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Date : 20190705


Dossier : T-1246-18

Référence : 2019 CF 898

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2019

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

WARREN SCOTT McCALLUM

demandeur

et

NATION CRIE PETER BALLANTYNE et CLARISSE LECOQ

 

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue oralement le 31 mai 2018 par le tribunal d’appel de la Nation crie Peter Ballantyne [la NCPB], qui a été suivie de motifs écrits. Conformément au sous-alinéa 8e)(iii) du code électoral de 2014 de la Nation crie Peter Ballantyne [le code électoral de la NCPB ou le code], le tribunal d’appel a fait droit à l’appel interjeté à l’encontre des résultats de l’élection du 10 avril 2018 pour le poste de conseiller du district urbain de Prince Albert et a ordonné la tenue d’une élection partielle.

Contexte

[2]  La NCPB, une des défenderesses en l’espèce, est une bande indienne au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5. Les élections de la NCPB sont régies par le code électoral de la NCPB, qui a été adopté en 2014. Le 10 avril 2018, la NCPB a tenu des élections générales pour pourvoir les postes de chef et de conseillers pour chacun de ses sept districts électoraux ou collectivités.

[3]  Le demandeur, Warren Scott McCallum, est membre de la NCPB et était candidat au poste de conseiller pour le district urbain de Prince Albert à l’élection du 10 avril 2018.

[4]  La défenderesse, Clarisse Lecoq, est membre de la NCPB et était également candidate au poste de conseillère pour le district urbain de Prince Albert lors de l’élection en question.

[5]  Le demandeur a obtenu la majorité des voix exprimées pour le poste et la défenderesse s’est classée deuxième, avec 26 voix de moins.

[6]  Le 12 avril 2018, la défenderesse a interjeté appel, en vertu de l’art. 8 du code électoral de la NCPB, de l’élection du demandeur au poste de conseiller pour le district urbain de Prince Albert. Le tribunal d’appel de la NCPB, composé de trois membres, a autorisé l’instruction de l’appel [l’instruction de l’appel], qui a eu lieu le 31 mai 2018 et au cours de laquelle la défenderesse (l’appelante dans l’instance en question) et le demandeur étaient tous deux représentés par un avocat et ont tous deux cité des témoins. Le tribunal d’appel a rendu sa décision oralement immédiatement après l’audience et a motivé sa décision par écrit le 7 juin 2018 ou vers cette date.

La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[7]  Lors de l’instruction de l’appel, la défenderesse a fait entendre six témoins : Brian McKay, Debbie Custer, Maxine Ballantyne, Bella Ratt, Raylene Sewap et Eric Nateweyes, en plus de témoigner elle-même. Au cours de leur témoignage, neuf pièces ont été déposées. Le demandeur a fait témoigner Randy Clarke et a lui-même témoigné. Au cours du témoignage de M. Clarke, une pièce a été déposée en preuve. Chacun des témoins a été interrogé par l’avocat de la partie qui le présentait et contre-interrogé par l’avocat de la partie adverse, et le tribunal d’appel a offert aux avocats la possibilité de les réinterroger. Il a également posé les questions qu’il jugeait nécessaires.

[8]  À 21 h 15, le tribunal d’appel a annoncé qu’il levait la séance pour discuter de la preuve afin de voir s’il était en mesure de rendre une décision ce soir-là. Dans le cas contraire, il reprendrait la séance pour informer les parties et les avocats qu’il ajournerait l’audience et qu’une décision serait rendue à une date ultérieure. Lors de la reprise de la séance ce soir-là, le tribunal d’appel a fait connaître sa décision. Dans ses motifs écrits ultérieurs, le tribunal d’appel a exprimé des doutes sur le fait que le demandeur aurait flâné le jour du scrutin puisqu’il avait lui-même nié l’avoir fait et avait expliqué sa présence le jour du scrutin, alors que plusieurs témoins avaient déclaré l’avoir vu à différents endroits le jour du scrutin. De plus, le code électoral de la NCPB ne définit pas en quoi consiste la flânerie. Par conséquent, le tribunal d’appel a conclu qu’on ne pouvait savoir avec certitude si les agissements du demandeur constituaient ou non de la flânerie.

[9]  Le tribunal d’appel s’est dit préoccupé par les questions suivantes soulevées par divers témoins :

  1. Le fait que les candidats et les membres de la collectivité n’avaient pas été avisés du changement de lieu du bureau de scrutin.
  2. Les exigences du sous-alinéa 5f)(iv) du code électoral de la NCPB relatives à la publication de l’annonce du vote par anticipation n’ont pas été respectées. M. Clarke, le directeur général des élections désigné, a déclaré dans son témoignage qu’il ne croyait pas que cette mesure était nécessaire. Toutefois, le tribunal d’appel a conclu que, à la lecture du sous-alinéa 5f)(iv), il aurait fallu faire paraître un avis indiquant le jour et le lieu du vote par anticipation dans les journaux de Saskatoon, Prince Albert, La Ronge et Flin Flon et ailleurs à la discrétion du directeur général des élections.
  3. Les candidats n’ont pas tous été informés du changement de lieu du bureau de scrutin. Un des trois candidats a déclaré avoir été contacté par M. Clarke au sujet du changement de lieu.
  4. Des échantillons de bulletins de vote ont été apposés sur les urnes à titre d’exemple à l’intention des personnes qui votaient pour la première fois. Le tribunal d’appel s’est demandé pourquoi ces échantillons de bulletins de vote n’avaient pas été apposés face cachée pour qu’on puisse au moins les identifier par leur couleur et pour éviter qu’ils soient marqués d’un X (échantillon de bulletin de vote).
  5. Les éléments de preuve présentés au sujet du nombre de vérifications des urnes et des bureaux de vote effectuées par le personnel électoral le jour du scrutin étaient contradictoires.

[10]  Après avoir exprimé ses préoccupations, le tribunal d’appel a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le tribunal d’appel ne peut conclure que l’un ou l’autre des candidats aux élections urbaines de 2018 de la NCPB a commis des actes répréhensibles lors de l’élection. Le tribunal d’appel est préoccupé par les agissements et les méthodes électorales du personnel électoral avant, pendant et après le scrutin par anticipation et le jour du scrutin général; leur action ou leur inaction est susceptible d’avoir eu une incidence importante sur les résultats de l’élection.

Le tribunal d’appel estime que le code électoral de 2014 de la NCPB est vague et nécessiterait une révision, en particulier sa section relative au tribunal d’appel, qui est insuffisante et ne permet pas au tribunal d’appel d’accorder une réparation en l’espèce. Par conséquent, à ce stade-ci, la seule recommandation que le tribunal d’appel peut formuler est de reprendre les élections, ce qui n’est pas prévu par le code.

Enfin, pour avoir la certitude que le scrutin se déroule de façon équitable et sans préjudice ou avantage envers l’un ou l’autre des candidats, il faudrait former une toute nouvelle équipe de personnel électoral pour veiller au déroulement de l’élection urbaine.

Le tribunal d’appel souhaite recommander que tous les employés qui participent à l’élection confirment qu’ils ont reçu un manuel de directives à leur entrée en fonction, qu’ils en ont pris connaissance et en comprennent la teneur. Le directeur général des élections devrait rencontrer chacun des candidats pour lui expliquer les règles du code. Toute accusation formulée par un appelant au sujet d’un candidat devrait préciser le nom de toutes les personnes concernées. La question de la flânerie devrait être définie dans le code.

Dans l’ensemble, le tribunal d’appel conclut que le non-respect de la procédure d’élection prévue par le code de 2014 de la NCPB et que la presque égalité des voix recueillies par M. McCallum et Mme Lecoq, qu’à peine 26 voix séparaient, aurait pu avoir une incidence sur les résultats de l’élection, et il estime que les mesures prévues au sous‑alinéa 8(e)(iii) constitue le moyen le plus juste de remédier à la situation.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[11]  Le demandeur soutient que la procédure d’appel suivie par le tribunal d’appel a entraîné un manquement aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle et était déraisonnable. Je tiens à signaler que toutes les observations écrites du demandeur portent sur des manquements à l’équité procédurale et à la justice naturelle qui, selon lui, découlent de la procédure suivie en appel. Dans ses observations sur la norme de contrôle applicable, le demandeur affirme que la norme de la décision raisonnable s’applique à la question de savoir si le tribunal d’appel est compétent pour permettre à un candidat qui n’a pas interjeté appel de témoigner et pour accepter des éléments de preuve qui n’ont aucun lien avec les moyens d’appel invoqués par la défenderesse, étant donné qu’il demande à la Cour d’interpréter le code électoral de la NCPB. Le demandeur n’a formulé aucune autre observation quant à l’interprétation du code ou au caractère raisonnable de la décision.

[12]  À mon avis, compte tenu des observations formulées par le demandeur, la question est celle de savoir si le tribunal d’appel a manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur.

[13]  Les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 43; Canada c Première Nation d’Akisq’nuk, 2017 CAF 175, au par. 19 [Akisq’nuk]; Gadwa c Kehewin Première Nation, 2016 CF 597 [Gadwa], conf. par 2017 CAF 203). Je constate que la Cour d’appel fédérale a récemment déclaré que le tribunal chargé d’examiner la question de l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 RCS 817 [Baker]; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), [2019] 1 RCF 121, 2018 CAF 69, au par. 54 [Canadien Pacifique]), et se demander, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour l’intéressé, si un processus juste et équitable a été suivi (Canadien Pacifique, au par. 54).

[14]  Dans la mesure où elles concernent le caractère raisonnable de la décision elle-même ou l’interprétation du code électoral de la NCBP, les questions soulevées sont assujetties à la norme de la décision raisonnable (D’Or c St-Germain, 2014 CAF 28, au par. 6 [D’Or]; Gadwa, au par. 19; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), [2018] 2 RCS 230, 2018 CSC 31, aux par. 35, 37).

Le code électoral de la NCPB

[15]  Comme je l’ai déjà mentionné, l’élection du 10 avril 2018 était régie par le code électoral de la NCPB. Voici les dispositions pertinentes de ce code.

[16]  L’article 2 du code électoral de la NCPB définit comme suit la notion de « manœuvre frauduleuse » :

[TRADUCTION]

« MANŒUVRE FRAUDULEUSE » Tout acte fait par un candidat ou par un représentant élu, qu’il s’agisse du chef ou d’un conseiller, qui emploie illégalement ou à mauvais escient son nom ou sa situation d’autorité ou de confiance afin d’obtenir un bénéfice ou une faveur pour lui-même ou pour une autre personne, en violation de ses obligations officielles ou des droits de toute autre personne; tout acte ou omission qui est reconnu comme une manœuvre frauduleuse dans la loi ou la coutume, y compris la coercition et l’achat de votes.

