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Date : 20190827


Dossier : T-2532-14

Référence : 2019 CF 1103

Ottawa (Ontario), le 27 août 2019

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

3469051 CANADA INC.

demanderesse

et

AXIS HEATING AND

AIR CONDITIONING INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, 3469051 Canada Inc., propriétaire de la marque de commerce enregistrée AXXYS, poursuit en justice la défenderesse Axis Heating and Air Conditioning Inc. (« Axis »), soumettant que cette dernière viole ses droits dans la marque de commerce et commet de la concurrence déloyale, le tout en contravention des articles 20 et 7 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, ci-après [la Loi].

[2]  La demanderesse recherche les remèdes suivants :

  • une déclaration que sa marque est valide et que ses droits à son usage exclusif ont été violés;

  • l’émission d’une injonction permanente à l’endroit d’Axis lui ordonnant de cesser d’enfreindre les droits de la demanderesse en utilisant la marque de commerce ou le nom commercial « Axis Heating and Air Conditioning Inc. », ou toute autre telle marque ou nom commercial créant de la confusion avec AXXYS. Ladite confusion est entre « AXXYS » et « Axis »;

  • une ordonnance à Axis de remettre tous les éléments de son contrôle portant :

  • le terme « Axis », seul ou avec d’autres mots ou symboles;

  • toute autre marque de commerce ou nom commercial qui crée de la confusion;

  • permettre la destruction desdits éléments aux frais de la défenderesse qui pourrait par ailleurs choisir de les détruire elle-même;

  • le paiement de dommages-intérêts ou, selon le choix de la demanderesse, au paiement d’une somme d’argent représentant les profits illégalement réalisés;

  • le paiement de dommages-intérêts punitifs;

  • une ordonnance que Axis a empiété sur le droit de propriété de la demanderesse, en violation de l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne et de l’article 53.2 de la Loi.

I.  Les parties à l’action

[3]  Il n’est pas contesté que la demanderesse est une société constituée en vertu des lois du Canada, avec siège social au 9630 boul. Saint-Laurent, à Montréal. Il n’est pas davantage contesté que sa marque de commerce enregistrée est utilisée par elle sur une grande échelle. Quant à la défenderesse, elle est une société constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (L.R.O. 1990, chap. B.16), avec domicile élu à Ottawa. Elle est sensiblement plus modeste et elle est connue sous son nom commercial qui inclut bien sûr l’utilisation du mot « Axis ».

II.  La marque de commerce

[4]  L’enregistrement de la marque de commerce AXXYS, sous le numéro TM 759,387, a été obtenu en février 2010; la demanderesse en fait l’utilisation depuis 1998. L’enregistrement a été fait en liaison avec :

Construction services, namely, residential and commercial building, building and site development, planning in the field of construction, cost and project management in the field of construction; demolition services; consulting services in the field of construction, demolition, building materials, moulds, asbestos, lead and heavy metals, environmental engineering, construction engineering, building management; contracting services, namely building construction.

[traduction] Services de construction, à savoir la construction résidentielle et commerciale, l’aménagement de bâtiments et de sites, la planification dans le domaine de la construction, et la gestion des coûts et des projets dans le domaine de la construction; services de démolition; des services de conseil dans le domaine de la construction, de la démolition, des matériaux de construction, de la moisissure, de l’amiante, du plomb et des métaux lourds, de l’ingénierie environnementale, de l’ingénierie de la construction et de la gestion immobilière; services de passation de marchés, notamment pour la construction immobilière.

Quant à la défenderesse, son activité, qui consiste en l’installation de systèmes de chauffage et de climatisation (de même que leur entretien et réparation), est limitée au secteur résidentiel.

III.  Les allégations

[5]  La demanderesse invoque le développement de sa marque depuis février 1998; elle est devenue reconnue pour la qualité des services offerts et a acquis une réputation enviable. La marque est employée de façon constante et un site internet portant la marque a été créé : axxysconstruction.com.

[6]  C’est ainsi que la demanderesse prétend que l’achalandage créé grâce à sa marque et à la publicité qui lui a été faite constitue un actif important de la compagnie.

[7]  Aux dires de la demanderesse, les articles 7, 19, 20 et 22 de la Loi sont impliqués dans cette action. Selon elle, les services offerts par Axis Heating and Air Conditioning Inc. sont apparentés à ceux qu’elle offre. Le nom commercial de la défenderesse crée de la confusion avec sa marque puisque le consommateur pourra croire qu’Axis Heating offre des services qui proviennent de la demanderesse, ou qu’Axis Heating utilise la marque AXXYS avec l’autorisation de la demanderesse, ou que les deux parties partagent des caractéristiques communes. La demanderesse ajoute qu’elle est appelée à incorporer des systèmes de climatisation et/ou de chauffage aux projets de construction qu’elle gère (déclaration, para 15).

[8]  La demanderesse allègue aussi concurrence déloyale en ce que les actes d’Axis Heating and Air Conditioning Inc. « sont susceptibles de déranger les activités commerciales de la demanderesse ou d’éroder son image et sa réputation » (déclaration, para 19).

[9]  Des dommages-intérêts ou la restitution des profits sont réclamés, mais leur étendue est imprécise puisque la demanderesse déclare ne pas connaître l’ampleur des activités de la défenderesse. La demanderesse demande aussi des dommages punitifs à hauteur de 50 000 $.

[10]  La défenderesse déclare en défense être une entreprise familiale de quelques employés qui fait la vente, l’installation et la réparation d’appareils de chauffage, de climatiseurs et d’humidificateurs dans le secteur résidentiel dans la région d’Ottawa, en Ontario et de Gatineau, au Québec.

[11]  La défenderesse met en exergue que les marchés dans lesquels les parties opèrent sont différents, tant par la clientèle que du type de produits vendus (entrepreneur général ou gestionnaire de projet par rapport à un installateur au détail).

[12]  De plus, Axis nie la ressemblance entre son nom commercial et la marque « AXXYS » telle que de la confusion est engendrée. L’idée véhiculée par chacun diffère, « Axis » étant un nom commun n’ayant pas de caractère distinctif inhérent. De fait, « Axis » est utilisé en conjonction indissociable avec le mot « heating » dans un secteur particularisé, le chauffage et la climatisation résidentiels.

[13]  Finalement, Axis Heating nie avoir fait quelque concurrence déloyale à l’égard de la demanderesse.

IV.  La preuve

A.  La demanderesse

[14]  La preuve de la demanderesse au procès a été faite exclusivement grâce au témoignage de M. Ilan Reich, le vice-président de 3469051, et d’une preuve documentaire assez abondante.

[15]  M. Reich, un ingénieur de formation, est l’un des fondateurs de l’entreprise qu’il présente comme AXXYS Construction. Cela comporte maintenant de nombreuses entités corporatives qui, dit-il, sont liées. Ainsi, avec les années le groupe aura pris de l’expansion, devenant le promoteur de projets en même temps que gérant de projet, constructeur et donneur d’ouvrage.

[16]  La marque de commerce AXXYS est utilisée depuis 1998. Elle est identifiée depuis le début à son produit et à la qualité de celui-ci. Son nom est synonyme de qualité. Pour AXXYS il s’agit d’un élément important de leur marketing que l’on a mis de l’avant dès la création de l’entreprise.

[17]  L’entreprise a pris de l’expansion au point de compter plus de cent employés au Canada, en plus d’employés dits « saisonniers ». Cette expansion a pris la forme de projets hors Québec, avec des avancées aux États-Unis où l’entreprise opère en bureau (à Minneapolis, au Minnesota). On aura compris du témoignage que l’industrie de la construction a ses complexités, avec des règles qui peuvent varier d’une province à l’autre et d’un état à l’autre. Néanmoins, le témoin a indiqué à la Cour un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars (mais il n’est pas clair de quelles entreprises il était question outre, peut-être 3469051).

[18]  Le domaine dans lequel la demanderesse opère est celui de la construction, tant commerciale que résidentielle. Ainsi, elle participe à des projets typiquement commerciaux comme la construction et rénovation de locaux commerciaux et centres d’achat. Elle a aussi reçu des mandats venant d’organismes gouvernementaux, que ce soit le poste frontière de Lacolle, au Québec, que l’Office municipal d’habitation de Montréal (et autres). Un autre volet sera la construction résidentielle. À cet égard, il appert que le témoin considère la construction résidentielle comme celle procédant d’un contrat avec une personne tout comme des projets considérables où la construction est relative à un nombre plus considérable d’unités résidentielles. M. Reich a témoigné que chacune de celles-ci était quant à lui la construction, et la vente, d’unités d’habitation, une à une. Il se disait concerné par chacune. C’est ainsi qu’il s’agit d’habitations domiciliaires où la réputation de la firme est en jeu pour chacune. De là l’importance de se différencier, de se démarquer avec sa marque qu’il veut distinctive.

[19]  Une preuve documentaire abondante a été soumise par le témoin, relativement à des contrats passés avec la demanderesse depuis 2000. Il ne fait pas de doute que l’activité commerciale avait davantage d’ascendant, mais on ne peut nier les activités à caractère domiciliaire. De plus, le Registre des détenteurs de licence de la Régie du bâtiment du Québec prévoit des licences pour des catégories ou sous-catégories d’entrepreneurs dont se réclame la demanderesse, faisant ainsi preuve de son activité d’incorporation du système de climatisation une de chauffage aux projets de construction gérés par elle (pièce P-5) :

  • 15.7 Ventilation résidentielle

  • 15.8 Ventilation

  • 15.10 Réfrigération

La demanderesse détient une telle licence. Elle est donc aussi un entrepreneur spécialisé au sens où elle est « autorisée à soumissionner, organiser, coordonner, exécuter ou faire exécuter les travaux de construction inclus » dans ces catégories (pièce P-5).

