Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020719

Dossier : IMM-4380-01

Référence neutre : 2002 CFPI 804

Ottawa (Ontario), le vendredi 19 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                               WEI CHEN

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]    La section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) a rejeté la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention faite par M. Chen, parce qu'elle a conclu que la revendication n'était pas crédible. M Chen a témoigné devant la SSR qu'il craignait d'être persécuté en Chine en raison des opinions politiques qu'on lui imputait, à savoir l'inobservation de la politique de planification familiale de la Chine.

[2]    Pour en arriver à conclure que la revendication de M. Chen n'était pas crédible, la SSR s'est reposée sur les points suivants :

i)           Des contradictions dans les déclarations que M. Chen a faites à un agent principal à son arrivée au Canada concernant les raisons qui l'avaient poussé à venir au Canada, pourquoi il ne pouvait pas retourner en Chine et le pays contre lequel il revendiquait le statut de réfugié. La SSR a rejeté les explications de M. Chen voulant qu'il ait fait de fausses représentations à l'agent principal sur les conseils d'un passeur.

ii)          Deux omissions dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Chen, dont une qui était importante alors que l'autre ne l'était pas.

iii)          Des contradictions dans le témoignage de vive voix de M. Chen concernant les éléments suivants : à quel moment son épouse avait-elle été emmenée pour être stérilisée, à quel moment et à quel endroit les agents du Bureau de la sécurité publique (BSP) s'étaient-ils mis à sa recherche et à quel endroit les agents du BSP avaient-ils laissé une sommation?


iv) Le fait que l'article de journal qui mentionnait que M. Chen avait échappé aux autorités et qu'il était recherché par le bureau de la planification des naissances et par l'administration de la justice avait omis de mentionner que M. Chen était recherché pour avoir parlé contre le gouvernement et avoir agressé des agents du BSP.

v)    Le fait que M. Chen ait omis de répondre à la question posée par la SSR à savoir s'il pouvait fournir un dossier médical concernant la présumée stérilisation de son épouse, de même que le manque de vraisemblance du témoignage de M. Chen selon lequel son père avait détruit la sommation parce qu'il était devenu nerveux.

[3]                 Après avoir examiné attentivement la transcription des notes sténographiques de l'audience qui s'est déroulée devant la SSR et compte tenu des prétentions des avocats, je suis convaincu qu'un certain nombre des conclusions de la SSR étaient fondées à juste titre sur la preuve mais qu'un certain nombre ne l'étaient pas. Par exemple, M. Chen a donné des réponses incohérentes lorsqu'on lui a demandé à quel moment son épouse avait été emmenée pour être stérilisée et à quel moment le BSP avait détruit des choses dans son magasin. Ses réponses n'ont pas été contradictoires quant à l'endroit où le BSP a laissé la sommation et le moment où le BSP s'est présenté à son domicile.


[4]                 Compte tenu de la retenu judiciaire dont il convient de faire preuve à l'égard de la SSR concernant les conclusions quant à la crédibilité et du fait que la SSR pouvait raisonnablement tirer au moins un certain nombre de ses conclusions, j'hésiterais à intervenir à propos de cette décision si ce n'était l'existence d'un article de journal que la SSR a reçu en preuve sans faire aucun commentaire négatif quant à sa provenance ou son authenticité.

[5]                 L'article était court et il était ainsi libellé :

[traduction] Intensification de la politique de planification familiale et arrestation des personnes qui contreviennent à la politique.

Reportage réalisé par un journaliste de notre journal. Le Comité de planification des naissances et l'administration de la justice de la ville ont cité le cas d'une personne qui aurait donné le mauvais exemple en contrevenant à la politique de planification des naissance et qui se serait cachée dans la ville pendant plusieurs années. Ils ont demandé aux gens et à l'organisme concerné de voir à la bonne exécution et à la bonne progression du travail lié à la planification des naissances.

