Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190903


Dossier : T‑654‑18

Référence : 2019 CF 1125

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 3 septembre 2019

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

KEVIN JOSEPH WHITTY

demandeur

et

TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL) ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  M. Kevin Joseph Whitty (le « demandeur ») sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le « Tribunal »), constitué en vertu de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 (la « Loi sur le TACRA »). Dans cette décision datée du 12 mars 2018, le Tribunal a rejeté la demande de réexamen du demandeur concernant une décision rendue par le comité d’appel des décisions relatives à l’admissibilité du TACRA (le comité d’appel) le 4 décembre 2008.

[2]  Dans sa décision, le comité d’appel du TACRA a refusé le droit à pension au titre du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6 (la « Loi ») pour l’affection alléguée de schizophrénie en ce qui concerne le service accompli par le demandeur dans la Force régulière.

II.  CONTEXTE

[3]  Les détails qui suivent sont tirés du dossier certifié du tribunal (le « DCT »).

[4]  Le demandeur a servi dans les Forces armées canadiennes, dans le cadre de la Force régulière, du 16 décembre 1982 au 10 mars 1983. Il a été admis à l’hôpital pour une psychose le 10 janvier 1983 et a reçu son congé le 10 mars 1983.

[5]  Le 24 mai 1990, le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité à Anciens combattants Canada (« ACC ») en vertu de la Loi. Il a fait valoir que l’affection de schizophrénie avait été causée ou aggravée par son service dans la Force régulière.

[6]  ACC a rejeté la demande le 14 janvier 1991 au motif que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que l’affection de schizophrénie avait été causée par son service. ACC a conclu que cette condition médicale ne découlait pas du service militaire du demandeur et n’y était pas directement liée.

[7]  Le demandeur a interjeté appel de la décision d’AAC auprès du Tribunal, qui a siégé à titre de comité de révision des décisions relatives à l’admissibilité (le « comité de révision »). Le 24 mars 1999, le comité de révision a confirmé la décision d’AAC et a rejeté le droit à une pension d’invalidité pour l’affection alléguée.

[8]  Dans sa décision, le comité de révision a fait référence à un rapport médical daté du 26 mars 1990, rédigé par le Dr M.C. Nurse, le psychiatre traitant du demandeur. Ce rapport inclut l’opinion suivante : [traduction« à ma connaissance, ces symptômes sont apparus pour la première fois à la suite de son enrôlement dans les Forces armées ».

[9]  Le demandeur a interjeté appel auprès du comité d’appel du Tribunal et, dans une décision datée du 4 décembre 2008, la décision du comité de révision a été confirmée.

[10]  Le comité d’appel a conclu que le demandeur souffrait d’un trouble psychiatrique au moment où il s’était enrôlé et que rien dans son dossier médical n’indiquait que son affection [traduction« avait été déclenchée par une fonction ou un facteur particulier durant son service ».

[11]  Le 27 janvier 2011, le demandeur a présenté au Tribunal une demande de réexamen de la décision d 2008 par laquelle le comité d’appel a refusé un droit à pension en application de l’article 32 de la Loi sur le TACRA. Dans le cadre de cette demande de réexamen, le demandeur a déposé quelques observations écrites. Il a également fourni un autre rapport de son médecin, le Dr Nurse.

[12]  Dans ce rapport daté du 17 décembre 2010, le Dr Nurse précisait que le demandeur avait initialement reçu un diagnostic de schizophrénie [traduction« à la suite d’un épisode psychotique survenu lorsqu’il était membre des Forces armées ». Il a également émis l’opinion selon laquelle le stress peut [traduction« entraîner des symptômes psychotiques, non en l’espace de quelques semaines, mais en l’espace de quelques jours ».

[13]  Dans une décision datée du 24 février 2011, le comité de révision a rejeté la demande de réexamen au motif que le comité d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit ni d’erreur de fait et qu’il n’y avait aucun élément de preuve nouveau relevant de la portée de la Loi sur le TACRA.