[20]  Enfin, le témoin a mis en preuve toute une série de photographies faisant la démonstration que la marque AXXYS est mise en évidence aussi souvent que faire se peut, sur les uniformes, les camions, les sites de travail ou des objets promotionnels. De même, plusieurs preuves de reconnaissance ont été produites tendant à démontrer le succès obtenu par la firme. Elle continue de rayonner avec la publicité présentée dans certains magazines et un site web qui se veut l’image de l’entreprise que le témoin a distinguée de l’image présentée par Axis (pièce P‑20).

[21]  En contre-interrogatoire, l’accent a été mis sur les différentes formes corporatives qui sont utilisées pour faire la promotion, la vente et la construction d’immeubles commerciaux et résidentiels. Il en est ressorti que 3469051 fait affaire aussi avec des compagnies liées, en plus bien sûr d’avoir d’autres types de clients. Il a été aussi établi que le témoin désignait comme « résidentiel » le travail fait dans des projets où la fin ultime est que des gens y résideraient, par rapport au travail fait aux fins du commerce. De fait, le témoin a insisté plus d’une fois sur son approche très personnalisée en affaires où le client ultime doit être satisfait. Cela est conforme à l’image de marque qu’il cherche à promouvoir, quelles que soient les différentes formes juridiques adoptées. En bout de ligne, c’est toujours AXXYS qui est la marque de commerce.

B.  La défenderesse

[22]  En défense, M. Samuel Corbeil a témoigné au sujet de l’évolution de l’entreprise qu’il a fondée et qu’il a quittée assez récemment. Au moment où des poursuites ont été entamées par 3469051 Canada Inc., il était son actionnaire et administrateur.

[23]  Les débuts ont été modestes; la forme corporative actuelle (Axis Heating and Air Conditioning Inc.) a pris naissance en février 2012. Auparavant, M. Corbeil faisait affaires sous le nom de « Axis Heating », enregistré en Ontario depuis 2004.

[24]  La défenderesse vise une clientèle exclusivement résidentielle. Depuis 2004, les premiers clients ont été démarchés en déposant des dépliants publicitaires dans les boîtes aux lettres dans des endroits autour d’Ottawa que M. Corbeil croyait propices à l’achat et l’installation de fournaises et d’appareils de climatisation. La variété de produits s’est améliorée pour y ajouter des humidificateurs et des chauffe-eaux. M. Corbeil, au nom de la défenderesse, définit son entreprise comme l’installation dans des maisons d’habitation de systèmes de chauffage à air chaud, de systèmes de brûleurs au gaz naturel et de petits systèmes de réfrigération. M. Reich définissait plutôt son activité résidentielle sur plus grande échelle en fonction du récipiendaire ultime. Du travail de construction sur une seule maison, quoique ayant été démontré, était moins fréquent. Ainsi, même lorsque la demanderesse rénove un hôtel pour le transformer en un immeuble locatif où le promoteur louera les appartements transformés, il qualifiera l’activité de résidentielle. C’est que la distinction faite consiste en un destinataire différent que du travail fait pour des boutiques utilisées pour le commerce au détail, par exemple.

[25]  La défenderesse est à petite échelle et fait affaire avec le propriétaire de la résidence. La demanderesse fait des travaux de construction, comme gérant de projet ou directement, mais sur une échelle sensiblement plus grande, même si à l’occasion des clients plus modestes seront acceptés. On est dans la construction à bien plus grande échelle où il sera nécessaire de travailler au chauffage et à la climatisation, mais comme étant une activité marginale par rapport au mandat conféré.

[26]  D’ailleurs, une manifestation de la différence provient de la preuve présentée par la demanderesse en réponse à un engagement pris par le témoin corporatif de la demanderesse de fournir « copie des contrats d’ordre résidentiel unifamilial, logements jusqu’à quatre et maisons de ville de 2004 à aujourd’hui ». La demanderesse aura choisi de ne fournir qu’une liste de contrats, de 2004 à 2016 (onglet 12) et pas les contrats eux-mêmes. Y sont inclus des contrats qui ne peuvent satisfaire vraiment l’engagement pris parce que les projets ne peuvent qu’être commerciaux. Dans la plupart des cas qui pourraient peut-être se qualifier comme des résidences privées, la liste n’identifie pas le client.

[27]  Lorsque viendra le temps de répondre à un autre engagement requérant la divulgation de « copie des contrats où Canada Inc. a installé des systèmes d’air climatisé individuels de 2008 à aujourd’hui », encore ici les contrats ne sont pas fournis, mais la liste qui est fournie ne comporte que deux entrées qui, ni l’une ni l’autre, ne peuvent être associées à des particuliers demandant une climatisation individuelle : Office municipal d’habitation de Montréal pour un projet d’habitation à loyer modique et un système de ventilation à un poste frontalier. Ce n’est certes pas le créneau développé par la défenderesse qui œuvre pour des propriétaires de résidences individuelles dans un rayon de 45 km d’Ottawa, au Québec et en Ontario, mais dans la vaste majorité en Ontario.

[28]  Il appert de la preuve que l’utilisation du nom commercial de la défenderesse aura évolué au fil du temps, de 2004 à maintenant. Il est admis que la défenderesse emploie et a employé Axis Heating, Axis Heating and Air Conditioning et des variantes, exploitant le site internet Axisheating.com. De plus, la preuve révèle l’obtention de copyright en 2004 pour Axis Heating (pièce D-9, p. 9) et un en 2014 pour Axis Heating and Air Conditioning Inc. (pièce D-9, p. 199).

[29]  En plus des dépliants publicitaires déposés dans des boîtes aux lettres en quartier résidentiel, la défenderesse a fait de la publicité de son nom commercial. Pour M. Corbeil, il souhaitait que le nom de l’entreprise soit connu.

[30]  C’est ainsi qu’il explique l’attrait initial pour Axis Heating. Mais il ne fait pas de doute que M. Corbeil souhaitait mettre de l’avant l’utilisation de « Axis » parce que facile et venant en début de l’alphabet. Il ne cherchait qu’à référer aux axes utilisés en mathématique. L’association était faite avec « heating » parce que le produit (les fournaises) ne doit pas être ignoré : le client doit savoir quel est le produit qui est offert. Le logo a d’ailleurs été construit dans cette même optique :

Le logo était utilisé pour toute forme de publicité ou de promotion. Tout comme M. Reich, le témoin a épilogué sur l’importance du nom commercial qu’il a choisi.

Madame Marianne Michaud est actuellement la directrice générale de la défenderesse. Elle a témoigné au sujet du type d’entreprise que constitue la défenderesse. Elle est modeste. Elle fait l’installation de fournaises, de systèmes d’air climatisé et maintenant d’humidificateurs et de chauffe-eaux dont la valeur ne semble pas dépasser quelques milliers de dollars. Elle fait aussi l’entretien de tels systèmes et les montants à cet égard sont très souvent inférieurs à 100 $. La clientèle est composée des propriétaires de maisons; le nombre d’employés varie entre quatre et sept. Les ventes annuelles sont de l’ordre de 450,000 $ à 550,000 $, l’entreprise dégageant un profit net de l’ordre de 30,000 $ à 40,000 $, une fois les salaires payés. Tout plan d’expansion des affaires, si possible, est en mode attente à cause du litige opposant les parties.

V.  L’analyse

[31]  Les parties avaient annoncé que l’objet de ce litige consiste en la confusion alléguée par la demanderesse relative à sa marque de commerce AXXYS relativement à l’emploi par la défenderesse d’Axis Heating comme marque de commerce et Axis Heating and Air Conditioning Inc. comme son nom commercial. Comme M. Corbeil l’a souligné, il faut utiliser Axis Heating pour que le consommateur sache de quel produit il s’agit. Par ailleurs, le mot « Axis » est bien en évidence partout où la marque est utilisée.

[32]  On ne peut douter que les parties portent une attention toute spéciale à leur marque de commerce et nom commercial. Cela n’a rien d’étonnant. Il n’y a rien d’étonnant non plus à ce que AXXYS soit aussi vu par la demanderesse comme ne devant pas être confondu avec d’autres marques d’autant que la preuve au procès est à l’effet que la demanderesse a développé sa marque, en voulant en faire une image de marque. La question qui se pose à la Cour est donc de déterminer, en fonction seulement de la preuve faite, s’il y a prépondérance des probabilités en faveur de la demanderesse. Après étude approfondie du dossier, la Cour doit faire droit à la demande en fonction de la preuve offerte de part et d’autre.

[33]  C’est la Loi qui guide l’analyse. La demanderesse se réclame des articles 20 et 7 de celle-ci. L’article 20 protège la marque déposée, comme AXXYS, contre la confusion avec une autre marque ou un nom de commerce. Je reproduis l’alinéa 20(1)a) qui est particulièrement pertinent :

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trademark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trademark or trade name;

Quant au paragraphe 7b), il est invoqué par la demanderesse:

7  Nul ne peut :

7  No person shall

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[34]  La confusion dont il est question est aussi traitée par la Loi. Ainsi, il faut rechercher si les marques de commerce sont susceptibles de faire en sorte qu’on conclut que les produits ou services proviennent de la même personne, que ceux-ci soient de la même catégorie générale ou non. Le texte du paragraphe 6(2) se lit ainsi :

6 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

6 (2) The use of a trademark causes confusion with another trademark if the use of both trademarks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trademarks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class or appear in the same class of the Nice Classification.

