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Date : 20190813


Dossier : IMM-4211-17

Référence : 2019 CF 1070

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 août 2019

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

OBIDI CAROLINE EJEIHI

OBIDI ANDRELA NGOZICH

OBIDI ANDRE IKECHUKWU

OBIDI RICHARD OLISE-E

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR], de la décision datée du 19 septembre 2017 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR], datée du 24 février 2017, portant que les demandeurs n’ont ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR [la décision].

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie. La SAR a tiré une conclusion déterminante quant à la crédibilité sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Les autres conclusions, dont aucune n’était déterminante, ne suffisent pas à surmonter cette erreur.

II.  Contexte

[3]  Les demandeurs sont une mère et ses trois enfants mineurs, dont deux sont de faux jumeaux. Ils ont demandé l’asile à l’encontre du Nigéria en raison de la superstition selon laquelle les jumeaux portent malheur et de la crainte que la fille subisse une mutilation génitale féminine [MGF] alors que son frère jumeau serait obligé de regarder la cérémonie et de boire le sang qui aurait coulé de la plaie.

[4]  Bien que la famille du père des enfants soit favorable à la pratique du rituel, le père ne l’est pas. La mère et le père des enfants [le couple] appartiennent à deux tribus différentes au Nigéria, ce qui pose problème aux yeux des parents du père.

[5]  Les jumeaux sont nés en 2008. À ce moment, la famille du père a déclaré à la mère que les jumeaux étaient mauvais et qu’ils porteraient malheur à la famille. Ils devraient prendre part à un rituel de purification au cours duquel des incisions seraient pratiquées sur le visage et le torse du frère jumeau, alors la sœur jumelle serait excisée avant d’atteindre la puberté. Le sang résultant de l’excision serait mélangé à des herbes, et les enfants devraient boire ce mélange. La mère a refusé de faire exciser sa fille, et la question n’a plus été soulevée.

[6]  En avril 2014, la mère du père a dit à sa belle-fille que la date de l’excision de sa fille avait été fixée. Lorsque la mère de l’enfant a refusé, sa belle-mère lui a dit que l’excision serait pratiquée d’une façon ou d’une autre.

[7]  Le 15 mai 2016, une date a été fixée en septembre pour les rituels de naissance des jumeaux et l’excision. La mère a déménagé, mais moins de deux semaines plus tard, l’aîné lui a rendu visite pour lui dire qu’il la retrouverait partout, peu importe où elle se cachait, et qu’ils demanderaient à la police de les aider afin d’accomplir les rituels.

[8]  Le 3 septembre 2016, l’oncle du père a déclaré que l’enfant serait excisée le 15 septembre 2016. Avec le consentement du père, la mère et ses trois enfants ont obtenu des billets pour quitter le Nigéria. Ils sont arrivés au Canada le 9 septembre 2016 munis de visas canadiens et ont demandé l’asile.

III.  La décision de la SPR

[9]  La décision faisant l’objet du présent contrôle est celle rendue par la SAR. Comme la SAR siège en appel de la décision de la SPR, il est nécessaire de mentionner très brièvement les motifs pour lesquels la SPR a rejeté les demandes d’asile.

[10]  La SPR a jugé que la question déterminante était la crédibilité des allégations faites par les demandeurs. Plus précisément, elle a conclu que la mère n’était pas un témoin crédible. Son témoignage était incompatible avec d’autres éléments de preuve, elle a omis des éléments de preuve très pertinents dans son formulaire « Fondement de la demande d’asile » [FDA], elle n’a pas réussi à expliquer de façon raisonnable pourquoi elle n’avait pas présenté de demande d’asile lors d’un voyage aux États-Unis en 2016, elle est retournée au Nigéria et a tardé à quitter le pays.

IV.  La décision de la SAR

[11]  La SAR a confirmé la décision de la SPR et a rejeté l’appel.

[12]  La SAR a reconnu et correctement décrit le rôle du tribunal, exposé dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica]. Elle a indiqué qu’elle doit réaliser sa propre analyse du dossier pour déterminer si la SPR a commis une erreur.

[13]  Après avoir énoncé les faits, la SAR s’est penchée sur l’admissibilité des nouveaux éléments de preuve soumis par les demandeurs, à savoir un affidavit sous serment du père des enfants, daté du 7 avril 2017.

[14]  La SAR a examiné de façon assez détaillée les dispositions du paragraphe 110(4) de la LIPR, soulignant le caractère disjonctif du critère établi dans la jurisprudence de la Cour. En fin de compte, la SAR a rejeté l’affidavit et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’était pas pertinent pour trancher la demande. Par conséquent, la SAR a également rejeté la demande d’audience présentée par les demandeurs.

