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Dossier : T-468-15

Référence : 2019 CF 1082

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 août 2019

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL, S.A.

demanderesse

et

ZARA NATURAL STONES INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Industria de Diseno Textil, S.A. (Industria) interjette appel de la décision rendue le 19 janvier 2015 par la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission), au nom du registraire des marques de commerce, dans laquelle elle rejetait son opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement de marque de commerce présentée par Zara Natural Stones Inc. (Natural Stones).

[2]  Pour les motifs qui suivent, l’appel sera accueilli, et l’affaire sera renvoyée à la Commission pour nouvelle décision.

I.  LE CONTEXTE ET LA DÉCISION CONTESTÉE

[1]  Le 2 mai 2011, Natural Stones a présenté la demande d’enregistrement no 1525938 pour la marque de commerce « ZARA NATURAL STONES & Dessin » (le dessin-marque) fondée sur un emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes (les marchandises) :

[traduction

Blocs de pavage, nommément blocs de pavage pour pavés calibrés, ensembles de blocs de pavage circulaires, blocs de pavage en pierre des champs, ensembles de blocs de pavage octogonaux, blocs sous forme de dalles pour pavés et jardins, blocs de pavage à surface brossée, blocs de pavage à surface sablée, blocs de pavage en pierre plate pour mosaïque ou blocs de pavage irréguliers, blocs de pavage en pierre plate taillés en carré, blocs de pavage polis.

Pierres de pavage, nommément pierres de pavage pour pavés calibrés, ensembles de pierres de pavage circulaires, pierres de pavage en pierre des champs, ensembles de pierres de pavage octogonales, pierres sous forme de dalles pour pavés et jardins, pierres de pavage à surface brossée, pierres de pavage à surface sablée, pierres de pavage en pierre plate pour mosaïque ou pierres de pavage irrégulières, pierres de pavage en pierre plate taillées en carré, pierres de pavage polis.

Carreaux de pavage, nommément carreaux de pavage pour pavés calibrés, ensembles de carreaux de pavage circulaires, carreaux de pavage en pierre des champs, ensembles de carreaux de pavage octogonaux, carreaux sous forme de dalles pour pavés et jardins, carreaux de pavage à surface brossée, carreaux de pavage à surface sablée, carreaux de pavage en pierre plate pour mosaïque ou carreaux de pavage irréguliers, carreaux de pavage en pierre plate taillés en carré, carreaux de pavage polis.

Pierres, nommément pierres de couronnement à bords arrondis, pierres pour margelles, pierres pour bordures, pierres de couronnement taillées à la main, pierres pour bordures de trottoirs, pierres naturelles à bords arrondis à la main pour dessus de colonne, pierres pour murets et ouvrages de maçonnerie pour aires piétonnières, parcs et jardins, pierres de couronnement pour contours de piscine, pierres ciselées à la main pour dessus de colonne, pierres à bords moulurés pour dessus de colonne, pierres lisses pour dessus de colonne, pierres pour pas japonais, pierres sphériques lisses pour dessus de colonne, pierres pour la construction d’assises rocheuses, pierres pour la construction de marches, pierres pour la construction de murets, pierres de couronnement pour murets.

[2]  Le dessin-marque est reproduit ci-dessous :

[3]  Industria détenait déjà à ce moment un certain nombre de marques de commerce déposées qui comprenaient le mot « ZARA ». En outre, le 17 septembre 2003, elle avait présenté la demande d’enregistrement no 1191134 pour une autre marque de commerce, ZARA HOME, qui vise des marchandises dont la liste s’étend sur plus de 10 pages, y compris des [traduction« revêtements de sol, nommément : lamelles pour plancher, carreaux pour pavés ». La description complète des marchandises visées dans cette demande est jointe aux présentes en annexe.

[4]  Le 21 février 2012, Industria a déposé, en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [la Loi], une déclaration d’opposition qui a par la suite été modifiée à deux reprises. Comme la Commission l’a décrit dans sa décision, les motifs d’opposition soulevés par Industria peuvent être regroupés en trois catégories : (1) ceux qui concernent la non-conformité à l’article 30 de la Loi; (2) ceux qui ont trait à l’absence de caractère distinctif de la marque aux termes des articles 2, 48 et 50 de la Loi; (3) ceux qui sont liés à la probabilité que la marque crée de la confusion avec les marques de commerce d’Industria constituées du mot ZARA et avec le nom commercial Zara d’Industria. Les parties ne contestent pas ce regroupement.