[17]  L’article 5 précise la procédure à suivre lors des élections et de la mise candidature, notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

f) Les fonctionnaires électoraux :

i. affichent tous les avis et distribuent tous les renseignements relatifs aux élections conformément au présent code électoral;

ii. dressent la liste des électeurs admissibles et affichent cette liste dans un lieu public pour chaque réserve/collectivité au plus tard le troisième vendredi de janvier précédant l’élection.

[…]

iv. au plus tard le troisième vendredi de janvier précédant l’élection, affichent des avis aux bureaux de la Nation crie Peter Ballantyne et, une fois, dans des journaux publiés à Saskatoon, Prince Albert, La Ronge, Flin Flon et à tout autre lieu jugé nécessaire par le directeur général des élections, afin d’informer les électeurs admissibles des assemblées de mise en candidature et de la date des élections, y compris le lieu et l’heure de chacune;

v. prennent les mesures nécessaires pour la tenue de l’assemblée de mise en candidature, du vote par anticipation et du scrutin général; s’assurent que les locaux disposent d’une connexion Internet et d’ordinateurs pour tous les bureaux de scrutin;

[…]

viii. procèdent au dépouillement des bulletins de vote en présence des membres et des scrutateurs désignés et annoncent et affichent les résultats officiels de l’élection;

[…]

l) Voici la procédure à suivre le JOUR DE L’ÉLECTION :

i. Les bulletins de vote, les urnes métalliques, les bureaux de scrutin et toutes les installations nécessaires pour la tenue de l’élection relèvent du directeur général des élections, de son adjoint ou du président du scrutin, qui veillent notamment à la supervision, à la sécurité et à la bonne conduite des membres dans tous les bureaux de scrutin;

[…]

vi. Après la fermeture des bureaux de vote, les fonctionnaires électoraux, en la présence des membres, ouvrent les urnes et examinent et dépouillent les bulletins de vote. Après le dépouillement initial effectué devant les membres, les fonctionnaires électoraux publient les résultats officiels de l’élection;

[…]

xi. Tout candidat à un poste de conseiller a droit à un nouveau dépouillement pour la collectivité en question si l’écart de voix entre les candidats est inférieur à vingt (20) voix en faveur du conseiller élu. Cette demande doit être faite par écrit dans les quarante-huit (48) heures suivant la fermeture des bureaux de vote;

xii. Le directeur général des élections, son adjoint et les autres fonctionnaires électoraux veillent à ce que personne ne flâne à proximité des bureaux de vote et ils sont habilités par la présente à contrôler et à expulser au besoin les flâneurs – y compris les candidats et leurs représentants. Pour l’application du présent code électoral, aucune flânerie à moins de 50 m des bureaux de vote n’est tolérée;

[…]

o) Il y aura un vote par anticipation dans chacune des réserves et collectivités de la Nation crie Peter Ballantyne identifiées pendant une journée, de 11 h à 20 h, au moins cinq jours avant l’élection générale. Les villes de Saskatoon et de La Ronge (pour le poste de conseiller municipal de Prince Albert seulement) et de Kinoosao (pour les postes de conseillers municipaux de Southend seulement) auront des bureaux de vote par anticipation seulement. Tous ceux qui votent par anticipation seront enregistrés dans un ordinateur à des fins de surveillance du personnel électoral pour éviter qu’un membre vote deux fois dans la même collectivité.

[18]  L’article 7 concerne le tribunal d’appel :

[TRADUCTION]

Le tribunal d’appel est composé d’un membre éligible pour chacune des sept (7) collectivités suivantes : Pelican Narrows, Deschambault Lake, Southend, Sandy Bay, Denare Beach, Sturgeon Landing et Prince Albert Urban. Les membres du tribunal d’appel sont élus à la majorité simple des électeurs lors de l’assemblée de mise en candidature de chaque collectivité. Il demeure entendu que chaque collectivité choisit un seul membre du tribunal d’appel. Chaque membre doit avoir une connaissance pratique des politiques et des procédures de l’administration actuelle afin de comprendre son rôle et ses responsabilités comme membre du tribunal d’appel.

a) L’instruction de l’appel prendra la forme d’une séance officielle à laquelle participeront le tribunal d’appel, un avocat indépendant, l’appelant et son avocat, ainsi que tout candidat concerné et son avocat.

[…]

[19]  L’article 8 énonce la procédure à suivre pour faire appel des résultats d’une élection :

[TRADUCTION]

8.  La procédure suivante s’applique aux appels des résultats d’une élection :

a)  Tout candidat peut interjeter appel des résultats de l’élection dans les vingt (20) jours suivant la date de l’élection en remettant un avis d’appel exposant les motifs de l’appel, appuyé par un affidavit du candidat remis au directeur général des élections ou au président du scrutin.

b) Seuls les moyens d’appel suivants sont recevables :

i. acte contrevenant au présent code électoral et raisonnablement susceptible d’avoir influé sur les résultats de l’élection;

ii. manœuvre frauduleuse en lien avec l’élection et raisonnablement susceptible d’avoir influé sur les résultats de l’élection;

c) Le tribunal d’appel a le droit de retenir les services d’un avocat indépendant qui n’est pas un avocat de la NCPB et décidera s’il convient d’autoriser ou non l’instruction de l’appel dans les deux (2) semaines suivant l’expiration du délai d’appel de vingt (20) jours.

d) S’il estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour justifier l’instruction de l’appel, le tribunal d’appel ordonnera la tenue d’une audience dans les dix (10) jours. Le tribunal d’appel avise l’appelant et tout candidat concerné de la date, de l’heure et du lieu de l’audience.

e) L’instruction de l’appel prendra la forme d’une séance officielle à laquelle participeront le tribunal d’appel, un avocat indépendant, l’appelant et son avocat, ainsi que tout candidat concerné et son avocat. Le tribunal d’appel peut, selon le cas :

i. rejeter l’appel;

ii. faire droit à l’appel tout en confirmant la validité de l’élection au motif qu’on ne peut raisonnablement estimer que les actes reprochés ont influé sur les résultats de l’élection;

iii. faire droit à l’appel et ordonner la tenue d’une élection partielle dans les trente (30) jours suivant la décision d’accueillir l’appel;

f) La décision du tribunal d’appel est définitive et exécutoire pour toutes les parties.

Les questions préliminaires

[20]  L’avis de demande du demandeur, lorsque ce dernier l’a déposé le 25 juin 2018, désignait à titre de défenderesses la NCPB et les trois personnes membres du tribunal d’appel. Aux termes d’une ordonnance datée du 12 février 2019, notre Cour a radié ces trois personnes à titre de défenderesses parce qu’elles n’avaient pas été désignées conformément à l’alinéa 303(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Et, même si elle est concernée par la présente affaire, Clarisse Lecoq n’a jamais été formellement constituée défenderesse ou intervenante dans la présente demande de contrôle judiciaire. Lorsque le problème a été signalé aux avocats à l’ouverture de l’audience devant moi, il a été convenu de constituer Clarisse Lecoq défenderesse et de modifier l’intitulé en conséquence.

[21]  Deuxièmement, même si l’appel du demandeur et les témoignages entendus lors de l’instruction de l’appel portaient en grande partie sur des irrégularités survenues lors de l’élection ou sur des allégations de corruption, le tribunal d’appel a expressément conclu qu’aucun des candidats n’avait commis d’acte répréhensible lors de l’élection tenue dans le district urbain de Prince Albert. Comme on pouvait s’y attendre, le demandeur n’a pas contesté cette conclusion. Par conséquent, cet aspect de la décision et la preuve qui s’y rapporte ne seront pas abordés dans les présents motifs.

La thèse des parties

i)    La thèse de la NCPB

[22]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la NCPB a déposé un mémoire des faits et du droit dans lequel elle déclare qu’elle ne prend pas position et qu’elle ne formule aucune observation en réponse aux questions soulevées par le demandeur. Elle formule toutefois des observations au sujet des dépens que nous examinerons plus loin.

ii)    La thèse du demandeur

[23]  Le demandeur affirme que nul ne conteste que la décision du tribunal d’appel fait intervenir l’obligation d’équité procédurale (Gadwa, citant l’arrêt Baker, à la p. 836, et Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, à la p. 653; Mavi c Canada (Procureur général), 2011 CSC 30, au par. 38 [Mavi]). La question concerne plutôt la nature de cette obligation. À cet égard, le demandeur cite les facteurs de l’arrêt Baker et fait valoir que la nature de l’obligation doit être appréciée en fonction du contexte.

[24]   Il affirme également que le tribunal d’appel n’a pas suivi la procédure prévue par le code électoral de la NCPB et qu’il a manqué à son obligation d’équité procédurale :

  1. en contrevenant à l’alinéa 8a) du code du fait qu’il a accepté des affidavits et des témoignages, en plus de l’affidavit souscrit par la défenderesse à titre de candidate;
  2. en contrevenant à l’alinéa 8e) du code du fait qu’il a permis l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire de personnes qui n’étaient pas candidates à l’élection générale;
  3. en contrevenant à l’article 8 du code du fait qu’il a permis à Eric Nateweyes de témoigner sur des actes reprochés qui n’avaient aucun lien avec les moyens d’appel invoqués par la défenderesse;
  4. en n’avisant pas le demandeur de la nature des allégations formulées par Eric Nateweyes lors de l’instruction de l’appel.

[25]  Le demandeur renvoie à mon analyse dans la décision Gadwa, aux paragraphes 48 à 59, mais soutient qu’il existe une plus grande obligation d’équité procédurale envers lui compte tenu des pouvoirs décisionnels du tribunal d’appel. Il ajoute que le déclenchement d’une élection partielle par un représentant dûment élu et l’inobservation de la procédure d’appel prévue en cas d’appel des résultats d’une élection générale au sein d’une Première Nation ne sont pas anodins.

[26]  Le demandeur affirme qu’il s’est opposé au témoignage oral d’Eric Nateweyes et à la présentation d’allégations ou de témoignages sur des actes qui ne concernaient pas les motifs énumérés dans l’appel de la défenderesse. Il ajoute qu’il n’a jamais été avisé de l’intention de la défenderesse de faire témoigner M. Nateweyes ni de la nature du témoignage que ce dernier devait donner, auquel le tribunal d’appel a accordé beaucoup de poids selon le demandeur. De plus, son avocate n’a pas eu la possibilité de présenter ses conclusions finales au sujet de l’admissibilité du témoignage de M. Nateweyes.

