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Date : 20190808


Dossier : T-1638-18

Référence : 2019 CF 1061

Ottawa (Ontario), le 8 août 2019

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

DERRICK VOLPI, JEAN MICHEL PAUL ET AL.

demandeurs

et

SERVICE DE PROTECTION PARLEMENTAIRE

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.  Aperçu

[1]  M. Derrick Volpi demande le contrôle judiciaire d’une décision arbitrale rendue le 14 août 2018 par Me Marie-Claire Perrault, arbitre de grief nommée par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, par laquelle l’arbitre rejette le grief individuel qu’il a déposé contre son employeur, le Service de Protection Parlementaire [SPP]. M. Volpi demande à être rémunéré pour sa pause-repas, notamment afin de tenir compte des restrictions que lui impose le port du nouvel uniforme des agents du SPP.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II.  Faits

[3]  M. Volpi est employé du SPP, un organisme créé en 2015 par certains amendements apportés à la Loi sur le parlement du Canada, LRC 1985, c P-1, en réaction à l’attaque armée survenue au Monument Commémoratif et au Parlement en octobre 2014. Le SPP est responsable de la sécurité sur la Colline Parlementaire et dans la Cité Parlementaire. Cette dernière couvre tous les édifices où se tiennent les activités de la Chambre des Communes, du Sénat et de leurs divers comités.

[4]  M. Volpi est membre de l’Association des employé(e)s du Service de sécurité (AESS) de la Chambre des communes. Le SPP est l’employeur successeur de la Chambre des Communes et il est lié par la convention collective signée par cette dernière et l’AESS le 30 octobre 2012, laquelle était en vigueur au moment du grief.

[5]  Depuis la création du SPP, un certain nombre de changements ont été apportés aux pratiques des agents de sécurité du Parlement et plusieurs pièces d’équipement à usage restreint ont été ajoutées à leur uniforme. L’employeur a également émis une directive verbale interdisant aux agents de sécurité de sortir du périmètre connu comme étant la Cité armée opérationnelle (délimitée par la rivière des Outaouais au nord, la rue Kent à l’ouest, la rue Queen coté nord au sud et par le canal Rideau à l’est) avec leur uniforme. En conséquence, les agents de sécurité qui désirent sortir de la Cité armée opérationnelle pendant leur pause-repas et se rendre, par exemple, dans le marché By ou au Centre Rideau, doivent dorénavant se rendre aux casiers de l’édifice Wellington pour se changer et ranger leur équipement à usage restreint. Ils ont tenté de démontrer devant l’arbitre qu’il fallait en moyenne 25 minutes 45 secondes pour s’y rendre et se déséquiper et autant pour se rééquiper et retourner à leur poste de travail. Presque toute la pause-repas d’une heure serait donc occupée à des tâches effectuées au bénéfice de l’employeur.

III.  Décision contestée

[6]  L’arbitre fait une revue de la jurisprudence applicable à la rémunération des pause-repas et en retire un certain nombre de paramètres. De façon générale, lorsqu’un employé est tenu de demeurer disponible pour répondre aux besoins de son employeur ou pour effectuer certaines tâches en dehors de ses heures de travail, il a droit à une rémunération (Association des juristes de Justice c Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2015 CRTEFP 31 conf. Association des juristes de Justice c Canada (Procureur général), 2017 CSC 55; Steinberg Inc v United Food and Commercial Workers International Union, Local 486, [1985] OLAA No 5 (QL)). Même chose lorsqu’il est de garde et tenu de réagir instantanément (Olynyk et le Conseil du Trésor (Solliciteur général), [1985] CRTFPC no 122 (QL)). En tout état de cause, le libellé de la convention collective est crucial à l’analyse (Canada (Procureur général) c Paton, 1990 1 CF 351 (CAF); Hutchison c Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2015 CRTEFP 32; Martin v Canada (Treasury Board), 1990 FCJ No 939 (CAF)). Cependant, une rémunération supplémentaire ne sera versée que lorsque le travail supplémentaire est exigé par l’employeur (Annapolis Valley District Health Authority and Nova Scotia Government and General Employees Union, 177 LAC (4th) 218 (NSLRB)). Les employés devant demeurer disponibles pendant leur heure de repas se voient parfois, mais pas systématiquement, reconnaitre le droit à une certaine rémunération.

