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Date : 20190829

Dossier : IMM‑73‑19

Référence : 2019 CF 1109

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario) le 29 août 2019

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

RITA ENJOH TATAH

demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision en date du 3 décembre 2018, par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé la décision du 23 mai 2018 de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), de rejeter la demande d’asile de la demanderesse. La SAR a conclu que la SPR avait commis des erreurs, mais qu’elle avait déterminé à juste titre que la demanderesse n’était pas crédible.

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la demande.

I.  Question préliminaire

[3]  La demanderesse a joint à son affidavit (du 25 juin 2019) un article du Toronto Star montrant son implication politique dans les activités du Conseil national du Sud‑Cameroun (SCNC) au Canada.

[4]  Toutefois, cet article est postérieur à la décision de la SAR et ne tombe pas sous le coup des exceptions permettant l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire (voir, p. ex., Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au par. 20). Cela étant, l’article ne sera pas pris en considération dans le cadre du contrôle judiciaire.

II.  Faits

[5]  La demanderesse est née dans le Nord‑Ouest du Cameroun en 1990. Elle affirme qu’elle est devenue membre, en 2011, d’une organisation militante anglophone, le Conseil national du Sud‑Cameroun, en raison de [traduction« la marginalisation et [de] l’oppression vécues en tant que francophone ». Elle a allégué qu’elle faisait partie de l’équipe de publicité du SCNC et qu’elle avait assisté à des réunions et distribué des dépliants, des bulletins d’information et d’autres documents.

[6]  La demanderesse soutient que, le 13 mai 2013, la police l’avait interceptée alors qu’elle rentrait chez elle après une réunion du SCNC avec trois autres membres. Selon son témoignage, les autres se sont échappés, mais les policiers l’ont fait monter dans leur camionnette et l’ont conduite dans une zone isolée où ils l’ont agressée sexuellement et menacée de mort. Elle s’est évanouie et a repris connaissance dans un hôpital où elle a été soignée pendant trois jours. Le 17 mai 2013, elle a déposé une plainte à la police, mais rien n’a été fait.

[7]  Après cet incident, la demanderesse a poursuivi ses activités politiques, mais dans une moindre mesure. Selon son témoignage, dans la nuit du 21 janvier 2015, elle a été arrêtée chez elle pour avoir distribué des documents du SCNC et a ensuite été détenue pendant deux semaines. Le 5 février 2015, son père a soudoyé un policier pour faciliter son évasion. Après son évasion de prison, elle est entrée dans la clandestinité.

[8]  La demanderesse a demandé un visa d’étudiant et est arrivée au Canada le 31 octobre 2015, munie d’un visa de deux ans. Sa demande d’asile a été reçue le 14 janvier 2016.

[9]  Le 23 mai 2018, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, estimant que celle‑ci n’était pas crédible. La SPR a conclu que le mandat d’arrêt et la lettre du SCNC (attestation du SCNC) produits par la demanderesse comme éléments de preuve étaient frauduleux. La SPR doutait de la véracité de tous les documents présentés, notamment le certificat médical, la carte de membre du SCNC, l’affidavit de son avocat (l’affidavit de l’avocat), la plainte déposée par son avocat (la plainte à la police) et l’affidavit de son père (l’affidavit du père).

[10]  En outre, la SPR a relevé des problèmes dans le témoignage de la demanderesse, à savoir une contradiction concernant le moment de son agression sexuelle indiqué sur le certificat médical; le fait qu’elle sortait seule après la tombée de la nuit pour distribuer des dépliants après avoir été victime d’agression sexuelle; et l’affirmation selon laquelle elle a vécu dans la clandestinité avec une personne pendant des mois et qu’elle ignore le nom de cette personne.

[11]  La SPR a conclu que la demande d’asile sur place de la demanderesse n’était pas fondée en raison de la participation limitée aux activités du SCNC au Canada. La SPR a conclu que son militantisme au Canada visait à renforcer sa demande d’asile et qu’elle n’avait pas établi qu’elle avait un profil politique susceptible d’attirer l’attention des autorités camerounaises.