[14]  Le comité de révision a conclu que, même si le rapport du Dr Nurse daté du 17 décembre 2010 était crédible, les renseignements ne constituaient pas une nouvelle preuve et ne changeraient pas le résultat de la demande de pension du demandeur.

[15]  Le comité de révision a par ailleurs souligné que l’opinion du Dr Nurse constituait une opinion subjective qui n’était pas fondée sur l’historique médical complet du demandeur.

[16]  Le 15 janvier 2017, le demandeur a de nouveau présenté au Tribunal une demande de réexamen de la décision défavorable rendue par le comité d’appel en 2008.

[17]  Le 19 avril 2017, le Tribunal a rejeté la demande de réexamen. Il a conclu qu’aucune erreur de droit ou de fait n’avait été commise et qu’aucun nouvel élément de preuve n’avait été fourni conformément à l’article 32 de la Loi sur le TACRA. Le Tribunal a également conclu que le rapport du Dr Nurse n’était [traduction« pas suffisamment pertinent eu égard aux points décisifs pour modifier le résultat dans la présente affaire ».

[18]  Dans cette décision, le Tribunal a souligné que le Dr Nurse n’avait pas abordé l’historique médical du demandeur dans son rapport du 17 décembre 2010.

[19]  Le Tribunal a également fait observer qu’il était [traduction« rare » que l’on fasse droit à une demande de réexamen et qu’il ne s’agissait pas d’une occasion de présenter une nouvelle demande de pension fondée sur les mêmes faits que ceux initialement soumis.

[20]  Le demandeur a répondu à la décision du 19 avril 2017 en déposant une demande de contrôle judiciaire au dossier T‑655‑17, sollicitant une ordonnance portant annulation de la décision de réexamen défavorable.

[21]  Dans une lettre datée du 2 août 2017, le Tribunal a avisé le demandeur que le comité qui avait instruit sa demande de réexamen le 19 avril 2017 n’avait peut-être pas été constitué adéquatement. Le Tribunal l’a donc informé que, s’il demandait un nouvel examen de l’affaire en raison d’une erreur de droit, un comité formé de nouveaux membres réexaminerait la décision en question.

[22]  Le demandeur a présenté une autre demande de réexamen le 18 octobre 2017. Dans cette demande, il a précisé qu’il y avait eu une erreur de fait [traduction« dans l’ensemble du dossier en raison des décisions antérieures », faisant mention, en particulier, du rapport du Dr Nurse et de l’examen de 1982, lesquels [traduction« corrigeaient toutes les erreurs découlant de mauvais renseignements ».

[23]  Dans une décision rendue le 29 novembre 2017, le Tribunal a rejeté sa demande de réexamen. Cette décision du Tribunal est celle qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[24]  Dans cette décision, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas eu d’erreur de fait ni de droit. Il a conclu qu’aucun nouvel élément de preuve n’avait été présenté comme l’exige l’article 32 de la Loi sur le TACRA. En outre, il a jugé que la lettre du Dr Nurse, datée du 17 décembre 2010, ne constituait pas de [traduction« nouveaux éléments de preuve ». Même si le Tribunal était d’accord avec le Dr Nurse sur le fait que le stress pouvait entraîner des symptômes psychotiques, il a conclu que l’enrôlement du demandeur dans les Forces armées n’avait pas causé sa schizophrénie.

[25]  Le Tribunal a reconnu l’argument du demandeur selon lequel la décision de mars 1999 était invalide parce qu’elle avait été rendue par un seul membre du Tribunal. Cependant, après avoir examiné le dossier, il a conclu que cette décision avait été rendue par deux membres, conformément au paragraphe 19(1) de la Loi sur le TACRA et qu’aucune erreur susceptible de contrôle n’avait été commise à cet égard.