[7]  L’arbitre retient également trois principes de la sentence arbitrale Nova Scotia (Attorney General) v PANS, [1993] NSLAA No 8: (1) lorsque l’employeur ordonne à un employé d’effectuer une tâche, l’employé est au travail et a droit à une rémunération; (2) lorsque l’employeur offre à un employé l’opportunité d’effectuer une tâche, une rémunération peut être payable dans certains cas; et (3) lorsqu’un employé accomplit volontairement une tâche qui constituerait normalement du travail, aucune rémunération n’est payable puisque la tâche a été accomplie volontairement.

[8]  La convention collective qui régissait les relations de travail au SPP au moment du grief prévoit que les pauses-repas sont non-rémunérées, sauf si l’employé est tenu de demeurer sur son lieu de travail.

[9]  Quant au temps requis pour revêtir l’uniforme complet et le retirer – incluant le remisage de l’équipement à usage restreint, la preuve présentée devant l’arbitre est largement contradictoire. M. Volpi a tenté de démontrer qu’il fallait environ 25 minutes par segment alors que l’employeur a tenté de démontrer que deux minutes suffisent. Après avoir apprécié la preuve offerte, l’arbitre estime qu’un minimum de 10 minutes est nécessaire, de sorte qu’au moins 20 minutes sont grugées sur l’heure du repas.

[10]  Puisque la convention collective prévoit que la pause-repas est généralement non-rémunérée, l’arbitre estime que les demandeurs ont le fardeau de démontrer que la directive de l’employeur imposant le remisage de l’uniforme afin de quitter la Cité armée opérationnelle enfreint la convention collective. En l’absence d’une telle violation, l’arbitre estime qu’elle ne peut ordonner le paiement d’une rémunération qui n’est pas prévue dans la convention collective ou dans une autre entente entre les parties (Maple Leaf Fresh Foods Brandon v UFCW, Local 832, [2010] MGAD No 30).

[11]  L’arbitre est d’avis que le « lieu de travail » des agents du SPP se limite à leur poste de travail respectif et ne s’étend pas à l’ensemble de la Cité armée opérationnelle. Ils n’exercent pas leurs fonctions dans l’ensemble de la Cité armée opérationnelle, mais seulement dans les espaces de la Colline Parlementaire où se trouvent les députés de la Chambre des communes.

[12]  Distinction subtile s’il en est une, mais elle conclut que le port de l’uniforme indique qu’ils sont en service, mais pas nécessairement en fonction ou en devoir. Les agents du SPP peuvent utiliser leur heure de repas à leur guise, même s’ils doivent porter l’uniforme. Tout employé doit se soumettre au code vestimentaire de son lieu de travail, et ce code vestimentaire continu à s’appliquer pendant la pause-repas.

[13]  L’arbitre conclut donc que puisque les demandeurs demeurent maîtres de leurs temps pendant la pause-repas, ils n’ont pas droit à une rémunération additionnelle.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[14]  La présente demande de contrôle judiciaire ne soulève qu’une seule question :

L’arbitre a-t-elle erré en concluant que M. Volpi et les agents du SPP n’avaient pas droit à être rémunérés pour leur pause-repas?

[15]  M. Volpi soutient que si l’arbitre a omis de tenir compte d’éléments de preuve déterminants, il y a violation d’une règle d’équité procédurale et la décision devrait être soumise à la norme de la décision correcte (Rakheja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 633 au para 19; Syndicat des salariés des produits de céramique et autres (CSN) c Commission des relations du travail, 2013 QCCS 5694 au para 51). Il concède toutefois que tous ses autres arguments sont soumis à la norme de la décision raisonnable.

[16]  Le SPP est plutôt d’opinion que puisque M. Volpi conteste les conclusions factuelles de l’arbitre, la seule norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux paras 54-55; Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 aux paras 7, 54). Le contrôle des conclusions de fait d’un tribunal administratif exige une extrême retenue de la part de la Cour (Stewart c Elk Valley Coal Corp, 2017 CSC 30 au para 27; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 16; Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c Montréal (Ville), [1997] 1 RCS 793 au para 85; Jean Pierre c Canada (Immigration et Statut de réfugié), 2018 CAF 97 aux paras 52-58, 62, 66).

[17]  Je suis d’accord avec le SPP. La norme de la décision raisonnable s’applique à la décision de l’arbitre puisque tous les arguments de M. Volpi soulèvent des questions de fait, ou des questions mixtes de fait et de droit.

