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Date : 20041109

Dossier : DES-3-03

Référence : 2004 CF 1562

Montréal (Québec), le 9 novembre 2004

Présent :          MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

un certificat en vertu du paragraphe 77(1) de

la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

signé par le Ministre de l'immigration et

le Solliciteur général du Canada (les ministres)

L.C. 2001, ch. 27 (la L.I.P.R.);

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada

en vertu du paragraphe 77(1) et des articles 78 et 80

de la L.I.P.R.;

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

le mandat pour l'arrestation et la mise en détention ainsi que

le contrôle des motifs justifiant le maintien en détention

en vertu des paragraphes 82(1), 83(1) et 83(3)

de la L.I.P.R.;

ET DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

une autre demande de remise de l'audition

prévue en novembre et décembre 2004

ainsi que l'annulation de l'échéancier.


                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une autre requête en suspension de l'échéancier. Celui-ci prévoit, entre autre, une semaine d'audience (débutant le 22 novembre 2004) visant à étudier le caractère raisonnable du certificat établissant l'interdit de territoire et une autre semaine (débutant le 13 décembre 2004) pour l'analyse de la légalité de la décision du délégué du Ministre en ce qui a trait à la demande de protection (rapport concernant la protection) conformément à l'article 80 de la L.I.P.R.

[2]                De façon plus précise, M. Charkaoui demande :

·            Une suspension temporaire de l'instance en vertu de l'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) assortie d'une ordonnance contraignant le gouvernement fédéral à lui procurer un avocat rémunéré pouvant le représenter.

·            Une modification de l'échéancier.

·            Un jugement pour provision pour frais (évalué à plus de 60 000 $) visant à couvrir les honoraires et déboursés à être engagés au fin de sa représentation.

·            Subsidiairement, une ordonnance autorisant l'avocate de M. Charkaoui de cesser d'occuper et reconnaissant l'étude légale Des Longchamps, Bourassa et Trudeau (Me Dominique Larochelle), Aide juridique de Montréal, Bureau des affaires criminelles et pénales, comme étant les nouveaux avocats de M. Charkaoui.

·            Les dépens.


[3]         En date du 15 septembre 2004, la Cour signait une ordonnance dans laquelle un échéancier fixait deux semaines d'audience (tel que mentionné ci-haut).

[4]         Le 24 septembre 2004, la Cour d'appel fédérale rejetait une demande de suspension temporaire de l'échéancier et fixait au 8 novembre 2004 l'appel du jugement (traitant de la constitutionnalité des certaines dispositions de la L.I.P.R.) daté du 5 décembre 2003 (Re : Charkaoui, 2003 C.F. 1419).

[5]         Dans le cadre de la présente requête, la Cour prit connaissance que :

·            M. Charkaoui a été informé en date du 28 septembre 2004, par l'entremise de son avocate, qu'il était éligible à recevoir de l'aide juridique et qu'une avocate permanente, Me Dominique Larochelle, avait été assignée pour le représenter. De plus, son avocate l'informa qu'il était également possible que Me Larochelle reçoive de l'appui supplémentaire d'un autre confrère permanent. (Voir affidavit de Me Jean Fauteux, directeur par intérim du bureau d'aide juridique en immigration (Montréal) en date du 29 septembre 2004 au paragraphe 11);


·            Étant donné l'échéancier déjà fixé, Me Larochelle informa la Cour qu'elle ne pourrait pas agir au nom de M. Charkaoui à cause du délai trop restreint de l'échéancier. En effet, elle affirme ne pas avoir assez de temps pour redistribuer les dossiers dont elle a présentement la responsabilité et pour remplir son obligation déontologique de prendre connaissance du dossier. Cependant, elle précise : « je tiens à vous assurer que si le tribunal acceptait de fixer un nouvel échéancier et de nouvelles dates d'audition qui nous permettent raisonnablement de respecter nos devoirs de représentation, nous procurerons l'aide requise par Monsieur Charkaoui. » (Voir lettre de Me Larochelle en date du 7 octobre 2004);

·            Lors de l'audience, la Cour invita Me Larochelle à venir faire des représentations afin qu'elle puisse expliquer la position de l'aide juridique et qu'elle puisse donner un aperçu du temps qu'elle aurait besoin pour assumer ses tâches. Elle attesta pouvoir envisager être prête à agir pour M. Charkaoui si l'audience concernant le caractère raisonnable du certificat était fixée en février 2005. (Représentation faite lors de l'audience en date du 19 octobre 2004).

