suis du même avis. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4696‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale, au sens de l’alinéa 74d) de la LIPR, ne découle des faits et des questions en litige en l’espèce.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


ANNEXE 1 — Dispositions législatives pertinentes

SECTION 5

Perte de statut et renvoi

 

DIVISION 5

Loss of Status and Removal

Constat de l’interdiction de territoire

Report on Inadmissibility

 

Rapport d’interdiction de territoire

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

Preparation of report

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

 

Suivi

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Referral or removal order

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well‑founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4696‑18

INTITULÉ :

KADIR JEFFREY c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 MARS 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 SEPTEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Gurpreet Badh

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Hilla Aharon

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Badh and Associates

Surrey (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice Canada

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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