[27]  Selon le demandeur, le code électoral de la NCPB exige que tout candidat interjette appel dans les 20 jours suivant l’élection et limite les éléments qui peuvent être présentés à l’appui de l’appel à l’affidavit du candidat concerné. Toutefois, le tribunal d’appel a admis en preuve une grande quantité de documents en plus de ceux du candidat concerné. De plus, le fait qu’Eric Nateweyes n’a pas interjeté appel dans le délai de 20 jours l’empêche de faire valoir d’autres moyens d’appel que ceux que la défenderesse a invoqués.

[28]  Le demandeur soutient également que le tribunal d’appel a fait des commentaires au sujet des lacunes du code électoral de la NCPB et a laissé entendre que la solution la plus équitable aurait été de déclencher une élection partielle pour tous les postes élus, en plus du poste de conseiller du district urbain de Prince Albert. Mais comme il n’avait pas compétence pour ordonner cette mesure, le tribunal d’appel s’est contenté d’ordonner la tenue d’une élection partielle pour le poste de conseiller du district urbain de Prince Albert. Comme le tribunal d’appel n’a pas la compétence nécessaire pour accorder une réparation qui remédierait précisément aux manquements à l’équité procédurale ou assurerait que l’élection se déroule de façon équitable, toute autre quasi-réparation devrait également être vouée à l’échec. De plus, la raison invoquée par le tribunal d’appel pour justifier que l’on déroge au libellé clair de la procédure d’appel prévue à l’article 8 du code électoral de la NCPB est inacceptable, vu les conséquences qui en découlent pour le demandeur (Prince c Première Nation no 150A de Sucker Creek, 2008 CF 1268, aux par. 48 et 49).

[29]  Enfin, le demandeur affirme qu’indépendamment de l’obligation d’équité à laquelle il a droit, les lacunes susmentionnées dans la procédure d’appel sont déraisonnables, injustifiées et inéquitables.

iii)    La thèse de la défenderesse

[30]  La défenderesse allègue qu’en plus des allégations de manquements à l’équité procédurale qu’il a formulées dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur a indiqué, lorsqu’il a été contre-interrogé sur l’affidavit souscrit à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, qu’il était injuste sur le plan procédural que le tribunal d’appel rejette les appels des résultats des élections tenues à Pelican Narrows et à Sandy Bay, mais qu’il ne rejette pas l’appel concernant Prince Albert. Selon la défenderesse, cet argument n’est pas fondé.

[31]  La défenderesse affirme que le code électoral de la NCPB prévoit une démarche en deux étapes. À la première étape, il s’agit d’évaluer les moyens d’appel invoqués et l’affidavit souscrit à l’appui par le candidat pour déterminer s’ils sont suffisants pour justifier l’instruction de l’appel. Dans l’affirmative, on passe à la seconde étape, c’est-à-dire à l’instruction de l’appel.

[32]  Selon la défenderesse, lorsqu’il affirme qu’il était inéquitable sur le plan procédural que le tribunal d’appel accepte des affidavits et des témoignages en plus de l’affidavit souscrit à l’appui de son appel par la défenderesse en tant que candidate, le demandeur ne saisit pas bien la démarche en deux temps prévue par le code électoral de la NCPB.

[33]  En ce qui concerne le fait que le tribunal d’appel a permis à des personnes qui n’étaient pas candidates à l’élection générale d’être interrogées et contre‑interrogées, bien que le code soit muet sur la façon de recueillir la preuve et sur l’identité des personnes qui peuvent témoigner, il est évident que la partie adverse pouvait contre-interroger tous les témoins cités. De plus, le demandeur ne s’est jamais opposé au témoignage d’un témoin qui n’était pas candidat. En fait, le demandeur a lui-même fait témoigner Randy Clarke, le directeur général des élections, qui n’était pas un candidat.

[34]  En ce qui concerne le fait que la défenderesse a cité Eric Nateweyes comme témoin et l’allégation du demandeur selon laquelle le tribunal d’appel lui a permis de témoigner sur des actes qui ne visaient pas les moyens d’appel invoqués par la défenderesse, le demandeur affirme qu’Eric Nateweyes était candidat à l’élection, mais qu’il n’avait pas interjeté appel. De plus, son témoignage avait un lien avec les moyens d’appel invoqués par la défenderesse, dont celui alléguant une [traduction] « contravention aux politiques et aux procédures ainsi qu’aux règles électorales ». En fait, c’est le témoignage de Randy Clarke, le témoin du demandeur, qui a révélé les irrégularités qui ont entraîné l’annulation de l’élection du conseiller du district urbain de Prince Albert. Son témoignage constitue la meilleure preuve de ces irrégularités. Si le témoignage de M. Nateweyes avait été la seule preuve dont on disposait au sujet des irrégularités procédurales, on aurait peut-être pu tenir compte de l’argument du demandeur, mais son témoignage est devenu superflu après que Randy Clarke eut témoigné. Le tribunal d’appel n’a pas ajouté foi au témoignage de M. Nateweyes.

[35]  En ce qui concerne l’argument du demandeur suivant lequel il n’a pas été avisé de la nature des allégations formulées par Eric Nateweyes à l’audience, la défenderesse souligne que le code électoral de la NCPB n’oblige pas l’appelant à divulguer la preuve qu’il souhaite présenter et ne prévoit pas non plus que les seuls éléments de preuve admissibles sont ceux qui se trouvent dans l’affidavit du candidat. L’obligation de divulguer la preuve au préalable ne s’applique qu’en matière criminelle. Il serait injuste et inéquitable sur le plan procédural que le tribunal d’appel ignore des éléments de preuve portant sur des irrégularités ou sur une inconduite.

[36]  En l’espèce, le tribunal d’appel a bien suivi la procédure en deux étapes et a procédé à l’instruction de l’appel en permettant à toutes les parties de convoquer des témoins et de mener des contre-interrogatoires. Le témoignage de Randy Clarke a fait ressortir des irrégularités procédurales qui, selon ce que le tribunal d’appel a conclu à bon droit, auraient pu avoir une incidence sur le résultat de l’élection. L’instruction de l’appel s’est déroulée de façon équitable; le tribunal d’appel a entendu tous les témoins, a permis leur contre-interrogatoire, a accepté les pièces présentées et a rendu une décision détaillée et bien motivée. Par conséquent, il n’a pas commis de manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle.

[37]  La défenderesse soutient également, en se fondant sur la façon dont la Cour avait donné suite à une demande de certification d’une question dans l’affaire Baker, qu’une fois que le tribunal d’appel avait accepté d’instruire l’appel conformément à l’alinéa 8d) du code électoral de la NCPB, il lui était loisible d’examiner tous les aspects de l’appel qui relevaient de sa compétence.

[38]  En outre, lorsqu’on applique les principes énoncés dans l’arrêt Baker, il est évident qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, étant donné que le demandeur a eu amplement l’occasion d’interroger et de contre-interroger les témoins et de présenter son propre témoignage. Le simple fait que le témoin du demandeur a confirmé les dires de la défenderesse selon lesquels le code n’avait pas été respecté ne saurait constituer un manquement à l’équité procédurale. On trouve un exemple de ce qu’est un manquement à l’équité procédurale dans l’affaire Okemow c Nation crie de Lucky Man, 2017 CF 46 [Okemow].

Analyse

[39]  Je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que les alinéas 8a) à 8e) du code électoral de la NCPB, lus ensemble, prévoient une procédure d’appel en deux étapes. Des dispositions semblables ont été examinées dans les décisions Bill c Bande du Lac Pélican, 2006 CF 679, au par. 46, 47, et Linklater c Comité d’appels en matière d’élections de la nation crie Peter Ballantyne, 2011 CF 1353, au par. 5, où cette procédure en deux étapes a été confirmée.

[40]  Tout candidat (que l’alinéa 2e) définit comme un membre admissible de la NCPB qui brigue les suffrages en vue de se faire élire au poste de conseiller ou de chef) peut interjeter appel des résultats d’une élection en présentant un avis d’appel énonçant les moyens d’appel accompagné de l’affidavit du candidat (que l’alinéa 2d) définit comme la déclaration écrite faite volontairement sous serment ou par affirmation solennelle par un candidat et qui est reçue par une personne légalement autorisée). À la première étape, le tribunal d’appel décide, dans les deux semaines suivant l’expiration du délai d’appel de 20 jours, d’autoriser ou non l’instruction de l’appel (une expression qui n’est pas définie). L’alinéa 8d) dispose que, s’il estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour justifier l’instruction de l’appel, le tribunal d’appel ordonne la tenue d’une audience dans un délai de 10 jours. Ainsi, à la première étape (ou étape préalable), la preuve présentée au tribunal d’appel devrait, à tout le moins, être constituée de l’affidavit du candidat et de l’avis d’appel. L’alinéa 8e) porte sur la deuxième étape de la procédure, l’instruction de l’appel.

iv)    L’alinéa 8a)

[41]  Le demandeur est d’avis que, puisque l’alinéa 8a) du code électoral de la NCPB permet à un candidat d’interjeter appel en présentant un avis d’appel énonçant les moyens d’appel, appuyé par l’affidavit de ce candidat, il faut interpréter cette disposition comme excluant la possibilité de présenter toute autre preuve que l’affidavit du candidat. Par conséquent, le tribunal d’appel a commis une erreur en examinant d’autres éléments de preuve.

[42]  Le demandeur n’offre aucune analyse de l’interprétation de l’article 8 du code ni aucune décision de jurisprudence pour étayer son point de vue.

[43]  À mon sens, parce qu’à leur simple lecture, les alinéas 8a) à 8e) n’excluent pas la possibilité de présenter d’autres éléments de preuve à la première étape de la procédure d’appel, il n’y aurait rien d’intrinsèquement injuste ou déraisonnable sur le plan procédural si le tribunal d’appel acceptait d’examiner des éléments de preuve provenant d’autres sources. Il se peut, par exemple, qu’un appelant n’ait pas eu personnellement connaissance des faits et que ces éléments d’information soient nécessaires pour pouvoir évaluer l’allégation de l’appelant. Le tribunal d’appel pourrait donc accepter cette preuve pour décider si, avec les autres éléments de preuve dont il dispose, ces éléments de preuve sont pertinents, fiables et importants et s’ils sont suffisants pour satisfaire à l’exigence préalable, justifiant ainsi l’instruction de l’appel.