III.  OBSERVATIONS

A.  Les observations du demandeur

[26]  Le demandeur soutient que les Forces armées canadiennes ont fait preuve de négligence dans le traitement médical qu’elles lui ont fourni. Il prétend avoir reçu un diagnostic le 10 janvier 1983, soit après s’être enrôlé le 16 décembre 1982. Il affirme que, même si des prescriptions ont été rédigées, elles ne lui ont pas été remises avant ses deux dernières semaines de service.

[27]  Le demandeur fait valoir que les dossiers démontrent qu’il ne faisait pas de psychose lorsqu’il s’est enrôlé, mais que cette affection a été diagnostiquée le 10 janvier 1983 et est attribuable à un stress continu durant son service militaire.

[28]  Le demandeur soutient qu’il aurait dû être hospitalisé au lieu d’être mis à l’écart et d’être soumis à des [traduction« tentatives pour lui soutirer de l’information » afin de vérifier s’il était homosexuel.

[29]  Le demandeur soutient également que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne lui donnant pas de préavis, avant la décision de réexamen de 2018, concernant la composition du comité chargé d’instruire l’audience de 1999. Il fait valoir que certains éléments de preuve utilisés à l’audience 1999 ont été [traduction« obtenus sous la contrainte ».

B.  Les observations du défendeur

[30]  Le défendeur soulève d’abord une objection préliminaire, soit l’inclusion du « Tribunal des anciens combattants (révision et appel) » à titre de défendeur dans la présente demande.

[31]  Ensuite, le défendeur soutient que le Tribunal n’a commis aucun manquement à l’équité procédurale et que sa décision du 29 novembre 2017 satisfait à la norme de contrôle applicable, soit celle de la raisonnabilité.

IV.  DISCUSSION ET DÉCISION

[32]  La première question à trancher est l’objection soulevée concernant la désignation du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) comme défendeur dans la présente demande de contrôle judiciaire puisque le décideur n’est habituellement pas nommé comme partie.

[33]  L’objection a été abordée durant l’audience et le demandeur ne s’est pas opposé à ce que l’intitulé soit modifié et à ce que l’on retire le Tribunal comme défendeur.

[34]  Les observations du défendeur sont correctes. Ainsi, l’intitulé sera modifié afin de retirer le « Tribunal des anciens combattants (révision et appel) » des parties défenderesses.

[35]  La prochaine question à trancher concerne la norme de contrôle applicable.

[36]  Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339.

[37]  Tout problème découlant de conclusions de fait ou de conclusions mixtes de fait et de droit est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190.

[38]  Dans la dernière demande de réexamen, le Tribunal a essentiellement examiné les éléments de preuve au dossier concernant l’état de santé du demandeur alors qu’il était membre des Forces armées canadiennes.

[39]  Je ne suis pas convaincue que le Tribunal a manqué à l’équité procédurale en tenant l’audience de réexamen de la façon dont il l’a fait. Il n’y a aucune raison qui justifie l’intervention de la Cour sur ce point.

[40]  Selon l’arrêt Dunsmuir, précité, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiée, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[41]  La tâche fondamentale du Tribunal est de soupeser les éléments de preuve soumis par rapport aux critères établis dans la loi.

[42]  Le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

Milice active non permanente ou armée de réserve en temps de paix

Service in militia or reserve army and in peace time

(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

b) des pensions sont accordées à l’égard des membres des forces, conformément aux taux prévus à l’annexe II, en cas de décès causé par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(b) where a member of the forces dies as a result of an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall be awarded in respect of the member in accordance with the rates set out in Schedule II;

c) sauf si une compensation est payable aux termes du paragraphe 34(8), la pension supplémentaire que reçoit un membre des forces en application de l’alinéa a), du paragraphe (5) ou de l’article 36 continue d’être versée pendant l’année qui suit la fin du mois du décès de l’époux ou du conjoint de fait avec qui il cohabitait alors ou, le cas échéant, jusqu’au versement de la pension supplémentaire accordée pendant cette année à l’égard d’un autre époux ou conjoint de fait;

