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Date : 20190903

Dossier : IMM‑4819‑19

Référence : 2019 CF 1129

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 3 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

OTHMAN AYED HAMDAN

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de l’ordonnance par laquelle la Section de l’immigration [la SI] a mis M. Hamdan en liberté. Ce dernier a été gardé en détention pendant quatre ans environ – les deux derniers en vertu de dispositions législatives en matière d’immigration et, avant cela, à la suite d’accusations criminelles. Le ministre plaide en faveur du maintien en détention de M. Hamdan au motif qu’il constitue un danger pour la sécurité publique.

II.  Contexte

A.  Antécédents de M. Hamdan en matière d’immigration au Canada

[2]  Le défendeur, M. Hamdan, citoyen de la Jordanie âgé de 38 ans, est né aux Émirats arabes unis. Il est arrivé aux États‑Unis en septembre 1999 muni d’un visa d’étudiant. Il s’être converti de l’islam au christianisme et, écoutant le conseil d’un avocat qui lui aurait dit qu’il aurait de meilleures chances de succès s’il demandait l’asile au nord de la frontière, il est entré au Canada le 14 juillet 2002. Le 30 août 2004, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] lui a reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention en raison de sa crainte d’être persécuté en raison de sa conversion religieuse.

[3]  Le 14 août 2008, la demande de résidence permanente au Canada de M. Hamdan a été rejetée pour cause d’abandon après que Citoyenneté et Immigration Canada eut tenté en vain, à maintes reprises, d’entrer en contact avec lui.

[4]  À la suite de deux attaques terroristes mortelles perpétrées au Canada en 2014 au présumé soutien de l’État islamique, la Gendarmerie Royale du Canada [la GRC] a procédé à une analyse des réseaux sociaux en vue d’y relever d’éventuelles menaces pour la sécurité nationale. M. Hamdan a été identifié et accusé de quatre chefs de terrorisme en raison de messages Facebook incendiaires qu’il avait affichés sur de multiples pages et profils entre les mois de septembre 2014 et de juillet 2015. Il a été inculpé de quatre chefs liés au terrorisme : les trois premiers pour avoir conseillé de commettre des meurtres, des voies de fait et des méfaits, et le quatrième pour avoir chargé sciemment autrui de se livrer à une activité terroriste. La quatrième accusation exigeait que l’on établisse au préalable l’une des trois infractions sous‑jacentes.

[5]  En septembre 2017, la GRC a établi une évaluation de la menace que constituait M. Hamdan et a conclu qu’il y avait un risque élevé qu’il continue de diffuser des messages sur Internet en vue d’inciter d’autres individus à se livrer à des actes terroristes et que M. Hamdan semblait avoir les connaissances et les capacités nécessaires pour se livrer lui-même à une attaque. La GRC a également signalé dans cette même évaluation que son appréciation n’était pas une prévision.

[6]  Le 22 septembre 2017, dans une décision exhaustive de 70 pages, le juge Butler de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a examiné en détail 85 messages litigieux de M. Hamdan, ne relevant les éléments de l’actus reus que dans l’une des infractions faisant l’objet d’une accusation (conseiller de commettre des actes terroristes) en lien avec l’un des 85 messages publiés dans les réseaux sociaux. Le juge a toutefois conclu à une absence de mens rea dans le cas de ce message. La Cour a donc acquitté M. Hamdan des quatre accusations de terrorisme : R c Hamdan, 2017 BCSC 1770. Dès sa mise en liberté, M. Hamdan a été mis en détention par les autorités de l’immigration.

[7]  Le 8 mai 2018, la SPR a rejeté la demande par laquelle le ministre souhaitait faire annuler la qualité de réfugié de M. Hamdan. Le ministre a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision. Le 18 octobre 2018, la SPR a fait droit à la demande du ministre de mettre fin à la qualité de réfugié de M. Hamdan au motif que la raison pour laquelle celui-ci demandait l’asile – sa conversion au christianisme – n’existait plus.

[8]  Le 18 octobre 2018 aussi, la Section de l’immigration [la SI] a conclu que M. Hamdan était interdit de territoire parce qu’il constituait un danger pour la sécurité du Canada et a pris une mesure d’expulsion à son endroit après avoir rendu une autre longue décision, de quelque 57 pages.

[9]  M. Hamdan a présenté une demande de contrôle judiciaire concernant les deux décisions datées du 18 octobre. Le 21 novembre 2018, notre Cour a infirmé la décision par laquelle la SPR a refusé d’annuler la qualité de réfugié de M. Hamdan au motif qu’il était déraisonnable de tirer une conclusion autre que celle selon laquelle M. Hamdan feignait d’être chrétien.

[10]  M. Hamdan a demandé le report de son renvoi en attendant l’issue d’une évaluation du risque auquel il serait exposé et l’issue de ses propres demandes de contrôle judiciaire. Le 28 novembre 2018, un agent d’exécution de la loi des bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a refusé de reporter son renvoi. M. Hamdan a demandé le contrôle judiciaire de cette décision de l’ASFC.

[11]  Le 1er février 2019, la Cour a rejeté la demande d’autorisation de M. Hamdan de contester la décision de constat de perte de l’asile de la SPR ainsi que la décision relative à l’interdiction de territoire de la SI, mais elle a autorisé la présentation d’une demande de contrôle judiciaire contestant à la fois : 1) la constitutionnalité de l’interdiction de demander avant 12 mois un examen des risques avant renvoi [ERAR] que prévoit l’alinéa 112(2)b.1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), c 27 [la LIPR], et 2) le refus de reporter son renvoi. Cependant, répondant à une requête interlocutoire, la Cour a par la suite accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi de M. Hamdan en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire ou jusqu’à ce qu’un agent d’ERAR ait dûment procédé à l’examen des risques.

[12]  Le 4 avril 2019, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a établi une nouvelle politique publique qui permet, sur une base discrétionnaire, de lever l’interdiction relative à l’ERAR dans le cas des personnes qui ont perdu la qualité de réfugié en vertu de l’alinéa 108(1)e) de la LIPR. Le lendemain, M. Hamdan a eu la possibilité de présenter une demande d’ERAR, ce qu’il a fait ultérieurement. Il ne peut pas être expulsé pendant que cette demande est en instance, car il existe un sursis réglementaire à l’exécution de la mesure d’expulsion jusqu’à ce que la demande soit rejetée ou, si elle accueillie, jusqu’à ce qu’IRCC annule le sursis.

[13]  Le 25 juillet 2019, notre Cour a rejeté les demandes de contrôle judiciaire restantes de M. Hamdan pour cause de caractère théorique étant donné qu’il avait présenté une demande d’ERAR conformément à la politique publique du ministre.

B.  Les contrôles des motifs de détention antérieurs

[14]  Après avoir été acquitté des accusations criminelles évoquées précédemment, M. Hamdan a été mis directement en détention par les autorités de l’immigration. Le 5 octobre 2017, lors du premier contrôle des motifs de détention après 48 heures, le commissaire de la SI a ordonné le maintien de la détention de M. Hamdam au motif qu’il constituait un danger pour le public. Le commissaire s’est dit convaincu que M. Hamdan poursuivrait ses activités en ligne d’une manière qui célébrerait et encouragerait la perpétration d’actes terroristes, et que de tels agissements feraient courir un risque au public canadien.

[15]  Le contrôle des motifs de détention de M. Hamdam après sept jours, qui a eu lieu le 12 octobre 2017, s’est soldé par le maintien de sa détention, comme l’ont été tous ses contrôles mensuels jusqu’en août 2019. Autrement dit, la SI a continué de contrôler les motifs de détention de M. Hamdan tous les 30 jours, comme l’exigeait la LIPR, et elle a systématiquement ordonné qu’il soit maintenu en détention parce qu’il constituait un danger pour le public.

[16]  Lors du contrôle des motifs de détention du 18 juillet 2019 – le dernier à avoir lieu avant l’audience du mois d’août et qui s’est soldé par la mise en liberté de M. Hamdam –, le commissaire de la SI a fait droit à une demande pour que l’on tienne un autre contrôle des motifs de décision dans un délai de moins de 30 jours afin de permettre à l’avocat de M. Hamdan de proposer, pour la première fois, une solution de rechange à la détention. Ce faisant, le commissaire a signalé qu’il faudrait que toute solution de rechange à la détention en vue d’une mise en liberté soit [TRADUCTION] « extrêmement détaillée et solide et [qu’elle traite] de toutes les questions qui se posent en l’espèce ». Cela a mené au contrôle des motifs de détention suivant, qui a eu lieu environ deux semaines plus tard et qui, pour la première fois en 27 audiences de cette nature et après deux années de détention, a donné lieu à l’ordonnance de mise en liberté de M. Hamdan.

III.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[17]  Le 2 août 2019, le commissaire de la SI [le commissaire] a ordonné la mise en liberté de M. Hamdan, sous réserve d’une liste détaillée de conditions. Il a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, M. Hamdan ne constituait pas un danger pour le public s’il bénéficiait d’une mise en liberté assortie de conditions appropriées.

[18]  Plus précisément, le commissaire a imposé 26 conditions de mise en liberté, dont 10 sont des conditions prescrites à l’article 250.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement]. Les conditions comprennent l’obligation que M. Hamdan réside avec une caution, qu’il respecte un couvre-feu entre minuit et 5 h, qu’il communique par téléphone avec l’ASFC tous les jours de la semaine et qu’il s’abstienne d’utiliser un dispositif capable de se brancher à Internet ainsi que de conduire un véhicule ou de se faire conduire par une autre personne sans l’accord de sa caution. La liste complète des conditions de mise en liberté figure à l’annexe A.

[19]  À l’audience, le commissaire a entendu au téléphone le témoignage de la caution proposée au sujet de ses liens avec M. Hamdan, de la connaissance que cette personne avait de la situation ainsi que de sa capacité de s’assurer que M. Hamdan respecterait les conditions imposées.

