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Date : 20020125

Dossier : IMM-182-02

Référence neutre : 2002 CFPI 94

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                        JAGDISH MITTER SHARMA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                            intimé

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par Jagdish Mitter Sharma (le demandeur) afin d'obtenir une ordonnance portant sursis à l'exécution de la mesure de renvoi en Inde prononcée contre lui. Ce renvoi est fixé au 28 janvier 2002.

[2]                 Le demandeur est un citoyen de l'Inde et il est arrivé au Canada le 11 octobre 1998. Il a présenté une revendication du statut de réfugié, qui a été rejetée.

[3]                 En novembre 2000, le demandeur a déposé une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.

[4]                 La mère du demandeur, sa soeur et les deux enfants de celle-ci résident au Canada. Comme la soeur du demandeur est séparée de son mari et que ses enfants n'ont aucun rapport avec leur père, le demandeur allègue être leur principal fournisseur de soins. On a en effet établi un diagnostic selon lequel la soeur du demandeur est atteinte de dépression.

[5]                 Le demandeur avance en outre que sa mère est âgée et qu'elle n'est pas en mesure d'offrir le soutien affectif dont sa soeur a besoin. Il affirme que sa mère se fie sur lui pour obtenir de l'aide.

[6]                 Bien qu'il ne soit pas titulaire d'un permis de travail, le demandeur est un travailleur autonome.

[7]                 Le renvoi du demandeur avait été fixé au 26 novembre 2001, mais il a été reporté pour permettre à un agent d'exécution de résoudre certaines questions liées à cette mesure.

[8]                 En date du 15 janvier 2002, l'intimé a fait savoir que la demande du demandeur fondée sur des raisons d'ordre humanitaire ne ferait pas l'objet d'un examen et (ou) d'une décision avant une période de six mois.


[9]                 Les parties ont signalé à l'audience que l'agent aurait ensuite besoin d'une période de 12 mois pour arriver à une décision une fois qu'on lui aura transféré le dossier concernant les raisons d'ordre humanitaire.

[10]            Le dossier se trouve au CIC de Scarborough où l'arriéré des dossiers est apparemment plus important qu'ailleurs.

[11]            La soeur du demandeur a un emploi.

Questions en litige

[12]            Y a-t-il lieu de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi prononcée contre le demandeur?

Analyse et décision

[13]            Il est maintenant reconnu que l'agent chargé du renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et qu'il peut, dans des situations particulières, surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi visant un demandeur (voir la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).


[14]            Pour obtenir ce sursis à l'exécution, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [note en bas de page 3 du jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée:

Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Les demandeurs doivent donc respecter l'ensemble des trois volets du critère.

Question sérieuse à trancher

[15]            Il va sans dire que le dépôt d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire n'entraînera pas automatiquement le sursis de l'exécution de la mesure de renvoi et qu'il importe d'examiner les faits de chaque affaire. En l'espèce, le demandeur a soulevé les questions sérieuses suivantes :

1.          Est-ce que seules des circonstances exceptionnelles permettent de reporter le renvoi dans l'attente de l'issue de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire?


2.          Est-il nécessaire qu'une décision relative aux raisons d'ordre humanitaire soit en instance et doive être rendue sous peu pour que le report du renvoi dans l'attente du prononcé de cette décision soit justifié?

[16]            Préjudice irréparable

Le fait de supprimer le soutien qu'offre le demandeur à sa soeur, aux enfants de cette dernière et à sa mère causerait en l'espèce un préjudice irréparable à la cellule familiale de facto qui, dans la présente affaire, comprend le demandeur.

[17]            Balance des inconvénients

L'article 48 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), oblige l'intimé à exécuter les mesures de renvoi « dès que les circonstances le permettent » . À mon avis, l'intimé pourra satisfaire aux exigences de la Loi même s'il est sursis à l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire soit tranchée. La balance des inconvénients joue en faveur du demandeur.

[18]            La demande de sursis visant l'exécution, le 28 janvier 2002, de la mesure de renvoi en Inde du demandeur est accordée dans l'attente du prononcé d'une décision définitive à l'égard de sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et, si cette demande est refusée, dans l'attente d'une décision relative à la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

[19]            LA COUR ORDONNE QUE la demande de sursis visant l'exécution, le 28 janvier 2002, de la mesure de renvoi en Inde du demandeur soit accordée dans l'attente du prononcé d'une décision définitive à l'égard de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et, si cette demande est refusée, dans l'attente d'une décision relative à la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.

                                                       « John A. O'Keefe »                    

                                                                                   Juge                                  

Ottawa (Ontario)

Le 25 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-182-02

INTITULÉ :                                           Jagdish Mitter Sharma c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le lundi 21 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        Le 25 janvier 2002

COMPARUTIONS:

Lorne Waldman                                                    POUR LE DEMANDEUR

John Loncar                                                          POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Lorne Waldman                                                    POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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