[5]  Devant la Commission, chacune des parties a produit une preuve et des observations écrites; celles présentées par Industria se limitaient toutefois à trois paragraphes. Le 27 novembre 2014, la Commission a tenu une audience à laquelle les deux parties ont participé.

[6]  Le 19 janvier 2015, la Commission a rejeté l’opposition présentée par Industria à l’encontre du dessin-marque.

[7]  La Commission a d’abord reconnu que c’était à Natural Stones qu’il incombait de démontrer que sa demande ne contrevenait pas aux dispositions de la Loi, comme il était allégué dans la déclaration d’opposition. La Commission a ensuite reconnu qu’Industria devait pour sa part s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquelles elle appuyait ses allégations. La Commission a par la suite rejeté sommairement un certain nombre des motifs d’opposition invoqués par Industria, de sorte qu’il ne restait que ceux fondés sur la probabilité de confusion : l’enregistrabilité aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, le droit à l’enregistrement aux termes des alinéas 16(3)a) et b) ainsi que le caractère distinctif aux termes de l’alinéa 2a).

[8]  La Commission s’est ensuite penchée sur la probabilité de confusion entre le dessin-marque de Natural Stones (1) et les marques de commerce déposées d’Industria (2) et la marque de commerce ZARA HOME d’Industria, qui n’a pas encore été enregistrée, liées à des [traduction« revêtements de sol, nommément : lamelles pour plancher, carreaux pour pavés ». Seule l’analyse de la marque de commerce ZARA HOME par la Commission est pertinente à l’égard du présent appel.

[9]  Afin de déterminer s’il y avait une probabilité de confusion, la Commission a énoncé le critère prévu au paragraphe 6(2), a renvoyé aux arrêts de la Cour suprême du Canada Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 [Mattel], Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot], ainsi que Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 [Masterpiece], et a analysé les éléments énumérés au paragraphe 6(5).

[10]  La Commission s’est exprimée ainsi dans son analyse des facteurs indiqués au paragraphe 6(5) :

a) le facteur du « caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus » ne joue en faveur d’aucune des parties : il n’y a aucune preuve de la mesure dans laquelle la marque de commerce ZARA HOME d’Industria est devenue connue au Canada;

b) le facteur de « la période pendant laquelle les marques de commerce […] ont été en usage » ne favorise aucune des parties : il n’y a aucune preuve de l’usage des marques des parties au Canada;

c) les facteurs du « genre de produits » et de « la nature du commerce » jouent en faveur d’Industria : il est clair qu’il existe un recoupement entre les « carreaux pour pavés » — des produits visés par la marque de commerce ZARA HOME d’Industria — et les marchandises; l’affirmation selon laquelle leurs voies de commercialisation sont différentes n’est que pure spéculation;

d) le facteur du « degré de ressemblance » est important et il joue en faveur de Natural Stones : les « marques sont différentes, aussi bien sur les plans visuel et sonore que dans les idées qu’elles suggèrent »; « [le dessin-]marque comporte des caractéristiques visuelles distinctes » et il « est suggesti[f] des Marchandises, tandis que la marque de commerce ZARA HOME [d’Industria] est suggestive de l’environnement dans lequel les marchandises [d’Industria] pourraient être utilisées » (décision de la Commission, au paragraphe 64).

[11]  La Commission a donc conclu que le dessin-marque n’était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque ZARA HOME d’Industria, qui n’a pas encore été enregistrée, et a rejeté l’opposition soulevée par Industria.

[12]  Le 30 mars 2015, Industria a présenté une demande devant la Cour fédérale en vertu de l’article 56 de la Loi, afin d’interjeter appel de la décision rendue par la Commission.

[13]  Dans le cadre du présent appel, les parties ont toutes deux produit une preuve supplémentaire. Industria a déposé l’affidavit de M. Alain Bédard, archiviste à l’emploi de l’avocat d’Industria, souscrit le 14 août 2015. Natural Stones a déposé les affidavits de M. Hasnain Ali Khatau, président de Natural Stones, souscrit le 13 septembre 2015, et de M. Brandon Chung, étudiant en droit, souscrit le 13 août 2015. Les deux ont été contre-interrogés par Industria.