[20]  Dans sa décision, le commissaire a commencé par énoncer plusieurs principes généraux qui régissent les contrôles des motifs de détention, signalant que le droit canadien considère la mise en détention comme une mesure exceptionnelle. Il a ensuite reconnu qu’il lui incombait de fournir des motifs clairs et convaincants pour expliquer pourquoi il arrivait à une conclusion différente de plusieurs décisions de maintien en détention antérieures.

[21]  Le commissaire a mis en lumière deux aspects qui, croyait‑il, différenciaient l’audience qu’il présidait des audiences antérieures. Premièrement, il a fait remarquer que les questions relatives à M. Hamdan que l’on avait soumises à notre Cour avaient été rejetées pour cause de caractère théorique parce qu’on lui avait donné la possibilité de présenter une demande d’ERAR. Deuxièmement, et plus important, il a signalé que l’avocat de M. Hamdan avait présenté pour la première fois une [TRADUCTION] « proposition sérieuse de solution de rechange à la détention », laquelle comprenait une proposition pour une caution et des conditions précises.

[22]  Le commissaire a admis qu’il y avait en l’espèce un élément de [TRADUCTION] « danger pour le public », mais il a conclu que le risque que présentait M. Hamdan était [TRADUCTION] « nettement moindre » que celui que posaient les individus qui comparaissaient d’habitude devant la SI, car aucune preuve n’établissait que M. Hamdan avait commis des actes criminels violents. Il a ajouté qu’aucun des facteurs énumérés à l’article 246 du Règlement n’était présent et que M. Hamdan n’avait été reconnu coupable d’aucune infraction au Canada.

[23]  Compte tenu de sa conclusion selon laquelle il existait un [TRADUCTION] « degré de danger pour le public », le commissaire a ensuite pris en compte les critères prescrits à l’article 248 du Règlement et il a conclu que le motif de détention – le danger pour le public que constitue M. Hamdan – était un critère important qui faisait pencher la balance en faveur du maintien en détention.

[24]  En revanche, il a jugé que la longue détention aux fins de l’immigration, qui durait depuis près de deux ans, de même que l’incertitude entourant sa durée future, faisaient toutes deux pencher la balance en faveur de la mise en liberté. Il n’a pas considéré qu’un retard ou un manque de diligence était un facteur déterminant et il a rejeté, le considérant comme conjectural, l’argument du ministre selon lequel l’intérêt supérieur des enfants de la caution pourrait être négativement touché par le fait que M. Hamdan soit mis en liberté et assigné à leur domicile.

[25]  Pour ce qui était de la solution de rechange à la détention, le commissaire a renvoyé à la version datée du 1er avril 2019 des Directives données par le président en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [les Directives]. Il a conclu que les conditions proposées étaient suffisantes pour atténuer le risque que constituait M. Hamdan et a reconnu que son ordonnance de mise en liberté reposait dans une large mesure sur l’engagement pris par la caution. Il a jugé que cette personne était une caution acceptable, citant sa [TRADUCTION] « connaissance intime » de M. Hamdan, parce que les deux hommes entretenaient une étroite amitié depuis une dizaine d’années et qu’ils avaient vécu ensemble pendant 18 mois environ. Il a admis le témoignage de la caution selon lequel un cautionnement de 2 000 $ représentait pour lui un montant considérable, compte tenu de ses responsabilités en tant qu’exploitant d’une entreprise et père de famille.

[26]  Se reportant à la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Lunyamila, 2016 CF 1199, le commissaire a conclu que les conditions imposées à M. Hamdan devraient « éliminer presque totalement » tout risque car, aux termes de ces conditions, M. Hamdan ne pouvait se livrer à aucun des agissements qui avaient amené à conclure qu’il constituait un danger pour le public – c’est‑à‑dire diffuser des messages sur Internet. De plus, M. Hamdan vivrait dans un milieu rural assez éloigné et sa mobilité serait restreinte.

[27]  Après avoir reçu les observations orales et écrites des avocats, notamment au sujet des conditions de mise en liberté proposées, le commissaire a rejeté la demande du ministre, qui souhaitait des conditions plus strictes, comme une détention à domicile ou une surveillance électronique, les jugeant excessives vu le degré de risque présenté et le fait que M. Hamdan n’avait [TRADUCTION] « fait de mal à personne dans le passé ».

[28]  Après cette décision, datée du 3 août 2019, le ministre a immédiatement déposé devant notre Cour une demande de contrôle judiciaire de même qu’une demande de suspension. Tant la suspension que l’autorisation ont été accordées au moyen d’une instruction accélérée. Une séance spéciale a été convoquée, et elle a eu lieu à Vancouver le 27 août 2019. La journée prévue a été suffisante pour entendre les deux parties et trancher l’affaire, comme je vais maintenant le faire.

IV.  Les dispositions applicables

[29]  Les dispositions applicables de la LIPR et du Règlement sont reproduites à l’annexe B.

V.  Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[30]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le ministre soutient que le commissaire a commis des erreurs à trois égards : i) en omettant d’énoncer des motifs clairs et convaincants qui justifient que l’on s’écarte des décisions antérieures de maintien en détention, ii) en omettant de prendre en considération le motif de la détention et iii) en ordonnant une mise en liberté sous réserve de conditions qui n’atténuent pas le danger pour le public.

[31]  Le ministre est d’avis que l’une quelconque de ces trois erreurs rend la décision déraisonnable, ce qui, note‑t‑il, est la norme de contrôle applicable. Il s’agit en effet de la norme de contrôle appropriée, car les contrôles des motifs de détention qu’effectue la SI sont principalement des décisions de nature factuelle qui commandent la déférence (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Ahmed, 2019 CF 1006, par. 19). Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la raisonnabilité, la cour de révision doit déterminer si les motifs du commissaire de la SI lui permettent de comprendre pourquoi ce dernier a rendu une décision et si la conclusion tirée appartient aux issues acceptables (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47).

[32]  Avant d’aller plus loin, je me sens obligé de formuler les commentaires qui suivent.

[33]  Pour les tribunaux administratifs ou les cours de révision, le terrorisme n’est pas un sujet facile. Le commissaire a fait la même réflexion quand il a déclaré, dans ses motifs oraux :

[traduction] Je souhaiterais ne pas avoir à le dire, mais je dois le faire : ma décision de mettre M. Hamdan en liberté n’est d’aucune façon une adhésion ou une défense de ma part à l’égard de son idéologie, de sa pensée ou des opinions qu’il a exprimées dans le passé dans les messages qu’il a diffusés en ligne… Je ne rends pas cette décision à cause de mes sentiments personnels ou d’une réaction quelconque envers M. Hamdan en tant que personne. Je suis tenu de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour me conformer à ce que la loi exige compte tenu des circonstances particulières de l’affaire et des principes que j’ai déjà énoncés, et ce qui compte en définitive dans une évaluation du danger pour le public ce sont les actes de M. Hamdan.

[34]  Je fais miens les commentaires du commissaire de la SI. Je me contenterai de dire qu’à mon avis la conduite antérieure de M. Hamdan n’est pas moins répréhensible que ce qu’en a dit le commissaire et qu’elle est exceptionnellement difficile à digérer. Diffuser des informations émanant des sources en cause, c’est une chose; en faire la promotion et les défendre activement – dont des actes terroristes perpétrés contre des Canadiens sur le territoire national – c’est tomber encore plus bas.

[35]  Cela dit, mon rôle ne consiste pas à porter un jugement sur M. Hamdan, ni à décider s’il devrait être mis en liberté – ce rôle revient à la SI. Mon rôle à moi consiste simplement à m’assurer que la SI a rendu une décision raisonnable en se fondant sur les critères énoncés dans la LIPR et le Règlement. Ce faisant, je suis tenu d’accorder à la SI la déférence qui s’impose, car il s’agit du tribunal administratif auquel le législateur a confié la tâche de trancher les questions de détention aux fins de l’immigration.

VI.  Analyse

[36]  Une bonne partie de mon analyse est consacrée à la troisième question en litige, à savoir le caractère raisonnable des conditions de mise en liberté, car la question de savoir si ces conditions sont adéquates est complexe et les parties s’y sont expressément penchées tant à l’audience que dans leurs observations. Cependant, l’importance accordée à cette question ne diminue en rien les deux premières questions en litige qui ont été soulevées, lesquelles sont analysées ci-après.

A.  Question en litige i) : motifs clairs et convaincants

[37]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4, le juge Rothstein, qui siégeait alors à la Cour d’appel, a expliqué qu’un commissaire de la SI qui procède à un nouveau contrôle des motifs de détention se doit d’arriver à une nouvelle conclusion quant à la question de savoir si l’intéressé devrait rester en détention. Il doit toutefois prendre en compte les décisions de détention antérieures et fournir des motifs clairs et convaincants pour s’en écarter (par. 10). Il a ajouté que bien qu’il soit préférable d’expliquer expressément les raisons pour lesquelles on a tiré une conclusion différente, des motifs clairs et convaincants pour le faire peuvent être énoncés de façon implicite dans la décision (par. 13).

[38]  Je dois vérifier si ces motifs sont clairs et convaincants selon une norme empreinte de déférence. Comme l’a récemment expliqué le juge Norris, « l’exigence relative aux motifs clairs et convaincants qui justifient que l’on s’écarte d’une décision antérieure de la SI ne devrait pas être considérée comme un motif distinct de contrôle judiciaire, mais plutôt comme une application de la norme de la décision raisonnable » (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Mohammed, 2019 CF 451, par. 23).