[44]  Ce point de vue est étayé par l’arrêt Wolfe c Ermineskin, 2001 CAF 199 [Wolfe], cité dans la décision Strawberry c Première Nation de O’Chinese, 2017 CF 869, au par. 39, sur lequel la défenderesse s’appuie. Dans l’arrêt Wolfe, la Cour d’appel fédérale était appelée à décider si le droit d’interjeter appel devant la Commission d’appel en matière d’élections constituée sous le régime du Règlement sur les élections de la tribu Ermineskin était une solution de rechange adéquate au contrôle judiciaire. Ce règlement prévoyait que, dans les 14 jours suivant l’élection, un candidat (ce que l’appelant n’était pas dans cette affaire) pouvait interjeter appel devant la Commission en invoquant certains motifs. La Cour d’appel fédérale a estimé qu’il était raisonnablement loisible au juge de première instance de conclure que le droit d’en appeler était une solution de rechange adéquate. En ce qui concerne la présentation d’éléments de preuve par d’autres personnes que les candidats, voici ce que la Cour a déclaré :

Le droit d’en appeler devant la Commission est limité aux candidats aux élections, mais rien ne montre que l’appelant ait pris des mesures en vue de savoir si un candidat voulait faire part de sa préoccupation à la Commission. En outre, l’argument de l’avocat ne nous convainc pas que le droit d’appel ne constitue pas une réparation adéquate parce que les procédures de la Commission applicables à l’examen d’une plainte qui sont prescrites aux règlements 28 et 29 ne sont pas satisfaisantes. À notre avis, le Règlement n’empêche pas la Commission d’enquêter à bon droit sur une plainte d’une façon équitable, en donnant notamment le cas échéant à une personne qui n’était pas candidat aux élections la possibilité de lui soumettre une preuve à l’appui de sa plainte.

[45]  De plus, les tribunaux font preuve de retenue à l’égard de toute interprétation raisonnable du décideur administratif, même lorsque d’autres interprétations raisonnables sont possibles (McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), [2013] 3 RCS 895, 2013 CSC 67, au par. 40).

[46]  Vu ce qui précède, je ne conviens pas avec le demandeur que le tribunal d’appel a contrevenu à l’alinéa 8a) du code de la NCPB en acceptant d’autres éléments de preuve en plus de l’affidavit souscrit par le candidat du demandeur. Cela étant, on ne sait pas non plus très bien de quels éléments de preuve disposait le tribunal d’appel lorsqu’il a conclu que l’instruction de l’appel était justifiée.

[47]  Bien que cela n’ait pas été abordé dans ses observations écrites, le demandeur affirme dans l’affidavit qu’il a souscrit le 27 juin 2018 à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire que les 12 documents joints à son affidavit [traduction] « ont été déposés et acceptés par le tribunal d’appel lors de l’instruction de l’appel ». Il ajoute que, parmi les auteurs des documents en question, seules la défenderesse (pour la région urbaine de Prince Albert) et Eileen Linklater (pour la région de Pelican Narrows) étaient des candidates ayant interjeté appel. Malgré cela, le tribunal d’appel a accepté que soit déposé tous les documents contenus dans les pièces en question, en violation directe de l’alinéa 8e) du code. Le demandeur affirme que ces documents ont aussi été déposés dans le cadre de l’instruction de l’appel.

[48]  J’aimerais d’abord souligner que l’alinéa 8e) porte sur la deuxième étape du processus d’appel, en l’occurrence l’instruction de l’appel, et que les pièces en question, exception faite de la lettre d’appel de la défenderesse et de l’affidavit du candidat, ne font pas partie du dossier certifié du tribunal [le DCT]. Si ces documents ont été effectivement acceptés par le tribunal d’appel dans le cadre de l’appel de la défenderesse, cela signifie qu’ils ont été acceptés à la première étape du processus d’appel pour déterminer si l’instruction de l’appel était justifiée. En effet, dans sa décision, le tribunal d’appel indique clairement les éléments de preuve qui ont été présentés à l’audience, qu’il appelle pièces jointes au dossier de l’audience. Le DCT atteste également que le tribunal d’appel a produit tous les documents pertinents et importants qu’il avait en sa possession, sous sa garde ou son contrôle et que le tribunal d’appel les a tous pris en considération avant de rendre sa décision.

[49]  Vu le dossier dont je dispose, il n’est pas possible de déterminer quels [traduction] « affidavits et témoignages » ont été déposés dans le cadre de la première étape du processus d’appel, autre que l’avis d’appel et l’affidavit de la défenderesse à titre de candidate. Il n’est pas possible non plus de concilier les observations du demandeur concernant l’alinéa 8e) avec le DCT et, à cet égard, je préfère le dossier de la preuve que l’on trouve dans le DCT.

[50]  Quoi qu’il en soit, j’ai déjà conclu que l’alinéa 8a) n’excluait pas la possibilité d’admettre en preuve d’autres documents que l’avis d’appel et l’affidavit du candidat à la première étape du processus d’appel. Par conséquent, le tribunal d’appel n’a pas manqué à l’équité procédurale en décidant d’admettre ces documents.

v)    Alinéa 8e)

[51]  Je ne souscris pas non plus au deuxième argument du demandeur suivant lequel le tribunal d’appel a contrevenu à l’alinéa 8e) en permettant l’interrogatoire et le contre‑interrogatoire d’autres témoins que les candidats.

[52]  Dès lors qu’il décide d’instruire l’appel, le tribunal d’appel n’est assujetti qu’à une seule exigence procédurale aux termes du code électoral de la NCPB, en l’occurrence celle d’ordonner la tenue d’une audience dans les dix jours et d’aviser l’appelante et tout candidat concerné de la date, de l’heure et du lieu de l’audience, conformément à l’alinéa 8d), et de les aviser que l’audience prendra la forme d’une séance officielle à laquelle participeront le tribunal d’appel, un avocat indépendant, l’appelant et son avocat, ainsi que tout candidat concerné et son avocat, conformément à l’alinéa 8e). Le code électoral de la NCPB est par ailleurs muet sur le déroulement de l’audience, y compris sur la façon dont la preuve est recueillie et sur l’identité des personnes qui peuvent témoigner. Vu ce silence, rien n’empêche le tribunal d’appel de définir lui-même sa procédure, pourvu qu’elle ne soit pas incompatible avec le code électoral de la NCPB et avec l’équité procédurale (Prassad c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 RCS 560, à la p. 569; Cardinal c Première Nation des Cris de Bigstone, 2018 CF 822, aux par. 27 et 28).

[53]  À titre d’observation préliminaire, je signale que, bien que le demandeur affirme que la décision du tribunal d’appel était inéquitable sur le plan procédural parce qu’elle ne respectait pas la procédure d’appel prévue à l’article 8 du code électoral de la NCPB concernant l’assignation des témoins, le demandeur ne semble pas avoir contesté la façon dont le tribunal d’appel a interprété et appliqué le code lors de l’instruction de l’appel. Dans ses motifs, le tribunal d’appel signale qu’aucun des avocats n’a soulevé de question préalable ni présenté de demande préliminaire. Les deux parties ont appelé des témoins – des candidats et d’autres personnes – qui ont subi un interrogatoire principal et un contre-interrogatoire, et le tribunal d’appel a offert aux avocats la possibilité de réinterroger les témoins. Aucune objection à cette façon de procéder n’a été formulée. Il ressort des motifs du tribunal d’appel que l’avocate du demandeur a formulé trois objections, mais elles portaient toutes sur l’admissibilité de la preuve par ouï-dire. Comme le demandeur et la défenderesse se sont tous deux présentés à l’audience avec leurs témoins et leur avocat, il s’ensuit qu’ils étaient au courant de la procédure prévue et qu’ils s’y étaient préparés.

[54]  Dans la mesure où le demandeur conteste maintenant la procédure suivie par le tribunal d’appel en autorisant l’assignation de témoins, rien n’indique que le demandeur a soulevé cette question devant le tribunal d’appel. Comme notre Cour l’a fait observer dans la décision Muskego c Comité d’appel de la Nation crie de Norway House, 2011 CF 732, au paragraphe 42 :

42   Il est bien établi que les questions d’équité procédurale doivent être soulevées à la première occasion par la partie concernée. L’omission de le faire constitue une renonciation tacite : voir, par exemple, la décision de la Cour dans Kamara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 448 (CF):

[26] …] La jurisprudence de la Cour est claire : les questions de cette nature, qui portent sur l’équité procédurale, doivent être soulevées à la première occasion. Or, la demanderesse en l’espèce ne s’est plainte en aucun moment. Son défaut de formuler une objection au stade de l’audience équivaut à une renonciation tacite relativement à tout manquement perçu à l’équité procédurale ou à la justice naturelle. Voir Restrepo Benitez et al c. MCI2006 CF 461 (CanLII), 2006 CF 461 aux paragraphes 220 et 221, 232 et 236, et Shimokawa c. MCI2006 CF 445 (CanLII), 2006 CF 445 aux paragraphes 31 et 32 où la Cour cite l’arrêt Geza c. MCI2006 CAF 124 (CanLII), 2006 CAF 124 au par. 66.

(Voir également Uppal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 338, aux par. 51 et 52).

[55]  Cela étant, compte tenu des observations du demandeur, il semble que sa préoccupation principale ne concerne pas tant le fait que la preuve ait pris la forme d’un interrogatoire direct et d’un contre-interrogatoire, mais plutôt que des personnes qui n’étaient pas candidats ont pu témoigner. Son raisonnement n’est pas clair sur ce point, mais il semble reposer sur le fait que l’alinéa 8e) énumère certaines personnes dont la présence est explicitement requise lors de l’instruction de l’appel. Toutefois, cette disposition semble plutôt viser à s’assurer que la partie qui interjette appel – l’appelant – ainsi que les autres candidats touchés par l’appel, et leur avocat, participent à l’instruction de l’appel. Rien à l’alinéa 8e) ne restreint les témoins aux personnes qui sont candidats ou n’empêche les candidats de faire comparaître d’autres personnes pour témoigner. Par conséquent, assigner d’autres personnes ne contrevient pas à cette disposition et ne constitue pas un manquement flagrant à l’équité procédurale. De plus, interpréter cette exigence de manière à interdire à d’autres personnes de témoigner pourrait avoir pour effet d’empêcher le tribunal d’appel de s’acquitter efficacement de ses fonctions. Il se peut que le demandeur n’ait pas eu personnellement connaissance des faits visés par les éléments de preuve présentés à l’appui d’un moyen d’appel (voir Gadwa, au par. 61). De plus, lorsque le moyen d’appel porte sur la crédibilité, l’audition de témoins peut représenter la façon la plus efficace pour le tribunal d’appel de s’acquitter de sa fonction de recherche des faits.