Chen, Wei, un jeune homme originaire du village de You Ai, dans la ville de Jiang Tian, a reçu des avertissements de la part du ministère responsable des mariages en raison de son mariage précoce. Plus tard, il a déménagé dans un autre endroit de la ville car il craignait d'être puni parce qu'il avait conçu un enfant avant l'âge de la majorité. Il a utilisé son magasin de lubrifiants comme prétexte pour justifier son absence de la maison et il a conçu un autre enfant. L'enfant a été laissé sous la garde d'un parent et il n'a pas été découvert avant le recensement. Le jeune homme concerné s'est échappé alors que les autorités le recherchait. Maintenant il est recherché par le bureau de la planification des naissances et l'administration de la justice.

Par Li, Xiao

[6]                 Les faits qui ont été rapportés dans l'article, à savoir le nom et le village de M. Chen, la naissance des deux enfants, l'entreprise de lubrifiants, le deuxième enfant laissé à la garde d'un parent, qui n'a été découvert que lors du recensement, la fuite de M. Chen, étaient tous conformes au FRP et au témoignage de vive voix de M. Chen. La SSR s'est déclarée convaincue que M. Chen s'appelait bien Wei Chen.


[7]                 Malgré cela, la SSR a déclaré qu'elle n'accordait aucune importance à l'article de journal pour le seul motif que l'article ne parlait pas des prétendues accusations de calomnie à l'égard des politiques du gouvernement et de l'agression perpétrée contre des agents du BSP.

[8]                 Toutefois, l'article de journal était soit authentique, soit faux. À mon avis, la SSR était obligée de conclure que le document était faux ou suspect avant qu'elle décide de ne lui accorder aucune valeur probante.

[9]                 Pour rejeter l'article, la SSR s'est appuyée sur sa seule inférence voulant que l'article aurait dû traiter des autres infractions pour lesquelles M. Chen disait être recherché. La preuve n'étayait aucunement cette inférence et, par conséquent, celle-ci était déraisonnable. Il existe un certain nombre d'explications, toutes également plausibles, quant à la raison pour laquelle on n'aurait pas mentionné d'autres infractions plus graves dans un article de journal qui provient d'un régime autoritaire. Selon les éléments de preuve présentés à la SSR, le gouvernement chinois impose des restrictions à la presse. On a cité en preuve, devant la SSR, un incident précis dans lequel le gouvernement a ordonné la fermeture d'un journal qui avait ignoré des avertissements d'[Traduction] « observer unanimement la ligne politique du parti » en rapportant sans permission des émeutes [Traduction] « donc, qui exerçait une influence malsaine sur la société » .


[10]            Même si le témoignage de vive voix de M. Chen n'était pas crédible et qu'il avait embelli sa revendication en mentionnant qu'il avait parlé contre les politiques du gouvernement et qu'il avait agressé des agents du BSP, l'article de journal a corroboré le témoignage de M. Chen selon lequel il était recherché par les autorités pour avoir contrevenu à la politique de planification des naissances de la Chine. La Cour d'appel fédérale a tranché de manière définitive que le fait qu'un revendicateur ne soit pas un témoin crédible n'empêche pas de conclure que ce revendicateur est un réfugié au sens de la Convention si ses opinions politiques réelles ou imputées et si ses activités politiques sont susceptibles de conduire à son arrestation et à l'imposition d'une peine. Voir l'arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.).

[11]            Puisque la SSR a omis de prendre dûment en considération la valeur probante et la pertinence de l'article de journal quant aux opinions politiques imputées à M. Chen, la demande de contrôle judiciaire est acceptée.

[12]            Les avocats n'ont soumis aucune question à la certification et aucune question n'a été certifiée.


ORDONNANCE

[13]            PAR LES PRÉSENTES, LA COUR ORDONNE :

1.    La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision rendue le 2 août 2001 par la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR), selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, est annulée. L'affaire est renvoyée à un tribunal de la SSR différemment constitué.

2.    Aucune question n'est certifiée.

      

« Eleanor R. Dawson »

ligne

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.L.


             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :              IMM-4380-01

INTITULÉ:            WEI CHEN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE : Le 18 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :      Le 19 juillet 2002

COMPARUTIONS:

Adam ShaperoPOUR LE DEMANDEUR

Pamela LarmondinPOUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Carla Sturdy                                            POUR LE DEMANDEUR

Lewis & Associates

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.