[35]  La lecture du paragraphe 6(2) aurait pu donner lieu à une certaine ambiguïté que la Cour suprême du Canada aura dissipée dans Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 RCS 387 [Masterpiece]. Les paragraphes 6(2), (3) et (4) utilisent la même formule en comparant l’emploi de deux marques ou noms commerciaux « dans la même région ». Cela aura pu faire dire à certains qu’il fallait donc que les marques et noms commerciaux aient été en usage dans la même région, qu’on aurait alors dû définir. Par ailleurs, cela aurait été contraire à la protection conférée par la Loi à la marque enregistrée qui donne au propriétaire de la marque « le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services » (art. 19). Le sens du paragraphe 6(2) a plutôt été expliqué ainsi dans Masterpiece :

[30]  Il ressort immédiatement des mots « lorsque l’emploi des deux […] dans la même région » que le critère qu’il convient d’appliquer pour décider s’il y a confusion est fondé sur l’hypothèse que tant les noms commerciaux que les marques de commerce sont employés « dans la même région », que ce soit le cas ou non (le « critère fondé sur l’hypothèse »). Ainsi, le fait que des noms commerciaux et des marques de commerce similaires au point de créer de la confusion ne soient pas employés dans le même lieu géographique n’est d’aucune incidence en ce qui concerne ce critère. Il doit en être ainsi parce que l’art. 19 de la Loi précise que, sous réserve de certaines exceptions qui ne nous nous intéressent pas ici, l’enregistrement d’une marque donne à son propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci dans tout le Canada.

[31]  Pour que le propriétaire d’une marque de commerce déposée ait le droit exclusif à l’emploi de celle-ci dans tout le Canada, il ne faut pas qu’elle soit susceptible de causer de la confusion avec une autre marque de commerce à quelque autre endroit que ce soit au pays.

[36]  Il en découle qu’il n’y a aucun argument à tirer du fait que la défenderesse fait affaire exclusivement dans la région de la capitale nationale alors que la demanderesse a commencé en affaires dans la région de Montréal pour prendre de l’expansion depuis, mais sans toucher vraiment pour le moment au territoire desservi par la défenderesse.

[37]  La jurisprudence a défini aux yeux de qui on cherchera à examiner l’allégation de confusion. La Cour suprême du Canada a situé le consommateur entre l’acheteur prudent et diligent et le « crétin pressé » dans Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 [Mattel]:

56  Quel point de vue faut-il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »? Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent. Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co-Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117. C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13. Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693. Dans Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL), le registraire a dit :

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

Voir aussi American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co., [1972] C.F. 1271 (1re inst.), p. 1276, conf. par (1973), 14 C.P.R. (2d) 127 (C.A.F.). Comme l’a expliqué le juge Cattanach dans Canadian Schenley Distilleries, p. 5 :

Il ne s’agit pas de l’acheteur impulsif, négligent ou distrait ni de la personne très instruite ni d’un expert. On cherche à savoir si une personne moyenne, d’intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale peut être trompée.  Le registraire des marques de commerce ou le juge doit évaluer les attitudes et les réactions normales de telles personnes afin de mesurer la possibilité de confusion.

La Cour ne s’est pas dédite dans Masterpiece où on a parlé du critère de la première impression, se référant à Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824 [Veuve Clicquot], la décision sœur de Mattel rendue la même journée. On lit ceci aux paragraphes 40 et 41 de Masterpiece :

[40]  Il est utile, en commençant l’analyse relative à la confusion, de se rappeler le critère prévu dans la Loi.  Dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824, par. 20, le juge Binnie a reformulé la démarche traditionnelle de la façon suivante :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Le juge Binnie renvoie avec approbation aux propos tenus par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202, pour faire ressortir ce qu’il ne faut pas faire, à savoir un examen minutieux des marques concurrentes ou une comparaison côte à côte.

[41]  En l’espèce, la question est de savoir si, à partir de sa première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé » qui voit la marque de commerce d’Alavida alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce ou du nom commercial de Masterpiece Inc. serait vraisemblablement confus, c’est-à-dire s’il est probable que ce consommateur considérerait qu’Alavida et Masterpiece Inc. constituent un seul et même fournisseur de services de résidence pour personnes âgées.

[38]  Je m’empresse d’ajouter que la Cour, dans Mattel, a indiqué que son consommateur ni prudent et diligent, ni crétin, avait néanmoins une attitude différente selon sa décision d’achat. Comme il est dit au paragraphe 58, « (i)l prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen », référant en cela aux deux types de produits impliqués dans cette affaire (la poupée « Barbie » et la petite chaîne de restaurants « Barbie’s »).

[39]  Ce consommateur mythique, qui est utilisé pour rechercher s’il y a confusion, fera office de barème quant à l’examen fait des éléments d’appréciation que la Loi retient spécifiquement, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité de ceux-ci. Je reproduis le paragraphe 6(5) de la Loi étant donné son importance dans la présente affaire :

6 (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

6 (5) In determining whether trademarks or trade names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

L.R. (1985), ch. T-13, art. 6; 2014, ch, 20, art. 321, 361(A) et 362(A), ch. 32, art. 53.

R.S., 1985, c. T-13, s. 6; 2014, c. 20, ss. 321, 361(E), 362(E), c. 32, s. 53.

[40]  Je commence l’examen des critères statutaires par le dernier, celui de l’alinéa 6(5)e). C’est la démarche recommandée par Masterpiece. De plus, la Cour a endossé les commentaires qu’on retrouve dans Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, de K. Gill et R.S. Jolliffe, et Hughes on Trade Marks, de R.T. Hughes et T.P. Ashton selon lesquels le degré de ressemblance sera souvent le facteur ayant le plus d’importance dans l’analyse globale de la confusion. Cela confirme aussi que les facteurs n’ont pas tous la même importance. Le paragraphe 49 de Masterpiece est reproduit ici :

[49]  En analysant la question de savoir si les marques de commerce en cause créaient de la confusion, le juge a appliqué dans l’ordre les facteurs énoncés au par. 6(5) de la Loi avant d’examiner si ces marques se ressemblaient. Bien que l’adoption d’une telle démarche ne constitue pas une erreur de droit, il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) (K. Gill et R. S. Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (4e éd. (feuilles mobiles)), p. 8-54; R. T. Hughes et T. P. Ashton, Hughes on Trade Marks (2e éd. (feuilles mobiles)), §74, p. 939). Comme le souligne le professeur) [sic] Vaver, si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires (Vaver, p. 532). En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion (ibid.).

A.  Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou des idées qu’ils suggèrent (al. 6(5)e) de la Loi)

[41]  La ressemblance porte l’idée que c’est la similitude qui est le critère approprié, non l’identité. Il en résulte que « des marques comportant un certain nombre de différences peuvent aussi engendrer une probabilité de confusion » (Masterpiece, para 62).

[42]  Dans l’examen de cette similitude menant à une probabilité de confusion, le premier mot est important, car il sert à établir le caractère distinctif d’une marque (Masterpiece, para 63). Il se pourra même que le premier mot soit le plus important; la Cour dans Masterpiece souligne qu’il faut se demander d’abord si un aspect de la marque est particulièrement frappant ou unique (para 64). Dans Masterpiece, les mots associés au mot « Masterpiece » (les marques étaient « Masterpiece Living » et « Masterpiece the Art of Living») n’avaient rien de frappant ou unique. « Masterpiece » était le mot dominant. C’est sans difficulté que la Cour conclut à la ressemblance. On peut en dire autant ici.

[43]  Dans notre cas d’espèce, la ressemblance entre les marques me semble manifeste. Comme le disait la Cour suprême dans Veuve Clicquot, il n’est pas nécessaire que les marques soient identiques, « mais seulement qu’elles fassent suffisamment surgir la « même idée » dans l’esprit du consommateur plutôt pressé pour l’amener à tirer une conclusion erronée » (para 35). Les deux marques ont la même origine, l’une étant la forme stylisée de l’autre qui n’est qu’un mot de la langue anglaise (« axis ») qui correspond au mot « axe » en français. Donc, dans les deux s’il y a une idée suggérée, elle est évidemment la même. Si celle-ci n’est peut-être pas des plus puissantes, il n’en reste pas moins qu’elle est la même. Elles ont aussi le même son. La défenderesse a tenté d’arguer que la présentation des deux marques diffère. Pour ce faire, on a fait remarquer que les mots sont épelés différemment, qu’« Axis » est utilisé avec « Heating » et que la défenderesse utilise un logo distinctif.

[44]  L’argument de l’épellation différente fait fi du fait que ce qui importe est la première impression chez la personne plutôt pressée qui n’a qu’un vague souvenir des marques et qui ne réfléchit pas à la question en profondeur. Cette personne ne met pas aux côte à côte les deux marques. L’addition de mots tels « heating » ou « and air conditioning » est de peu d’importance. Dans l’analyse de la ressemblance, l’importance est d’abord mise sur le premier mot, celui qui frappe et fait image. De fait, la preuve démontre que ces mots n’étaient utilisés par la défenderesse que pour préciser les produits offerts. Notre Cour dans Restaurants la Pizzaiolle inc. c Pizzaiolo Restaurants inc., 2015 CF 240, 130 CPR (4th) 195 était confrontée au même argument. Le juge LeBlanc avait appliqué l’analyse de Masterpiece au sujet d’ajouts après le mot important dans ces marques (« Masterpiece ») pour conclure que les mots supplémentaires ne changeaient rien à la ressemblance. On peut lire aux paragraphes 70 et 74 :

[70]  Ici, la Marque graphique PIZZAIOLO est formée du mot PIZZAIOLO écrit sur un fond ovale vert, avec la présence des mots « GOURMET PIZZA ». Comme c’était le cas des mots « Living » et « Art of Living » dans l’affaire Masterpiece, les mots « GOURMET PIZZA » ne sont en rien « frappants ou uniques » (Masterpiece, précitée, aux paras 64 et 84). Il s’agit là, comme le souligne la demanderesse, d’une expression générique dénuée de caractère distinctif.