II.  L’AFFAIRE EN PARALLÈLE

[14]  Il est utile à ce stade de décrire une instance parallèle mettant en cause les mêmes parties. Le 18 juin 2012, Natural Stones a présenté la demande d’enregistrement no 1582505 d’une marque de commerce formée du mot ZARA (le mot servant de marque), fondée sur l’emploi au Canada et visant les mêmes marchandises que celles couvertes par sa demande d’enregistrement du dessin-marque. Le 21 février 2013, Industria a déposé une déclaration d’opposition à l’encontre de cette demande également.

[15]  Dans cette affaire parallèle, la Commission a entre autres conclu que Natural Stones ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date pertinente, le mot servant de marque n’était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce ZARA HOME d’Industria. La Commission a conclu que les marques se ressemblaient l’une l’autre et qu’il existait clairement un recoupement entre les marchandises de Natural Stones et les produits couverts par la demande d’Industria.

[16]  La Commission a donc tiré les mêmes conclusions que celles énumérées au paragraphe 11 ci-dessus, hormis en ce qui concerne le facteur du « degré de ressemblance », pour lequel elle s’est exprimée ainsi :

[72]  En définitive, je considère que les marques en cause se ressemblent. La partie dominante de la marque de commerce ZARA HOME est l’élément initial ZARA. Il a été dit que le premier élément d’une marque de commerce est souvent le plus important [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst);]. [Le mot servant de marque de Natural Stones] est identique à la première partie de la marque de commerce ZARA HOME [d’Industria], qui en est aussi la partie dominante. Cet important facteur joue en faveur [d’Industria].

[17]  La Commission a donc conclu que le mot servant de marque de Natural Stones ressemblait à la marque de commerce ZARA HOME d’Industria et qu’elle portait sans doute à confusion avec celle-ci.

III.  LES OBSERVATIONS DES PARTIES

A.  La thèse d’Industria

(1)  La norme de contrôle

[18]  Industria soutient que l’appel à l’encontre d’une décision rendue par la Commission est assujetti à la norme du caractère raisonnable ou, si de nouveaux éléments de preuve présentés en appel avaient pu avoir un effet considérable sur la décision de la Commission, à la norme de la décision correcte (Mattel, au par. 40; United Grain Growers Ltd c Michener (2001), 12 CPR (4th) 89 (CAF), au par. 8).

[19]  Industria soutient que la preuve supplémentaire produite par Natural Stones devant la Cour n’aurait pas eu un effet considérable sur les conclusions tirées par la Commission. Elle explique que la preuve supplémentaire n’a d’incidence sur aucune des circonstances énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi et qu’elle n’étaye pas les arguments que Natural Stones entend présenter. Industria insiste également sur le fait que ces arguments ne sont pas pertinents pour la question en litige, soit l’appréciation déraisonnable du degré de ressemblance entre les marques faite par la Commission, vu l’appréciation faite dans l’affaire parallèle.

(2)  La probabilité de confusion

[20]  Industria précise que son appel se limite à l’appréciation qu’a faite la Commission quant au degré de ressemblance entre les marques de commerce, c’est-à-dire l’alinéa 6(5)e) de la Loi; elle ne conteste pas l’analyse des autres facteurs indiqués au paragraphe 6(5) de la Loi (mémoire de la demanderesse, au par. 49).

[21]  Industria soutient que la décision contestée n’est ni correcte ni raisonnable, puisque la Commission a commis une erreur en n’appliquant pas le même raisonnement que celui qu’elle avait suivi dans l’affaire parallèle en ce qui concerne le degré de ressemblance. Industria conteste le fait que la partie dominante de la marque « ZARA » constituait un facteur important dans la décision parallèle, alors qu’elle avait été complètement écartée dans la décision en l’espèce, et ce, alors même qu’elle est exactement la même.

[22]  En se fondant sur l’arrêt Masterpiece, Industria soutient que la Commission aurait dû conclure que le mot « ZARA » était l’aspect le plus frappant du dessin-marque, et comme elle l’a conclu dans la décision parallèle, qu’il est identique à la première partie de la marque de commerce ZARA HOME, en plus d’en être la partie dominante. Industria ajoute que les caractéristiques de conception du dessin-marque font primer le premier mot « ZARA » et renforcent sa thèse selon laquelle le mot « ZARA » est l’aspect le plus frappant du dessin-marque.