[56]  En somme, le tribunal d’appel n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale en permettant aux candidats et à d’autres témoins de témoigner.

vi)    Témoignage d’Eric Nateweyes

[57]  Eric Nateweyes était candidat à l’élection. Par conséquent, si j’ai bien compris ses observations, le demandeur ne laisse pas entendre que le tribunal d’appel a commis un manquement à l’équité procédurale en permettant à M. Nateweyes de témoigner lors de l’instruction de l’appel. Le demandeur soutient plutôt que le tribunal d’appel a enfreint l’article 8 du code électoral de la NCPB en permettant à Eric Nateweyes de témoigner au sujet d’une conduite qui ne concernait pas les moyens d’appel invoqués par la défenderesse. Le demandeur affirme qu’il s’est opposé à ce témoignage. De plus, il n’avait pas été avisé de la nature du témoignage que M. Nateweyes entendait donner, auquel le tribunal d’appel a d’ailleurs accordé beaucoup de poids. Son avocate n’a pas non plus eu l’occasion de présenter ses conclusions finales sur l’admissibilité du témoignage de M. Nateweyes.

vii)    Objection au témoignage

[58]  Dans l’affidavit qu’il a déposé à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur déclare qu’Eric Nateweyes, qui était également candidat pour le district urbain de Prince Albert, a soulevé des questions qui ne faisaient pas partie des moyens d’appel invoqués par la défenderesse et a témoigné à l’appui de [traduction] « son appel ». Cette dernière allusion concerne probablement l’allégation du demandeur, que l’on retrouve dans son avis de demande, selon laquelle le tribunal d’appel a manqué à son obligation d’équité procédurale envers lui [traduction] « en faisant droit, en violation [de l’al. 8a) du code], à l’appel d’un candidat non retenu, Eric Nateweyesk, qui n’avait pas interjeté appel ». Si tel est le cas, cet argument n’est pas fondé. M. Nateweyes ne prétendait pas interjeter appel en témoignant lors de l’instruction de l’appel dont la tenue avait été ordonnée à la suite de la plainte de la défenderesse.

[59]  Le demandeur soutient également qu’il a donné instruction à son avocate de s’opposer au témoignage de M. Nateweyes. Il affirme que, même si le tribunal d’appel a permis à M. Nateweyes de continuer à témoigner, son avocate avait fait valoir qu’il convenait mieux d’aborder dans les conclusions finales le manquement à l’équité procédurale et la raison pour laquelle le tribunal d’appel ne devait pas tenir compte des observations de M. Nateweyes, ajoutant que le tribunal d’appel avait refusé à son avocate la permission de faire valoir ces arguments.

[60]  Toutefois, dans l’affidavit qu’elle a déposé le 4 septembre 2018 à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, la défenderesse conteste cette allégation. Elle affirme qu’aucune objection au témoignage de M. Nateweyes n’a été formulée devant le tribunal d’appel. Elle affirme en outre qu’elle a pris connaissance de la décision du tribunal d’appel et que celui-ci a fait preuve de diligences en consignant la preuve, y compris les objections des avocats. Les seules objections qui ont été formulées ont été inscrites aux paragraphes 47 et 49. À aucun moment, alors qu’elle était présente, le tribunal d’appel n’a été informé que le témoignage de M. Nateweyes posait problème.

[61]  Même s’il n’existe pas d’enregistrement ou de transcription de l’audience, le tribunal d’appel a fourni des motifs détaillés. Ces motifs montrent que l’avocate du demandeur a formulé trois objections, dont deux au cours du témoignage de M. Nateweyes. Plus précisément, la première objection a été formulée après que M. Nateweyes eut témoigné au sujet du changement du lieu du bureau de vote par anticipation à Saskatoon le jour du scrutin par anticipation, sans que les exigences de préavis aient été respectées, et sans qu’il en soit personnellement informé. Après avoir entendu ce témoignage, le tribunal d’appel a déclaré que [traduction] « M. Nateweyes voulait témoigner au sujet de conversations qu’il avait eues avec d’autres personnes qui ne lui auraient pas fourni copie des documents, mais Mme Stonechild s’est opposée à ce que l’on dépose en preuve des conversations échangées avec des personnes qui n’étaient pas présentes pour témoigner ce jour-là ». Deuxièmement, après la présentation de la pièce 9A, laquelle renfermait les notes prises par M. Nateweyes au sujet de sa conversation avec M. Carter, les motifs de la décision indiquent que [traduction] « Mme Stonechild s’est opposée à ce que M. Nateweyes discute de sa conversation avec M. Carter, mais ne s’est pas opposée à ce que les notes soient produites en preuve ».

[62]  Dans sa décision, le tribunal d’appel n’indique pas que le demandeur s’est opposé au contenu du témoignage de M. Nateweyes au motif qu’il ne faisait pas partie des moyens d’appel de la défenderesse ou que le tribunal d’appel avait déjà été saisi de cette question. Les objections concernaient la preuve par ouï-dire inadmissible. La décision n’indique pas si l’avocate du demandeur a d’abord tenté d’aborder la question dans ses conclusions finales ou si elle s’est plainte d’avoir été privée de la possibilité de s’opposer en invoquant l’équité procédurale.

[63]  Je préfère la preuve de la défenderesse puisqu’elle est conforme à la démarche suivie par le tribunal d’appel pour consigner les objections, et je ne suis pas convaincue qu’une objection a été formulée pour empêcher M. Nateweyes de témoigner à l’instruction de l’appel ou pour s’opposer au contenu de son témoignage. Je constate également qu’il était loisible à l’avocate du demandeur, si elle croyait qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale en raison de l’objection et de l’absence de possibilité de formuler des conclusions finales concernant l’admissibilité du témoignage de M. Nateweyes, de déposer un affidavit à l’appui de cette observation et de demander à un autre avocat de représenter le demandeur dans le cadre du contrôle judiciaire. Cette mesure n’a pas été prise.

[64]  En somme, je ne suis pas convaincue que, lors de l’instruction de l’appel, le demandeur s’est opposé à ce que M. Nateweyes témoigne ou au contenu de ce témoignage, à l’exception de son objection au ouï-dire. Quoi qu’il en soit, je vais également examiner s’il y a eu manquement à l’équité procédurale en raison de l’absence d’un préavis et de la possibilité de répondre au témoignage de M. Nateweyes.

viii)  Avis et possibilité de répondre

[65]  L’avis d’appel de la défenderesse (la lettre d’appel) et l’affidavit du candidat portait principalement sur la présumée flânerie et sur l’achat de votes par le demandeur. Comme nous l’avons déjà fait observer, le tribunal d’appel a rejeté ces arguments. Dans son avis d’appel, la défenderesse a soulevé certains manquements à la procédure, plus précisément en ce qui concerne la sécurité le soir de la mise en candidature (voir le sous-alinéa 5h)(xi) du code), à savoir qu’à la fermeture du bureau de scrutin, les membres étaient tenus de quitter le bureau avant que les votes soient comptabilisés, alors que cela devait être fait en présence des membres de la bande (voir le sous-alinéa 5l)(vi) du code), et en ce qui concerne la question de savoir s’il devait y avoir un bureau de vote par anticipation à Prince Albert (voir l’alinéa 5o) du code). Toutefois, le tribunal d’appel ne s’est pas fondé sur ses manquements à l’équité procédurale pour fonder sa décision d’ordonner la tenue d’une élection partielle. De façon plus générale, la lettre d’appel de la défenderesse fait référence au sous-alinéa 8b)(i) du code et, dans son affidavit, elle affirme qu’il y a eu violation des politiques, des procédures et des règles électorales.

[66]  Aux termes de l’alinéa 8b), seuls les deux moyens d’appel suivants sont recevables : conduite contrevenant au code électoral et raisonnablement susceptible d’avoir influé sur les résultats de l’élection (sous-al. 8b)(i)) et manœuvre frauduleuse raisonnablement susceptible d’avoir influé sur les résultats de l’élection (sous-al. 8b)(ii)). Comme nous l’avons déjà fait observer, la lettre d’appel de la défenderesse et l’affidavit de son candidat soulèvent ces deux moyens généraux, mais ne précisent pas les vices de procédure que le tribunal d’appel a finalement relevés et sur lesquels il s’est fondé pour rendre sa décision. Cela nous amène à la question de savoir si, en permettant à M. Nateweyes de témoigner, le tribunal d’appel a manqué à l’équité procédurale en n’avisant pas le demandeur de la preuve à réfuter et en ne lui donnant pas la possibilité d’y répondre.

[67]  À cet égard, il importe de se rappeler que, bien que le demandeur ne conteste que le témoignage d’Eric Nateweyes, le tribunal d’appel s’est dit préoccupé par les problèmes relatifs au processus électoral qu’il avait relevés et qui avaient été [traduction] « soulevés par divers témoins ». En particulier, selon moi, il s’agit notamment du témoin du demandeur, Randy Clark, le directeur général des élections.

