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Date : 20010524

Dossier : IMM-3589-99

Référence neutre : 2001 CFPI 520

ENTRE :

                                       MILOSAVA LECIC

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

MONSIEUR LE JUGE MacKAY

[1]    La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire et l'annulation d'une décision de la Section du statut de réfugié (le tribunal), datée du 6 juillet 1999, selon laquelle la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.


[2]    La demanderesse, Mme Lecic, est née en 1947 en Serbie, qui faisait alors partie de la Yougoslavie. En 1952, elle a déménagé avec sa famille à Sarajevo où elle est allée à l'école, puis à l'université, et où elle s'est mariée et a divorcé. Lorsque la guerre a éclaté en Bosnie en 1992, elle a déménagé avec sa famille, c'est-à-dire son père et sa soeur, en Serbie où ils ont obtenu le statut de réfugiés. Selon son témoignage, ils étaient traités comme des réfugiés, vivaient dans des camps de réfugiés, bénéficiaient du soutien minimal de l'État et n'avaient pas le droit de voter ni de circuler librement.

[3]    En 1996, sous l'égide du HCNUR, elle s'est rendue à Sarajevo en espérant pouvoir racheter l'appartement que sa famille possédait auparavant, mais n'y étant pas parvenue, elle est retournée en Serbie où elle est demeurée jusqu'en 1998.

[4]    Au cours de 1998, son père, à qui elle avait prodigué ses soins depuis déjà quelque temps, est décédé du cancer. Un mois après le décès de son père, en avril 1998, elle a obtenu un passeport serbe et un visa de visiteur pour venir au Canada. Elle a témoigné qu'elle avait obtenu le passeport par l'entremise d'un responsable compatissant. Dès son arrivée au Canada, le 2 juin 1998, elle a revendiqué le statut de réfugiée.


[5]                 Bien que le tribunal ait conclu que le témoignage de la demanderesse était dans l'ensemble crédible et digne de foi, il a considéré que ce témoignage ne faisait pas toute la lumière sur l'obtention de son passeport. Même si le tribunal a admis qu'un responsable serbe peut avoir compati à la situation de la demanderesse, il a aussi conclu, en se fondant sur de la preuve documentaire, qu'en date de décembre 1997, la Serbie accordait la citoyenneté serbe à des citoyens de Bosnie sans que ceux-ci soient obligés d'abandonner leur citoyenneté bosniaque. Le tribunal a considéré que la demanderesse était l'une des personnes qui avaient bénéficié de l'entente entre la Serbie et la Bosnie-Herzégovine et des changements qui en résultaient relativement aux lois sur la citoyenneté serbe.

                                                         

[6]                 Le tribunal a de plus reconnu, en se fondant sur le témoignage de la demanderesse et sur plusieurs éléments de preuve documentaire, que les réfugiés en Serbie avaient eu par le passé à affronter des problèmes importants. Par contre, le tribunal a conclu que la demanderesse n'avait pas démontré qu'elle aurait continué à avoir le statut de réfugiée en Serbie, étant donné qu'elle avait obtenu la citoyenneté et un passeport serbes. De plus, étant donné que la demanderesse avait un passeport serbe, il n'a pas été établi que, selon la prépondérance des inconvénients, elle serait traitée comme une réfugiée en Serbie, et même si tel était le cas, le tribunal ne considérait pas qu'elle serait persécutée si elle retournait en Serbie.


[7]                 On a fait valoir au nom de la demanderesse que le tribunal n'avait pas pris en compte son témoignage sous serment et plusieurs éléments de preuve documentaire, notamment quant au statut de réfugiée de la demanderesse en Serbie et au traitement des réfugiés par la Serbie, même si la demanderesse et d'autres dans la même situation avaient la citoyenneté serbe. Je ne suis pas convaincu que le tribunal n'a pas pris en compte cette preuve, et, en fait, dans sa décision, il existe certaines références à cette preuve. À mon avis, le tribunal a agi dans les limites de sa compétence et ses conclusions étaient fondées sur la preuve dont il disposait. On ne peut pas dire de ces conclusions de fait qu'elles sont arbitraires ou qu'elles ne prennent pas en compte la preuve soumise.