[74]  Il ne s’agit pas ici de décider si les droits que l’enregistrement de la marque nominale LA PIZZAIOLLE confère à la demanderesse l’autorise à ajouter des cigles, symboles ou autres représentations graphiques distinctives à ladite marque. Il suffit en l’espèce de déterminer si la demanderesse est habilitée à employer éventuellement le mot PIZZAIOLLE dans une taille, un style de lettres, une couleur et un motif ou forme graphique qui la rende identique ou très semblable à la marque graphique PIZZAIOLO. À la lumière de l’arrêt Masterpiece, précité, je conclus qu’elle l’est et que l’ajout de mots génériques et non-distinctifs, comme GOURMET PIZZA, est sans conséquence, comme l’étaient les ajouts aux formes graphiques qu’elle a déjà employées ou qu’elle emploie actuellement pour représenter le mot PIZZAIOLLE, sur la légalité de cet emploi ultérieur.

C’est le cas en notre espèce.

[45]  L’argument relatif à l’utilisation d’un logo n’est pas plus persuasif. Le monopole auquel la demanderesse a droit grâce à l’enregistrement de sa marque AXXYS est relatif au nom utilisé. Le droit à l’utilisation de la marque, en l’espèce « AXXYS », est ce qui est en jeu (Masterpiece, para 55). Le droit exclusif conféré par l’enregistrement de la marque porte sur les mots utilisés et ce droit exclusif inclut l’emploi des mots sous la forme choisie par la demanderesse. On ne peut se dissimuler derrière des ajouts alors même que le mot important, le premier, crée la confusion lors de la première impression de celui qui n’a qu’un vague souvenir. Comme le dit un auteur souvent cité par la défenderesse (Me Barry Gamache, La Confusion, JurisClasseur Québec, coll. Droit des affaires, Propriété intellectuelle, Fascicule 17, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles) :

[…] Par contre, même lorsqu’il s’agit d’apprécier la probabilité de confusion entre marques de commerce rattachées à des produits ou des services couteux, c’est toujours la confusion qui naît dans l’esprit du consommateur lorsqu’il voit les marques en cause qui est importante21. Le délai de réflexion pris par un consommateur pour effectuer l’achat d’un produit ou d’un service coûteux peut être salutaire et dissiper la confusion qui était présente à l’origine lorsqu’il a été confronté aux marques de commerce en cause.

Toutefois, ces événements subséquents ne sont pas pertinents s’il est démontré que la probabilité de confusion existait au moment où le consommateur a vu pour la première fois l’une des marques en cause22 alors qu’il n’avait qu’un vague souvenir de l’autre.

Même pour l’achat de produits ou de services onéreux, c’est toujours le critère de la première impression qui s’applique pour apprécier la probabilité de confusion entre une marque de commerce à laquelle ce consommateur est confronté et une autre dont il n’a qu’un vague souvenir. […]

[Pages 5 et 6 de 22.]

[En italique dans original et notes en bas de page omises.]

Ces affirmations sont amplement appuyées dans Masterpiece, aux paragraphes 71 et 72.

B.  Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues (al. 6 (5)a))

[46]  Cet élément d’appréciation comprend deux éléments : le caractère distinct inhérent et le caractère distinct acquis. Plus une marque aura un caractère distinctif, plus il se méritera une protection robuste. À l’inverse, un caractère distinctif inhérent limité fait en sorte que seules de petites différences les distinguent (Kellogg Salada Canada Inc. c Canada, [1992] 3 CF 442) d’envahisseurs.

[47]  La demanderesse a plaidé que sa marque n’a pas en soi aucune définition et n’a aucun lien avec ses produits et services et qu’en cela, elle aura un certain caractère distinct. Elle prétend que la marque de la défenderesse n’a pas cette même distinction inhérente.

[48]  À mon sens, le caractère distinct inhérent des deux marques est à toutes fins utiles équivalent. Ni l’une ni l’autre ne me semblent se distinguer particulièrement outre que la demanderesse a stylisé le mot commun « axis », comme il a été convenu à l’audience. Ni l’une ni l’autre, quant à l’utilisation du mot « axis », n’évoquent leur marchandise et service et ce mot en est un qui est courant. Si on considère que l’alinéa 6(5)a) recherche « la solidité ou le caractère bien établi de la marque » (Pink Panther Beauty Corp. c United Artists Corp., [1998] 3 CF 534 [Pink Panther], para 23), il ne me semble pas possible de démarquer sensiblement les deux marques quant à leur caractère distinct inhérent. Au mieux, il y aurait un léger avantage, quoique marginal, pour la marque de la demanderesse dont l’épellation est différente. Mais il faut bien noter que cette courte différence au plan du caractère distinct jouerait contre la demanderesse au plan de la ressemblance. Mais c’est autre chose pour ce qui est du caractère distinct acquis.

[49]  Dans Pink Panther, la Cour d’appel fédérale écrivait au paragraphe 24 :

24  Une marque qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un caractère distinctif par un emploi continu sur le marché. Pour établir ce caractère distinctif acquis, il faut démontrer que les consommateurs savent que cette marque vient d'une source en particulier. Dans la décision Cartier, Inc. c. Cartier Optical Ltd./Lunettes Cartier Ltée21, le juge Dubé a conclu que le nom Cartier possédait peu de caractère distinctif inhérent, puisqu'il n'était qu'un nom de famille, mais qu'il avait néanmoins acquis un caractère distinctif considérable grâce à la publicité. De la même manière, dans la décision Coca-Cola Ltd. c. Fisher Trading Co.22, le juge a conclu que le mot « Cola » en scriptes était devenu si célèbre qu'il avait acquis un sens secondaire très spécial distinct de la boisson et qui méritait donc d'être protégé.

[Notes en bas de page omises.]

L’emploi fait de la marque par la demanderesse fait foi de tout. D’entrée de jeu dans Mattel, la Cour suprême reconnaissait que la commercialisation compte :

3  L’appelante explique que la conceptrice originale des poupées a emprunté à ses propres enfants le nom BARBIE et celui de son « âme sœur », Ken. Le nom des marchandises de l’appelante n’a pas comme tel un caractère distinctif inhérent. En fait, Barbie est le diminutif courant de Barbara. C’est aussi un nom de famille. Au cours des quatre dernières décennies, la commercialisation massive de la poupée et de ses accessoires a cependant conféré au nom BARBIE un sens secondaire très fort qui, lorsque le contexte s’y prête, l’associe aux poupées de l’appelante dans l’esprit du public.

Un propriétaire de marque peut soutenir valablement qu’elle produit un effet sur le public lorsque celle-ci est connue.

[50]  Dans notre affaire, la preuve est abondante de la visibilité qu’on aura voulu donner à la marque enregistrée. Publicité pour des projets commerciaux et résidentiels, marques de reconnaissance de clients, prix obtenus par l’entreprise, articles dans des revues spécialisées favorisent tous le caractère distinctif acquis de la marque. Il ne me semble pas faire de doute que la solidité ou le caractère bien établi de la marque favorise nettement la demanderesse dans ce marché de la construction commerciale et domiciliaire, alors que la défenderesse doit se satisfaire du bouche-à-oreille, de dépliants déposés dans des boîtes aux lettres et d’une certaine publicité dans des médias traditionnels (en particulier, encarts publicitaires dans des publications locales).

[51]  Il ne s’agit pas de dénigrer l’entrepreneurship des créateurs de la défenderesse : leurs efforts et leur audace doivent plutôt être applaudis. Il s’agit plutôt de constater que la marque de la demanderesse, une entreprise au chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de millions de dollars au temps où les procédures ont été entamées (et atteignant 100 millions de dollars l’an dernier), est d’une grande solidité et bien établie, selon la preuve non contredite qui a été offerte. La solidité de la marque de la défenderesse n’a pas été démontrée comme ayant été à la même hauteur. Cet élément d’appréciation favorise la demanderesse.

C.  La période pendant laquelle les marques de commerce et noms commerciaux ont été en usage (al. 6(5)b))

[52]  Encore ici, ce facteur d’appréciation favorise la demanderesse. Elle utilise cette marque depuis février 1998 selon son enregistrement; mais la preuve formelle d’utilisation remonte plutôt à septembre 1998. La défenderesse ne peut de son côté se réclamer d’un emploi de sa marque Axis Heating qu’à compter de juin 2004, alors que l’entreprise n’était pas encore incorporée.

[53]  La défenderesse n’a pas argumenté que cet élément d’appréciation la favorisait. Elle a plutôt suggéré que la différence était « minime ». Je ne partage pas nécessairement cet avis. Une différence de six ans en faveur de la demanderesse sur une période allant de 1998 à l’instauration de la poursuite en décembre 2014 n’est pas « minime » : après tout, la période de temps durant laquelle une marque aura été utilisée a un impact sur le caractère distinct de la marque (Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, par K. Gill, Thomson Reuters, 4e éd. Feuilles mobiles, para 8.3 : « The length of time each of the marks has been used will directly influence the acquisition of distinguishness, even in a case where a mark is not inherently distinctive ») [traduction] « La durée d’utilisation de chacune des marques aura une influence directe sur l’acquisition du caractère distinctif, même dans le cas où une marque n’est pas intrinsèquement distinctive ».

[54]  Même si cet élément d’appréciation favorise la demanderesse, son poids relatif sera moindre lorsque pris individuellement. Il n’en reste pas moins qu’il s’ajoute à la ressemblance et au caractère distinctif acquis.

D.  Le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce (al. 6(5)c) et d))

[55]  C’est à ce chapitre que la plus dure bataille aura été menée par la défenderesse. La Cour suprême indiquait dès son premier paragraphe dans Masterpiece que « (l)a confusion entre les marques de commerce nuit à l’objectif qui consiste à fournir aux consommateurs une indication fiable de l’origine des marchandises ou des services ». De même, dans Mattel, la Cour rappelait que « (l)e rôle traditionnel des marques était de créer un lien dans l’esprit de l’acheteur éventuel entre le produit et son fabricant » (para 2). Les marques et noms de commerce ont donc pris une grande valeur. Mais l’enregistrement d’une marque se fait relativement à des produits et services qu’on répertorie à l’état déclaratif des produits ou services ; là sont délimités les droits exclusifs conférés grâce à l’enregistrement.