[6]         Il y a maintenant plus de 17 mois (le certificat fut signé le 16 mai 2003 et M. Charkaoui est détenu depuis le 21 mai 2003) que la Cour essaie de procéder à l'étude du caractère raisonnable du certificat (ce qui est le coeur des présentes procédures). Cependant, pour maintes raisons (le litige constitutionnel, la présentation de demandes interlocutoires, etc.) ces nombreuses tentatives se sont avérées infructueuses.


[7]         À plusieurs reprises, la Cour d'appel a rappelé aux parties qu'elle se devait de procéder de façon expéditive à cause de son obligation législative (voir le paragraphe 78(c) de la L.I.P.R.) et en raison de la détention de M. Charkaoui, ces raisons justifiant une intervention efficace.

[8]        Malgré ces nombreux rappels, l'audience dédiée à l'analyse du caractère raisonnable du certificat n'a toujours pas eu lieu.

[9]        Nonobstant ces multiples délais, M. Charkaoui demande à nouveau une remise temporaire de l'échéancier incluant la remise de l'audience sur le caractère raisonnable du certificat et celle traitant de la légalité du rapport concernant la protection.

[10]      Puisque l'aide juridique ne peut respecter l'échéancier de la Cour, M. Charkaoui demande une ordonnance enjoignant le gouvernement fédéral et les ministres d'assumer les honoraires légaux de son avocate et une demande de provision pour frais.

[11]      Bien que la Cour aurait aimé que l'aide juridique puisse intervenir et prendre fait et cause pour et au nom de M. Charkaoui de façon plus diligente en respectant, à tout le moins, une partie de l'échéancier déjà prévu, on doit se rendre à l'évidence que cet objectif est présentement impossible à atteindre. (Voir les représentations de Me Larochelle lors de l'audience en date du 19 octobre 2004).


[12]       Étant donné la situation financière de M. Charkaoui, il a été déterminé que ce dernier avait le droit de bénéficier des services juridiques (voir le paragraphe 3.1 et les sous- paragraphes 4.7(8) et (9) de la Loi sur l'aide juridique, L.R.Q., chap. A-14).

[13]      Toutefois, afin d'assurer à M. Charkaoui le bénéfice du service juridique, l'aide juridique, par l'entremise de Me Larochelle, a besoin de temps pour se préparer. Ceci dit, ce n'est pas avant février 2005 qu'une audience concernant le caractère raisonnable du certificat pourrait avoir lieu.

[14]      Dans les présentes circonstances, la Cour a le choix d'imposer l'échéancier ou encore de se soumettre, à regret, à un nouvel échéancier tenant compte des besoins de l'aide juridique. Puisque les services juridiques de l'aide juridique ne seront disponibles, de façon opérationnelle, pour une audience qu'en février 2005, il ne serait pas dans l'intérêt de la justice ou encore de celui de M. Charkaoui d'imposer un échéancier.

[15]      Par conséquent, la Cour entend donner à l'aide juridique la latitude nécessaire pour permettre la représentation légale de M. Charkaoui. Me Larochelle affirme pouvoir représenter M. Charkaoui si l'échéancier était changé, que les dates d'audiences réservées pour novembre et décembre 2004 étaient annulées et qu'une nouvelle audience était fixée pour traiter du caractère raisonnable du certificat en février 2005. La Cour précise que ceci donne amplement de temps à l'aide juridique pour se préparer.


[16]      Prenant donc la décision d'annuler l'échéancier et les auditions de novembre et décembre 2004, il devient académique d'aborder la demande de paiement des honoraires par le gouvernement fédéral ou encore de celle de provision pour frais. La Cour souligne qu'elle a déjà rejeté une demande de provision pour frais concernant un autre aspect du dossier (voir l'ordonnance Charkaoui, 2004 C.F. 900, rendue le 23 juin 2004).    Quant à la demande de paiement des honoraires par le gouvernement fédéral, elle n'a pas à être traitée puisque les avocats qui représenteront M. Charkaoui sont des avocats permanents de l'aide juridique (incluant Me Larochelle). (Voir P.G. Québec c. C.(R), REJB 2003 - 43771 (19 juin 2003) C.A.Q. au paragraphe 138).

[17]     De façon subsidiaire, Me Doyon demande une permission pour cesser d'occuper. Elle a informé M. Charkaoui de son intention de se retirer du dossier le 7 octobre 2004. Dans les circonstances, et surtout en tenant compte que l'aide juridique, par l'entremise de Me Larochelle, prend la relève pour assumer les services juridiques, la requête pour cesser d'occuper est accordée.