[68]  Voici le résumé du témoignage des témoins les plus importants.

a)  Bella Ratt

[69]  Le premier témoin qui a été entendu était Mme Bella Ratt. Son témoignage direct portait sur un bulletin de vote raturé, apposé sur une boîte de scrutin. Mme Ratt a déclaré qu’en attendant de voter, elle avait vu un exemplaire de bulletin de vote collé sur le dessus d’une boîte de scrutin et visible de tous. Elle a également déclaré avoir vu le nom du demandeur sur le bulletin de vote et qu’un « X » était inscrit à côté. Il était environ 15 h 30 ou 16 h le jour de l’élection. Elle en a informé la scrutatrice et lui a demandé de retirer le bulletin de vote. La scrutatrice s’est contentée de biffer le « X ». Contre-interrogée par l’avocate du demandeur, Mme Ratt a confirmé qu’elle avait vu la scrutatrice biffer le « X », mais a ajouté qu’il était encore visible. En réponse aux questions du tribunal d’appel, Mme Ratt a déclaré qu’elle ne savait pas combien de temps l’exemplaire de bulletin de vote était resté sur la boîte de scrutin ni qui y avait inscrit le « X ».

b)  Raylene Sewap

[70]  Raylene Sewap, la présidente du scrutin, a déclaré qu’elle avait vu Mme Ratt voter et que celle-ci était ensuite venue lui parler d’un bulletin de vote vierge, collé sur la boîte de scrutin, qui était raturé. Une liste de tous les candidats à l’élection était collée sur le dessus de chacune des boîtes de scrutin. Mme Ratt s’était plainte qu’un « X » était inscrit à côté du nom du demandeur sur le bulletin de vote collé sur le dessus de la boîte de scrutin pour l’élection des conseillers. Mme Sewap a déclaré qu’elle n’y avait pas inscrit le « X ». Elle a confirmé qu’elle avait d’abord coché les cases à côté des noms des candidats, mais comme cela était insuffisant, elle avait décollé le bulletin de vote raturé, puis l’avait chiffonné et inséré dans la boîte de scrutin pour qu’il soit comptabilisé et ne soit pas considéré comme un bulletin manquant. Il était environ 15 h 30, 15 h 45. Mme Sewap a également déclaré qu’elle avait vu Randy Clarke coller des exemplaires de bulletins de vote sur les boîtes de scrutin et a cru se souvenir qu’ils étaient restés sur les boîtes pendant environ quatre heures. Le « X » inscrit dans la case à côté du nom du demandeur avait été inscrit sur le ruban adhésif utilisé pour apposer le bulletin de vote sur la boîte de scrutin. Contre-interrogée par l’avocate du demandeur, Mme Sewap a confirmé qu’elle avait vu un « X » à côté du nom du demandeur sur un exemplaire de bulletin de vote. Même si elle n’avait pas cru que d’autres exemplaires pouvaient avoir été raturés, elle les avait tous décollés et chiffonnés avant de les mettre dans les boîtes de scrutin. Le tribunal d’appel lui a également posé des questions.

c)  Eric Nateweyes

[71]  Dans son témoignage, M. Nateweyes a affirmé qu’il était candidat à l’élection au poste de conseiller. On lui a montré la pièce 4A, une annonce électorale publiée en février 2018 dans le Prince Albert Grand Council Tribune, qui mentionnait, entre autres, que le bureau de vote par anticipation de Prince Albert était situé au chalet 1 et que celui de Saskatoon était au Centre d’accueil indien et métis. On lui a également montré la pièce 5A, une annonce électorale publiée en mars 2018 dans le Prince Albert Grand Council Tribune, qui mentionnait la même chose. M. Nateweyes a confirmé que les pièces mentionnaient que le bureau de vote par anticipation de Saskatoon était le centre d’accueil White Buffalo et que celui de Prince Albert était le chalet 1. Toutefois, il savait que le lieu de vote à Saskatoon avait été changé le jour du vote par anticipation. Il a dit n’avoir pris connaissance du changement de lieu de vote qu’en lisant le message de M. Clarke sur Facebook. Il faisait campagne à Saskatoon depuis trois jours et pendant tout ce temps, il avait dit à tout le monde d’aller voter au centre White Buffalo. Il a confirmé avoir été informé que 131 électeurs s’étaient présentés au bureau de vote par anticipation de Saskatoon après avoir lu le message de M. Clarke sur Facebook. Il a déclaré que, le 28 mars 2018, un forum des chefs avait eu lieu et qu’aucun avis de changement du lieu de vote par anticipation n’avait été communiqué. M. Nateweyes n’avait pas non plus été informé de quelque façon que ce soit du changement de lieu de vote pour Prince Albert ou Saskatoon.

[72]  M. Nateweyes s’est dit insatisfait de la façon dont l’élection s’était déroulée en soulignant que le lieu de vote avait été changé à la dernière minute et que la collectivité en avait été plus ou moins informée. Il a cité les sous-alinéas 5f)(ii) et (iv) du code électoral de la NCPB et a fait valoir qu’il y avait eu un problème selon lui, puisque la liste électorale n’avait pas été affichée publiquement dans chaque collectivité, comme l’exige le sous‑alinéa 5f)(iv), et que les avis publiés dans le Prince Albert Daily Herald et le Saskatoon Star Phoenix à ce sujet n’étaient pas conformes aux exigences du code. Il a également déclaré que les seuls avis publics avaient paru dans le Grand Council Tribune et avaient été diffusés à la MBC Radio, mais aucun journal local n’avait publié d’avis. M. Nateweyes a ajouté qu’après les élections, il s’était renseigné sur les annonces électorales. Il a déclaré que Randy Clarke lui avait dit que les affiches figurant comme pièces 4A et 5A avaient été fabriquées en janvier 2019. On lui a montré la pièce 8A, une lettre du Centre d’accueil indien et métis de Saskatoon datée du 11 avril 2018, dans laquelle on mentionnait que M. Clarke n’avait pas confirmé sa réservation pour l’élection et qu’il avait seulement fait une demande, même si les annonces publiées dans le Tribune mentionnaient que le bureau de vote était au centre d’accueil White Buffalo. M. Nateweyes a déclaré que Randy Clarke avait réservé les locaux du vote par anticipation le 16 mars 2018 et qu’il n’avait pas fait part des changements au forum des chefs. C’est alors que M. Nateweyes a voulu témoigner au sujet des conversations qu’il avait eues avec d’autres personnes qui n’étaient pas présentes pour témoigner, ce à quoi l’avocate du demandeur s’est opposée.

[73]  M. Nateweyes a ensuite été contre-interrogé par l’avocat de la défenderesse, qui lui a demandé s’il savait combien il y avait d’électeurs admissibles dans la région de Saskatoon, ce à quoi il a répondu environ 300. En réponse à une question posée par le tribunal d’appel, l’avocate du demandeur s’est opposée à ce que M. Nateweyes parle de la conversation qu’il avait eue avec M. Carter, mais elle ne s’est pas opposée à ce que les notes prises par M. Nateweyes au sujet de cette conversation soient déposées en preuve (pièce 9A).

d)  Clarisse Lecoq

[74]  La défenderesse a ensuite témoigné. Lorsque les pièces 4A et 5A lui ont été présentées, elle a déclaré qu’elle n’avait jamais été informée de quelque changement que soit aux bureaux de scrutin. Elle avait reçu des appels téléphoniques de personnes qui allaient voter, mais qui n’avaient pas vu de bureau de vote par anticipation au centre d’accueil de Saskatoon ni d’affiches au bureau de scrutin mentionné dans le Tribune. De plus, aucun avis de changement du lieu de vote à Prince Albert n’avait été affiché au chalet 1. Aucun avis non plus n’avait été publié dans le Tribune concernant le vote par anticipation à Prince Albert.

[75]  Elle a déclaré qu’elle n’avait pas vu de liste des électeurs affichée dans la réserve de Prince Albert. De plus, le 10 avril 2018, à 20 h, les portes du bureau de scrutin étaient fermées, et il s’était écoulé une trentaine de minutes après la fermeture des bureaux avant qu’on ne commence le dépouillement des votes.

[76]  En outre, Mme Lecoq a expliqué qu’elle avait interjeté appel des résultats de l’élection parce qu’elle s’était classée au deuxième rang, avec seulement 26 voix la séparant du demandeur, qui avait été proclamé gagnant. Elle s’est dit d’avis que le « X » inscrit à côté du nom du demandeur sur la boîte de scrutin avait eu pour but d’influencer les électeurs et le résultat des élections. Elle s’est également dite préoccupée par le fait que les lieux de vote avaient été changés à la dernière minute et que les listes d’électeurs admissibles n’avaient pas été affichées. Contre‑interrogée par l’avocate du demandeur, elle a déclaré qu’une dizaine de personnes l’avaient contactée au sujet du vote par anticipation à Saskatoon pour l’informer qu’il n’y avait aucun bureau de scrutin à l’endroit indiqué. Lorsqu’on lui a demandé combien il y avait d’électeurs urbains et si quelqu’un l’avait appelée pour lui dire qu’il souhaitait voter pour elle, mais n’avait pu le faire parce que le lieu de vote avait changé, elle a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas. En réponse aux questions du tribunal d’appel, elle a déclaré qu’elle avait été informée des changements apportés au scrutin par un collègue candidat qui l’avait contactée vers 11 h le jour du vote par anticipation. Randy Clarke, le directeur général des élections, ne l’avait pas informée des changements apportés. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas vu de bulletins de vote falsifiés sur le dessus des boîtes de scrutin, qu’elle n’avait reçu aucune liste électorale et qu’elle n’en avait vu aucune affichée au bureau de la bande.

e)  Randy Clarke

[77]  Le demandeur a ensuite appelé Randy Clarke comme témoin. M. Clarke a confirmé qu’il était le directeur général des élections. Il a également confirmé que c’était lui qui avait inscrit la mention « nul » sur les bulletins de vote, avant de les coller sur le dessus des boîtes de scrutin. Il a déclaré l’avoir fait à Pelican Narrows et à Deschambeault Lake pour faciliter le vote des citoyens. Il avait dit à son personnel de vérifier les boîtes trois fois par jour pour s’assurer que personne n’ait altéré les bulletins de vote. Il a ajouté qu’il n’avait pas inscrit un « X » à côté du nom du demandeur sur l’exemplaire du bulletin de vote. Il croyait que le bulletin de vote raturé se trouvait encore dans la boîte de scrutin. Il a également affirmé qu’il n’avait pas séparé les bulletins reçus le jour du vote par anticipation de ceux reçus le jour du scrutin, soulignant qu’il n’en avait pas la responsabilité.

[78]  M. Clarke a affirmé qu’il avait fabriqué les affiches, les avait posées et avait fait les annonces parues dans le Tribune. Il ne s’était pas adressé au journal de Saskatoon ni de Prince Albert, puisque plus personne ne les lit vraiment; c’est pourquoi il avait fait part des changements de lieux de vote sur Facebook et sur sa page Web. Lorsqu’on lui a demandé comment il s’était assuré que les membres étaient au courant des changements de lieux de vote, M. Clarke a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Il a expliqué qu’il l’avait dit aux gens et qu’il avait mis des affiches au centre d’accueil indiquant que le nouveau lieu de vote était le Ramada. Lorsqu’on lui a demandé comment il avait avisé les candidats du changement, M. Clarke a répondu qu’il avait prévenu tout le monde qu’il y aurait un changement et qu’il avait appelé les candidats.

[79]  M. Clarke a déclaré qu’il avait apporté les boîtes de scrutin destinées au vote urbain. Il avait demandé à son personnel de vérifier l’arrière des isoloirs toutes les deux heures pour s’assurer que personne n’y avait écrit quoi que ce soit.

[80]  Lorsqu’il a été contre-interrogé par l’avocat de la défenderesse, M. Clarke a déclaré qu’il avait placé les exemplaires de bulletins de vote aux bureaux de vote par anticipation à l’extérieur des boîtes avec l’aide de Mme Sewap. Il avait déposé les bulletins de vote à l’endroit pour qu’ils soient bien visibles, ne pensant pas que cela poserait problème. Il a déclaré qu’il incombait à la scrutatrice de retirer tout bulletin raturé. Il s’était dit que, le cas échéant, la scrutatrice remplacerait tout bulletin de vote altéré par un bulletin vierge.