[15]  La SAR a procédé à une analyse approfondie de la preuve. Elle a passé en revue chacune des questions examinées par la SPR. Comme je l’ai déjà mentionné et l’expliquerai plus  en détail dans la section Analyse, la SAR a tiré une conclusion erronée et déterminante quant à la crédibilité sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

V.  Questions en litige

[16]  Les demandeurs soulèvent les trois questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur en évaluant la crédibilité des demandeurs?

  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en appréciant la preuve documentaire?

  3. La SAR a-t-elle commis une erreur en écartant les Directives du président?

[17]  La Cour a conclu que la SAR a bel et bien commis une erreur en évaluant la crédibilité des demandeurs. Il n’est pas nécessaire d’examiner les deux autres questions, puisque cette erreur rend la décision déraisonnable.

VI.  Norme de contrôle applicable

[18]  La norme de contrôle applicable lors de l’examen d’une décision de la SAR est celle de la décision raisonnable : Huruglica, par. 35.

[19]  Une décision est raisonnable si le processus décisionnel est justifié, transparent et intelligible et qu’il donne lieu à une décision qui appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2018 CSC 9, par. 47 [Dunsmuir].

[20]  Les motifs, considérés dans leur ensemble, « répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, par. 16 [Nurses].

[21]  La SAR n’est pas obligée d’examiner et de commenter chaque question soulevée par les parties. La cour de révision doit déterminer si la décision, examinée dans son ensemble et son contexte, est raisonnable : Nurses, par. 3.

VII.  Analyse

A.  Aperçu des positions des parties

[22]  De façon générale, les demandeurs contestent nombre des conclusions tirées par la SAR et analysent chacune d’entre elles.

[23]  Le défendeur souligne qu’un contrôle de chacune des conclusions ne permet pas de déterminer si l’issue est raisonnable. Il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve.

[24]  La Cour convient et reconnaît qu’il faut considérer le contrôle judiciaire comme un tout et s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’erreurs. En l’absence d’une constatation que la décision, au vu du dossier, se retrouve en dehors du champ des issues possibles raisonnables, elle ne doit pas être modifiée : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, par. 54.

[25]  Les demandeurs affirment que le témoignage sous serment de la mère a été écarté et que la SAR n’a pas appliqué le principe énoncé dans la décision Maldonado c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1980] 2 CF 302 (CA), selon lequel lorsqu’un demandeur jure qu’une allégation est vraie, elle est présumée véridique à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter.

[26]  Le défendeur soutient qu’à la lecture du dossier, plusieurs raisons poussent à croire le contraire et à ne pas considérer le témoignage sous serment comme étant véridique.

B.  Conclusion erronée quant à la crédibilité tirée par la SAR

[27]  Les demandeurs font valoir que la SAR a fait preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SPR et qu’elle n’a pas effectué d’évaluation indépendante de la preuve. Selon eux, bien que la SAR ait semblé procéder à une évaluation indépendante, elle a simplement examiné les conclusions de la SPR selon la norme de la décision raisonnable.

[28]  Le défendeur affirme que le fait que la SAR ait tiré les mêmes conclusions en matière de crédibilité que la SPR ne signifie pas qu’elle a fait preuve de déférence à l’égard de la SPR. Cela signifie simplement que les mêmes éléments de preuve ont soulevé des doutes quant à la crédibilité. La SAR a tiré ses conclusions en matière de crédibilité après avoir examiné la preuve, lu la transcription de l’audience et pris en considération les observations des demandeurs.

[29]  Pour déterminer qu’elle confirmerait la décision de la SPR, la SAR a examiné et analysé de façon indépendante le témoignage de la mère et la preuve documentaire.

[30]  La SAR a examiné trois éléments principaux pour aborder la question de la crédibilité : 1) les omissions dans le formulaire FDA au sujet des risques pour les jumeaux; 2) le défaut de demander l’asile aux États-Unis et le retour au Nigéria; et 3) le retard à quitter le Nigéria.

(1)  Le formulaire FDA n’omettait pas de mentionner les risques pour les jumeaux

[31]  Les risques présents au Nigéria soulevés par les demandeurs étaient que les jumeaux seraient obligés de prendre part à un rituel de purification. La fille du couple subirait une MGF. Des incisions seraient pratiquées sur le visage et le torse de son frère jumeau. Les jumeaux seraient alors obligés de boire une mixture composée du sang provenant de la MGF et d’herbes. Les incisions et le fait de boire le sang constituent le rituel de purification.