[8]                 On a de plus fait valoir au nom de la demanderesse que le tribunal avait commis une erreur de droit en concluant qu'elle n'avait pas raison de craindre d'être persécutée si elle devait retourner en Serbie. Pourtant, la conclusion était fondée sur le fait que la demanderesse avait obtenu un passeport serbe, qu'elle pouvait obtenir la citoyenneté serbe et que, même si elle était considérée comme étant une réfugiée en Serbie et que ses déplacements puissent être restreints, que ses possibilités d'emploi puissent être limitées et qu'elle ne puisse pas choisir librement son lieu de résidence, elle n'aurait pas à subir de la persécution en Serbie au sens de l'un des motifs énoncés dans la Convention.

[9]                 Finalement, on a fait valoir que le tribunal n'avait pas examiné attentivement toute la preuve soumise par la demanderesse et en son nom. Au début de la décision, qui a été rendue verbalement à la fin de l'audience, le président d'audience a déclaré :

[TRADUCTION]

« [...] mon collègue et moi avons eu l'occasion d'échanger brièvement au cours approximativement de la dernière demi-heure et d'une pause antérieure, juste après la présentation des arguments. Nous avons eu l'occasion d'examiner toute la preuve dans cette affaire [...] »


[10]            On a fait valoir que cette déclaration montre que le tribunal a rendu une décision à la hâte sans avoir examiné attentivement l'affaire. Cependant, la Cour d'appel a confirmé, dans l'arrêt Isiaku c. M.C.I., (20 septembre 1999, A-403-98 (C.A.F.)), en rejetant l'appel de la décision de M. le juge Weston, qu'il n'y a pas d'erreur à rendre verbalement des motifs à la fin d'une audience et à les mettre par la suite par écrit, tel que cela a été fait dans la présente affaire. Dans l'affaire Badurdeen c. M.C.I. (17 mars 1999, dossier IMM-1312-98) (C.F. 1re inst.)), M. le juge Evans, alors juge à la Section de première instance, faisant remarquer qu'il incombait à la SSR de rendre une décision sans délai, a confirmé la pratique qui consiste à rendre une décision défavorable au demandeur peu après que sa demande a été entendue.

[11]            À mon avis, le fait qu'une décision est rendue à la fin d'une audience ne signifie pas automatiquement que le tribunal a fait défaut d'examiner la preuve pertinente dont il disposait. Il faut qu'il soit établi que, n'eût été son omission de considérer certains éléments de preuve ou son interprétation grandement erronée de ces éléments de preuve, le tribunal aurait pu tirer une conclusion différente. Cela ne ressort pas dans la présente affaire. À mon avis, les conclusions du tribunal et sa décision finale sont justifiables compte tenu de la preuve soumise.

[12]            Dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Une ordonnance distincte est rendue à cet effet.


[13]            Les avocats des deux parties ont indiqué n'avoir aucune question devant être certifiée aux termes du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration. Aucune question n'est certifiée.

                                                                           « W. Andrew MacKay »             

                                                                                                             Juge                       

OTTAWA (Ontario)

Le 24 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


Date : 20010524

Dossier : IMM-3589-99

OTTAWA (Ontario), le 24 mai 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay

ENTRE :

                                       MILOSAVA LECIC

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section du statut de réfugié, en date du 6 juillet 1999, selon laquelle la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention;

APRÈS AVOIR ENTENDU l'avocat de la demanderesse et l'avocat du défendeur, à Toronto (Ontario), le 24 août 2000, date à laquelle la Cour a décidé de surseoir au prononcé de sa décision, et vu l'examen des arguments alors soumis;

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

                                                                           « W. Andrew MacKay »             

                                                                                                            Juge.                       

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                               IMM-3589-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          MILOSAVA LECIC c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 24 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      MONSIEUR LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :                                     LE 24 MAI 2001

ONT COMPARU

DOROTHY E. FOX                                                         POUR LA DEMANDERESSE

ANDREA HORTON                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER         

DOROTHY FOX                                                             POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

MORRIS ROSENBERG                                                 POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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