[81]  M. Clarke a déclaré qu’il avait produit les pièces 3A et 4A (voulant probablement dire les pièces 4A et 5A) à des fins de publication, mais qu’il n’était pas tenu de les publier s’il ne le jugeait pas nécessaire. L’avocat de la défenderesse a demandé si M. Clarke avait observé la loi (le code), ce à quoi il a répondu par la négative. Lorsqu’on lui a présenté la pièce 8A, M. Clarke a dit avoir parlé à d’autres personnes du centre d’accueil, mais pas à l’homme dont le nom était mentionné dans la lettre. Il a déclaré qu’il l’avait annoncé (parlant vraisemblablement du changement de lieux de vote) sur son site et qu’il avait téléphoné à tout le monde. Il a cru se souvenir avoir téléphoné aux candidats pour leur faire part de l’emplacement des bureaux de vote. Il ne pouvait se rappeler comment il avait communiqué avec la défenderesse ni avec les autres candidats. Il a déclaré qu’il était presque certain d’avoir téléphoné au demandeur pour l’informer du changement du lieu de vote. Il avait affiché une liste électorale au bureau de la bande, mais il s’agissait en fait d’une liste des membres de la bande.

[82]  Lorsqu’on lui a demandé pourquoi le lieu du vote par anticipation avait été changé, M. Clarke a répondu que c’était parce qu’il n’y avait pas assez d’espace pour que les gens puissent entrer et sortir. Il a reconnu qu’il n’avait rien publié à Prince Albert et à Saskatoon concernant le changement des lieux du vote par anticipation. Interrogé relativement à sa publication du 2 avril 2018 sur Facebook concernant le lieu de vote du 3 avril 2018, M. Clarke a déclaré qu’il croyait se souvenir que quelqu’un l’avait appelé à ce sujet.

[83]  Lorsque l’avocate du demandeur a réinterrogé M. Clarke, elle lui a demandé si l’action de flâner était définie dans le code, ce à quoi il a répondu par la négative. Il s’est également dit d’accord avec l’affirmation de l’avocate selon laquelle les gens ont tendance à écrire sur les parois des isoloirs. Le tribunal d’appel a demandé si M. Clarke avait fait ou non une annonce au forum des chefs, ce à quoi il a répondu qu’il pensait l’avoir fait.

f)  Warren Scott McCallum

[84]  Le demandeur a ensuite témoigné. Une grande partie de son témoignage portait sur les allégations de flânerie et d’achat de votes. Interrogé quant à savoir comment il avait été mis au courant des avis concernant le lieu du scrutin urbain, il a répondu qu’il n’avait pas Facebook, mais qu’on lui avait dit que le lieu du scrutin avait été changé. M. Clarke l’a appelé pour lui donner les dates du scrutin à Saskatoon.

[85]  Ici se termine le résumé des témoignages pertinents des témoins.

[86]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur ne conteste que le défaut de l’aviser de l’intention de faire témoigner M. Nateweyes et de l’informer de la nature de son témoignage. Comme les résumés qui précèdent le démontrent, le témoignage de M. Nateweyes portait principalement sur les changements de dernière minute apportés aux bureaux de vote par anticipation et sur le fait que l’avis de ce changement n’avait pas été adéquatement donné aux candidats et aux membres de la collectivité. Le tribunal d’appel a tenu compte de ce problème dans trois des questions au sujet desquelles il s’est dit préoccupé. Toutefois, la question n’a pas été abordée uniquement par M. Nateweyes dans ce témoignage; la défenderesse en a également parlé dans son témoignage. Et, fait significatif, la question avait carrément été soulevée avant que M. Clarke ne soit cité comme témoin pour le compte du demandeur. L’avocate du demandeur s’était entretenue avec M. Clarke au sujet de l’emplacement des échantillons de bulletins de vote, des personnes responsables de la vérification des urnes, de l’annonce des bureaux de vote par anticipation et des changements apportés à leur emplacement, de la lettre du Centre d’amitié, de la communication avec les candidats lorsque le lieu de scrutin avait été changé, ainsi que d’autres questions. Contre-interrogé à ce sujet, M. Clarke a admis qu’il ne s’était pas conformé aux exigences du code et que, sauf sur sa page Facebook et sur sa page Web, il n’avait pas publié le changement du lieu du vote par anticipation. L’avocate du demandeur s’est vu accorder la possibilité de l’interroger de nouveau, ce qu’elle a fait. Le demandeur lui-même a ensuite témoigné.

[87]  Dans ces circonstances, il se peut que le demandeur n’ait pas reçu de préavis du changement du lieu du vote par anticipation, mais il a eu l’occasion d’aborder le sujet, étant donné que son avocate a pu contre-interroger M. Nateweyes et que le demandeur a lui-même témoigné par la suite et aurait pu aborder la question. Le fait que le témoin du demandeur, M. Clarke, a donné un témoignage défavorable au sujet du changement de bureau de scrutin et d’autres questions concernant le déroulement de l’élection n’a, bien entendu, pas aidé le demandeur à obtenir gain de cause dans sa demande de rejet de l’appel.

[88]  En outre, et fait important, le demandeur ne conteste la véracité d’aucun des témoignages portant sur les préoccupations évoquées par le tribunal d’appel. Il ne laisse pas entendre que la preuve est entachée d’une quelconque façon ou que, s’il avait été avisé à l’avance du témoignage de M. Nateweyes au sujet du vote par anticipation, il aurait alors fait entendre d’autres témoins qui auraient contredit son témoignage. En réalité, le demandeur a fait témoigner M. Clarke, le directeur général des élections, et il est difficile de voir comment son témoignage sur cette question aurait pu être contesté par d’autres personnes.

[89]  L’absence de préavis sur les détails d’un appel ne peut systématiquement aboutir à la conclusion qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Giroux c Première Nation de Swan River, 2006 CF 285, inf. pour d’autres motifs par 2007 CAF 109 :

[38]    Comme la juge Heneghan l’a fait remarquer dans la décision Sound, l’idéal aurait été que M. Giroux soit mis au courant avant l’audience des allégations précises avancées contre lui. Si les précisions sont fournies à l’audience, il y a un risque que l’équité procédurale exige, une fois que les allégations des opposants à l’élection ont été entendues, que l’audience soit ajournée afin d’accorder à l’élu un délai raisonnable pour lui permettre de préparer une réponse. En l’espèce, toutefois, le comité a choisi de suivre une procédure qui consistait à fournir les précisions à l’audition de l’appel.

[39]    Vu les faits particuliers de l’espèce, je conclus que le choix de cette procédure par le comité n’a pas contrevenu aux exigences de l’équité procédurale, étant donné que le procès‑verbal de l’audience devant le comité établit que M. Giroux a pu répondre aux allégations en faisant référence à la décision Sound, et à une autre décision, sur la question de la validité des modifications apportées au Règlement en 2002. Il a été en mesure de produire des copies de la lettre d’avis juridique adressée à la bande sur la question de l’omission d’afficher la liste des demandes d’appartenance approuvées, de même que des résolutions du conseil de bande concernant l’acceptation des demandes d’appartenance des trois nouveaux membres de la famille Giroux. M. Giroux n’a pas sollicité d’ajournement après avoir entendu les allégations avancées contre lui; il n’a pas non plus présenté à la Cour des preuves montrant qu’il lui a été impossible de produire ou de faire valoir des faits, des éléments de preuve ou des arguments parce qu’il n’avait pas reçu avant l’audience des précisions sur les allégations avancées contre lui. Compte tenu de ces éléments de preuve, M. Giroux ne m’a pas convaincue qu’il ne disposait pas d’informations suffisantes pour répondre avec intelligence aux accusations portées contre lui.

[40]    Je conclus donc que les droits de participation de M. Giroux de présenter complètement ses éléments de preuve et ses arguments n’ont pas été violés parce que le comité n’a pas veillé à ce que les précisions soient fournies avant l’audience. Je souligne toutefois qu’il serait possible, dans une autre affaire, d’en arriver à une conclusion différente en fonction d’éléments de preuve différents. Je me fais l’écho de la juge Heneghan quand elle dit qu’idéalement, les précisions devraient être fournies avant toute audience devant le comité. Il serait facile d’y arriver, par exemple en exigeant des avis d’appel détaillés qui seraient fournis, avant l’audience, à la personne visée par l’appel.

[90]  Dans les circonstances particulières de l’espèce, je ne suis pas convaincue que l’absence de préavis quant à la nature du témoignage de M. Nateweyes a empêché le demandeur de répondre pleinement à la question et a entraîné de ce fait un manquement à l’équité procédurale.

[91]  J’en arrive à cette conclusion parce que, bien que, dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur affirme qu’il n’a pas reçu d’avis et n’a pas eu l’occasion de répondre au témoignage de M. Nateweyes, qui portait principalement sur le changement de dernière minute du lieu du scrutin par anticipation, cette question a également été abordée dans le témoignage de la défenderesse et dans celui de M. Clarke, que le demandeur n’a pas contesté pour cause, notamment, de défaut de préavis ou d’absence de possibilité de répondre. De plus, le demandeur a eu l’occasion de contre-interroger et d’interroger directement les témoins, et il lui était loisible de poser des questions à M. Clarke et de témoigner lui-même, après que la défenderesse, M. Nateweyes et M. Clarke eurent témoigné. En outre, le tribunal d’appel s’est dit préoccupé dans sa décision par certaines questions qu’il avait relevées et qui avaient été soulevées par divers témoins. Dans la mesure où le tribunal d’appel s’est fondé sur le témoignage de M. Nateweyes, la défenderesse et M. Clarke ont donné eux aussi un témoignage semblable ou pertinent. Le demandeur ne conteste pas non plus la véracité du témoignage de M. Nateweyes et il ne suggère pas quels éléments de preuve ou observations il aurait présentés pour contester ce témoignage si on lui avait donné la possibilité de le faire. Il n’explique pas non plus en quoi le témoignage de M. Nateweyes lui a causé un préjudice, étant donné que d’autres témoins ont également témoigné dans le même sens.