[12]  Le 3 décembre 2018, la SAR a confirmé la décision de la SPR. La SAR a reconnu que la SPR avait trop mis l’accent sur les problèmes d’orthographe et de grammaire et a donc procédé à sa propre analyse. La SAR a souligné des incohérences dans le mandat d’arrêt, notamment le fait qu’il n’indiquait pas que la demanderesse avait été inculpée de distribution de documents du SCNC et qu’il faisait référence à la mauvaise loi camerounaise (la SAR a conclu que le terme « CPC » signifiait Code de procédure pénale, plutôt que le Code pénal en application duquel la demanderesse a prétendu avoir été accusée). La SAR a également constaté des incohérences entre le français et l’anglais dans le mandat d’arrêt ainsi que le fait que le processus de mise en liberté sous caution n’était pas conforme aux lois régissant la procédure pénale au Cameroun.

[13]  À la lumière de sa conclusion selon laquelle le mandat d’arrêt était frauduleux, la SAR a procédé à une évaluation indépendante des autres documents de la demanderesse. La SAR a, entre autres, conclu : l’attestation du SCNC portait un logo de poignée de main dans l’en‑tête qui a été éliminé progressivement des cartes de membre et qui était dépourvu des caractéristiques de sécurité habituelles; l’affirmation du père de la demanderesse selon laquelle la police lui aurait montré des photos de sa fille qui participait à une manifestation n’était pas crédible, car l’Internet camerounais était bloqué à l’époque; la date de l’agression sexuelle indiquée dans le témoignage de la demanderesse ne correspondait pas à la date consignée dans le certificat médical; et l’affidavit de l’avocat ne contenait pas les caractéristiques de sécurité habituelles.

[14]  La SAR a également relevé une incohérence entre l’affidavit du père de la demanderesse et le témoignage de cette dernière quant à la question de savoir si son père devait se présenter à la police camerounaise chaque mois ou chaque matin. La SAR a repris la conclusion de la SPR selon laquelle le fait que la demanderesse a affirmé ne pas connaître le nom de la femme qui l’avait cachée dans sa maison pendant neuf mois avait mis en doute sa crédibilité. La SAR a conclu que sa carte de membre du SCNC était authentique, mais cet élément ne suffisait pas pour l’emporter sur ces problèmes de crédibilité. La SAR a donc rejeté son appel.

III.  Questions en litige

  • 1) La SAR a‑t‑elle tiré des conclusions déraisonnables quant à la crédibilité?

  • 2) La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation de la demande d’asile sur place présentée par la demanderesse?

  • 3) La SAR a‑t‑elle porté atteinte au droit à l’équité procédurale de la demanderesse en ne lui donnant pas la possibilité de répondre aux éléments dont la SAR disposait et qui l’ont amenée à conclure que les documents de la demanderesse n’étaient pas dignes de foi?

IV.  Analyse

A.  Norme de contrôle

[15]  La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable en ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit soulevées par la décision de la SAR, et celle de la décision correcte dans le cas de l’équité procédurale (voir, par exemple, Denbela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1266, au par. 10).

B.  Crédibilité

[16]  La demanderesse soutient que les conclusions de la SAR quant à la crédibilité reposent sur un examen à la loupe des éléments de preuve et que la SAR n’a pas accordé suffisamment d’attention aux explications fournies par la demanderesse (Jamil c Canada, 2006 CF 792, au par. 24). La demanderesse a fourni des exemples spécifiques à chaque document que la SAR a jugé frauduleux.

[17]  En revanche, le défendeur fait valoir que la SAR avait rédigé une décision minutieuse dans laquelle chaque élément de preuve corroborant avait été examiné indépendamment. Le défendeur soutient que l’argument de la demanderesse selon laquelle les conclusions de la SAR étaient hypothétiques n’est pas fondé. Le défendeur affirme que la SAR a expressément pris en considération une preuve documentaire objective — par exemple, citant la procédure pénale camerounaise décrite dans le cartable national de documentation (le CND), pour conclure que le mandat d’arrêt et l’affidavit de l’avocat étaient frauduleux.

[18]  Le défendeur souligne que la demanderesse ne dispose pas de preuves concernant l’utilisation de l’acronyme CPC sur le mandat d’arrêt. Le défendeur fait également valoir qu’il serait [traduction« bizarre » que le SCNC qualifie ses propres documents de [traduction« propagande » sur l’attestation du SCNC, si les documents étaient authentiques.

