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Date : 20190820


Dossier : IMM‑3546‑18

Référence : 2019 CF 1085

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 août 2019

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

MUHAMMAD AFZAL WATTO

demandeur

et

CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

[1]  Le demandeur, Muhammad Afzal Watto, est un consultant en immigration membre du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada [le CRCIC], l’un des défendeurs en l’espèce. Une procédure disciplinaire concernant une plainte déposée contre M. Watto est pendante devant un jury composé de trois membres du Comité de discipline du CRCIC. Comme le prévoient les Règles de procédure du Comité de discipline du CRCIC, deux des membres du jury font partie du CRCIC. Le troisième membre du jury ne fait pas partie du CRCIC. M. Watto a contesté la légalité de la composition du jury saisi de son dossier en affirmant que la participation au jury d’une personne qui n’est pas membre du CRCIC est contraire à l’article 158 de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, LC 2009, c 23 [la LCOBNL], loi en vertu de laquelle le CRCIC est constitué. Le jury a rejeté cet argument. M. Watto a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision. Dans un jugement et des motifs rendus le 30 juillet 2019, j’ai rejeté sa demande de contrôle judiciaire (Watto c Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, 2019 CF 1024).

[2]  Lors de l’audition de la demande, il a été convenu que les avocats devraient avoir l’occasion d’examiner le jugement et les motifs de la Cour avant de présenter des observations sur toute question grave de portée générale qui, à leur avis, devrait être certifiée en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[3]  Dans mes motifs antérieurs, j’ai expressément demandé aux parties d’aborder les conséquences, s’il en est, de la promulgation récente de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté (section 15 de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2019, LC 2019, c 29) pour ce qui est de savoir si une question grave de portée générale se pose en l’espèce. Cette loi a reçu la sanction royale le 21 juin 2019, mais elle n’est pas encore entrée en vigueur.

[4]  M. Watto et le CRCIC ont tous deux présenté des observations écrites utiles. Le ministre n’a toutefois présenté aucune observation.

[5]  M. Watto propose les questions suivantes aux fins de certification :

[traduction]

Le comité de discipline a‑t‑il eu raison d’établir qu’il avait été dûment constitué conformément à l’article 158 de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif même s’il comprend un non‑membre du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada?

L’article 158 de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif permet‑il aux non‑membres d’une organisation à but non lucratif de régime fédéral de participer à une procédure disciplinaire engagée en vertu de la Loi?

[6]  Le CRCIC s’oppose à la certification de ces questions.

[7]  Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu qu’aucune question ne doit être certifiée.

[8]  Aux termes de l’alinéa 74d) de la LIPR, le jugement consécutif au contrôle judiciaire d’une décision rendue à l’égard d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application de cette loi n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève « une question grave de portée générale » et énonce celle‑ci. Cette condition préalable a été interprétée comme signifiant qu’une question est susceptible d’être certifiée seulement si elle « [est] déterminante quant à l’issue de l’appel, [transcende] les intérêts des parties au litige et [porte] sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale ». De plus, la question ne doit pas être de la nature d’un renvoi et la réponse à cette question ne doit pas dépendre des faits qui sont uniques à l’affaire ou des motifs du juge : Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, au par. 46; Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, au par. 16; Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au par. 36.

[9]  À mon avis, conformément à la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté qui a été promulguée, aucune des questions proposées par M. Watto n’est une question grave de portée générale, comme l’exige l’alinéa 74d) de la LIPR.

[10]  En résumé, la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté crée un nouvel organisme de réglementation des consultants en immigration et en citoyenneté. Cet organisme remplacera le CRCIC même si cette loi dispose expressément que le CRCIC peut demander au ministre une prorogation en application de la Loi ainsi que l’autorisation d’assumer les nouveaux rôles définis dans la Loi (voir le paragraphe 84(1)). Cette loi prévoit également la poursuite devant le Collège des affaires pendantes devant le CRCIC, notamment les affaires relatives aux plaintes et à la discipline (voir l’alinéa 84(7)i)). Détail crucial pour l’examen du présent dossier, l’article 8 prévoit expressément que la LCOBNL « ne s’applique pas au Collège ». Bien que la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté ne soit pas encore entrée en vigueur, il ne fait apparemment aucun doute que le CRCIC sera remplacé par ce nouveau Collège.

[11]  Puisque cette loi n’est pas encore entrée en vigueur, je ne suis pas convaincu que les questions soulevées par M. Watto sont théoriques. À tout le moins, elles ne le sont pas encore. Je suis néanmoins convaincu que l’intention manifeste du législateur de remplacer le CRCIC par un nouvel organisme et sa déclaration sans équivoque selon laquelle la LCOBNL ne s’applique pas à ce nouvel organisme ont rendu pratiquement sans pertinence la question de savoir si, compte tenu de l’article 158 de la LCOBNL, un comité de discipline qui entend une plainte concernant un consultant en immigration comme M. Watto peut inclure une personne qui n’est pas membre du CRCIC. À l’heure actuelle, cette question ne transcende pas les intérêts des parties. Qui plus est, une fois que la nouvelle loi entrera en vigueur, cette question n’intéressera plus les parties.

[12]  La question subsidiaire proposée par M. Watto est formulée en termes plus généraux que la première question et ne met donc pas en cause les conséquences immédiates de la création du nouveau Collège. J’estime toutefois que cette question est en fait de la nature d’un renvoi au sens de l’article 158 de la LCOBNL, ce qui n’est pas permis en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR.

[13]  Pour ces motifs, aucune question de portée générale n’est soulevée et aucune ne sera certifiée.

[14]  Enfin, en réponse à une question soulevée dans une lettre du CRCIC datée du 16 août 2019, le sursis à la procédure disciplinaire ordonné par la Cour le 28 août 2018 est révoqué en date du présent jugement supplémentaire, car le présent jugement tranche de façon définitive la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3546‑18

LA COUR STATUE que :

  1. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de septembre 2019

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3546‑18

 

INTITULÉ :

MUHAMMAD AFZAL WATTO c CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 19 février 2019

 

jugement et motifs supplémentaires :

le juge NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 AOÛT 2019

 

COMPARUTIONS :

William J. Macintosh

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Robert W. Staley

Ian W. Thompson

 

POUR LE DÉFENDEUR LE CONSEIL DE rÉglementATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA

 

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macintosh Law

Sechelt (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bennett Jones LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

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