[56]  Il s’ensuit que le genre de produits et services compte pour quelque chose. Dans Mattel, on lit :

51  La confusion entre deux marques est définie au par. 6(2) et elle survient si, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce (par. 6(5)), l’acheteur éventuel est susceptible d’être amené à conclure à tort

que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

Cela ne signifie pas que le genre de marchandises ou de services n’est pas pertinent. L’alinéa 6(5)c) indique expressément que « le genre de marchandises, services ou entreprises » est l’un des facteurs pertinents. Les mots soulignés au par. 6(2) visent simplement à établir en termes clairs que la catégorie générale des marchandises et services, bien que pertinente, n’est pas déterminante.

[Souligné et italique dans l’original.]

[57]  Ce qui est frappant, c’est que la jurisprudence examine la confusion entre des marques de commerce pour des produits ou services qui apparaissent comme plutôt disparates. En voici quelques-uns :

  • Mattel : la poupée Barbie et une petite chaîne de restaurants dans la région de Montréal ;

  • Veuve Clicquot : champagne renommé et boutique de vêtements pour dame ;

  • Pink Panther : marque « the Pink Panther », en relation avec les films, et des produits de beauté et de soins capillaires.

Mon observation n’est pas pour suggérer que le genre de produits ou services est sans importance. Tel n’est manifestement pas le cas. Mais le poids à donner peut varier (Mattel, para 73). L’état de la situation me semble être celui donné par la Cour suprême au paragraphe 71 :

71  Dans la mesure où le juge Linden a statué que la différence entre les marchandises ou les services constituera toujours un facteur dominant, je ne suis pas d’accord avec lui, mais compte tenu du rôle et de la fonction des marques de commerce, il s’agira en général d’une considération importante. L’appelante prétend que certaines des remarques incidentes formulées par le juge Linden peuvent pratiquement être interprétées comme exigeant une « ressemblance » entre les marchandises et services respectifs. À cet égard, ces remarques incidentes ne devraient pas être suivies.

[En italique dans l’original.]

La Cour avait déjà rejeté au paragraphe 65 la nécessité de la ressemblance étant donné le paragraphe 6(2) de la Loi :

65  Je crois que le juge Linden s’est mal exprimé dans la mesure où il suggère que, pour qu’il y ait confusion, il faut « une certaine ressemblance ou un certain lien avec les marchandises en question », c.-à-d. avec les marchandises visées par la demande d’enregistrement. La ressemblance n’est manifestement pas une exigence prévue à l’art. 6. Au contraire, en ajoutant à la loi les termes « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale », le législateur a exprimé son intention, non seulement de ne pas exiger une « ressemblance » avec les marchandises et services particuliers en cause, mais encore de ne pas exiger que les marchandises ou services commercialisés par l’opposante en liaison avec sa marque et les marchandises ou services commercialisés par la requérante en liaison avec la marque visée par sa demande appartiennent à la même catégorie générale.

[En italique dans l’original.]

Ce n’est pas une exigence, mais une ressemblance aura l’heur de favoriser une conclusion de confusion.

[58]  Or, la défenderesse a plaidé in extenso au sujet de la différence qu’elle percevait entre ses produits et services et ceux décrits à l’enregistrement de la marque de la demanderesse, un peu comme s’il s’agissait là du facteur dominant : elle dit œuvrer seulement dans le domaine du chauffage et de la climatisation, au plan résidentiel.

[59]  Malgré que la question ait été posée au sujet du genre de produits et de services, la preuve au procès a été déficiente de part et d’autre. La défenderesse a fait un vaillant effort pour distinguer son service de celui de la demanderesse et de l’enregistrement dont elle bénéficie. Ainsi, elle aura cherché à prétendre que les seuls services de construction résidentielle pouvant se qualifier aux fins d’une comparaison étaient la construction de maisons. Selon l’argument, la demanderesse ne faisait de la construction que sur grande échelle, dans des tours où se trouvaient des appartements locatifs ou en copropriété. Aucune preuve n’a été faite que l’enregistrement, qui ne parle que de « Construction services, namely, residential and commercial planning » [traduction] « Services de construction, notamment la planification résidentielle et commerciale », était limité de cette façon et qu’il était traité comme tel. À mon sens, cette mention suggère la finalité de la construction, à des fins résidentielles ou typiquement commerciales, par exemple la rénovation de magasins ou de centres d’achats. Il me semble difficile d’argumenter que la construction de logis, quelle que soit leur forme, ne comporte pas de travaux de climatisation et chauffage.

[60]  Mais il y a plus. La défenderesse a passé beaucoup de temps à argumenter que la demanderesse faisait assez peu de travaux pour des propriétaires de maisons alors que le gros de ses activités est dans ce genre de résidences. Outre que je doute fort qu’il s’agisse d’une distinction pertinente et utile, la preuve démontre l’existence de contrats de cet ordre exécutés par la demanderesse. La défenderesse n’a pas établi devant la Cour en quoi consistaient les travaux faits; elle se sera contentée de spéculer en plaidoirie sur la portée des travaux. Il est vrai que la Cour n’est pas tenue de spéculer sur ce qui pourrait advenir un jour de la marque (Mattel, para 7). Mais il n’y a aucune spéculation à faire concernant la nature véritable du commerce des parties. Tant l’état déclaratif que les opérations menées par la demanderesse confirment la nature résidentielle de certaines de ses activités.

[61]  La défenderesse a invoqué à répétition le paragraphe 38 de la décision du Registraire des marques de commerce dans une affaire d’opposition contre des enregistrements proposés par Omega Engineering, Inc. (Dans l’affaire des oppositions produites par 88766 Canada Inc. à l’encontre des demandes d’enregistrement no 1 295 775, 1 295 776 et 1 300 736 pour les marques de commerce OMEGA Dessin, OMEGA.CA et E‑OMEGA, respectivement, au nom d’Omega Engineering, Inc., 2012 COMC 57). Le paragraphe 38 se lit ainsi :

[38]  En ce qui concerne le genre de marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des Marchandises de la Requérante et l’état déclaratif des marchandises et des services qui figure dans les enregistrements d’Omega SA [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Toutefois, ces états déclaratifs doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties ont vraisemblablement l’intention d’exploiter et non de répertorier tous les types de commerce susceptibles d’être visés par le libellé. À cet égard, une preuve établissant la nature véritable du commerce des parties est utile [voir les arrêts McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

On aura compris que ce passage est invoqué pour éviter la spéculation sur les types de services qui pourraient être visés par l’état déclaratif. Le problème est que l’état déclaratif n’est pas limité comme le souhaitait la défenderesse. Dans Masterpiece, la Cour confirmait ce qui est énoncé dans Mattel en ces mots :

[53] Selon moi, la façon dont le juge a examiné l’emploi qu’Alavida faisait réellement de sa marque posait problème, car il n’a tenu compte que d’une seule représentation de la marque que celle-ci employait après la date pertinente. Or, cette seule représentation ne reflétait pas toute la portée des droits exclusifs que l’enregistrement de la marque conférait à Alavida. Comme a conclu le juge Binnie dans Mattel, par. 53 :

L’appelante a soutenu que les instances inférieures ont eu tort d’examiner les activités réelles de l’intimée plutôt que les termes figurant dans sa demande d’enregistrement de la marque projetée. Il est vrai qu’il faut s’attacher aux termes employés dans la demande, parce que ce qui est en cause est ce que l’enregistrement permettrait à l’intimée de faire, et non pas ce qu’elle fait actuellement.

Plus loin, la Cour dans Masterpiece rappelait que l’enregistrement doit être lu dans toute sa plénitude :

[106]  En ce qui concerne le genre de marchandises, de services ou d’entreprises, Alavida a prétendu que les services qu’elle entend offrir sont de type « haut de gamme » alors que Masterpiece Inc. ne fournit que des services « de qualité intermédiaire ». Cette analyse des services est trop limitée. L’enregistrement d’Alavida décrit ainsi ses services :

[traduction] Services d’aménagement immobilier, services de gestion immobilière, services de construction immobilière résidentielle, services de restauration, à savoir un restaurant avec salle à manger, services d’entretien domestique, services médicaux, à savoir des services de clinique médicale, services de spa, services de conditionnement physique, à savoir un centre de conditionnement physique et services de conciergerie. [d.i., vol. I, p. 210]

[107]  Rien dans cet enregistrement ne limite Alavida au « marché haut de gamme ». En effet, cet enregistrement autorisait Alavida à employer sa marque de commerce dans le même marché que celui desservi par Masterpiece Inc. Pour les besoins de l’analyse relative à la confusion, les services fournis par les parties sont essentiellement les mêmes services de résidences pour personnes âgées. Rien ne justifie de faire une distinction entre le « marché haut de gamme » et le « marché intermédiaire ». Selon moi, l’examen du genre de services en cause augmente la probabilité de confusion chez le consommateur ordinaire.

En l’espèce, l’enregistrement n’est pas limité que par la construction résidentielle. Contrairement à ce que prétend la défenderesse, on peut difficilement concevoir la construction résidentielle sans chauffage et, plus souvent qu’autrement, sans climatisation. À mon avis, l’enregistrement couvre amplement des travaux de climatisation et de chauffage.

[62]  Parce que la demanderesse fait de la construction résidentielle, quelle que soit la forme qu’elle prend, il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement sur le genre de produits et services ou entreprises si on devait considérer la construction commerciale. Pour ce qui est de ces produits et services en l’espèce, on doit les considérer, me semble-t-il, comme étant la ventilation et le chauffage. Que la défenderesse se limite à un type de commercialisation résidentielle d’un type restreint par ses services de ventilation et chauffage devrait probablement être considéré de plus près au stade de la nature du commerce. Pour ce qui est de la construction résidentielle et commerciale, il suffit de déterminer que telle construction implique nécessairement l’installation de climatisation, y inclus le chauffage, adéquate. À ce titre, l’emploi des deux marques serait susceptible de faire conclure que les produits ou services liés à ces marques sont vendus ou exécutés par la même personne.