[19]  Le défendeur reconnaît que la SAR a [traduction« légèrement exagéré » l’élément de preuve selon lequel le SCNC a cessé d’utiliser le logo de la poignée de main pour les cartes de membre, car la preuve ne démontrait pas que le SCNC avait complètement cessé d’utiliser le logo. Or, il ne s’agissait que d’une petite partie de l’analyse d’un seul document, et le défendeur souligne qu’un certain nombre de documents avaient été jugés frauduleux. En outre, le défendeur affirme que la Cour a statué qu’un décideur est en droit de se reporter à ce qu’il connaît personnellement et à ses connaissances spécialisées lorsqu’il évalue la preuve, y compris des documents d’identité (Merja c Canada (MCI), 2005 CF 73, au par. 44–48).

[20]  À mon avis, l’analyse de la crédibilité effectuée par la SAR était déraisonnable, en particulier dans le traitement du mandat d’arrêt et de l’affidavit du père. Bien que l’analyse de la crédibilité de la SAR ait été raisonnable à l’égard de deux aspects, les conclusions déraisonnables étaient fondamentales et pouvaient donc avoir entaché toutes les conclusions quant à la crédibilité.

(1)  Aspects à l’égard desquels l’analyse de la SAR était déraisonnable

a)  Mandat d’arrêt

[21]  La SAR n’explique pas pourquoi elle a établi que le terme « CPC » figurant dans le mandat d’arrêt signifie Code de procédure pénale plutôt que Code pénal du Cameroun. Les deux thèses se défendent. La SPR n’a fait état d’aucune préoccupation quant à la signification de CPC et n’a pas interrogé la demanderesse à ce sujet. Le dossier certifié du tribunal ne contient aucune indication à cet égard. Pourtant, lorsque la SAR a décidé par la suite de procéder à son propre examen du mandat d’arrêt, elle a commencé par faire observer que le terme « CPC » désignait le Code de procédure pénale plutôt que l’infraction au Code pénal consistant à échapper à la détention policière.

[22]  En ce sens, l’analyse de la question par la SAR n’est ni transparente ni intelligible. Il n’existe pas de cheminement évident permettant à la SAR de statuer que CPC ne pouvait signifier que le Code de procédure pénale.

[23]  Je retiens également l’argument de la demanderesse selon lequel la SAR a commis une erreur en fondant une conclusion défavorable quant à la crédibilité sur le fait que le mandat d’arrêt ne mentionne pas qu’elle a été arrêtée pour avoir distribué des documents du SCNC. Le mandat d’arrêt est daté du 9 février 2015, deux semaines après l’arrestation de la demanderesse, et porte donc sur son évasion de prison plutôt que sur son arrestation initiale. C’est une explication raisonnable quant à savoir pourquoi le document fait référence à l’infraction consistant à échapper à la détention plutôt qu’à la distribution de documents. Cela explique également pourquoi le conseil de la demanderesse n’est pas mentionné dans le mandat d’arrêt. La SAR a commis une erreur en contestant la crédibilité du document sur ce fondement.

[24]  J’accepte en outre l’argument de la demanderesse selon lequel la SAR avait commis une erreur en concluant que les événements décrits par la demanderesse et dans l’affidavit de l’avocat ne correspondaient pas à la procédure pénale au Cameroun, pour des raisons cependant différentes de celles avancées par la demanderesse. La SAR a tiré cette conclusion au sujet de la procédure pénale sans tenir compte des éléments de preuve objectifs contradictoires dont elle disposait. Lors de l’examen du processus de mise en liberté sous caution, la SAR s’est appuyée sur un document du CND provenant de Human Rights Watch, intitulé « Coupable par association — Violations des droits humains commises dans l’application de la loi contre l’homosexualité au Cameroun » (21 mars 2013). Le même rapport traite des cas où la police n’a pas suivi les procédures pénales consacrées par la loi. De même, le rapport du Département d’État des États‑Unis sur lequel s’est appuyée la SAR dans cette partie de la décision indique que, au Cameroun, la police dépasse souvent les périodes de détention prévues par la loi et, bien que la loi autorise la mise en liberté sous caution, elle est rarement respectée.

[25]  Je conclus que la SAR a commis une erreur en s’appuyant de manière sélective sur les documents relatifs aux conditions dans le pays pour conclure que le récit de la demanderesse n’était pas crédible, sans aborder les éléments de la preuve qui étayaient en réalité son récit (voir Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8667, au par. 17).

[26]  La SAR avait encore des préoccupations relativement aux fautes d’orthographe et de grammaire dans le document et aux différences entre les termes français et anglais sur l’estampille. Ces questions ont été soulevées au cours de l’audience initiale devant la SPR, et les défauts sont difficiles à expliquer. Cependant, les nombreuses erreurs relevées précédemment sont suffisantes pour conclure au caractère déraisonnable de la conclusion de la SAR selon laquelle le mandat d’arrêt était frauduleux.