[39]  Dans sa décision concernant M. Hamdan, la SI a clairement expliqué pourquoi elle s’écartait de l’issue de la décision antérieure et, en réalité, d’environ deux douzaines de décisions qu’elle avait déjà rendues. Le commissaire a déclaré dans sa décision orale qu’il s’agissait de la première [TRADUCTION] « proposition sérieuse de solution de rechange à la détention, laquelle comprenait une proposition pour une caution et des conditions précises », et que la caution avait témoigné à l’audience au sujet de la surveillance qu’elle exercerait sur M. Hamdan, de la connaissance qu’elle avait de ce dernier et des raisons pour lesquelles elle s’assurerait du respect des conditions imposées, tant à cause de ses liens avec M. Hamdan que de son engagement financier, par l’entremise du cautionnement versé. Le commissaire a souligné que lors des contrôles antérieurs, le degré de risque n’était atténué par aucune condition de mise en liberté restrictive, et qu’il était donc plus élevé que dans le cas de la solution de rechange.

[40]  Le commissaire a également fait remarquer que, compte tenu du risque atténué, le critère de la durée de la détention que prévoyait l’alinéa 248b) du Règlement faisait nettement pencher la balance en faveur de la mise en liberté. Le juge Mosley a conclu que des motifs clairs et convaincants justifiant de s’écarter de décisions de maintien en détention antérieures peuvent notamment faire état d’une proposition de solution de rechange à la détention qui soit acceptable, ainsi que de changements de circonstances qui pourraient amener la SI à conclure que les facteurs énoncés à l’article 58 de la LIRP ne sont plus présents (Kippax c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 429, par. 20).

[41]  En fait, la juge Abella, s’exprimant en dissidence dans l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Chhina, 2019 CSC 29 [arrêt Chhina] (dissidence que la majorité n’a pas contredite), a écrit que « [l]e ministre ne peut pas se contenter d’invoquer les décisions antérieures de la Section de l’immigration pour convaincre celle‑ci de l’existence des critères exigés dans le cadre du contrôle effectué en application des art. 58 et 248. L’intégrité du processus prévu par la LIPR dépend de la tenue d’un examen complet de la légalité de la détention, y compris de sa conformité avec la Charte, lors de chaque contrôle des motifs de la détention » (par. 127); voir aussi la décision du juge Grammond Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Baniashkar, 2019 CF 729 [Baniashkar], par. 12, 13, 14 et 20).

[42]  Outre les principaux facteurs susmentionnés à propos des solutions de rechange à la détention, le commissaire a également fait état d’autres changements, dont celui de situation concernant la contestation par M. Hamdan de la constitutionnalité de l’interdiction de procéder à un ERAR, par suite du rejet de cette demande par notre Cour pour cause de caractère théorique. En fait, le motif de cette décision était que le ministre avait changé la politique et avait invité M. Hamdan à demander un ERAR [TRADUCTION] « restreint » en application du paragraphe 112(3) de la LIPR, mettant ainsi fin à toute allégation de violation de la Charte pour cause d’incapacité d’obtenir un examen des risques. Comme l’a révélé une preuve qui est devenue disponible entre le moment où le commissaire a rendu sa décision et l’audition du présent contrôle judiciaire, le premier volet de l’ERAR restreint de M. Hamdan a été approuvé, et le volet suivant de l’examen des risques, d’après les nouvelles informations fournies, aura lieu dans un an environ. Même si la décision concernant le second volet est rendue avant cela, l’ERAR restreint est néanmoins un processus long et complexe (voir Kanagaratnam c Canada (Citoyenneté et Immigration, 2015 CF 885, par. 12 et 15, pour une description des étapes).

[43]  Comme je l’ai conclu dans une affaire antérieure où l’intéressé était en détention aux fins de l’immigration depuis plus de deux ans et où il n’y avait pas non plus de règlement dans un avenir prévisible, la SI est en droit d’accorder davantage de poids cette préoccupation qu’aux autres facteurs législatifs examinés (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Rooney, 2016 CF 1097, par. 39).

[44]  Enfin, je signale que la conclusion tirée sur la première question en litige concorde avec la seule considération antérieure de la décision du commissaire : l’ordonnance du 13 août 2019 par laquelle le juge Gascon a suspendu provisoirement la mise en liberté de M. Hamdan, de sorte que celui-ci est resté en détention en attendant cette décision. Dans cette ordonnance de suspension, le juge Gascon a relevé de sérieux problèmes [TRADUCTION] « en ce qui a trait, au minimum, aux deuxième et troisième motifs indiqués par le ministre », ce qui, selon moi, indiquait implicitement que le premier motif n’était pas un point fort pour le ministre au regard du seuil élevé que le juge Gascon appliquait au critère de la question sérieuse (bien que je ne m’engage certainement pas dans la question de savoir si le seuil de la question sérieuse devrait être élevé ou non, sujet qui a lui aussi été mentionné à l’audience relative au contrôle judiciaire, et qui a également fait l’objet d’un commentaire récent de la part de notre Cour – voir, par exemple, Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Asante, 2019 CF 905, par. 18 et suivants).

[45]  En résumé, je conclus que la SI a fourni des motifs clairs et convaincants justifiant de s’écarter des décisions de maintien en détention antérieures. Le commissaire a clairement expliqué en quoi sa décision s’écartait des précédentes et, compte tenu du droit à la liberté de M. Hamdan, il a agi conformément aux principes énoncés à l’article 7 de la Charte (décision Rooney, par. 19; Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 792, par. 19).

[46]  Le fait que le ministre ne convienne pas que les divers changements qui ont été exposés lors du plus récent contrôle des motifs de détention – le 27e – étaient suffisants pour justifier la mise en liberté de M. Hamdan équivaut en fin de compte à inviter la Cour à soupeser à nouveau la preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c B072, 2012 CF 563, par. 29). Or, si elle le faisait, cela constituerait clairement un exercice inapproprié dans le cadre d’un contrôle fondé sur la raisonnabilité, compte tenu de l’explication de cette norme donnée plus tôt.

B.  Question en litige ii) : prise en compte du danger

[47]  Le commissaire a clairement pris acte du danger que constituait M. Hamdan, notant que celui-ci avait été mis en détention parce qu’on avait conclu qu’il constituait un danger pour le public au regard de l’alinéa 58(1)b) de la LIPR. Il a également pris acte de la décision antérieure de la SI, qui avait conclu que M. Hamdan était interdit de territoire au titre de l’alinéa 34(1)d) de la LIPR. Il a relevé diverses distinctions entre une évaluation relative à l’interdiction de territoire et une mise en liberté, dont l’accent mis sur la preuve et les différentes normes qui s’appliquent aux dispositions législatives pertinentes. Il a aussi fait des commentaires sur le profil de M. Hamdan à la lumière de la conclusion de danger, le tout sur la toile de fond que constituaient ses activités antérieures sur Internet. Le contexte incluait l’absence de toute déclaration de culpabilité au criminel, l’absence de preuves quant à la commission d’actes violents, le comportement en prison, la conduite à l’audience et le témoignage rendu.

[48]  Le ministre soutient dans ses observations que le [TRADUCTION] « fait que le commissaire s’appuie sur l’idée que le défendeur n’a pas été l’instigateur d’actes violents pendant qu’il se trouvait dans des établissements carcéraux provinciaux traduit une méconnaissance fondamentale du risque que le défendeur présente pour la population canadienne. Le fait qu’il n’a pas “eu recours à la violence” dans un milieu supervisé n’a aucune incidence sur le risque qu’il se livre personnellement à un acte terroriste dans l’avenir ». On n’a pas conclu que M. Hamdan constituait un danger à cause d’une déclaration de culpabilité pour voies de fait antérieure, mais à cause de ses éloges à l’égard d’attaques du type « loup solitaire », de la promotion qu’il faisait de Daech, du fait qu’il avait diffusé des instructions sur la manière de livrer des attaques, du fait qu’il avait identifié d’éventuelles cibles d’attaques terroristes au Canada ainsi que de son évidente fascination pour l’extrême violence de Daech.

[49]  Cependant, l’argument selon lequel le commissaire n’a pas pris en compte le motif de la mise en détention ne concorde pas avec la décision qu’il a rendue. Par exemple, il a dit :

[traduction]

Maintenant, je suis conscient du fait que, comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’une évaluation prospective, qui ne repose bien sûr pas entièrement sur l’absence d’un comportement donné dans le passé. Je suis également conscient du fait que même s’il a été acquitté de toutes les accusations criminelles portées contre lui, la Cour, en traitant de ces accusations, a tout de même conclu qu’il était disposé à se livrer à des actes djihadistes violents dans le cadre de sa lutte, et notre Section, y compris moi‑même, a conclu maintes fois qu’il constitue un danger pour le public en raison de messages qu’il a diffusés dans le passé dans les réseaux sociaux et qui, comme l’a conclu notre Section, entérinaient et encourageaient la perpétration d’attaques terroristes au Canada et à l’étranger.

J’ajouterais également de façon plutôt accessoire, compte tenu de ses propres déclarations antérieures dans lesquelles il exprimait sa colère et formulait des menaces contre diverses personnes et entités, dont le personnel de Facebook quand ses comptes ont été supprimés, un agent de la GRC en particulier ainsi qu’un bureau et des interprètes de la GRC. Maintenant, la Section de l’immigration, y compris moi-même, a conclu à maintes reprises qu’il inciterait vraisemblablement d’autres personnes à commettre des actes violents en continuant d’afficher en ligne des vues semblables, ou qu’il commettrait lui-même des actes violents s’il était mis en liberté.

Le commissaire a ensuite écrit ce qui suit :

[traduction]

Bien sûr, le Règlement m’indique que même si je conclus qu’il existe des motifs de détention, je dois prendre en considération d’autres facteurs avant de me prononcer sur la détention ou la mise en liberté; il n’est donc pas suffisant que je m’en tienne à la conclusion que M. Hamdan constitue un danger pour le public. Je dois également prendre en compte d’autres facteurs, qui sont énoncés à l’article 248 du Règlement. Le motif de détention, bien sûr, est le danger pour le public. Je prends acte des points soulevés dont fait état la jurisprudence selon lesquels il s’agit d’un motif très important qui justifie bel et bien le maintien en détention et parfois même une longue détention.