[63]  La défenderesse a cherché à tirer un argument du fait que son entreprise détient au Québec une licence l’autorisant « à soumissionner, organiser, coordonner, exécuter ou faire exécuter les travaux de construction inclus dans les catégories ou sous-catégories mentionnées ci-dessous » (Registre des détenteurs de licence la Régie du bâtiment du Québec, pièce P‑20). Ces sous-catégories tombent sous la « catégorie entrepreneur spécialisé » et elles sont :

15.1  Systèmes de chauffage à air chaud;

15.2  Systèmes de brûleurs au gaz naturel;

15.9  Petits systèmes de réfrigération.

La preuve à l’égard de ce qui est permis grâce à cette licence est très mince. Il n’est pas certain non plus qu’elle soit pertinente ou d’une grande force probante puisque le consommateur pourra difficilement être au courant de ces nuances. C’est plutôt que la défenderesse a argué que cette licence lui donne un monopole au Québec à titre d’entrepreneur spécialisé pour ces « travaux de construction ». Outre qu’il soit ironique que la règlementation dont se réclame la défenderesse pour prétendre qu’elle ne fait pas de construction, quand le Registre déclare le contraire, la défenderesse, si je comprends l’argument, dit qu’elle ne peut avoir les mêmes produits et services que la demanderesse puisqu’elle seule peut exécuter ces travaux de construction au Québec. La demanderesse est quant à elle inscrite au Registre tant sous la « catégorie entrepreneur général » que « catégorie entrepreneur spécialisé » (pièce P-5) dans un grand nombre de sous-catégories dont :

15.7  Ventilation résidentielle;

15.8  Ventilation;

15.10  Réfrigération.

Par ailleurs, la demanderesse n’est pas autorisée au titre des sous-catégories 15.1, 15.2 et 15.9, comme l’est la défenderesse. Elle doit ainsi utiliser des sous-traitants au Québec.

[64]  Ceci dit avec égards, on voit mal en quoi cette licence provinciale ait quelqu’incidence sur la portée de l’enregistrement fédéral aux fins de la Loi. Il est en preuve que la demanderesse utilise des sous-traitants, mais que la demanderesse demeure responsable de la qualité du travail. La défenderesse a cherché sans succès la distinction entre les genres de produits et services alors que le consommateur mythique n’y verrait que du feu. Les deux font des travaux de construction et les deux font ventilation et chauffage. La défenderesse cherche à se distinguer en soulignant seulement les sous-catégories qui lui sont propres. Le consommateur mythique n’aurait aucune connaissance des catégories et sous-catégories invoquées, voyant deux marques qui œuvrent toutes deux dans des travaux de construction impliquant chauffage et climatisation, en milieu résidentiel. Un peu comme dans Maison Cousin (1980) inc. c Cousins Submarines inc., 2006 CAF 409, 60 CPR (4th) 369, les produits ne sont pas suffisamment distincts pour ne pas y avoir un élément d’appréciation qui rend l’emploi des deux marques susceptibles de faire conclure au consommateur mythique que les produits ou services liés aux marques viennent de la même personne.

[65]  Par ailleurs, la nature du commerce me semble cette fois favoriser la défenderesse. Il s’agit là de la manière dont les produits et services sont vendus. Le contexte dans lequel ils sont vendus a une incidence sur la confusion qui serait susceptible d’apparaître. La Cour d’appel fédérale disait ceci dans Pink Panther au sujet de la nature du commerce :

30  S'apparente à l'examen du genre de marchandises ou de services celui de la nature du commerce dans lequel ces marchandises ou services circulent. Le risque de confusion est plus grand lorsque les marchandises ou les services, bien que différents, sont distribués dans le même genre de magasins ou appartiennent à la même catégorie générale de biens. À titre d'exemple, il est plus probable qu'il y ait confusion si les deux articles sont de la même catégorie générale de produits d'entretien domestique et sont vendus dans des endroits semblables. En revanche, si une marque renvoie à des produits d'entretien domestique tandis que l'autre s'applique à des produits automobiles et que ces produits sont distribués dans des boutiques d'un genre différent, la probabilité que les consommateurs confondent une marque avec l'autre sera moins grande.

31  L'analyse de la nature du commerce s'étend au genre d'environnement commercial. Si l'un des produits est vendu en gros et que l'autre l'est par l'intermédiaire de magasins de détail, c'est un élément dont il faut tenir compte. Ce facteur concerne tant l'environnement commercial que le type de consommateur. Un consommateur professionnel qui achète en gros risque moins la confusion qu'un acheteur occasionnel dans un établissement de vente au détail. Dans l'affaire Can. Wire & Cable Ltd. c. Heatex Howden Inc.26 , la requérante avait sollicité l'enregistrement de la marque « Heatex » pour du fil de bâtiment destiné à des circuits électriques. L'opposante était propriétaire d'une marque déposée identique en liaison avec la vente de produits industriels de transmission de la chaleur. Le juge en chef adjoint Jerome a conclu qu'il n'était guère probable que les marques identiques créent de la confusion chez les consommateurs. Il a indiqué :

...ces produits ne sont pas semblables. À mon avis, le consommateur ordinaire en viendrait à la même conclusion. Dans une certaine mesure, je m'appuie sur le fait que les consommateurs de ces deux produits sont, en grande majorité, des établissements industriels. J'en conclus qu'ils sont passablement au courant lorsqu'ils comparent les produits en vue d'acquérir les matériaux qui se retrouveront d'une part dans leurs projets de construction et d'autre part dans d'importants produits automobiles industriels27.

Même si les marques étaient identiques, on a jugé qu'il n'y avait pas probabilité de confusion parce que les produits et la nature du commerce étaient différents.

[Notes en bas de pages omises.]

[66]  La preuve tend à démontrer que la défenderesse joue dans des eaux plutôt différentes; il s’agit de consommateurs qui sont « des particuliers » où plusieurs recherchent l’entretien de leurs systèmes. La distribution des services apparaît de la preuve comme étant différente, la défenderesse agissant à une échelle réduite par rapport à la demanderesse. Mais la différence dans la nature du commerce est sensiblement amenuisée par le fait que le genre de produits, services et entreprises sont grandement similaires. La relation entre les produits et services et la nature du commerce apparaît comme étant bien présente. Ainsi, dans Hughes on Trade Marks (2e ed.), LexisNexis, feuilles mobiles), l’auteur écrit au §73 que « (t)he risk of confusion is greater where the goods or services, though dissimilar, are distributed in the same types of stores or are of the same general category of goods; for example, if both items are in a general category of household products and are sold in similar places, then confusion is now likely » [traduction] «Le risque de confusion est plus grand lorsque les produits ou services, bien que différents, sont distribués dans les mêmes types de magasins ou appartiennent à la même catégorie générale de produits; par exemple, si les deux articles font partie d’une catégorie générale de produits ménagers et sont vendus dans des lieux similaires, alors la confusion est maintenant probable ».

[67]  Ici, la nature du commerce favorise marginalement la défenderesse. Par ailleurs, le genre de produits et services est suffisamment similaire pour engendrer une probabilité de confusion.

[68]  La Loi ne restreint pas l’examen de la confusion aux cinq éléments d’appréciation du paragraphe 6(5). Ce sont plutôt « toutes les circonstances de l’espèce » qui doivent être considérées. La demanderesse a soumis que l’utilisation par la défenderesse du terme « contractor » dans la liste de termes d’identification de moteur de recherche donnait à penser que ce choix « démontre également que la défenderesse se voit elle-même comme un acteur dans un domaine beaucoup plus large que celui de la simple installation de climatiseurs » (factum de la demanderesse, para 77). La demanderesse n’a pas insisté à l’audience sur cette facette de son argumentaire et elle n’avait pas tort. De plus, puisque la Cour conclut qu’il y a probabilité de confusion en l’espèce, cette circonstance de l’espèce supplémentaire est superfétatoire. Une brève observation suffira donc. À mon avis, aucune telle inférence ne peut être tirée. La clientèle cible de la défenderesse est composée de nouvelles habitations où les nouveaux propriétaires pourraient montrer un certain intérêt par les équipements offerts par la défenderesse. M. Corbeil a témoigné qu’il recherchait des mots qui pourraient venir à l’esprit de quelqu’un qui recherche de tels services sur internet. Il pourrait ainsi rechercher le « contractor », au sens usuel du mot dans l’industrie de la construction, qui pourra faire l’installation, qui est elle-même à saveur de construction, de ces équipements ayant une certaine complexité. Je n’ai rien vu dans la preuve qui puisse même suggérer des visées de devenir « un acteur dans un domaine beaucoup plus large ».

[69]  Au final, l’évaluation de la probabilité de confusion en fonction de la seule preuve présentée de part et d’autre requiert la pondération des facteurs; comme le dit le professeur Vaver dans son Intellectual Property Law (2nd Ed. Irwin Law, 2011), « (n)o simple factor on or off the list – whether it is the mark’s fame or the defendant’s good or sad intent – is determinative. The whole case must be examined to determine whether, ultimately, the defendant’s trade mark or name is, or is likely to be, in fact confusing the plaintiff’s trader mark or name » [traduction] « Aucun facteur simple figurant ou non sur la liste – qu’il s’agisse de la notoriété de la marque ou de l’intention, bonne ou mauvaise, du défendeur – n’est déterminant. L’ensemble de l’affaire doit être examiné pour déterminer si, en fin de compte, la marque ou le nom du défendeur est, ou est susceptible d’être, en fait, confondu avec la marque ou le nom commercial du demandeur » (p. 531).