[32]  Selon la SPR, il y avait une incohérence dans la preuve concernant la date à laquelle la mère a été informée pour la première fois qu’un rituel de purification serait accompli. Dans son témoignage à l’audience de la SPR, la mère a affirmé qu’à la naissance des jumeaux en 2008, on lui a dit qu’il fallait faire certaines choses pour les purifier. La SPR a souligné que cette explication était [traduction] « complètement absente du » formulaire FDA. Selon l’exposé circonstancié du formulaire FDA, le rituel visant le frère jumeau est mentionné pour la première fois lorsqu’il est question de la visite de l’aîné en mai 2016, soit après le retour des demandeurs au Nigéria.

[33]  Dans leurs observations faites à la SAR, les demandeurs ont tenté de corriger la différence de dates en renvoyant à des parties de la transcription et de l’exposé circonstancié du formulaire FDA montrant que la mère avait mentionné à maintes reprises les rituels de naissance entourant les jumeaux. Elle a soutenu devant la SAR que les déclarations sous-entendaient une connaissance antérieure des rituels de naissance qui devaient avoir lieu.

[34]  En examinant les rituels de purification, la SAR a noté que, dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, la mère avait mentionné la rencontre avec le chef. Ce dernier lui a dit que des malheurs s’abattraient sur la famille parce que les rituels n’ont pas été accomplis. La SAR a noté l’observation de la mère selon laquelle elle n’avait pas altéré son récit dans son témoignage, mais avait simplement présenté des renseignements supplémentaires.

[35]  La SAR a ensuite énoncé d’importantes conclusions, qu’elle a décrites comme étant déterminantes, aux paragraphes 39 et 40 de la décision :

[39]  La SAR a lu les extraits pertinents de la transcription qui concernent les rituels proposés pour les jumeaux. L’appelante a été assez explicite à l’égard des processus compris dans la purification. L’exposé circonstancié du formulaire FDA de l’appelante ne contient aucun renseignement à l’égard des processus que comportent les rituels. L’appelante mentionne l’excision de sa fille avant que celle-ci atteigne la puberté, mais aucun des rituels de purification décrits dans son témoignage. La SAR tire une inférence défavorable quant à sa crédibilité à cet égard. L’une des questions déterminantes en l’espèce est le fait que ses jumeaux seraient exposés à la menace de rituels de purification et de circoncision; il s’agit du motif pour lequel elle aurait quitté le Nigéria. Il n’est pas crédible qu’elle n’ait pas inclus cette information dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA.

[40]  En ce qui concerne les observations de l’appelante selon lesquelles elle a simplement présenté des renseignements supplémentaires à l’audience, la SAR n’est pas d’accord. La description de ces rituels, dont elle aurait été informée en mai 2016, constitue une question cruciale pour la prise d’une décision relativement à cette demande d’asile. Il s’agit de faits qui font partie du fondement de la demande d’asile, pas de simples renseignements supplémentaires, et ils auraient dû être inclus dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA.

[Non souligné dans l’original.]

[36]  La SAR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les rituels n’étaient pas décrits dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA.

[37]  Au deuxième paragraphe de la deuxième page de l’exposé circonstancié du formulaire FDA, les demandeurs traitent de la visite de l’aîné, qui est le chef. La SAR renvoie à la rencontre avec le chef au paragraphe 38 de la décision, lorsqu’elle dit que, « [d]ans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, l’appelante mentionne la rencontre avec le chef, qui lui a dit que des malheurs s’abattraient sur la famille parce que les rituels n’ont pas été accomplis ».

[38]  Après avoir parlé de [traduction] « malheurs », l’exposé circonstancié du formulaire FDA poursuit à la prochaine phrase en décrivant explicitement les rituels :

[traduction]

Le chef a dit que ma belle-mère avait toujours assuré la famille que les rituels avaient été accomplis, mais selon son rêve, il savait maintenant que c’était faux. Les rituels consistaient notamment à pratiquer certaines incisions sur le visage et le torse d’Andre et à exciser Andrela. Le sang provenant de ses parties intimes serait mélangé à d’autres herbes et donné à boire aux enfants. Comme nous n’avions pas accompli les rituels à la naissance, mon fils Richard et moi-même devions être témoins du processus et chanter certaines prières de pardon pour avoir désobéi aux dieux.

[39]  Contrairement à la conclusion de la SAR, l’exposé circonstancié du formulaire FDA, tout comme le témoignage de la mère, comporte des détails explicites du processus des rituels.

[40]  La SAR a commis une erreur lorsqu’elle a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité à l’égard d’une question qu’elle a jugée déterminante. Cette conclusion a été tirée sans tenir compte des éléments dont elle disposait, ce qui constitue un motif pour que la Cour accorde une réparation conformément à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F‑7.

(2)  L’ensemble des autres conclusions de la SAR n’appuie pas l’issue

[41]  Compte tenu du fait que c’est l’ensemble de la preuve qui est examiné lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour a examiné la question de savoir si les autres conclusions tirées par la SAR étaient cumulativement suffisantes pour appuyer l’issue, malgré l’évaluation erronée de l’information fournie dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA effectuée par la SAR.