[23]  Industria se fonde sur le paragraphe 78 de la décision rendue par la Cour fédérale dans Restaurants la Pizzaiolle inc c Pizzaiolo Restaurants inc, 2015 CF 240 [Pizzaiolle CF], qui mentionne ce qui suit :

En somme, cette différenciation dans le traitement de la question de la probabilité de confusion, et en particulier du concept d’emploi ultérieur, des deux Marques que la défenderesse cherche à faire enregistrer, a, à mon avis, opéré un bris dans la rationalité de la décision du Registraire, ce qui l’a fait glisser hors du champ des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[24]  Dans l’arrêt Pizzaiolo Restaurants inc c Les Restaurants La Pizzaiolle inc, 2016 CAF 265 [Pizzaiolo CAF], la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision rendue dans Pizzaiolle CF. En se fondant sur les paragraphes 28 à 32, Industria fait valoir qu’il conviendrait de suivre le même raisonnement en l’espèce, c’est-à-dire que, lorsque l’on examine les deux marques dans le même contexte, comme l’exige l’arrêt Masterpiece (avec le même style de lettrage, de couleur et de dessin), ZARA HOME et le dessin-marque ne sont pas plus différents que ZARA HOME et le mot servant de marque. Industria ajoute que les mots « Natural Stones » sont clairement descriptifs et qu’ils n’ajoutent donc que très peu de caractéristiques distinctives au dessin-marque.

[25]  Industria insiste sur le fait que la Commission a appliqué le mauvais critère lorsqu’elle s’est concentrée sur les « caractéristiques visuelles distinctives » du dessin-marque et qu’elle aurait plutôt dû se pencher sur son élément frappant, soit le mot ZARA.

B.  La thèse de Natural Stones

(1)  La norme de contrôle

[26]  Natural Stones affirme qu’en l’espèce, la preuve supplémentaire n’aurait pas eu un effet considérable sur la décision de la Commission; elle aurait toutefois eu un effet considérable sur les facteurs liés au caractère distinctif inhérent, au genre des marchandises et aux voies de commercialisation, qui ont été tranchés en faveur d’Industria (mémoire de la défenderesse, aux par. 32, 39 et 40). C’est donc la norme de contrôle de la décision correct qui devrait être appliquée à ces facteurs, tandis que la norme du caractère raisonnable devrait être appliquée à la décision de la Commission (mémoire de la défenderesse, aux par. 40 et 66).

[27]  Natural Stones ne présente aucune autre observation à l’appui de sa thèse selon laquelle la preuve supplémentaire aurait eu un effet considérable sur le facteur du « caractère distinctif inhérent ». En fait, Natural Stones déclare plus loin qu’il a été conclu que ce facteur ne jouait en faveur d’aucune des parties (mémoire de la défenderesse, au par. 118).

[28]  En ce qui concerne sa thèse selon laquelle la preuve supplémentaire aurait eu un effet considérable sur le facteur du « genre de produits », Natural Stones souligne que la Commission ne possédait aucune preuve de l’usage de la marque de commerce ZARA HOME, ce qui la rendait incapable de déterminer le type d’entreprise ou de commerce probable visé par Industria pour ZARA HOME. Natural Stones affirme que la Commission n’aurait pas conclu que les produits des parties se recoupaient, si elle avait obtenu une preuve supplémentaire de l’usage réel de la marque de commerce ZARA HOME.

[29]  En ce qui concerne sa thèse selon laquelle la preuve supplémentaire aurait eu un effet considérable sur le facteur des « voies de commercialisation », Natural Stones réitère que la Commission a supposé que les voies de commercialisation des parties se recoupaient, parce qu’elle ne possédait aucune preuve de l’usage de la marque de commerce ZARA HOME. Natural Stones prétend qu’elle a produit une preuve de l’usage de la marque de commerce ZARA HOME afin d’expliquer les activités d’Industria et les voies de commercialisation de Natural Stones, sans en dire plus.

(2)  La probabilité de confusion

[30]  Natural Stones soutient que la Commission a rendu une décision raisonnable et correcte. Bien que l’appel interjeté par Industria se limite à l’appréciation du facteur du « degré de ressemblance » faite par la Commission, Natural Stones présente également des arguments sur d’autres critères.

[31]  Natural Stones déclare que le critère applicable à la confusion est « celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il […] ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur » (Veuve Clicquot, au paragraphe 20). Elle maintient que, en tenant compte de la nouvelle preuve, les facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi penchent en faveur d’une conclusion selon laquelle il n’y a aucune probabilité de confusion au Canada.