[70]  L’exercice de pondération auquel la Cour est conviée en fonction des éléments d’appréciation du paragraphe 6(5)  ne consiste pas à compter les « victoires » sur chaque élément. Le professeur Vaver, à sa manière humoristique habituelle, parle de « the game involves weight more than numbers » (p. 531) [traduction] « L’enjeu porte plus sur le poids que les nombres ». Il faut plutôt les soupeser pour conclure globalement si le consommateur mythique est susceptible à la confusion, selon la définition qui est donnée au paragraphe 6(2) de la Loi.

[71]  En l’espèce, nous avons deux marques qui se ressemblent, dont l’utilisation par la demanderesse est sensiblement plus longue que celle de la défenderesse. La marque AXXYS, qui a déjà un très léger avantage quant au caractère distinct inhérent de par son épellation du mot « axis », a atteint un caractère distinct acquis beaucoup plus considérable que celui d’Axis Heating, alors que les deux agissent dans le domaine général de la construction résidentielle, où chauffage et climatisation sont inhérents en Amérique du Nord. Les genres de produits et services sont tels que les marques sont susceptibles d’être confondues (para 6(2) de la Loi; Mattel, para 65). Le consommateur mythique qui verrait les deux marques dans la même région, sur des chantiers différents par exemple (les deux s’identifient abondamment), aurait une première impression telle qu’il serait susceptible que les produits ou services liés aux marques respectives proviennent de la même personne : il y a probabilité de confusion. Le seul fait que les deux ont une certaine différence au niveau de la nature de leur commerce ne suffira pas comme contrepoids aux autres éléments d’appréciation à être considérés dans l’analyse de la confusion. Pour reprendre le mot d’esprit du professeur Vaver, nous avons ici le nombre et le poids.

VI.  Y a-t-il violation des articles 20 et 7 de la Loi?

[72]  Le droit conféré par l’enregistrement est un droit exclusif à l’emploi de la marque partout au Canada. Dans la mesure où la confusion, selon la Loi (la preuve de confusion réelle n’est pas nécessaire puisqu’il suffit que la confusion soit susceptible, Mattel, para 55), est établie par prépondérance de la preuve, il y a violation de l’article 20 (al. 20(1)a)). À cet égard, la seule défense invoquée par la défenderesse est qu’il n’y a pas confusion : la preuve aura démontré « le contraire ». La violation de l’article 20 est donc démontrée.

[73]  Quant à la commercialisation trompeuse, elle relève en l’espèce de l’alinéa 7b) de la Loi.  Les éléments essentiels à être démontrés ont fait l’objet d’un rappel par la Cour d’appel fédérale récemment dans Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd., 2016 CAF 69 [Sadhu Singh Hamdard Trust]:

[20]  Dans une demande fondée sur la commercialisation trompeuse, en common law ou en vertu de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, un demandeur doit établir trois éléments, soit 1) l'existence d'un achalandage rattaché à la marque de commerce, 2) le fait que le défendeur a induit le public en erreur par une fausse déclaration, 3) le préjudice réel ou éventuel du demandeur découlant des actes du défendeur : Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., [2005] 3 R.C.S. 302, 2005 CSC 65, au paragraphe 66 (Kirkbi); Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, à la page 132 (Ciba-Geigy).

[74]  Le second élément, celui d’induire le public en erreur, qui est d’ailleurs le seul à avoir fait l’objet d’une certaine contestation parce que, dit la défenderesse, elle n’a fait aucune déclaration trompeuse, n’utilisant que le nom sous lequel elle s’est fait connaître, est établi par la confusion. L’affirmation faite par la Cour d’appel dans Sadhu Singh Hamdard Trust, au paragraphe 21, est d’ailleurs bien appuyée sur la jurisprudence de la Cour suprême :

[21]  Le deuxième élément, qui porte sur une fausse déclaration, sera établi si le demandeur démontre que le défendeur a utilisé une marque de commerce qui sera probablement confondue avec la sienne, qui doit être distinctive : Ciba-Geigy, aux pages 136, 137 et 140. Le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce prévoit une liste non exclusive de facteurs à évaluer pour déterminer s'il existe de la confusion :

[…]

[75]  Quant à l’achalandage, il n’est pas contesté par la défenderesse, quoiqu’elle prétende qu’il est limité aux domaines commercial et institutionnel. La défenderesse aurait d’ailleurs été malvenue de contester tout achalandage alors même qu’elle en a reconnu l’existence au paragraphe 3 de l’Exposé conjoint de faits et admissions :

3.  La Demanderesse est la propriétaire de l’achalandage et de la réputation associés à la Marque AXXYS résultant directement de son adoption, de sa reconnaissance par le public, du premier emploi, de son emploi continu et constant de sa publicité.

[En gras dans l’original.]

[76]  Il s’agissait là d’une concession appropriée étant donné la preuve disponible. Il suffira pour nos fins de citer les trois paragraphes tirés de United Airlines, Inc. c Cooperstock, 2017 CF 616 auxquels la demanderesse a référé pour décrire la notion d’achalandage :

[73]  L’achalandage a été décrit dans l’arrêt Veuve Clicquot comme « l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents » (au paragraphe 50). Dans l’arrêt Ciba-Geigy, la Cour suprême a indiqué que pour avoir gain de cause dans une action en passing-off, un demandeur doit démontrer que son produit a acquis un sens secondaire (au paragraphe 36).

[74]  Dans l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour suprême a établi les critères permettant de déterminer l’existence d’un achalandage comme suit :

[54]  Bien que l’art. 22 n’exige pas la preuve de la « célébrité », le tribunal appelé à déterminer s’il existe un achalandage susceptible d’être déprécié par un emploi qui ne crée pas de confusion (comme en l’espèce) tiendra compte de cet élément, comme de facteurs plus généraux tels le degré de reconnaissance de la marque par les consommateurs de la population de référence, le volume des ventes et le degré de pénétration du marché des produits associés à la marque de la demanderesse, l’étendue et la durée de la publicité accordée à la marque de la demanderesse, sa portée géographique, l’importance de son caractère distinctif inhérent ou acquis, le fait que les produits associés à la marque de la demanderesse soient confinés à une voie de commercialisation restreinte ou spécialisée ou qu’ils empruntent des voies multiples, ainsi que la mesure dans laquelle les marques sont perçues comme un gage de qualité. Voir en général F. W. Mostert, Famous and Well-Known Marks : An International Analysis (1997), p. 11-15; INTA, Protection of Well-Known Marks In the European Union, Canada and the Middle East (octobre 2004).

[75]  La prise en compte de ces facteurs généraux indique que l’achalandage attaché aux marques United est important. L’achalandage ou la réputation pourraient être démontrés, entre autres, au moyen d’un caractère distinctif acquis, de la durée d’emploi (la demanderesse emploie les marques de commerce en cause depuis 1939 et 1995), des ventes (le revenu d’exploitation de United en 2015 s’élevait à plus de 37 milliards de dollars américains), de la publicité et du marketing (illustrés par les campagnes publicitaires et les activités de stratégie de marque de la demanderesse) et d’une reproduction intentionnelle. Ces éléments ont été décrits plus en détail ci-dessus en ce qui concerne les facteurs de l’analyse en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce.

[77]  La demanderesse a raison qu’une preuve abondante a été présentée à l’égard de la réputation qui génèrera de l’achalandage, que la Cour suprême a défini ainsi dans Veuve Clicquot :

50  La Loi ne définit pas l’achalandage.  Dans son sens commercial ordinaire, ce terme s’entend de l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents.  Dans Manitoba Fisheries Ltd. c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 101, p. 108, la Cour a adopté la définition suivante du terme « achalandage » :

[traduction] « Achalandage » est un terme utilisé parfois pour désigner une clientèle toute prête, dont la valeur réside dans ses fortes chances de continuité.  Mais, dans son sens commercial, le terme peut signifier beaucoup plus que cela.  Comme le fait observer lord Macnaghten, dans Inland Revenue Commissioners v. Muller & Co.’s Margarine Ltd., [1901] A.C. 217, 224, il est « la force attractive qui amène la clientèle » et peut consister non seulement en contacts commerciaux mais aussi en bien d’autres choses telles que : des locaux particuliers, une longue expérience dans une sphère spécialisée ou une bonne réputation en liaison avec un nom commercial ou une marque de commerce.  Il est en quelque sorte forgé par l’effort qui ajoute à la valeur de l’entreprise.

(Citant le lord juge en chef MacDermott dans Ulster Transport Authority c. James Brown and Sons Ltd., [1953] N.I. 79, p. 109-110)

[Souligné dans l’original.]

52  Dans Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co., [1968] 2 R.C. de l’É. 552, le juge Thurlow a adopté la définition suivante de l’achalandage attaché à une marque de commerce, à la p. 573 :

[traduction] [L]’achalandage attaché à une marque de commerce est la partie de l'achalandage de l’entreprise de son propriétaire qui consiste dans l’ensemble des avantages, quels qu’ils soient, tirés de la réputation et des liens que l’entreprise a établis par des années de labeur honnête ou au prix de dépenses considérables, et qui est identifiée aux biens distribués par le propriétaire en liaison avec la marque de commerce.

Celle-ci comprend la durée en affaires (depuis 1998), la progression des ventes (atteignant près de 50 millions de dollars en 2014 pour croître à près de 100 millions de dollars l’an dernier), la visibilité significative, la publicité, la qualité du travail tel que reconnu par la clientèle.

[78]  Le dommage causé à la réputation de la marque de commerce de la demanderesse peut consister en la perte de contrôle sur sa marque. La Cour d’appel disait dans Sadhu Singh Hamdard Trust que « la présence du préjudice requis pour présenter une demande fondée sur la commercialisation trompeuse peut être établie au moyen d'une preuve de la perte de contrôle sur la réputation, l'image ou l'achalandage » (para 31). La Cour d’appel s’était exprimée au même effet dans Cheung c Target Event Production Ltd., 2010 CAF 255, 87 CPR (4th) 287, aux paras 24 à 28. Le paragraphe 28 donne bien le ton :

[28]  Les arrêts cités ci-dessus enseignent que l’utilisation de la marque de commerce peut causer à son propriétaire une perte réelle du contrôle de sa marque, malgré l’absence du propriétaire dans le marché en cause. Une telle perte suffit à fonder le troisième élément du critère tripartite. Lus dans leur totalité, les motifs de la juge du procès démontrent qu’un tel préjudice a été établi au procès. La conclusion de la juge du procès que Target a subi des préjudices suffisants pour satisfaire au critère juridique pertinent ne comporte aucune erreur manifeste et dominante.

