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Date : 20050727

Dossier : IMM-4389-04

Référence : 2005 CF 1034

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

PIRAN AHMADI POSHTEH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Piran Poshteh prétend avoir été un partisan du Mujahedin-e-Khalq (MEK) en Iran. Le MEK est un groupe d'opposition qui a été interdit par le gouvernement iranien. M. Poshteh a été déclaré interdit de territoire en raison de ses liens avec le MEK.


[2]                Cependant, l'agente qui a effectué l'examen des risques avant renvoi relatif à M. Poshteh a conclu à l'insuffisance de preuves fiables montrant que le gouvernement iranien associerait M. Poshteh avec le MEK. Il y avait donc peu de risques qu'il soit arrêté, maltraité ou torturé, comme c'est le cas pour de nombreux partisans du MEK, s'il était renvoyé en Iran. M. Poshteh soutient que l'agente a commis de graves erreurs dans son analyse et il me demande d'ordonner que soit effectué un autre examen. Je conviens que l'agente a fait erreur, et j'accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Les questions en litige

[3]                M. Poshteh a soulevé un certain nombre de questions; cependant, je me bornerai à me prononcer sur deux d'entre elles :

1.          L'agente a-t-elle fait erreur en obligeant M. Poshteh à produire des preuves écrites montrant que les autorités iraniennes étaient au courant de ses liens avec le MEK?

2.          L'agente a-t-elle fait erreur en ne prenant pas globalement en compte le risque auquel serait exposé M. Poshteh à son retour?

II. Analyse

A. L'agente a-t-elle fait erreur en obligeant M. Poshteh à produire des preuves écrites montrant que les autorités iraniennes étaient au courant de ses liens avec le MEK?

[4]                M. Poshteh a prétendu qu'il avait été arrêté et détenu pendant deux semaines en 2002 après avoir distribué des brochures appuyant le MEK au cours des deux années précédentes. Il a ensuite été remis en liberté sous caution et il a fui l'Iran. Il dit que, après son départ, la police est allée chez sa mère pour lui demander où il se trouvait. Les autorités ont prétendu avoir de nouvelles preuves concernant ses liens avec le MEK. M. Poshteh a supposé qu'elles avaient peut-être été mises au courant du fait que son père avait été un partisan du MEK. Son père est mort alors qu'il était en détention dans une prison iranienne.

[5]                L'agente a reconnu la véracité de la déposition de M. Poshteh lorsqu'il a déclaré qu'il avait été arrêté, détenu et ultérieurement remis en liberté sous caution. Cependant, elle a ensuite conclu que, comme M. Poshteh avait été remis en liberté sous caution, la police ne s'intéressait sans doute pas à lui. Elle a donc douté que la police ait ultérieurement recherché M. Poshteh à la maison de sa mère.

[6]                L'agente a fait peu de cas de la déposition de M. Poshteh au sujet des recherches le concernant effectuées à la maison de sa mère, parce qu'il n'avait pas produit _TRADUCTION_ « suffisamment de preuves objectives à l'appui de ses dires » . L'agente n'a pas précisément conclu que la déposition de M. Poshteh manquait de crédibilité ou que sa version des faits n'était pas plausible. Somme toute, l'agente a tiré une inférence défavorable du fait que M. Poshteh n'a pas produit de preuve documentaire à l'appui de son témoignage.

[7]                De manière générale, on ne peut pas rejeter le témoignage d'un demandeur d'asile au seul motif qu'il n'y a pas de preuves corroborant ses dires : Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 705 (1re inst.) (QL);Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 444 (C.A.) (QL). En l'occurrence, l'agente a reconnu la véracité du témoignage de M. Poshteh, même en l'absence de preuves corroborant ses dires, quant aux faits qui ont précédé son départ de l'Iran. Elle n'explique pas pourquoi son témoignage ne peut être cru pour les faits ultérieurs, à part son observation relative à l'absence de preuves corroborant ses dires. Je suis d'avis que l'agente n'a pas respecté la présomption selon laquelle un témoignage fait sous serment doit être considéré comme crédible, sauf s'il y a une bonne raison de le mettre en doute : Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.) (QL).

B. L'agente a-t-elle fait erreur en ne prenant pas globalement en compte le risque auquel serait exposé M. Poshteh à son retour?

[8]                L'agente a compris que M. Poshteh pourrait avoir des problèmes à son retour en Iran parce qu'il était parti sans avoir les documents de voyage réglementaires. Cependant, elle a conclu que, au pis, ces problèmes n'aboutiraient qu'à une sanction mineure ou à une amende, pas à la torture, et que le demandeur ne risquait pas d'être tué ou de subir des traitements cruels et inusités.

[9]                Cependant, l'agente ne s'est pas directement penchée sur la possibilité que les autorités iraniennes soient tentées d'infliger un traitement particulièrement dur à M. Poshteh puisqu'il s'était échappé alors qu'il était en liberté sous caution et qu'il avait quitté l'Iran illégalement. Il serait donc certainement plus probable qu'il attirerait l'attention des autorités en arrivant en Iran et qu'il serait exposé au risque de subir de mauvais traitements pires que ce que pourraient vivre les voyageurs avec des documents de voyage irréguliers. Je suis d'avis que l'agente n'a pas tenu compte des preuves dont elle avait été saisie.

[10]            J'accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire. Les avocats ont demandé de pouvoir faire des observations concernant une question certifiée. J'étudierai les observations déposées dans les 10 jours suivant la présente ordonnance.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueille;


2.          Les parties ont dix (10) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour proposer une question à certifier.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »            

                                                                                                                                                    Juge                        

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                            IMM-4389-04

INTITULÉ :                            PIRAN AHMADI POSHTEH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 28 AVRIL 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                  LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :           LE 27 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Elena Constantin                                    POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

AVI J. SIRLIN

Toronto (Ontario)                                             POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DÉFENDEUR


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