[50]  Dans l’extrait qui précède ainsi qu’à divers autres endroits dans ses motifs, le commissaire indique clairement que, dans le cas de M. Hamdan, l’élément de danger est présent. Il explique toutefois aussi que si l’on considère la preuve sous un angle holistique, le long du continuum du « danger pour le public », qu’examine systématiquement la SI, M. Hamdan se situe à l’extrémité inférieure de ce continuum, car il n’a jamais commis d’actes criminels violents. Le commissaire indique clairement aussi que l’imposition de diverses conditions signifiera que, selon la prépondérance des probabilités, M. Hamdan n’atteindra pas ce seuil dans l’avenir, de sorte qu’il serait injustifié de le maintenir en détention.

[51]  Le commissaire signale que la norme de preuve que l’on applique dans le cadre d’un contrôle des motifs de détention est nettement différente du [TRADUCTION] « seuil très peu élevé que constituent les motifs raisonnables de croire », norme que l’on applique pour les décisions en matière d’interdiction de territoire. Il ajoute qu’une autre distinction à faire quand on évalue le danger pour le public aux fins d’un maintien en détention est que la question consiste à savoir si la personne constitue un danger présent et futur pour le public, tandis que dans les autres instances l’accent est mis sur le passé. Ainsi, d’après le commissaire, bien que le comportement antérieur d’une personne soit utile pour évaluer le risque présent et futur qu’elle présente, une détention aux fins de l’immigration n’a pas pour but de punir une personne pour ce qu’elle a dit ou fait dans le passé; elle vise plutôt à avoir un effet préventif pour l’avenir. À ce sujet, le commissaire conclut :

[traduction]

Le législateur a effectivement énoncé à l’article 246 du Règlement des facteurs précis qu’il faut prendre en compte pour évaluer si une personne constitue un danger pour le public. Bien sûr, comme les parties en conviennent et comme notre Section le sait bien, ces facteurs expressément mentionnés ne constituent pas une liste exhaustive et la Section peut tenir compte de tout autre élément qui pourrait aussi se révéler pertinent, mais il convient quand même de noter et de souligner que, dans le cas de M. Hamdan, aucun des facteurs énumérés à l’article 246 du Règlement n’est présent. Certains d’entre eux ne sont même pas pertinents … non seulement M. Hamdan n’a été déclaré coupable au Canada d’aucun des types d’infraction énoncés, mais il n’a jamais été déclaré coupable d’aucune infraction au Canada. Chez nous, son casier judiciaire est vierge.

Il a été inculpé bien sûr, comme il en a été abondamment question dans la présente instance, mais il a été acquitté des accusations criminelles portées, et il s’agit donc, selon moi, d’un facteur important qui fait qu’il est différent de la plupart des individus que voit notre Section pour cause de danger pour le public. Il n’a, au Canada, pas d’antécédents d’infraction criminelle à caractère violent. Il n’a jamais, au Canada, causé directement préjudice à qui que ce soit d’une manière qui justifierait qu’on le maintienne en détention si ces éléments étaient présents.

[52]  Hormis ces commentaires sur l’absence de toute preuve d’un passé violent ou criminel, le commissaire fait également état de la bonne conduite de M. Hamdan malgré la longue période d’incarcération. Il fait remarquer que [TRADUCTION] « bien qu’une détention aux fins de l’immigration soit stressante – il a été gardé en détention dans des établissements provinciaux, et non dans un centre de surveillance de l’Immigration – et notre Section a vu de nombreux exemples d’individus détenus dans ces endroits qui se livrent à de graves actes violents à l’intérieur des établissements, même s’ils se trouvent dans un milieu contrôlé. Ce n’est pas le cas de M. Hamdan ».

[53]  Je signale que le commissaire a fondé en partie cette évaluation sur de nouveaux éléments de preuve qui lui ont été soumis et qui étaient tirés de l’audience du mois d’août 2019, dont deux années de dossiers correctionnels sur le comportement de M. Hamdan au cours de sa détention, et couvrant 50 pages de notes s’étendant du mois d’avril 2017 au mois d’avril 2019 (dont une période d’environ cinq mois qui, en 2017, était liée à une détention autre qu’aux fins de l’immigration). Le commissaire a fait remarquer que le comportement de M. Hamdan au cours de cette période n’a jamais été violent. Ces notes indiquent plutôt que M. Hamdan était habituellement respectueux et faisait souvent montre d’une bonne conduite pendant qu’il était en détention. Le commissaire a également signalé que M. Hamdan était disposé à ne pas mettre en ligne des messages. Il a déclaré ceci :

[traduction]

À ce moment‑ci, je pense qu’il est quelque peu conjectural de faire valoir ou de soutenir que, selon la prépondérance des probabilités, les messages que M. Harndan [sic] pourrait diffuser dans l’avenir pourraient, selon la prépondérance des probabilités, inciter vraisemblablement un individu quelconque au Canada à exécuter ce genre d’attaque. Rien ne prouve que les messages mis en ligne dans le passé ont incité qui que ce soit à se livrer à une action de ce genre, de sorte que, en général, compte tenu de toutes ces questions, j’admets – je continue d’admettre qu’il y a un certain degré de danger pour le public mais, là encore, je répète qu’au vu de l’éventail des affaires de cette nature dont notre Section est habituellement saisie, je conclus que le degré de danger est nettement inférieur à celui que présentent les individus qui ont des casiers de violence criminelle établis.

M. Hamdan n’a pas ce genre d’antécédents de violence au Canada et je conclus qu’avec des conditions de mise en liberté convenables il ne constitue pas, selon la prépondérance des probabilités, un danger pour le public.

[54]  Le commissaire a ensuite axé ses conclusions sur le danger prospectif, en prenant pour base la manière dont M. Hamdan s’était comporté au cours des années qui s’étaient écoulées depuis qu’il avait mis en ligne ses messages dans les réseaux sociaux, c’est‑à‑dire pendant qu’il était incarcéré, de même que sa conduite à l’audience même. Il lui était loisible de le faire.

[55]  Le fait que la SI avait conclu que M. Hamdan constituait un danger pour le public dans le contexte de la décision en matière d’interdiction de territoire qu’elle avait rendue l’année précédente ne l’obligeait pas à tirer une conclusion semblable dans le contexte de la détention, car ces conclusions tranchent des questions différentes en vertu de dispositions différentes de la LIPR, et les considérations fondées sur la Charte qui entrent en jeu sont elles aussi différentes. Ces conclusions sont également tirées en fonction de normes de preuve différentes, c’est‑à‑dire la prépondérance des probabilités dans le contexte de la détention, par opposition à la norme moins stricte des motifs raisonnables de croire dans une instance d’interdiction de territoire, où l’accent est mis sur ce que l’individu a fait dans le passé, plutôt que sur le contexte de la détention, qui est de nature prospective et qui consiste à déterminer ce qui se passera si l’on met cet individu en liberté.

[56]  Dans une situation analogue, le juge de Montigny, qui siégeait alors encore à notre Cour, a expliqué ce qui suit dans la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Sall, 2011 CF 682, en examinant la décision d’un commissaire de la SI d’accorder une mise en liberté, et ce, malgré l’avis de danger du ministre :

[39]  D’autre part, le Commissaire était en droit de diverger d’opinion avec l’évaluation faite par le Ministre, non seulement parce qu’il s’appuyait sur d’autres éléments pour mesurer le danger (les formations suivies par M. Sall, sa collaboration avec l’ASFC, l’écoulement du temps et son mariage), mais également parce que cet avis de danger est effectué dans un contexte bien précis (déterminer s’il peut être renvoyé du Canada) qui diffère des objectifs poursuivis dans le cadre d’une revue de détention. Tel que le souligne la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Williams c Canada, [1997] 2 CF 646, l’exercice auquel doit se livrer le Ministre ou son délégué dans l’exercice du pouvoir que lui confère l’alinéa 115(2)(a) de la LIPR consiste à déterminer si un individu ayant commis un ou des crimes graves dans le passé représente un risque inacceptable pour le public. Or, une telle évaluation fait nécessairement intervenir « des considérations politiques qui ne sont pas inappropriées de la part d’un ministre » (Williams, au para. 29), mais qui ne sont certes pas pertinentes pour la SI lorsqu’elle procède à une révision de détention.

[57]  Enfin, le ministre fait valoir que le commissaire n’avait pas en main assez d’informations sur le diagnostic de santé mentale de M. Hamdan, le traitement et le pronostic pour évaluer correctement le risque qu’il constituait pour le public. Il consulte en effet un psychologue deux fois par semaine et des médicaments lui ont été prescrits. Or, il n’existe aucune preuve indépendante quant à la nature des symptômes ou des médicaments.

[58]  Dans le cadre d’un contrôle des motifs de détention antérieur, effectué en juin 2019, quand M. Hamdan a expliqué qu’il avait cherché à obtenir ses dossiers médicaux au moyen de demandes d’accès mais qu’il ne les avait pas reçus, et qu’il avait même demandé à la Commission d’ordonner la production de ces dossiers, le ministre a fait valoir que la Commission n’avait pas le pouvoir de l’ordonner et qu’elle ne pouvait tirer aucune conclusion quant à la santé mentale de M. Hamdan (laquelle, ce dernier a affirmé, était négativement touchée par sa longue réclusion). Le ministre n’a pas établi qu’il existait une quelconque raison qui ne soit pas d’ordre conjectural de continuer de s’inquiéter, étant donné que M. Hamdan a suivi des séances de counselling et qu’il prend les médicaments que son médecin lui a prescrits, d’autant plus qu’il s’agit d’une condition de sa mise en liberté.