[18]  La Cour d’appel fédérale a effectivement confirmé que la norme de contrôle applicable à la décision d’un arbitre de grief nommé par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral est celle de la décision raisonnable (Canada (Procureur général) c Alliance de la fonction publique du Canada, 2019 CAF 41 au para 34). Il faut également tenir compte de la clause privative que l’on retrouve à l’article 72 de la Loi sur les relations de travail au Parlement et de l’interprétation donnée au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F-7, lesquels militent toutes deux en faveur d’un haut degré de déférence à l’endroit des conclusions de l’arbitre (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 72; Stelco Inc c British Steel Canada Inc, [2000] 3 CF 282 (CAF) aux paras 14, 21-26).

V.  Analyse

A.  L’arbitre a-t-elle omis de considérer l’argument subsidiaire de M. Volpi

[19]  M. Volpi soumet que l’arbitre a omis de considérer tout un pan de son grief. Il demande principalement que toute l’heure de repas soit rémunérée puisque les agents demeurent captifs de l’employeur; ils doivent garder l’uniforme complet, ils doivent garder leur radio ouverte et branchée à leur oreillette et ils doivent répondre aux gens qui les interpellent en raison de leur uniforme. S’il devait y avoir une urgence sur la Colline Parlementaire, ils seraient appelés à intervenir.

[20]  Toutefois, il demande subsidiairement que si l’arbitre devait conclure qu’ils ne doivent pas être rémunérés pour toute l’heure du repas, ils devraient minimalement recevoir une rémunération pour le temps requis pour regagner leur liberté, soit pour les 20 minutes nécessaires pour retirer l’uniforme et le remettre. C’est ce dernier volet qui, selon M. Volpi, manque à l’analyse. En omettant de disposer de cet argument sérieux, l’arbitre aurait rendu une décision incomplète qui manque d’intelligibilité et de transparence (Société Radio-Canada c Lauzon, 2017 QCCS 993 au para 43).

[21]  Contrairement à ce que fait valoir le SPP, M. Volpi n’a pas scindé son grief devant l’arbitre; il est clair à la lecture du paragraphe 108 de son mémoire, qu’il a demandé d’être rémunéré pour le temps passé à se changer, dans l’éventualité où une rémunération ne serait pas accordée pour l’heure complète :

108. […] Et même si c’était le cas, les plaignants seraient toujours captifs pendant 30-40 minutes et devraient être rémunérés pour cette période.

[22]  Toutefois, je suis d’avis que l’arbitre a bien saisi la position de M. Volpi et le fait qu’il faisait valoir un argument subsidiaire. Elle note, au paragraphe 69 de ses motifs que :

La question à trancher est de savoir si cela veut dire que les membres ont droit soit à être rémunérés pendant la pause repas soit à recevoir une prime pour le temps nécessaire pour mettre et enlever l’équipement.

[23]  L’arbitre retient ultimement que les employés sont maîtres de leur temps pendant toute la pause-repas. En d’autres termes, ils sont libres de faire ce qu’ils désirent, incluant de quitter la Cité armée opérationnelle, à condition de retirer leur uniforme. L’employeur ne leur impose toutefois pas de retirer et de remettre leur uniforme pendant la pause-repas. Puisque le temps requis pour ce faire découle du choix personnel de l’employé de quitter la Cité armée opérationnelle, il ne doit pas être rémunéré (Nova Scotia (Attorney General) v PANS, [1993] NSLAA No 8).

[24]  Je suis d’avis que cette conclusion traite adéquatement des deux volets du grief de M. Volpi.

B.  Temps de déplacement

[25]  Tel qu’indiqué précédemment, l’arbitre a retenu de la preuve que le temps requis pour retirer et remettre l’uniforme complet était de 20 minutes. Or, M. Volpi soumet qu’elle a omis de tenir compte du temps de déplacement entre le poste de travail de l’agent et les casiers qui se trouvent à l’édifice Wellington, lequel était inclus dans sa propre évaluation de 50 minutes.

[26]  Or, je suis plutôt d’avis qu’une lecture de l’ensemble des motifs de l’arbitre permet de conclure qu’elle a tenu compte du temps de déplacement pour se rendre aux casiers. Au paragraphe 23, elle note que la preuve révèle que les casiers sécurisés se trouvent « au deuxième sous-sol d’un édifice situé sur la rue Wellington ». Au paragraphe 30, elle ajoute que « des casiers sécurisés sont disponibles dans tous les édifices où travaillent les membres du SPP » et au paragraphe 66, elle retient ultimement que les « casiers sécurisés sont dans des salles désignées, dont l’accès exige un certain temps ». Bien qu’elle reconnaisse qu’un certain temps est nécessaire pour accéder à l’une de ces salles, elle ne retient pas que le seul endroit où les agents peuvent ranger leur équipement à usage restreint soit l’édifice Wellington.