[32]  En ce qui concerne le facteur du « genre de produits et d’entreprises », la Commission a conclu en faveur d’Industria. Natural Stones prétend que ce facteur aurait joué en sa faveur, vu la nouvelle preuve, qui montre l’usage de la marque de commerce ZARA HOME par Industria en Espagne et au Canada. Cela sous-entend que la marque de commerce est utilisée pour l’ameublement et des objets décoratifs. Natural Stones soutient également que les produits des parties ne se recoupent pas, parce que ceux d’Industria sont des revêtements de sol, classés dans la catégorie 27 du système de classification de Nice, tandis que les produits de Natural Stones sont des matériaux de construction non métalliques appartenant à la catégorie 19.

[33]  En ce qui concerne le facteur des « voies de commercialisation », la Commission a conclu en faveur d’Industria. Natural Stones prétend que ce facteur aurait joué en sa faveur, vu la nouvelle preuve, qui montre l’usage réel de la marque de commerce ZARA HOME et qui démontre que les parties vendent leurs produits dans des types d’endroits différents qui visent des types de consommateurs différents. Natural Stones fait valoir que la preuve relative aux voies de commercialisation réelles est préférable à une spéculation sur de nouveaux projets et que la nature du commerce peut être suffisamment différente pour écarter toute possibilité de confusion (Sum-Spec Canada c Imasco Retail Inc, 30 CPR (3rd) 7, au par. 13).

[34]  En ce qui concerne les facteurs du « caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues » et de la « période », Natural Stones souscrit à la conclusion de la Commission selon laquelle ils ne jouent en faveur d’aucune des parties.

[35]   En ce qui concerne le facteur du « degré de ressemblance », celui qu’Industria conteste, Natural Stones maintient qu’il a été apprécié de façon raisonnable : la Commission a cité et appliqué l’arrêt Masterpiece de la Cour suprême du Canada et elle a jugé, au paragraphe 64 de la décision, que le dessin-marque possédait des caractéristiques visuelles distinctives. Natural Stones soutient que la Commission n’avait pas à prendre en considération l’ensemble des usages possibles et non identifiés de la marque de commerce ZARA HOME d’Industria (Domaines Pinnacle Inc c Constellation Brands Inc, 2016 CAF 302, au par. 10 [Domaines Pinnacle]). Dans son mémoire, Natural Stones ne réplique pas à l’argument avancé par Industria selon lequel la Commission aurait dû suivre le même raisonnement que celui qu’elle avait suivi dans l’affaire parallèle.

[36]  Natural Stones ajoute qu’Industria n’a produit aucune preuve de confusion réelle et que l’absence de confusion réelle est un facteur important (Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA, 2002 CAF 29).

IV.  ANALYSE

A.  La norme de contrôle

[37]  Les parties conviennent que l’appréciation du degré de ressemblance faite par la Commission, soit le seul élément que la demanderesse, Industria, conteste, est susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable; Natural Stones reconnaît que la nouvelle preuve n’a aucun effet considérable sur ce critère.

[38]  Les parties conviennent également que la conclusion définitive tirée par la Commission devrait être contrôlée selon la norme du caractère raisonnable, puisque la preuve supplémentaire présentée à la Cour n’aurait pas eu un effet considérable sur la conclusion de la Commission (mémoire de la demanderesse, aux par. 37 et 38; mémoire de la défenderesse, aux par. 34, 67 et 126).

[39]  Étant donné que la Commission a conclu en faveur de Natural Stones et que la preuve supplémentaire ne vise que les facteurs jouant en faveur d’Industria, la Cour souscrit à l’opinion des parties selon laquelle cette preuve supplémentaire n’aurait pas eu un effet considérable sur la conclusion d’improbabilité de confusion tirée par la Commission. La norme du caractère raisonnable s’applique donc à la décision de la Commission.

B.  La probabilité de confusion

[40]  Comme il a déjà été mentionné, Natural Stones a présenté une demande d’enregistrement pour deux marques de commerce : le mot ZARA et le logo ZARA Natural Stones & Dessin. Industria s’est opposée à ces deux demandes en raison, entre autres, de la probabilité de confusion avec ses propres marques de commerce.

[41]  Dans les deux instances, la Commission a analysé la probabilité de confusion entre les marques de commerce de Natural Stones et la marque de commerce ZARA HOME d’Industria, qui n’avait pas encore été approuvée aux fins d’enregistrement au moment où les décisions ont été rendues.