[59]  Premièrement, je signale que M. Hamdan et son avocat ont tenté d’obtenir des dossiers médicaux auprès de son établissement, mais qu’ils n’ont toujours pas réussi à les avoir. Deuxièmement, la SI a fait remarquer que M. Hamdan avait eu besoin de faire deux pauses et qu’il avait pris l’initiative de quitter la pièce [TRADUCTION] « pour se calmer et maîtriser ses émotions ». Le commissaire a ensuite indiqué qu’il est :

[traduction]

[…] compréhensible qu’une personne se trouvant dans la situation de M. Hamdan ressente de vives émotions et manifeste des réactions vives et viscérales face à ce qu’on dit de lui et aux répercussions de tout cela pour lui et son avenir, d’autant plus qu’il est en détention depuis longtemps, mais il n’a pas perdu la maîtrise de soi. Il a demandé d’être excusé et il a géré ces émotions difficiles de manière parfaitement civilisée et appropriée […]

[Q]uels que soient les troubles de santé mentale dont M. Hamdan peut souffrir, dans sa situation de vie quotidienne, qui est stressante et où la violence n’est pas fait inusité au sein d’un établissement provincial, il reste maître de lui de manière pacifique et ne s’est livré à aucun comportement violent, et je considère que cela comme très révélateur et, aussi, qu’il s’agit d’une chose qui le distingue d’un grand nombre d’autres personnes accusées de constituer un danger pour le public que notre Section voit habituellement.

[60]  Comme le commissaire était conscient de l’absence de documents médicaux, documents qui, comme M. Hamdan l’a décrit, comprenaient un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, il en a de toute évidence tenu compte dans la décision comme on l’a vu. Il a prévu comme condition que l’on évalue le besoin que M. Hamdan suive des séances de counselling ou des traitements médicaux pour la santé mentale et qu’il y participe pleinement, ce qui inclut la prise de tout médicament prescrit. Cela nous amène à la troisième et dernière question en litige sur laquelle porte le contrôle judiciaire d’aujourd’hui : les conditions que le commissaire a imposées pour la mise en liberté de M. Hamdan atténuent‑elles le danger qu’il constitue pour le public?

C.  Question en litige iii) : conditions qui atténuent le danger pour le public

[61]  Comme je conclus que les deux premières questions en litige que le ministre a soulevées ne comportent pas d’erreurs susceptibles de contrôle, et que le commissaire a fourni des motifs clairs et convaincants justifiant qu’il s’écarte des décisions antérieures de la SI, et qu’il l’a fait en gardant à l’esprit le motif pour lequel le ministre plaide en faveur de la détention, je vais maintenant analyser la troisième question que le ministre a soulevée et sur laquelle portait principalement l’analyse des observations orales et écrites présentées tout d’abord devant la Commission puis devant la Cour.

[62]  Ma conclusion au sujet de cette troisième question en litige, comme dans le cas des deux premières, est que tant la décision du commissaire à cet égard que les raisons qu’il a données étaient valables, étant donné qu’il a examiné systématiquement les 25 conditions énumérées dans son ordonnance de mise en liberté (voir l’annexe A). Même si son analyse ne couvre peut-être pas toutes les possibilités qui peuvent découler de la surveillance qu’exercera la caution, de la garantie financière et des autres outils mis en œuvre pour garantir le respect des conditions imposées, dans un contrôle fondé sur la raisonnabilité, la perfection n’est pas la norme qui s’applique (voir, par exemple, l’opinion dissidente du juge Evan dans Alliance de la fonction publique du Canada c Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, par. 163, sur laquelle s’est fondée la Cour suprême en faisant droit à l’appel (2011 CSC 57, par. 1).

[63]  Je conclus plutôt que le commissaire a mis en œuvre les mesures que la trousse d’outils dont il disposait lui permettait de prendre pour suivre les directives judiciaires, soit d’« éliminer presque totalement » le risque posé par le danger que constitue M. Hamdan. Le fait que d’autres commissaires auraient pu décider de ne pas le mettre en liberté – et, en fait, ne l’ont pas mis en liberté à de nombreuses occasions en l’espèce – n’a pas pour effet de rendre la décision déraisonnable.

[64]  Avant de passer en revue le droit, la jurisprudence et les politiques qui régissent les conditions, je signale que les principales conditions qui, d’après le ministre, sont déraisonnables, ont trait à la caution [TRADUCTION] « inappropriée », au cautionnement modeste qu’elle verse, à sa capacité de contrôler M. Hamdan ainsi qu’au fait que d’autres personnes vivent chez la caution.

1)  Conditions qui atténuent le risque

[65]  Comme je l’ai déjà indiqué, notamment dans le contexte de la première question en litige, l’obligation qu’a la SI de prendre en compte des solutions de rechange à la détention en vertu de la loi (article 248 du Règlement), de la jurisprudence et des politiques revêt une importance particulière. Toute décision de mettre en liberté une personne qui a été jugée constituer un danger requiert nécessairement l’imposition de conditions mûrement réfléchies.

[66]  Dans sa décision, le commissaire a fait remarquer que [traduction] « [l]es conditions de mise en liberté imposées doivent être adaptées aux circonstances particulières de l’affaire. Elles devraient être liées au risque et permettre d’atténuer adéquatement ces facteurs de risque ». En fait, selon un objectif et principe directeur mentionné à la section 1.1.3 des Directives, en droit canadien, la détention constitue une mesure exceptionnelle. Ce principe est consacré dans de nombreux instruments, dont la Charte, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l’enfant.

[67]  En soulignant que la disponibilité, l’efficacité et le caractère opportun des solutions de rechange à la détention doivent être adéquatement évalués dans chaque cas, les Directives indiquent que des conditions ne devraient être imposées que si elles sont nécessaires (c’est-à-dire dans les situations de risque élevé) étant donné qu’elles restreignent la liberté. Mais, quand on impose de telles conditions, elles doivent être à la fois adaptées à la situation de l’individu, de façon à atteindre l’objectif visé, et proportionnelles au niveau de risque. Chaque condition doit donc avoir un lien rationnel avec les circonstances de l’affaire et le motif précis de détention, et le commissaire devrait expliquer ce lien dans les motifs de décision.

[68]  Les Directives tiennent bien sûr compte des indications que fournissent la loi et la jurisprudence qui en a découlé, ce qui oblige la SI à faire preuve de vigilance quand un danger a été relevé.

[69]  En l’espèce, le commissaire a été sensible à la preuve concernant le « danger ». Sa décision renvoie directement à l’Évaluation de la menace de 2017 de la GRC concernant M. Hamdan, qui est datée du 7 septembre 2017. En fait, le commissaire a commencé à évaluer la solution de rechange à la détention en prenant explicitement en compte le rapport d’évaluation de la menace de 2017 de la GRC :

[traduction]

Je signalerai toutefois que même le rapport le plus récent sur l’évaluation de la menace de 2017, à la pièce C‑2, onglet 5, mentionne aussi de manière explicite et prend bien soin de signaler qu’il ne prédisait pas le comportement futur de M. Hamdan. Il s’agit plutôt d’une identification des facteurs qui lui feront courir le risque de commettre ou d’inciter autrui à commettre des actes violents à motivation idéologique.

L’analogie employée dans l’évaluation de la menace elle-même est semblable à celle d’un cardiologue qui n’est peut-être pas en mesure de prévoir si une personne en particulier subira une crise cardiaque, mais peut citer une série de facteurs liés au mode de vie et d’autre nature qui font courir à quelqu’un un risque accru; et donc le rapport – le rapport d’évaluation de la menace conclut qu’il y a un risque considérable que M. Hamdan continue de diffuser en ligne les vues qu’il a exprimées dans le passé et d’inciter d’autres personnes à commettre des actes violents.

Cependant, il conclut aussi qu’une partie des facteurs de risque, mais pas tous, sont réellement présents dans son cas et il indique aussi que s’il est mis en liberté, et telle était la situation à ce moment‑là, M. Hamdan n’aurait pas de lieu connu où vivre, pas emploi, pas d’argent et pas de famille au Canada, à part un cousin germain, et que rien n’indique qu’il a changé d’état d’esprit. Ce sont tous des facteurs qui, à mon avis, aggraveraient logiquement le risque que M. Hamdan pourrait constituer et il s’agit également de facteurs auxquels répond grandement la solution de rechange à la détention qui est aujourd’hui disponible.

[70]  Bien sûr, deux ans plus tard, ces faits ont changé avec l’avènement de la caution et d’un foyer comptant des amis, ainsi que d’un travail possible que M. Hamdan pourrait s’attendre à avoir (compte tenu de la preuve selon laquelle il s’est bien comporté et s’est tenu occupé en travaillant en prison).

[71]  De plus, le commissaire a entendu le témoignage de M. Hamdan, qui s’est engagé à ne pas diffuser de messages dans les réseaux sociaux et qui a reconnu avoir commis des actes répréhensibles dans le passé. Le commissaire a signalé que malgré le manque de crédibilité de M. Hamdan dans le passé, il a considéré que cette déclaration était [TRADUCTION] « importante », étant donné que M. Hamdan comprenait que le fait de récidiver se solderait par une prolongation de sa détention. Ce serait [TRADUCTION] « aussi une motivation importante pour le respect des conditions imposées, indépendamment de ce qu’il croit ou ressent réellement à ce moment‑ci ».

[72]  Le commissaire a fait remarquer qu’il n’y avait aucune indication de violence, ni dans le dossier ni dans la conduite antérieure de M. Hamdan. Il a également signalé que M. Hamdan avait dit qu’il canaliserait sa colère envers les autorités non pas en mettant à exécution ses menaces antérieures, mais plutôt en décrivant par écrit ce qu’il avait vécu dans un [traduction] « livre où il raconterait tout », et qu’il poursuivrait son procès au civil.