[18]      À nouveau, M. Charkaoui demande les dépens. La Cour a déjà refusé à plusieurs reprises cette demande. En matière d'immigration et de protection des réfugiés, il n'est pas coutume et de tradition d'accorder une telle demande (voir l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22). Dans le présent dossier, il n'y a aucune raison pouvait justifier une conclusion différente.


[19]      Avant de terminer, la Cour souhaite que les parties s'entendent sur l'élaboration d'un ou de deux échéanciers (pour chacune des audiences). Toutefois, la Cour décide de façon péremptoire, que l'audience concernant le caractère raisonnable du certificat aura lieu du 21 au 25 février 2005 à Montréal. L'audience au sujet de la légalité du rapport concernant la protection est, quant à elle, prévue pour les 4, 5, 6, 7 et 8 avril 2005.

[20]     Si les parties ne peuvent pas s'entendre dans un délai raisonnable, la Cour finalisera les échéanciers sur demande. La Cour fixe de façon péremptoire les dates d'audiences étant donné les nombreuses demandes de remise, l'obligation statutaire de procéder de façon expéditive et le fait que M. Charkaoui est toujours en détention. Enfin, la Cour aimerait réitérer que le délai accordé donne amplement de temps aux parties pour se préparer dans un dossier de cette nature.

[21]     Étant donné que M. Charkaoui est encore en détention et qu'il n'y a toujours pas eu de détermination à l'égard du certificat, le paragraphe 83(2) de la L.I.P.R. stipule que l'intéressé (en l'espèce M. Charkaoui) doit comparaître devant le tribunal à tous les six mois afin de contrôler les motifs justifiant le maintien en détention. Puisque la dernière comparution de M. Charkaoui a eu lieu le 23 juillet 2004 (Re : Charkaoui, 2004 C.F. 1031), la Cour fixe la prochaine comparution, à cette fin, le 10 janvier 2005 à 9h30 à Montréal.


POUR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT:

·            La requête demandant la suspension de lchéancier est accordée en partie;

·            Lchéancier et les auditions prévus pour novembre et décembre 2004 sont annulés;

·            La demande de paiement des honoraires par le gouvernement fédéral est rejetée;

·            La demande provisoire pour frais est rejetée;

·            La demande de Me Doyon de cesser d'occuper est accordée;

·            Ltude légale Des Longchamps, Bourassa et Trudeau (Me Dominique Larochelle) est autorisée à agir pour et au nom de M. Charkaoui dans le présent dossier;

·            L'audience concernant le caractère raisonnable du certificat est fixée pour les 21, 22, 23, 24 et 25 février 2005 de façon péremptoire et les ministres doivent faire le nécessaire pour s'assurer que M. Charkaoui soit présent au 30 rue McGill, Montréal, Province de Québec, pour 9h30, lors de ces journées d'audience;

·            L'audience portant sur la légalité du rapport concernant la protection est fixée pour les 4, 5, 6, 7 et 8 avril 2005 de façon péremptoire et les ministres doivent faire le nécessaire pour s'assurer que M. Charkaoui soit présent au 30 rue McGill, Montréal, Province de Québec, pour 9h30, lors de ces journées d'audience;


·            M. Charkaoui devra comparaître pour fin du contrôle de sa détention le 10 janvier 2005 à Montréal à 9h30, au 30 rue McGill et les ministres devront faire le nécessaire pour qu'il soit présent;

·            Le tout sans frais.

                      « Simon Noël »                       

                                 juge                            


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                        DES-3-03

INTITULÉ :                                      DANS L'AFFAIRE CONCERNANT un certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, signé par le Ministre de l'immigration et le Solliciteur général du Canada (les ministres) L.C. 2001, ch. 27 (la L.I.P.R.);

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada

en vertu du paragraphe 77(1) et des articles 78 et 80 de la L.I.P.R.;

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT le mandat pour l'arrestation et la mise en détention ainsi que le contrôle des motifs justifiant le maintien en détention en vertu des paragraphes 82(1), 83(1) et 83(3) de la L.I.P.R.;

ET DANS L'AFFAIRE CONCERNANT une autre demande de remise de l'audition prévue en novembre et décembre 2004 ainsi que l'annulation de l'échéancier.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 19 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE:                           LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                                           le 9 novembre 2004

COMPARUTIONS:

Daniel Roussy

Luc Cadieux

POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

Daniel Latulippe

POUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Johanne Doyon

POUR ADIL CHARKAOUI

Dominique Larochelle

Johanne Des Longchamps

POUR ADIL CHARKAOUI

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                                                                          

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Doyon, Morin

Montréal (Québec)

POUR ADIL CHARKAOUI

Aide juridique de Montréal

Montréal (Québec)

POUR ADIL CHARKAOUI


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