[27]  À cela s’ajoute le fait que sa conclusion factuelle s’inscrit dans l’analyse de la preuve contradictoire présentée par les deux parties qui, dans un cas comme dans l’autre, incluait le temps de déplacement requis pour se rendre aux casiers. Sa conclusion doit logiquement inclure le temps de déplacement.

C.  Preuve considérée

[28]  M. Volpi soumet que l’arbitre a omis de tenir compte d’éléments de preuve déterminants. D’abord, elle aurait ignoré une décision rendue par le prédécesseur du SPP en date du 23 janvier 2012, par laquelle on accorde le grief des agents et on confirme leur droit à une rémunération supplémentaire pour le temps requis au retrait et au rangement de leur équipement, avant et après leurs quarts de travail.

[29]  Lors de son témoignage, le directeur du Service de protection de la Chambre des communes a par ailleurs reconnu que le temps requis pour revêtir et retirer l’uniforme doit être considéré comme du temps de travail au bénéfice exclusif de l’employeur, et qu’il doit être rémunéré.

[30]  L’arbitre aurait finalement omis de tenir compte de la Politique sur la tenue vestimentaire et la conduite, qui prévoit, à son article 2.2, que les employés sont en service lorsqu’ils portent l’uniforme.

[31]  Si l’arbitre avait tenu compte de ces éléments, soumet M. Volpi, elle aurait au minimum conclu que le temps passé par les employés à s’équiper est du temps de travail devant être rémunéré.

[32]  Avec respect, je suis d’avis que la décision du 23 janvier 2012 n’a que peu de pertinence en l’espèce. Elle concerne le temps requis pour se changer avant et après le quart de travail des agents. Puisque les agents ne peuvent quitter la Cité armée opérationnelle avec leur uniforme, ils doivent le retirer à la fin de leur quart de travail avant de quitter. Il s’agit donc d’une exigence de l’employeur qui doit être remplie à l’extérieur des heures normales de travail. C’est pour cette raison qu’une rémunération additionnelle est versée aux agents. À nouveau, aucune telle exigence n’est imposée aux agents durant la pause-repas.

[33]  Le même commentaire s’applique au témoignage du directeur du Service de protection de la Chambre des communes au sujet du temps de préparation requis avant et après le quart de travail des agents.

[34]  Finalement, le paragraphe 2 de l’article 2.2 de la Politique sur la tenue vestimentaire et la conduite ne prévoit pas, comme le fait valoir M. Volpi, que les agents sont en service lorsqu’ils portent l’uniforme. Il prévoit plutôt que les agents doivent porter l’uniforme lorsqu’ils sont en service. Il y a là une distinction importante et je suis d’avis qu’une interprétation correcte de cette disposition rend tout à fait inutile la distinction faite par l’arbitre entre « être en service » et « être en fonction ou en devoir ». À mon sens, les agents ne sont ni en service ni en devoir durant leur pause-repas.

[35]  L’arbitre n’a donc pas omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents et déterminants.

D.  Analyse de l’arbitre

[36]  M. Volpi soumet que l’arbitre a mal saisi la question en litige; plutôt que de déterminer s’il devait être rémunéré pour le temps requis pour se changer pendant sa pause-repas, elle s’est demandé si l’exigence du port de l’uniforme et du remisage sécuritaire de l’équipement à usage restreint enfreignait la convention collective.

[37]  M. Volpi plaide que puisque les agents sont captifs pendant leur pause-repas, ils doivent être considérés en fonction et être rémunérés. La preuve démontre que la vaste majorité d’entre eux demeurent en uniforme pendant leur pause-repas et ne sortent donc pas de la Cité armée opérationnelle. S’il devait y avoir une urgence nécessitant une intervention sur la Colline Parlementaire, ils seraient appelés en renfort. Ils demeurent également sujets à une inspection de leur uniforme par leurs supérieurs. Finalement, ils se font régulièrement accoster par les touristes et autres passants et ils pourraient être pris pour cible en raison de leur uniforme.

[38]  Cependant, la preuve démontre également qu’il n’y a eu dans le passé que 2 ou 3 incidents nécessitant une intervention durant la pause-repas et que les agents qui sont venus en renfort alors qu’ils étaient en pause ont été rémunérés pour leur travail.

[39]  À mon sens, l’arbitre s’est posé la bonne question et elle a adéquatement analysé la preuve qui lui a été présentée, à la lumière de la jurisprudence pertinente.