[73]  Le juge en chef a récemment déclaré que lorsqu’une personne en détention est considérée comme un danger pour le public, les conditions de mise en liberté doivent être « suffisamment solides » pour garantir que le grand public ne sera pas exposé à un risque important de préjudice, et elles doivent offrir un certain degré de certitude que la personne se présentera pour son renvoi du Canada, le cas échéant (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Ali, 2018 CF 552 [Ali], par. 47). Le juge en chef Crampton a fini par confirmer l’ordonnance par laquelle la SI avait imposé diverses conditions à la mise en liberté de M. Ali.

[74]  En fait, Ali présente certaines similitudes intéressantes avec la présente affaire, même si toutes les affaires de détention de ce genre, vu leur nature et les conditions imposées, sont forcément uniques et hautement contextuelles. Il existe néanmoins quelques points de comparaison pertinents.

[75]  Au moment du prononcé de son ordonnance de mise en liberté, M. Ali était un réfugié de longue date, présent au Canada depuis plus de 15 ans, et la Commission avait conclu qu’il était interdit de territoire – dans le cas de M. Ali, pour cause de grande criminalité après avoir été accusé de tentative de meurtre et d’avoir tiré des coups de feu dans l’intention de blesser. M. Ali avait finalement été reconnu coupable de l’infraction moindre et incluse de voies de fait graves, ainsi que d’avoir tiré des coups de feu dans l’intention de blesser.

[76]  De plus, et contrairement à la situation en l’espèce, le ministre avait conclu que M. Ali constituait un danger au sens du paragraphe 115(2) de la LIPR juste avant qu’il libéré d’office. Après son transfert direct à un centre de détention de l’immigration, la SI avait tout d’abord ordonné sa mise en liberté à la suite de son contrôle des motifs de détention après 48 heures, décision qui avait plus tard été confirmée par la SI, sous réserve de conditions supplémentaires, à la suite de son contrôle des motifs de détention après sept jours.

[77]  Malgré ces décisions relatives au danger, et en traitant précisément de l’avis de danger du ministre, le juge en chef a déclaré qu’il n’était pas déraisonnable de la part de la commissaire de conclure que le risque prospectif que présentait M. Ali était nettement moindre que celui qui avait été mentionné dans l’avis de danger. C’est exactement la conclusion à laquelle est arrivé le commissaire dans la décision relative à M. Hamdan (bien qu’à l’égard d’une décision d’interdiction de territoire, ce qui avait aussi été le cas de M. Ali).

[78]  Enfin, je signalerais que les deux commissaires de la SI dans le cas de M. Ali avaient fait remarquer que celui-ci ne s’était pas livré à un comportement criminel depuis neuf ans, ce qui incluait une période de plus de quatre ans pendant laquelle il était en liberté sous caution, et qu’il n’y avait aucune preuve de violence pendant le temps qu’il avait passé derrière les barreaux, temps durant lequel il avait fait d’importants progrès sur le plan de son comportement.

[79]  Il y a, dans ces observations, des échos de ce que le commissaire a noté chez M. Hamdan depuis son inconduite. Dans la décision Ali, après avoir passé en revue les conditions imposées, le juge en chef Crampton a conclu qu’il n’était pas déraisonnable de la part du commissaire de « conclure implicitement que les conditions de mise en liberté imposées à M. Ali permettraient collectivement de s’assurer qu’il ne présente pas de risque significatif pour le public » (décision Ali, précitée, par. 84).

[80]  Dans le même ordre d’idées, les conditions que le commissaire a directement imposées en l’espèce répondent au genre de danger que M. Hamdan avait constitué dans le passé, du fait de ses menaces diffusées en ligne. Ces conditions comprennent : l’interdiction de posséder un ordinateur, un téléphone cellulaire, une tablette ou un autre dispositif capable d’accéder à Internet, y compris tout ordinateur accessible au public dans une bibliothèque, ni d’y avoir accès; après inspection, confiscation immédiate de tout téléphone cellulaire ayant accès à Internet; l’interdiction de créer ou de tenir un compte dans les réseaux sociaux, de faire des commentaires sur ce compte ou d’y envoyer des messages [TRADUCTION] « y compris, mais sans s’y restreindre, sur Facebook, Instagram et Twitter ».

[81]  Les conditions imposent également de strictes limites aux relations de M. Hamdan avec des éléments terroristes ou criminels – c’est‑à‑dire n’avoir aucun contact ou aucune communication avec toute personne associée à un groupe terroriste ou soutenant un tel groupe, ni lire aucun document produit par un groupe terroriste, terme défini à l’article 83.01 du Code criminel, ce qui inclut l’État islamique (à part d’anciens documents faisant partie de son instance judiciaire ou de la divulgation à venir).

[82]  Il y a aussi les exigences habituelles : ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite; ne pas posséder ou avoir sur soi une arme, et confirmer sa présence à tout agent de la paix qui se présente à la porte de son domicile. De plus, la SI a imposé de strictes limites aux déplacements de M. Hamdan, dont l’obligation de résider en tout temps chez sa caution et de respecter un couvre-feu. Il lui est interdit de conduire lui-même tout véhicule, ou d’accepter de se faire conduire par une autre personne, sauf avec l’approbation expresse de sa caution. Et, comme il a été mentionné plus tôt, il doit s’occuper de ses problèmes de santé mentale et se faire soigner.

[83]  Le commissaire a en outre exigé que les autorités exercent un contrôle régulier, ce qui inclut une déclaration téléphonique quotidienne à l’ASFC et la remise de tout titre de voyage ou de toute pièce d’identité pour en faire une copie. M. Hamdan doit également fournir à l’ASFC des mises à jour concernant son adresse et son emploi, et lui faire part de tout plan visant à quitter le Canada et, le cas échéant, de toute accusation criminelle. Il est également tenu de comparaître à toute instance judiciaire exigée et de collaborer à toute procédure de renvoi.

[84]  En fin de compte, les conditions doivent être adaptées au risque identifié. Dans la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Lunyamila, 2018 CF 211, au paragraphe 97, le juge Leblanc a considéré que la Commission ne l’avait pas fait parce que l’ampleur des restrictions contenues dans les conditions ne répondait pas adéquatement au danger et au risque de fuite. Dans la présente affaire, ce n’est tout simplement pas le cas; les conditions correspondent au risque identifié.

2)  La caution

[85]  Il est certes possible de considérer dans certains cas que des conditions et des cautions sont déraisonnables; cependant, je ne suis pas d’avis que les conditions strictes qui sont imposées en l’espèce sont déraisonnables au vu de la jurisprudence décrite ci‑après. Je commencerai par la caution et le montant du cautionnement qui est fixé en l’espèce.

[86]  Un cautionnement, sans une analyse du caractère approprié de la caution, du montant du cautionnement et de l’influence de la caution sur la personne détenue, serait déraisonnable. Notre Cour a conclu que « le commissaire doit effectuer une analyse sérieuse de la question de savoir s’il est plus probable que le contraire que ce genre de mesure incitative financière permette d’obtenir le contrôle voulu. Si le commissaire ne se penche pas sur la provenance des fonds, je ne peux voir en quoi il s’acquitte alors de cette obligation » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c B001, 2012 CF 523, par. 25 et 30; voir aussi Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zhang, 2001 CPFI 521, par. 19 et 22).

[87]  Il faut aussi que le commissaire analyse de manière sérieuse la question de savoir si l’incitation financière que représente le cautionnement permettra, selon toute vraisemblance, d’obtenir le « contrôle » souhaité (Canada (Citoyenneté et Immigration) c B072, 2012 CF 563, par. 30). Le revenu d’une caution peut être pris en considération pour déterminer si le montant du cautionnement versé est important; ne pas tenir compte de la capacité de la caution de faire en sorte que la personne détenue respecte les conditions de sa mise en liberté peut constituer une erreur justifiant l’infirmation de la décision au stade du contrôle judiciaire (décision Sall, précitée, par. 46 et 47).

[88]  Au sujet des cautions, les Directives d’avril 2019 précisent également que lorsqu’on trouve une caution appropriée, le cautionnement devrait être proportionnel au risque identifié (section 3.3.1). La durée du lien entre la caution et la personne détenue devrait être prise en compte (section 3.3.5), tout comme les mesures d’encouragement prises dans le passé par la caution pour veiller au respect de la loi dans les cas où elle était au courant des activités criminelles, et sa motivation à veiller à ce que la personne détenue respecte ses conditions de mise en liberté (section 3.3.6). La fiabilité de la caution est également un facteur important, tout comme la question de savoir si elle sera en mesure d’exercer une influence et d’assurer la supervision nécessaire (section 3.3.7).

[89]  Enfin, il est indiqué à la section 3.3.9 des Directives que, pour évaluer si la caution est acceptable, il faut prendre en considération les facteurs énoncés dans le Règlement et les évaluer par rapport à l’objectif de s’assurer que l’intéressé respecte les conditions, ce qui comprend la proportionnalité du cautionnement par rapport à la capacité financière de la caution et aux conséquences d’une confiscation de la garantie sur la caution.

[90]  Dans la présente affaire, le commissaire a entendu le témoignage de la caution et a pris acte du montant relativement peu élevé du cautionnement (2 000 $). Cependant, ce montant a été promis en tenant compte du fait qu’il représentait la moitié du revenu mensuel que la caution tirait de son entreprise et que la caution subvenait aux besoins de cinq autres personnes (son épouse, leur bébé et trois fils issus d’un mariage antérieur).