[42]  Les autres conclusions tirées par la SAR ne suffisent pas à surmonter l’erreur d’analyse commise par la SAR à l’égard du formulaire FDA, ce qui, rappelons-le, a été décrit comme une question déterminante.

[43]  Par exemple, au paragraphe 59, après avoir pris connaissance de la date de départ du Nigéria des demandeurs et constaté que le départ avait été retardé, la SAR a tiré une inférence défavorable en matière de crédibilité à l’égard des allégations relativement à la MGF et aux rituels de purification « [c]ompte tenu des renseignements fournis dans le témoignage de l’appelante et dans les documents soumis ». Le tribunal a indiqué que, même s’il « ne s’agit pas forcément d’une question déterminante », ce retard avait une valeur probante qui a mis en doute les allégations des demandeurs.

[44]  L’analyse présentée au paragraphe 59 repose, dans une certaine mesure, sur la conclusion erronée quant à la crédibilité tirée par la SAR. Il est impossible de savoir si cette conclusion aurait été la même si la SAR avait été consciente de l’erreur qu’elle avait commise dans son analyse de la preuve relative au rituel de purification et de l’exposé circonstancié du formulaire FDA.

[45]  Au paragraphe 44, la SAR a conclu que le fait que la date de l’excision de la fille du couple indiquée dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA et dans le témoignage de la mère ne correspondait pas à la date mentionnée dans l’affidavit sous serment de son époux ne constituait pas une question déterminante. Malgré cela, le tribunal a conclu que cette incohérence minait la crédibilité de la mère et mettait en doute le fondement de son récit.

[46]  Au paragraphe 54, la SAR a tiré une inférence défavorable à l’égard de la crédibilité du témoignage incohérent de la mère concernant les événements qu’elle aurait vécus au Nigéria après son retour de vacances aux États-Unis et avant de venir au Canada. La SAR n’a pas indiqué si elle considérait cette incohérence comme déterminante.

[47]  La seule mention faite par la SAR d’une question déterminante se trouve au paragraphe 39, qui traite des rituels de purification. Au paragraphe 40, la SAR déclare que la description de ces rituels constituait une question cruciale qui aurait dû être incluse dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA. Il s’agit de déclarations fortes qui font cavalier seul dans les motifs de la décision.

VIII.  Conclusion

[48]  Pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour conclut que le poids cumulatif d’autres conclusions tirées par la SAR est loin de surmonter l’erreur d’analyse déterminante commise par la SAR en ne tenant pas compte des éléments dont elle disposait.

[49]  Nul ne conteste que les conclusions quant à la crédibilité appellent une grande retenue. Il y a toutefois une limite au degré de retenue qui est dû à un décideur. Dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel a établi le point de départ pour contrôler des décisions quant à la crédibilité ainsi que les exigences que le décideur doit respecter lorsqu’il rejette une demande pour des motifs de crédibilité :

Le tribunal se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent “l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits” doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

Un indicateur important de la crédibilité du témoin est la cohérence de son récit. (Dan-Ash v Canada (Minister of Employment and Immigration) (1988), 93 NR 33 (CAF)

[traduction] « Si un tribunal rejette une demande sur les motifs que le demandeur n’est pas crédible, il doit exposer ce motif clairement » (Ababio v Canada (Minister of Employment and Immigration) (1988), ACF no 250 (CAF)), et [traduction] « il doit motiver la conclusion quant à la crédibilité » (Armson v Canada (Minister of Employment and Immigration) [1989], ACF no 800 (CAF)).

(espace ajouté pour séparer les principes distincts)

[Non souligné dans l’original.]

[50]  Dans la décision, la SAR a clairement énoncé le motif sous-tendant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, à savoir que le formulaire FDA présenté par les demandeurs n’était pas crédible. Selon la SAR, il omettait des détails concernant les rituels de purification. Cette conclusion était erronée et a été tirée sans tenir compte de la preuve. 

[51]  Par conséquent, la demande est accueillie et la décision est infirmée. L’affaire sera renvoyée à un tribunal de la SAR différemment constitué pour nouvelle décision.

[52]  Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et les faits en l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4211-17

LA COUR STATUE ce qui suit :

  1. La demande est accueillie et la décision est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à un tribunal de la SAR différemment constitué pour nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour d’août 2019.

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4211-17

 

INTITULÉ :

OBIDI CAROLINE EJEIHI ET AUTRES c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AOÛT 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 13 août 2019

 

COMPARUTIONS :

Dotun Davies

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Catherine Vasilaros

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys LLP

Avocats

Brampton (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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