[40]  Elle a raisonnablement conclu que les agents du SPP ne peuvent réclamer de rémunération que s’ils s’ont appelés à travailler pendant leur temps de pause (Annapolis Valley District Health Authority and Nova Scotia Government and General Employees Union, 177 LAC (4th) 218 (NSLRB)).

[41]  Elle a considéré les dispositions pertinentes de la convention collective qui prévoient que la pause-repas est non-rémunérée, sauf si les agents sont tenus de rester sur leur lieux de travail, lequel ne s’étend pas à l’ensemble de la Cité armée opérationnelle.

[42]  M. Volpi avait donc le fardeau de démontrer que du simple fait qu’il soit tenu de demeurer en uniforme à l’intérieur du périmètre de la Cité armée opérationnelle pendant la pause-repas, il devait être considéré en fonction sur les lieux de son travail. C’est à juste titre que l’arbitre a conclu qu’il n’y était pas parvenu. Elle reconnait une certaine perte de liberté mais conclut que celle-ci n’est pas suffisante pour justifier une rémunération. Contrairement à ce qu’avance M. Volpi, il n’y a aucune contradiction entre le fait de ne pouvoir utiliser sa pause-repas entièrement librement et le fait que les agents soient néanmoins maîtres de leur temps. L’obligation de se conformer à certaines exigences de l’employeur ne donne pas automatiquement droit à rémunération lorsque la convention collective prévoit le contraire (Re Maple Leaf Fresh Foods Brandon and United Food & Commercial Workers, Local 832, [2010] MGAD No 30).

[43]  L’ironie dans la position de M. Volpi est que si l’on devait conclure que du simple fait d’avoir à porter l’uniforme pendant la pause-repas, les agents devraient être considérés en fonction et sur les lieux de leur travail, ils devraient alors être payés en temps supplémentaire. L’agent qui passe sa pause-repas dans une salle de repos ou au restaurent serait alors rémunéré en temps supplémentaire. Ce n’est pas ce que M. Volpi réclame expressément, mais puisque c’est ce que prévoit la convention collective, c’aurait été le résultat d’une décision favorable de l’arbitre.

[44]  Il est vrai que les conditions de travail des agents ont quelque peu changé en cours de période couverte par la convention collective, mais c’est justement la raison pour laquelle celles-ci sont à durée déterminée et font l’objet d’une nouvelle négociation à l’arrivée du terme.

E.  Le lieu de travail des agents du SPP

[45]  M. Volpi soumet que les agents du SPP exercent leurs fonctions dans l’ensemble de la Cité armée opérationnelle alors que le SPP est plutôt d’avis qu’ils sont limités à la Colline Parlementaire et aux espaces utilisés par les députés de la Chambre des communes.

[46]  Or, le représentant de l’AESS a admis en contre-interrogatoire que l’obligation des agents du SPP « d’assurer la sécurité des personnes et des biens ne s’applique qu’à la Colline du Parlement (les édifices du Parlement) et non à l’ensemble de la cité opérationnelle. Sur les rues Wellington, Sparks et Queen, par exemple, cette responsabilité revient au service de police d’Ottawa » (Décision, au para 28). L’arbitre a conclu de ce fait que le lieu de travail est l’endroit précis où un agent est en devoir et qu’à moins d’être en fonction pour la Chambre des communes, l’agent quitte son lieu de travail lorsqu’il se rend sur la rue Sparks ou Queen.

[47]  Je suis d’avis que l’arbitre a tiré une conclusion raisonnable à cet égard, compte tenu de la preuve administrée.

VI.  Conclusion

[48]  Je suis d’avis que l’arbitre a adéquatement considéré la preuve présentée par les parties et conclu que M. Volpi n’avait pas droit à une rémunération additionnelle pour sa pause-repas en raison de la directive du SPP imposant le port et le remisage sécuritaire de l’uniforme. Puisque la preuve démontre que le temps de pause appartient aux agents et que le SPP ne s’attend pas à ce qu’ils demeurent en fonction ou disponibles, l’arbitre a raisonnablement conclu que les agents du SPP n’avaient pas droit à une rémunération additionnelle.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que;

  1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

  2. Les dépens soient accordés au SPP.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1638-18

 

INTITULÉ :

DERRICK VOLPI, JEAN MICHEL PAUL ET AL. c SERVICE DE PROTECTION PARLEMENTAIRE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 juillet 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 AOÛt 2019

 

COMPARUTIONS :

Sylvain Beauchamp

 

Pour les demandeurs

 

George Vuicic

Anne Lemay

 

Pour le DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Melançon Marceau Grenier & Sciortino

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Ottawa (ON)

 

Pour le DÉFENDEUR

 

 

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