[91]  Pour ce qui est de la question de savoir si la caution est acceptable, la Cour a relevé les facteurs pertinents qui devraient être pris en compte, dont le degré d’influence de la caution et sa compréhension de la situation du détenu (Canada (Citoyenneté et Immigration) c B147, 2012 CF 655, par. 51). La SI a passé minutieusement en revue les rapports de longue date entre la caution et M. Hamdan, la connaissance que celle-ci avait de ses méfaits (dont la diffusion de propagande terroriste), sa compréhension de l’incarcération qui avait suivi, sa connaissance des conséquences auxquelles s’exposait M. Hamdan (y compris du point de vue de l’immigration) et la nécessité de faire preuve de vigilance en surveillant et en contrôlant de près les activités futures de M. Hamdan. La caution comprenait l’interdiction d’utiliser Internet, ce qui incluait l’accès à des ordinateurs situés dans des lieux publics, comme une bibliothèque.

[92]  Compte tenu de sa longue relation, du contexte de l’amitié et du fait que les deux hommes avaient vécu ensemble dans le passé, le commissaire a admis que la caution était appropriée, étant donné qu’elle aurait la contrainte morale et la solide motivation qui étaient nécessaires pour superviser le comportement de M. Hamdan. L’incitation financière serait une autre forme de contrôle, compte tenu de son importance pour la caution.

3)  Conditions que le commissaire n’a pas imposées

[93]  Le commissaire a pris en considération la possibilité d’exercer une surveillance électronique, ce qui assurerait un suivi géolocalisé. Il a toutefois décidé qu’étant donné que M. Hamdan aurait à communiquer avec les autorités, le ministre saurait où il se trouverait. M. Hamdan n’a pas d’antécédents de non-respect de conditions imposées, y compris à l’étape de l’enquête précédant son arrestation. En tout état de cause, il a été établi lors du contrôle des motifs de détention qu’on n’avait pas la capacité de mettre en place cette surveillance et que, de ce fait, l’ordonner équivaudrait à ordonner le maintien en détention de M. Hamdan.

[94]  Une autre condition possible que le commissaire a examinée était l’autorisation préalable, par l’ASFC, de tous les visiteurs, ou la vérification de tous les occupants adultes du domicile de la caution en vue de déterminer les risques qu’ils pouvaient présenter sur le plan de la criminalité ou de la sécurité nationale. Cependant, compte tenu du profil de la caution et de sa famille, le commissaire a décidé que rien n’indiquait que la caution ou un membre quelconque de son ménage avait des antécédents ou des inclinations qui évoqueraient un risque. Il a donc décidé que ces deux options allaient au‑delà de ce qui était exigé dans les circonstances.

[95]  Enfin, le commissaire a aussi décidé de ne pas inclure dans les 25 conditions que les agents de la paix soient autorisés à se présenter au domicile en tout temps, compte tenu de l’effet combiné de l’exigence du couvre-feu et de la condition que M. Hamdan devait se présenter lui-même à la porte si des agents venaient pendant ce couvre-feu.

[96]  En règle générale, la démarche que le commissaire a suivie a non seulement respecté les principes liés à une approche « renouvelée » à l’égard du régime de détention (décision Arook, par. 19), mais aussi ceux énoncés dans l’arrêt unanime R c Penunsi, 2019 CSC 39, au sujet du « principe de l’échelle » qui s’applique aux restrictions de nature préventive, c’est‑à‑dire qu’il convient de grimper dans l’« échelle » des conditions uniquement s’il est possible de montrer pour quelle raison il est nécessaire d’imposer des conditions de mise en liberté plus strictes (arrêt Penunsi, par. 77). L’arrêt Penunsi, au paragraphe 68, cite également l’arrêt R c Hall, 2002 CSC 64, par. 47, où la Cour traite du droit à la liberté, lequel est lui aussi pertinent dans le contexte de la détention aux fins de l’immigration :

[68]  Compte tenu de la situation unique du défendeur à une procédure d’engagement de ne pas troubler l’ordre public en tant que personne inculpée d’aucun crime, il incombe à toute personne associée au système judiciaire de veiller à ce que le défendeur ne soit pas privé de liberté, sauf en cas d’absolue nécessité. Ainsi que l’a expliqué le juge Iacobucci, dissident :

La liberté du citoyen est au cœur d’une société libre et démocratique. La liberté perdue est perdue à jamais et le préjudice qui résulte de cette perte ne peut jamais être entièrement réparé. Par conséquent, dès qu’il existe un risque de perte de liberté, ne serait‑ce que pour une seule journée, il nous incombe, en tant que membres d’une société libre et démocratique, de tout faire pour que notre système de justice réduise au minimum le risque de privation injustifiée de liberté.

[97]  Quelques derniers commentaires s’imposent à propos des détails des 25 conditions. Premièrement, dans un monde parfait, celles‑ci auraient évidemment pu inclure davantage de mesures de sauvegarde. Mais, comme il a été souligné plus tôt, la perfection n’est pas la norme à atteindre dans le cadre d’un contrôle fondé sur la raisonnabilité et, par conséquent, il n’est pas nécessaire que les solutions de rechange à la détention soient parfaites (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Berisha, 2012 CF 1100, par. 85). Au contraire, il suffit seulement qu’elles soient proportionnelles et réalisables, comme c’est le cas pour celles qui nous occupent.

[98]  De plus, les préoccupations que le ministre a évoquées au sujet de la conformité et d’éventuelles violations sont certes valables, mais, comme l’a expliqué le juge de Montigny dans la décision Sall, au paragraphe 47 : « les représentations du demandeur ne soulèvent pas d’erreurs dans les motifs du Commissaire mais témoignent plutôt d’un désaccord avec l’évaluation qu’il a faite des conditions susceptibles de fournir une alternative à la détention. À ce chapitre, il ne faut pas perdre de vue que le Commissaire peut revendiquer une plus grande expertise que cette Cour en la matière et qu’il a eu l’avantage d’entendre le témoignage de Mme Kanyanyeri ». Je signale par ailleurs que, dans la décision Sall, le montant du cautionnement s’élevait aussi à 2 000 $ et qu’il représentait une part importante du revenu de la caution.

[99]  Parallèlement, dans la trousse la plus récente de documents à communiquer que la SI a fournie à l’audition du présent contrôle judiciaire (trousse destinée à la prochaine audience, mais que les deux parties m’ont encouragé à passer en revue, notamment au sujet des délais relatifs au traitement de l’ERAR restreint du volet 2), le ministre a émis des réserves quant aux ressources disponibles à Enderby, la ville où vit la caution, ou dans les environs, de même qu’à Vernon, la (petite) ville la plus proche.

[100]  Ces contraintes sur le plan des ressources semblent influer sur la capacité de la police d’intervenir rapidement et de surveiller M. Hamdan, et se traduisent également par un manque de services de counselling et de santé mentale. Toutefois, comme le commissaire l’a fait remarquer à plus d’une occasion, il existe des mécanismes qui permettent de demander que l’on modifie les conditions [traduction] « s’il y a de nouvelles informations que les avocats jugent pertinentes » et que la SI prendrait en compte [traduction] « sans égard à la partie qui les présente ». En fait, la SI offre à la fois le processus à suivre et la façon de répondre à ces préoccupations, et elle est mieux placée que notre Cour pour répondre aux lacunes que comportent les conditions ainsi qu’aux problèmes qu’elles présentent.

VII.  Conclusion

[101]  Après avoir expliqué pourquoi aucune des trois questions juridiques que soulève le ministre n’atteint le seuil de la déraisonnabilité, il ne me reste, en terminant, que deux observations à formuler.

[102]  Premièrement, comme il a été souligné dans son audit interne, la SI n’a pas besoin d’agir de manière autoréférentielle en se fondant sur ses décisions antérieures, notamment en présence de nouveaux éléments de preuve et d’un changement de circonstances, ainsi qu’il a été souligné dans l’arrêt Chhina (aux paragraphes 62 et 127). Dans le cas présent, la SI, après quelque 26 refus de mise en liberté, y compris à deux occasions où le commissaire présidant l’audience a lui-même maintenu la détention, a changé d’orientation. On ne saurait « reprocher » au tribunal, et à ce commissaire, de l’avoir fait (décision Baniashkar, par. 20).

[103]  La Charte exige que chaque contrôle soit sérieux et solide et tienne compte du contexte et de la situation de l’intéressé, de sorte qu’il y ait une réelle possibilité de contester la détention. Les préoccupations que suscite l’empiétement sur des droits fondamentaux à la liberté s’intensifient quand la période de détention est longue ou que le renvoi est devenu une lointaine perspective.

[104]  Dans le cas de M. Hamdan, compte tenu des changements clairs et convaincants, de pair avec les strictes conditions de mise en liberté, le commissaire était en droit de conclure que le danger était atténué, et la situation militait en faveur d’une mise en liberté après une période d’environ quatre années de détention sans déclaration de culpabilité et sans perspective de renvoi, du moins pendant une autre année.

[105]  Vu les nouveaux éléments de preuve présentés, dont la bonne conduite en prison, les témoignages du détenu et de sa caution, ainsi que la perspective de longs mois de maintien en détention, un grand nombre de ces objectifs et principes clés étaient atteints aux yeux du commissaire. Mis à part l’absence de violence, la SI a conclu aussi que M. Hamdan ne suscitait aucune des autres préoccupations auxquelles elle est si souvent confrontée, notamment sur le plan des risques de fuite et d’identité. En conséquence, si l’on considère la décision du commissaire dans son intégralité, de même que l’ensemble du contexte, la Cour n’est pas fondée à intervenir au regard de la norme déférente de contrôle qui s’applique.