[42]  L’analyse faite par la Commission sur la probabilité de confusion entre les marques de commerce de Natural Stones et la marque de commerce ZARA HOME, qui n’a pas encore été enregistrée, est identique dans les deux décisions, sauf pour le degré de ressemblance.

[43]  Dans la décision examinée en l’espèce, la Commission a conclu en faveur de Natural Stones, ce qui signifie que le dessin-marque ne ressemble pas à ZARA HOME et qu’il est improbable qu’il crée de la confusion avec ZARA HOME. En particulier, la Commission s’est exprimée ainsi :

[64] Comme je l’ai mentionné précédemment, le [dessin-]marque comporte des caractéristiques visuelles distinctives. [Il] est suggesti[f] des Marchandises, tandis que la marque de commerce ZARA HOME [d’Industria] est suggestive de l’environnement dans lequel les marchandises [d’Industria] pourraient être utilisées. Considérées dans leur ensemble, les marques des parties sont différentes, aussi bien sur les plans visuel et sonore que dans les idées qu’elles suggèrent. […]

[44]  Dans la décision parallèle, cependant, la Commission a conclu en faveur d’Industria, en ce que le mot servant de marque ressemble à ZARA HOME et qu’il est probable qu’il crée de la confusion avec ZARA HOME. En particulier, la Commission s’est exprimée ainsi :

[72] En définitive, je considère que les marques en cause se ressemblent. La partie dominante de la marque de commerce ZARA HOME est l’élément initial ZARA. Il a été dit que le premier élément d’une marque de commerce est souvent le plus important [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst);]. [Le mot servant de marque de Natural Stones] est identique à la première partie de la marque de commerce ZARA HOME [d’Industria], qui en est aussi la partie dominante. Cet important facteur joue en faveur [d’Industria].

[45]  Dans les deux cas, la Commission analysait la ressemblance entre des marques de commerce dans lesquelles le premier mot ou le seul mot est « ZARA ». Dans l’une des décisions, la Commission s’est penchée sur la première composante et son impact, ce qui l’a menée à conclure que le mot « ZARA » était la composante la plus importante de la marque de commerce de chacune des parties; dans l’autre décision, toutefois, elle n’a pas mentionné l’importance du mot « ZARA ». La Cour suprême du Canada a conclu, au paragraphe 63 de l’arrêt Masterpiece, que le premier mot est important lorsqu’il s’agit d’apprécier la ressemblance entre deux marques de commerce. Il est toutefois impossible de conclure, selon les motifs exposés par la Commission dans ces deux instances, qu’elle a pris en considération cet élément dans son analyse de la probabilité de confusion entre le dessin-marque et ZARA HOME (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62).

[46]  La Cour fédérale a déclaré, dans la décision Pizzaiolle CF, décision que la Cour d’appel fédérale a confirmée, que « cette différenciation dans le traitement de la question de la probabilité de confusion, et en particulier du concept d’emploi ultérieur, des deux Marques que la défenderesse cherche à faire enregistrer, a, à mon avis, opéré un bris dans la rationalité de la décision du Registraire » (Pizzaiolle, au par. 78). De même, en l’espèce, la différenciation faite par la Commission dans le traitement de l’importance du premier mot « ZARA » dans ses deux décisions a opéré un bris dans la rationalité de la décision contestée, ce qui l’a fait glisser hors du champ des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

[47]  Le caractère intelligible de la décision rendue par la Commission est encore plus apparent, puisqu’elle n’a pas limité son examen à l’effet visuel du dessin-marque. Elle a conclu que « les marques des parties sont différentes, aussi bien sur les plans visuel et sonore que dans les idées qu’elles suggèrent » [non souligné dans l’original]. Même si je devais présumer que la Commission a considéré que les éléments graphiques du dessin-marque étaient suffisamment distinctifs pour constituer la partie dominante et la plus importante du dessin-marque, ce qui me porterait donc à conclure que les marques de commerce des parties sont suffisamment différentes sur le plan visuel, ce raisonnement ne soutient pas une conclusion selon laquelle les marques de commerce sont également différentes sur le plan sonore. Il semble clair que, sur le plan sonore, l’élément dominant des deux marques de commerce est le mot « ZARA », comme la Commission l’a conclu dans sa décision parallèle.

[48]  Natural Stones a également présenté un certain nombre d’arguments sur l’analyse d’autres facteurs par la Commission, que je n’examinerai pas, parce que la demanderesse, Industria, n’a pas soulevé ces questions.




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