[27]  La conclusion de la SAR portant que le mandat d’arrêt était frauduleux était essentielle pour établir que la demanderesse n’avait pas échappé à la détention. Vu l’importance de cette conclusion pour la décision de la SAR et des erreurs relevées plus haut, cette question permet à elle seule de conclure que la décision de la SAR est déraisonnable dans l’ensemble.

b)  Attestation du SCNC

[28]  Je souscris aux arguments de la demanderesse selon lesquels les conclusions de la SAR concernant l’utilisation du logo de la poignée de main dans le papier à en‑tête et la contradiction apparente entre « Division de Mezam » et « Comté de Mezam » ne sont pas étayées par les éléments de preuve. Il était donc inapproprié de s’appuyer sur ces éléments pour attaquer la crédibilité de la demanderesse.

[29]  Je conviens que l’argument du défendeur selon lequel la SAR est en droit de s’appuyer sur ses connaissances spécialisées pour évaluer les éléments de preuve. Cependant, en ce qui concerne la conclusion de la SAR concernant les « caractéristiques de sécurité habituelles » manquants dans l’en‑tête, les documents de la Section de recherche de renseignements précis au sujet du SCNC contredisent la conclusion de la SAR. Selon ces documents, dans les comtés où le SCNC est le plus en vue, l’organisation n’a pas d’adresse électronique dans son en‑tête, car la plupart des membres n’ont pas de connaissances en informatique ou ne peuvent pas accéder à Internet. La conclusion de la SAR selon laquelle il aurait dû y avoir une adresse électronique ou un site Web dans l’en‑tête semble être en contradiction avec ces éléments de preuve.

[30]  Le défendeur prétend que la description des documents du SCNC en tant que « propagande » dans l’attestation du SCNC serait « bizarre ». Toutefois, le contexte de cette déclaration dans l’attestation du SCNC est que le secrétaire du SCNC mentionne les raisons pour lesquelles la demanderesse a été arrêtée, ce qui aide à comprendre pourquoi les documents sont ainsi qualifiés.

[31]  La SAR s’est appuyée sur la conclusion selon laquelle l’évasion n’a pas eu lieu pour attaquer la crédibilité de l’attestation du SCNC. Comme il est indiqué ci‑dessus, cette conclusion sous‑jacente était fondée sur une analyse déraisonnable du mandat d’arrêt.

[32]  La SAR a également attaqué la crédibilité du document, car il ne mentionnait pas les mesures prétendument prises par le SCNC en mai 2013 pour le compte de la demanderesse. Les erreurs indiquées ci‑dessus sont toutefois suffisantes pour conclure que l’analyse de l’attestation du SCNC par la SAR était déraisonnable.

c)  Affidavit du père

[33]  Je retiens les arguments de la demanderesse concernant l’analyse de l’affidavit du père par la SAR. On ne voit pas bien pourquoi le gouvernement camerounais empêcherait l’accès de son propre service de police à Internet. La SAR n’a relevé aucun élément de preuve établissant qu’il en avait été ainsi. En outre, comme le fait valoir la demanderesse, rien dans les éléments de preuve n’indique que les policiers avaient même accès à Internet au moment où ils ont montré les images au père de la demanderesse, puisqu’ils auraient pu montrer au père des images téléchargées.

[34]  En outre, la transcription confirme que la demanderesse a raison d’affirmer qu’elle a dit à la SPR que son père devait se présenter chaque mois, pas chaque matin, comme l’avait allégué la SAR. Cela signifie que l’affidavit du père est conforme au témoignage de la demanderesse. L’analyse de l’affidavit du père par la SAR est donc déraisonnable.

d)  Certificat médical

[35]  J’estime que la SPR et la SAR ont commis une erreur en attaquant la crédibilité du certificat médical, qui aurait dû être considéré comme un élément de preuve établissant que la demanderesse avait été agressée sexuellement. Le moment exact où elle a été amenée à l’hôpital, inconsciente après une agression sexuelle, n’est pas un motif raisonnable pour attaquer sa crédibilité.