[106]  Essentiellement, la présente affaire est un modèle au sein duquel la SI redonne vie à un régime qui a souvent été considéré comme lacunaire, tant par la Cour suprême que par la SI avant cela dans le cadre d’un audit qu’elle a elle-même effectué. À mon avis, la SI était justifiée de suivre de près l’arrêt Chhina ainsi que les nouvelles Directives lorsqu’elle a déclaré que la détention est une mesure exceptionnelle et de conclure que le danger était suffisamment contenu par les strictes conditions imposées pour justifier la mise en liberté. Il incombait au ministre de justifier le maintien en détention. Compte tenu des conditions atténuantes, il était loisible à la SI de décider que la détention n’était plus acceptable. Et notre Cour, comme dans la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Arook, 2019 CF 1130 [Arook] – et comme c’est aujourd’hui l’usage – a évité les délais et le caractère théorique qui sont dénoncés dans l’arrêt Chhina, au paragraphe 66 (voir la décision Arook, par. 43).

[107]  Vu l’ensemble du passé et des circonstances de même que l’atténuation du danger futur, je conclus que la décision du commissaire de mettre M. Hamdan en liberté était raisonnable. La demande sera donc rejetée.

[108]  Je remercie les avocats des deux parties de m’avoir fait part de leurs observations très pertinentes, préparées dans les limites de l’échéancier accéléré évoqué précédemment, et de m’avoir précieusement aidé dans la difficile tâche de rendre digestible un dossier des plus volumineux.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4819‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. Aucune question à certifier n’a été débattue et il ne s’en pose aucune.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour d’octobre 2019

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A


Annexe B

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), c 27

Détention et mise en liberté

Detention and Release

Mise en liberté par la Section de l’immigration

Release — Immigration Division

58 (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

58 (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

(a) they are a danger to the public;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité, criminalité ou criminalité organisée;

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality, criminality or organized criminality;

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger — autre qu’un étranger désigné qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause — n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger;

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national — other than a designated foreign national who was 16 years of age or older on the day of the arrival that is the subject of the designation in question — has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity; or

e) le ministre estime que l’identité de l’étranger qui est un étranger désigné et qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause n’a pas été prouvée.

(e) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national who is a designated foreign national and who was 16 years of age or older on the day of the arrival that is the subject of the designation in question has not been established.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

Détention et mise en liberté

Detention and Release

Critères

Factors to be considered

244 Pour l’application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l’appréciation :

244 For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person

a) du risque que l’intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l’enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi;

(a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act;

b) du danger que constitue l’intéressé pour la sécurité publique;

(b) is a danger to the public; or

c) de la question de savoir si l’intéressé est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée.

(c) is a foreign national whose identity has not been established.

246 Pour l’application de l’alinéa 244b), les critères sont les suivants :

246 For the purposes of paragraph 244(b), the factors are the following:

a) le fait que l’intéressé constitue, de l’avis du ministre aux termes de l’alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)(i) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;

(a) the fact that the person constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada or a danger to the security of Canada under paragraph 101(2)(b), subparagraph 113(d)(i) or (ii) or paragraph 115(2)(a) or (b) of the Act;

b) l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;

(b) association with a criminal organization within the meaning of subsection 121(2) of the Act;

c) le fait de s’être livré au passage de clandestins ou le trafic de personnes;

(c) engagement in people smuggling or trafficking in persons;

d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d’une loi fédérale, quant à l’une des infractions suivantes :

(d) conviction in Canada under an Act of Parliament for

(i) infraction d’ordre sexuel,

(i) a sexual offence, or

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

(ii) an offence involving violence or weapons;

e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances:

(e) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

(i) article 5 (trafic),

(i) section 5 (trafficking),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(ii) section 6 (importing and exporting), and

(iii) article 7 (production);

(iii) section 7 (production);

f) la déclaration de culpabilité ou l’existence d’accusations criminelles en instance à l’étranger, quant à l’une des infractions ci-après qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale :

(f) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament for

(i) infraction d’ordre sexuel,

(i) a sexual offence, or

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

(ii) an offence involving violence or weapons;

g) la déclaration de culpabilité ou l’existence d’accusations criminelles en instance à l’étranger, quant à l’une des infractions ci-après qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à l’une des dispositions ci-après de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances :

(g) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

(i) article 5 (trafic),

(i) section 5 (trafficking),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(ii) section 6 (importing and exporting), and

(iii) article 7 (production);

(iii) section 7 (production);

h) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi sur le cannabis :

(h) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Cannabis Act, namely,

(i) article 9 (distribution),

(i) section 9 (distribution),

(ii) article 10 (vente),

(ii) section 10 (selling),

(iii) article 11 (importation et exportation),

(iii) section 11 (importing and exporting), and

(iv) article 12 (production);

(iv) section 12 (production); and

i) la déclaration de culpabilité ou l’existence d’accusations criminelles en instance à l’étranger, quant à l’une des infractions ci-après qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à l’une des dispositions ci-après de la Loi sur le cannabis :

(i) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under any of the following provisions of the Cannabis Act, namely,

(i) article 9 (distribution),

(i) section 9 (distribution),

(ii) article 10 (vente),

(ii) section 10 (selling),

(iii) article 11 (importation et exportation),

(iii) section 11 (importing and exporting), and

(iv) article 12 (production).

(iv) section 12 (production).

Autres critères

Other factors

248 S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

248 If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

a) le motif de la détention;

(a) the reason for detention;

b) la durée de la détention;

(b) the length of time in detention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère, de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’intéressé;

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department, the Canada Border Services Agency or the person concerned;

e) l’existence de solutions de rechange à la détention;

(e) the existence of alternatives to detention; and

f) l’intérêt supérieur de tout enfant de moins de dix-huit ans directement touché.

(f) the best interests of a directly affected child who is under 18 years of age.

Conditions réglementaires

Prescribed Conditions

Interdiction de territoire pour raison de sécurité — conditions

Inadmissibility on grounds of security — conditions

250.1 Pour l’application des paragraphes 44(4), 56(3), 58(5), 58.1(4), 77.1(1) ou 82(6) de la Loi, les conditions qui sont imposées à l’étranger ou au résident permanent sont les suivantes :

250.1 For the purposes of subsections 44(4), 56(3), 58(5), 58.1(4), 77.1(1) and 82(6) of the Act, the conditions that must be imposed on a foreign national or permanent resident are the following:

a) informer par écrit l’Agence des services frontaliers du Canada de son adresse ainsi que, au préalable, de tout changement à celle-ci;

(a) to inform the Canada Border Services Agency in writing of their address and, in advance, of any change in that address;

b) informer par écrit l’Agence des services frontaliers du Canada du nom de son employeur et de l’adresse de son lieu de travail ainsi que, au préalable, de tout changement à ces renseignements;

(b) to inform the Canada Border Services Agency in writing of their employer’s name and the address of their place of employment and, in advance, of any change in that information;

c) s’il n’est pas assujetti à une obligation de se rapporter à l’Agence des services frontaliers du Canada imposée en vertu des paragraphes 44(3), 56(1), 58(3) ou 58.1(3) ou de l’alinéa 82(5)b) de la Loi, se rapporter à l’Agence une fois par mois;

(c) unless they are otherwise required to report to the Canada Border Services Agency because of a condition imposed under subsection 44(3), 56(1), 58(3) or 58.1(3) or paragraph 82(5)(b) of the Act, to report once each month to the Agency;

d) se présenter aux date, heure et lieu que lui ont indiqués un agent, la Section de l’immigration, le ministre ou la Cour fédérale pour se conformer à toute obligation qui lui est imposée en vertu de la Loi;

(d) to present themselves at the time and place that an officer, the Immigration Division, the Minister or the Federal Court requires them to appear to comply with any obligation imposed on them under the Act;

e) produire sans délai, auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’original de tout passeport, de tout titre de voyage et de toute pièce d’identité qu’il détient ou qu’il obtient afin que l’Agence en fasse une copie;

(e) to produce to the Canada Border Services Agency without delay the original of any passport and travel and identity documents that they hold, or that they obtain, in order to permit the Agency to make copies of those documents;

f) si une mesure de renvoi à son égard prend effet, céder sans délai à l’Agence des services frontaliers du Canada tout passeport ou titre de voyage qu’il détient;

(f) if a removal order made against them comes into force, to surrender to the Canada Border Services Agency without delay any passport and travel document that they hold;

g) si une mesure de renvoi à son égard prend effet et qu’un document est requis afin de le renvoyer du Canada mais qu’il ne détient pas ce document, prendre sans délai toute action nécessaire afin d’assurer que le document soit fourni à l’Agence, y compris la production de toute demande ou de tout élément prouvant son identité;

(g) if a removal order made against them comes into force and they do not hold a document that is required to remove them from Canada, to take without delay any action that is necessary to ensure that the document is provided to the Canada Border Services Agency, such as by producing an application or producing evidence verifying their identity;

h) ne pas commettre d’infraction à une loi fédérale ou d’infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

(h) to not commit an offence under an Act of Parliament or an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament;

i) informer par écrit et sans délai l’Agence des services frontaliers du Canada de toute accusation portée contre lui pour une infraction à une loi fédérale ou pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

(i) if they are charged with an offence under an Act of Parliament or an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament, to inform the Canada Border Services Agency of that charge in writing and without delay;

j) informer par écrit et sans délai l’Agence des services frontaliers du Canada s’il est déclaré coupable d’une infraction à une loi fédérale ou d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

(j) if they are convicted of an offence under an Act of Parliament or an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament, to inform the Canada Border Services Agency of that conviction in writing and without delay; and

k) informer par écrit l’Agence des services frontaliers du Canada, le cas échéant, de son intention de quitter le Canada et de la date à laquelle il entend le faire.

(k) if they intend to leave Canada, to inform the Canada Border Services Agency in writing of the date on which they intend to leave Canada.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM‑4819‑19

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c OTHMAN AYED HAMDAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (ColOmbiE‑bRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 AOÛT 2019

 

MOTIFS DU jUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Cheryl Mitchell

Maia McEachern

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Peter Edelmann

Erica Olmstead

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edelmann & Company

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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