(c) where a member of the forces is in receipt of an additional pension under paragraph (a), subsection (5) or section 36 in respect of a spouse or common-law partner who is living with the member and the spouse or common-law partner dies, except where an award is payable under subsection 34(8), the additional pension in respect of the spouse or common-law partner shall continue to be paid for a period of one year from the end of the month in which the spouse or common-law partner died or, if an additional pension in respect of another spouse or common-law partner is awarded to the member commencing during that period, until the date that it so commences; and

d) d’une part, une pension égale à la somme visée au sous-alinéa (ii) est payée au survivant qui vivait avec le membre des forces au moment du décès au lieu de la pension visée à l’alinéa b) pendant une période d’un an à compter de la date depuis laquelle une pension est payable aux termes de l’article 56 — sauf que pour l’application du présent alinéa, la mention « si elle est postérieure, la date du lendemain du décès » à l’alinéa 56(1)a) doit s’interpréter comme signifiant « s’il est postérieur, le premier jour du mois suivant celui au cours duquel est survenu le décès » — d’autre part, après cette année, la pension payée au survivant l’est conformément aux taux prévus à l’annexe II, lorsque, à l’égard de celui-ci, le premier des montants suivants est inférieur au second :

(d) where, in respect of a survivor who was living with the member of the forces at the time of that member’s death,

(i) la pension payable en application de l’alinéa b),

(i) the pension payable under paragraph (b)

is less than

(ii) la somme de la pension de base et de la pension supplémentaire pour un époux ou conjoint de fait qui, à son décès, est payable au membre en application de l’alinéa a), du paragraphe (5) ou de l’article 36.

 

(ii) the aggregate of the basic pension and the additional pension for a spouse or common-law partner payable to the member under paragraph (a), subsection (5) or section 36 at the time of the member’s death,

a pension equal to the amount described in subparagraph (ii) shall be paid to the survivor in lieu of the pension payable under paragraph (b) for a period of one year commencing on the effective date of award as provided in section 56 (except that the words “from the day following the date of death” in subparagraph 56(1)(a)(i) shall be read as “from the first day of the month following the month of the member’s death”), and thereafter a pension shall be paid to the survivor in accordance with the rates set out in Schedule II.

[43]  L’article 18 de la Loi permet à quiconque n’est pas satisfait d’une décision rendue par ACC de demander la révision de la décision et prévoit ce qui suit :

Compétence exclusive

Exclusive jurisdiction

18 Le Tribunal a compétence exclusive pour réviser toute décision rendue en vertu de la Loi sur les pensions ou prise en vertu de la Loi sur le bien-être des vétérans et pour statuer sur toute question liée à la demande de révision.

18 The Board has full and exclusive juris­diction to hear, determine and deal with all applications for review that may be made to the Board under the Pension Act or the Veterans Well-being Act, and all matters related to those applications.

[44]  L’article 25 de la Loi, quant à lui, confère un droit d’appel devant le comité d’appel du Tribunal :

Appel

Appeal

25 Le demandeur qui n’est pas satisfait de la décision rendue en vertu des articles 21 ou 23 peut en appeler au Tribunal.

25 An applicant who is dissatisfied with a decision made under section 21 or 23 may appeal the decision to the Board.

[45]  Le fardeau de prouver l’existence d’une invalidité incombe au demandeur. Toutefois, les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA établissent un cadre que le Tribunal doit appliquer pour examiner la preuve, afin de tirer des conclusions favorables au demandeur. Ces articles prévoient ce qui suit :

Principe général

Construction

3 Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

3 The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

Règles régissant la preuve

Rules of evidence

39 Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve:

39 In all proceedings under this Act, the Board shall

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

[46]  La Loi sur le TACRA autorise le Tribunal à réexaminer une décision antérieure, conformément au paragraphe 32(1) :

Nouvel examen

Reconsideration of decisions

32 (1) Par dérogation à l’article 31, le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

32 (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.