[79]  La question du dommage, à ne pas confondre avec le quantum des dommages (Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, section 4.6) aura été le parent pauvre. La défenderesse n’a rien contesté à cet égard, ni dans ses représentations orales, ni dans son plan détaillé d’argumentation. Il en résulte que la seule preuve et les seuls arguments sont ceux de la demanderesse. Or, celle-ci a mis en preuve son image de marque au centre de sa stratégie d’entreprise, la grande qualité de ses services, la satisfaction de sa clientèle. Elle a plaidé le peu de soin de la publicité de la défenderesse auprès de ses consommateurs, le fait que le site internet n’a pas été mis à jour depuis 2013 et le témoignage de M. Corbeil que le suivi après-vente était au mieux sporadique. On renote aussi un constat d’infraction au Technical Standards and Safety Act, 2000, S.O. 2000, c. 16, en 2008. Bref, la perte de contrôle de la marque de la demanderesse, qui ne voudrait pas se voir associée à la marque de la défenderesse qui ne correspond pas à l’image de marque qu’elle veut projeter, cause un dommage à sa réputation et son achalandage. En l’absence de contestation de quelque manière, le poids de la preuve favorise la demanderesse et elle a donc satisfait aux trois conditions requises pour l’application de l’alinéa 7b) de la Loi.

[80]  La question du quantum des dommages au titre de la commercialisation trompeuse fait l’objet d’une entente entre les parties. La Cour observe toutefois qu’il aurait été surprenant qu’ils puissent être significatifs étant données les circonstances de cette affaire. Enfin, la Cour note qu’aucune conclusion particulière au sujet de l’alinéa 7b) n’a été demandée. Par ailleurs, la Cour note qu’à l’ordonnance du 3 août 2017 émise par M. le protonotaire Morneau, celui-ci écrivait que l’une des questions à trancher était de déterminer si la défenderesse a « commis des actes de commercialisation trompeuse » (para 2c.).

VII.  Remède

[81]  Toute la question des remèdes a été grandement évacuée lorsque les parties ont décidé de s’entendre à cet effet. Les parties conviennent que l’injonction demeure le remède pouvant être imposé. C’est le paragraphe 53.2(1) de la Loi qui trouve application :

53.2 (1) Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction ou autrement des produits, emballages, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de tout équipement employé pour produire ceux-ci.

53.2 (1) If a court is satisfied, on application of any interested person, that any act has been done contrary to this Act, the court may make any order that it considers appropriate in the circumstances, including an order providing for relief by way of injunction and the recovery of damages or profits, for punitive damages and for the destruction or other disposition of any offending goods, packaging, labels and advertising material and of any equipment used to produce the goods, packaging, labels or advertising material.

[82]  Pour seul argument au sujet de l’imposition d’une injonction, la défenderesse avait originellement cherché à se prévaloir des dispositions de l’article 21 de la Loi. Cet argument a été abandonné par la défenderesse par la suite. Il s’ensuit que la demanderesse a droit à l’injonction permanente demandée.

[83]  Dans sa déclaration, la demanderesse a d’abord évoqué le dernier des remèdes nommés au paragraphe 53.2(1), soit la destruction de différents objets par la demanderesse ou la défenderesse. Pourtant, la déclaration se conclut par la réquisition de dommages et l’imposition d’une injonction permanente. Par ailleurs, le mémoire de la demanderesse relatif à la conférence préparatoire (31 mars 2017) répète sous le titre « Les conclusions recherchées » vouloir bénéficier d’une ordonnance pour que l’une ou l’autre des parties détruise les éléments portant le terme « axis »  et toute autre marque ou nom commercial créant confusion. En revanche, ledit mémoire inclut dans les questions à trancher les dommages et l’émission d’une injonction, mais on ne touche mot de la destruction des manifestations de la marque de la défenderesse. Au procès, il n’a pas non plus été question de cette destruction, ni en preuve, ni en plaidoirie, ni dans les soumissions écrites des parties. La demanderesse n’a parlé que de sa demande d’injonction permanente alors que la défenderesse déclare au paragraphe 57 de son plan d’argumentation que « (l)a demanderesse demande actuellement : a. Une injonction …; b. des dommages … ».

[84]  Une partie qui se voit condamnée pour violation d’une marque de commerce et pour commercialisation trompeuse en fonction de la marque de commerce, et est aussi soumise à une injonction permanente, aurait mieux fait de ne pas y contrevenir par l’emploi de sa marque ou de toute marque ou nom commercial créant de la confusion. Il se peut donc que l’ordonnance de la Cour permettant de détruire les éléments, ou que la défenderesse ne le fasse elle-même, est redondante vu les faits de cette affaire.

[85]  Plutôt que de considérer caduque cette demande particulière de la demanderesse, ou de la rejeter, il est plus prudent de requérir des parties qu’elles fassent connaître leurs intentions à cet égard. Il m’apparaît probable qu’elles puissent s’entendre rapidement. Les parties auront donc dix jours à compter de la date du présent jugement pour aviser la Cour de leurs intentions à l’égard d’une ordonnance relative à la destruction de certains éléments.

VIII.  Dépens

[86]  La défenderesse a fait une demande relativement aux dépens à être payés qui était quelque peu étonnante. Se fondant sur une décision de la Cour supérieure du Québec, Industries Lassonde inc. c Oasis d'Olivia inc., 2010 QCCS 3901, [2010] RJQ 2440, elle plaidait, si j’ai bien compris, ceci :

  • si la Cour conclut que la défenderesse doit prévaloir, elle a droit à ses dépens;

  • si, en plus, la Cour conclut qu’il y a abus de procédure en ce que la demanderesse a intenté une poursuite dont les chances de succès étaient minces, abusant de sa puissance commerciale, ce qui justifierait l’imposition de dépens sur la base avocat-client;

  • si c’est la demanderesse qui a gain de cause, les dépens ne devraient être accordés que sous la Colonne 1.

[87]  La décision sur laquelle la défenderesse se fonde a été renversée par la Cour d’appel du Québec (2012 QCCA 593) sur la question précise présentée par la défenderesse. La Cour d’appel note essentiellement que l’accusation en était une d’intimidation (para 9) et qu’il faut une preuve offerte à cet égard (paras 10 et 19 à 22). Qui plus est, entreprendre des procédures pour faire cesser l’utilisation d’une marque n’a rien de répréhensible (para 14).

[88]  À tout événement, c’est plutôt la demanderesse qui a gain de cause et il n’y a aucune raison d’accorder des dépens à la défenderesse. La Cour ne voit pas davantage de raison d’ordonner des dépens selon la Colonne 1 du Tarif B.

IX.  Confidentialité

[89]  La confidentialité de certains documents présents au dossier de la Cour sera traitée dans une autre ordonnance rendue en même temps que les présents « jugement et motifs ».


JUGEMENT au dossier T-2532-14

LA COUR ÉMET l’ordonnance suivante :

  1. La Cour déclare que la défenderesse, Axis Heating and Air Conditioning Inc., a violé les droits exclusifs de 3469051 Canada Inc. dans la marque de commerce enregistrée AXXYS TMA 759,387, contrevenant ainsi à l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce.

  2. La Cour constate qu’Axis Heating and Air Conditioning Inc. a commis des actes de commercialisation trompeuse, en violation avec l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

  3. La Cour émet une ordonnance d’injonction permanente enjoignant Axis Heating and Air Conditioning Inc., tant par elle-même que par le biais de ses administrateurs et officiers, employés, représentants et agents, de même que par le biais de toute entreprise, société ou compagnie à laquelle elle est liée, dans laquelle elle a des intérêts ou qui est sous son autorité ou contrôle, directement ou indirectement, incluant à titre de licencié, de :

  i.  cesser d’enfreindre les droits exclusifs de 3469051 Canada Inc. dans l’enregistrement TMA 759,387 pour la marque AXXYS;

  ii.  cesser d’offrir en vente, de vendre, de promouvoir, d’annoncer ou autrement commercialiser des services d’installation de systèmes de chauffage ou de climatisation et des services connexes en liaison avec :

  • a) la marque de commerce ou le nom commercial AXIS HEATING AND AIR CONDITIONING INC.;

  • b) toute autre marque de commerce ou nom commercial qui crée de la confusion avec la marque de commerce au numéro 759,387, AXXYS, ou autrement diminue la valeur de l’achalandage relié à ladite marque de commerce ou nom commercial comportant le terme « axis », seule ou avec d’autres mots ou symboles;

  1. Les dépens sont ordonnés en faveur de la demanderesse 3469051 Canada Inc. Les parties sont invitées à se consulter à cet égard.

  2. Quant à une ordonnance sous le paragraphe 53.2(1) de la Loi sur les marques de commerce pour la disposition par destruction ou autrement de différents objets, la Cour confère aux parties un délai de dix (10) jours depuis la date du présent jugement et ses motifs pour préciser leurs intentions.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2532-14

INTITULÉ :

3469051 CANADA INC. c AXIS HEATING AND

AIR CONDITIONING INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LEs 1, 2 et 3 avril 2019

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

LE 27 aoüt 2019

COMPARUTIONS :

Camille Aubin

Cara Parisien (stagiaire)

Pour lA DEMANDERESSE

Simon Corriveau

Odile Adams

Pour le défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robic, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

Pour lA DEMANDERESSE

Cain Lamarre, S.E.N.C.R.L.

Val d’Or (Québec)

Pour la défenderesse

 

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