(2)  Aspects à l’égard desquels l’analyse de la SAR était raisonnable

a)  Affidavit de l’avocat et plainte à la police jointe

[36]  L’analyse qui précède concernant la conclusion de la SAR selon laquelle le processus de demande de mise en liberté sous caution était compatible avec les éléments de preuve objectifs s’applique également aux conclusions de la SAR concernant l’affidavit de l’avocat. J’estime qu’il était inopportun d’attaquer la crédibilité de l’affidavit de l’avocat au motif que son auteur est décrit comme un avocat dans l’en‑tête et comme un notaire public dans le cachet de la signature, car il est possible pour une personne d’occuper simultanément ces deux fonctions. La SAR a procédé à un examen à la loupe pour attaquer le document au motif que le timbre horodateur est en français sur un document anglais, comme cela pourrait arriver dans n’importe quel environnement bilingue.

[37]  Par ailleurs, la SAR était en droit de se reporter à ses connaissances spécialisées en matière d’évaluation de l’affidavit de l’avocat, notamment sur le fait qu’il ne portait pas les caractéristiques de sécurité habituelles. La SAR a relevé des erreurs « flagrantes » en français dans l’en‑tête de l’affidavit, que la demanderesse n’a pas abordées.

[38]  J’estime que la SAR avait le loisir de conclure que la plainte à la police jointe à l’affidavit de l’avocat n’était pas un document authentique en se fondant sur ses connaissances spécialisées quant à un document de cette nature, même si cela soulève des questions d’équité procédurale. Je n’accepte pas la thèse de la demanderesse selon laquelle les documents du gouvernement devraient être présumés authentiques, ce document ayant été préparé par son avocat, et non par le gouvernement.

b)  Carte de membre du SCNC

[39]  Les arguments de la demanderesse au sujet de la carte de membre du SCNC reviennent à demander à la Cour de soupeser à nouveau la preuve, puisque la SAR a considéré cet élément de preuve comme authentique, mais elle a conclu qu’il ne l’emportait pas sur les éléments de preuve frauduleux.

(3)  Autres éléments d’appréciation de la crédibilité

[40]  Le fait que la demanderesse ignorait le nom de la femme avec laquelle elle avait vécu pendant neuf mois a sans doute permis à la SAR de conclure que la demanderesse n’était pas crédible. Toutefois, même si ce constat met en doute la crédibilité de la demanderesse, il ne suffit pas pour rendre raisonnable la décision de la SAR.

(4)  Conclusion sur les constatations de la SAR concernant la crédibilité

[41]  En somme, bien que je n’accepte pas tous les arguments de la demanderesse, je suis d’avis que l’analyse par la SAR de plusieurs éléments de preuve importants produits par la demanderesse était déraisonnable. Plus particulièrement, la conclusion selon laquelle le mandat d’arrêt n’était pas authentique et que, par conséquent, la demanderesse n’avait pas échappé à la détention, a permis à la SAR de déterminer de façon générale que celle‑ci n’était pas exposée à un risque. L’attestation du SCNC, l’affidavit de son père et le certificat médical ont également été examinés à la loupe, à la lumière du caractère frauduleux présumée du mandat d’arrêt. Dans le cas de l’affidavit du père, la SAR a souligné une incohérence entre le témoignage de la demanderesse et le témoignage de son père sur la foi de ce qui semble être une erreur (l’obligation de se présenter à la police chaque mois ou chaque matin, comme il est indiqué ci‑dessus). Ces erreurs doivent être examinées à la lumière de la conclusion de la SAR selon laquelle la carte de membre du SCNC était authentique, mais pas suffisamment probante pour l’emporter sur les questions de crédibilité soulevées en ce qui concerne les autres documents. Partant, la décision de la SAR dans son ensemble était déraisonnable.

[42]  Je n’analyserai pas les autres questions soulevées par la demanderesse, puisque cela n’est pas nécessaire.

[43]  Aucune question n’a été présentée aux fins de certification, et aucune ne se pose.

Je renverrai l’affaire à un autre décideur afin que celui‑ci rende une nouvelle décision.


JUGEMENT dans IMM‑73‑19

  1. La demande est accueillie.

  2. L’affaire sera renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18ejour de septembre 2019.

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM‑73‑19

 

INTITULÉ :

RITA ENJOH TATAH c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 août 2019

 

MOTIFS DE JUGEMENT :

la juge MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 août 2019

COMPARUTIONS :

SOLOMON ORJIWURU

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

ERIN ESTOK

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SOLOMON ORJIWURU

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

ERIN ESTOK

Ministère de la Justice

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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