[47]  Un demandeur peut soumettre de nouveaux éléments de preuve au Tribunal en vertu de l’article 32.

[48]  Bien que l’expression « nouveaux éléments de preuve » ne soit pas définie dans la Loi sur le TACRA, la Cour suprême du Canada a établi un critère pour de tels éléments dans l’arrêt R. c Palmer, [1980] 1 RCS 759, à la page 775 :

(1) On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière* aussi stricte dans les affaires crimi­nelles que dans les affaires civiles : voir McMartin c. La Reine [5].

(2) La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3) La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4) elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

[49]  Dans l’arrêt MacKay c Canada, [1997] 129 CF 286, (1997), 129 FTR 286, à page 4, le juge Teitlebaum a décrit la nature du réexamen d’une décision ainsi :

Il est important de préciser la nature d’un réexamen, qui est un type de révision à ne pas confondre avec une procédure d’appel ou une demande de contrôle judiciaire dont on peut saisir une cour. Essentiellement, en vertu de l’article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le TAC (R & A) peut réexaminer la décision antérieure en s’appuyant sur deux motifs généraux : (i) la présentation de nouveaux éléments de preuve; ou (ii) de son propre chef, en cas d’erreurs de fait ou de droit.

[50]  En l’espèce, le demandeur soutient que la lettre du Dr Nurse datée du 17 décembre 2010 constitue de « nouveaux » éléments de preuve.

[51]  Le Tribunal n’est pas d’accord. Il a conclu que le Dr Nurse n’avait rien dit de [traduction« nouveau » au sens du critère susmentionné relatif aux « nouveaux éléments de preuve ».

[52]  La question que doit trancher la Cour dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si cette conclusion du Tribunal satisfait à la norme juridique de la décision raisonnable.

[53]  Autrement dit, cette conclusion est-elle « justifiée, transparente et intelligible »?

[54]  D’après les documents contenus dans le DCT, je suis convaincue que le Tribunal a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas présenté de « nouveaux éléments de preuve » qui permettraient de modifier la décision concernant son droit à une pension d’invalidité.

[55]  Les effets bénéfiques des articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA ne peuvent être pris isolément. Le fardeau incombe toujours au demandeur de présenter des éléments de preuve à l’appui d’une demande de pension d’invalidité.

[56]  En l’espèce, le Tribunal a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté de ce fardeau. Je ne relève à cet égard aucune erreur susceptible de révision en ce qui concerne la conclusion du Tribunal.

[57]  Le Tribunal a également conclu que la présomption de bon état de santé établie au paragraphe 21(3) de la Loi avait été réfutée puisque l’affection du demandeur avait été diagnostiquée dans les trois mois suivant son enrôlement.

[58]  Bien que le demandeur fasse maintenant valoir que les Forces armées canadiennes ont fait preuve de négligence dans le traitement médical offert, il n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer cette prétention ou pour contredire les dossiers médicaux versés au DCT. Il n’y a pas d’erreur susceptible de contrôle dans cette conclusion du Tribunal.

V.  CONCLUSION

[59]  Par conséquent, rien ne justifie l’intervention de la Cour dans la décision du Tribunal et la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[60]  Le défendeur ne réclame pas de dépens et, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré par les Règles des cours fédérales, DORS/98‑106, je n’en accorderai aucun.


JUGEMENT dans le dossier T‑654‑18

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Conformément au pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré par les Règles des cours fédérales, DORS/98‑106, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour de septembre 2019.

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑654‑18

 

INTITULÉ :

KEVIN JOSEPH WHITTY c TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL) ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (nOUVELLE‑éCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 MARS 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Kevin Joseph Whitty

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

W. Dean Smith

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.