[92]  Par ailleurs, rien n’indique que le demandeur a sollicité un ajournement pour avoir la possibilité de répondre au témoignage de M. Nateweyes. Il se peut que son avocate n’ait pas eu l’occasion souhaitée de présenter des conclusions finales et que, même si aucune objection n’a été soulevée au témoignage de M. Nateweyes lors de l’instruction de l’appel au motif qu’il n’avait pas reçu de préavis et qu’il n’avait pas été informé du contenu du témoignage (exception faite des objections concernant la preuve par ouï-dire), ces conclusions finales auraient pu porter sur l’admissibilité du témoignage de M. Nateweyes sur le vote par anticipation. Toutefois, rien dans les observations présentées par le demandeur à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire n’explique en quoi ces conclusions finales auraient pu établir un préjudice causé par l’absence de préavis ou de possibilité adéquate de répondre. Compte tenu de ce qui précède, j’estime que le défaut d’accorder la possibilité de présenter des conclusions finales ne suffit pas à démontrer qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

ix)    Conclusions du tribunal d’appel

[93]  La question qu’il reste à résoudre est celle de savoir si, compte tenu de l’ensemble des témoignages, le tribunal d’appel était en droit de confirmer l’appel en se fondant sur une conduite qui ne faisait pas précisément l’objet de l’appel, mais qui concernait néanmoins des infractions au code qui aurait raisonnablement pu avoir une incidence sur les résultats de l’élection.

[94]  Se fondant sur l’arrêt Baker, la défenderesse soutient qu’une fois que le tribunal d’appel avait accepté d’instruire l’appel conformément à l’alinéa 8d) du code électoral de la NCPB, il lui était loisible d’examiner tous les aspects de l’appel qui relevaient de sa compétence.

[95]  Lorsque les parties ont comparu devant moi, j’ai mis en doute l’applicabilité de l’arrêt Baker à la présente espèce. L’affaire Baker était en contexte d’immigration. Conformément à ce qui est maintenant l’équivalent de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], il ne peut être interjeté à la Cour d’appel fédérale un appel d’une décision rendue par notre Cour à la suite d’un contrôle judiciaire en matière d’immigration que si le juge qui rendait le jugement certifiait que l’affaire soulevait une question grave de portée générale et énonçait cette question. Il est vrai qu’une fois qu’une question a été dûment certifiée, en fonction du critère juridique applicable, la Cour d’appel fédérale peut examiner toute question en litige dans l’appel sans se borner à n’examiner que la question ayant fait l’objet de la certification (voir, par exemple : Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au par. 37 [Lewis]). Toutefois, il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire d’immigration et le régime législatif de la LIPR ne s’applique pas. La défenderesse n’a pas non plus cité de précédents pour étayer sa thèse selon laquelle une fois que l’instruction de l’appel a été autorisée, le tribunal d’appel a le droit d’examiner les témoignages qu’il entend et de rendre une décision fondée sur ceux‑ci, et ce, même si les questions soulevées par ces témoignages ne font pas partie des motif précis (par opposition aux motifs généraux) qui sont énumérés dans l’avis d’appel du demandeur. Le demandeur n’a pas abordé cette question dans ses observations. Par conséquent, la Cour a demandé aux avocats de chacune des parties de présenter un bref mémoire de deux pages sur ce point.

[96]  Le demandeur soutient que, même si le tribunal d’appel a peut-être voulu bien faire, il ne lui était pas loisible d’admettre une preuve qui n’avait aucun lien avec les motifs visés par l’avis qu’il avait reçu. Le demandeur signale l’absence de jurisprudence sur la question précise soulevée par la Cour, à savoir si le tribunal d’appel peut fonder sa décision sur les lacunes constatées dans le déroulement de l’élection que les témoignages donnés lors de l’instruction de l’appel ont révélées, même si les questions soulevées ne sont mentionnées que de façon générale et non de façon précise dans l’avis d’appel. Toutefois, à l’appui de sa thèse, le demandeur cite la décision Première Nation de Cowessess no 73 c Pelletier, 2017 CF 692 [Cowessess], dans lequel le juge Diner déclare :

[72] En second lieu, il est évident que la compétence du tribunal se limite aux motifs soulevés dans l’avis, et l’appelant a la charge de prouver ces motifs. Le tribunal ne peut se saisir de nouvelles questions. Puisque la vérification du casier judiciaire de M. Lerat n’a pas été soulevée dans l’avis, le tribunal s’y est attardé à tort et, ce faisant, a outrepassé sa compétence.

[97]  La défenderesse continue d’invoquer l’arrêt Baker pour soutenir que le tribunal d’appel pouvait examiner tous les aspects de l’appel qui relevaient de sa compétence. Plus précisément, elle soutient que l’arrêt Baker envisage une démarche en deux étapes dans le cadre de laquelle une question certifiée est posée à la Cour à la suite des questions soulevées au procès (en fait, dans le cadre du contrôle judiciaire). On passe ensuite à la seconde étape, où la Cour d’appel peut examiner tous les aspects de l’appel qui relèvent de sa compétence. La défenderesse affirme qu’il devrait en être de même dans le cas du processus d’appel en deux étapes prévu par le code électoral de la NCPB. Elle affirme également que ni la loi ni la jurisprudence ne laissent entendre ou ne déclarent qu’il y a des limites au type de preuves que le tribunal d’appel peut admettre, ou des limites aux motifs sur lesquels il peut fonder sa décision une fois la seconde étape amorcée. En l’espèce, le critère de l’équité procédurale s’applique, et il faut se demander si le demandeur a eu la possibilité de répondre aux allégations formulées; il a eu cette possibilité en l’espèce.

[98]  Le demandeur a présenté une lettre de suivi pour demander à la Cour de ne pas tenir compte de l’intégralité des six pages d’observations de la défenderesse parce qu’elles contrevenaient à la directive de la Cour de limiter les observations à deux pages. Il est évident que la défenderesse n’a pas tenu compte des directives de la Cour, mais comme ses observations ne font essentiellement que reprendre ce qu’elle a déjà déclaré, je ne vais pas les écarter au complet comme le voudrait le demandeur.

[99]  À mon avis, l’arrêt Baker n’est pas d’une grande utilité en l’espèce. Dans le cas d’un appel faisant suite à une question certifiée, l’objet de l’appel est le jugement lui-même et non la question certifiée (Baker, au par. 12; Lewis, au par. 37; Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, au par. 19; et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, au par. 10). Ce n’est pas la même chose que le processus d’appel en deux étapes que prévoit le code électoral de la NCPB. Dans ce cas, la première étape consiste à satisfaire à l’exigence préalable relative à la preuve. À la seconde étape, le tribunal d’appel entend et évalue les témoignages comme tels.

[100]   En qui qui concerne la décision Cowessess, notre Cour a jugé dans cette affaire que l’admissibilité d’un candidat, à la suite de la vérification de son casier judiciaire, n’avait pas été soulevée comme motif d’appel et n’aurait pas dû être prise en considération par le tribunal d’appel puisque cette question ne relevait pas de sa compétence.  De plus, les exigences d’équité procédurale relatives au préavis et à la possibilité de répondre n’avaient pas été respectées.

[101]  À mon avis, bien que les motifs de la décision Cowessess portent à la fois sur la compétence et sur l’équité procédurale, il ressort de cette décision que la capacité d’un tribunal d’appel de fonder sa décision sur des préoccupations qui n’ont pas été soulevées dans l’avis d’appel dépend du libellé du code électoral applicable. Autrement dit, tout est une question d’interprétation. Dans cette affaire, le code électoral exigeait que, pour rendre sa décision, le tribunal d’appel [traduction] « détermine si l’appelant a établi les motifs d’appel énoncés dans l’avis d’appel ». Le code électoral de la NCPB ne renferme pas de dispositions équivalentes. L’alinéa 8b) limite les moyens d’appel à deux, dont l’un (sous‑alinéa 8b)(i)) concerne les actes contraires au code qui sont susceptibles d’avoir raisonnablement influé sur les résultats de l’élection. L’alinéa 8e) autorise le tribunal d’appel à rejeter l’appel (alinéa 8e)(i)), à faire droit à l’appel tout en confirmant la validité des résultats de l’élection au motif que les actes reprochés n’auraient pas pu raisonnablement influer sur les résultats de l’élection (sous-alinéa 8e)(ii)), ou à faire droit à l’appel et ordonner la tenue d’une élection dans les 30 jours (sous alinéa 8e)(iii)). Les seuls termes de l’alinéa 8e) qui pourraient être considérés comme limitant le pouvoir du tribunal d’appel de tirer les conclusions qu’il a tirées en l’espèce sont les mots [traduction] « les actes reprochés » à l’alinéa 8e)(ii). Toutefois, comme d’autres aspects du code électoral de la NCPB, ces termes sont quelque peu ambigus, car, interprétés au sens large, ils pourraient englober les actes reprochés dans le cadre de l’instruction de l’appel. Vu ce qui précède, il était raisonnablement loisible au tribunal d’appel de fonder sa décision de faire droit à l’appel sur des conclusions de fait portant sur des actes qui contrevenaient au code et qui auraient pu raisonnablement avoir une incidence sur les résultats de l’élection, mais qui ressortaient des témoignages qu’il avait entendus lors de l’instruction de l’appel. De plus, ces actes relevaient du motif d’appel général énoncé aux sous alinéa 8b)(i), dont il était question dans l’avis d’appel de la défenderesse, ainsi que des pouvoirs décisionnels conférés au tribunal d’appel par l’alinéa 8e).

[102]  Quoi qu’il en soit, à mon avis, tant la décision Cowessess que les observations du demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire portent en définitive sur la question de l’absence de préavis ayant entraîné un manquement à l’équité procédurale. En l’espèce, ce manquement s’est matérialisé par le défaut d’aviser le demandeur de la nature du témoignage de M. Nateweyes et, par conséquent, par l’absence de possibilité de répondre pleinement à ce témoignage. Pour les motifs qui ont été exposés, j’estime que ces omissions ne constituaient pas un manquement à l’équité procédurale. Il est également important de souligner que le demandeur ne s’est pas plaint de l’absence de préavis relativement aux boîtes de scrutin altérées, question qui n’a pas été abordée dans le témoignage de M. Nateweyes, mais qui a servi de fondement aux deux autres préoccupations soulevées par le tribunal d’appel. De plus, il y a lieu d’établir une distinction entre les faits de l’affaire Cowesses et ceux de l’espèce. Dans cette affaire, le demandeur avait présenté un affidavit indiquant que la question de la vérification de son casier judiciaire n’avait jamais été abordée à l’audience. Il avait également affirmé que la vérification du casier judiciaire contenait une erreur d’écriture quant à sa date qui, avant l’examen par le tribunal, était passée inaperçue et aurait pu être réglée si la question avait été soulevée dans l’avis d’appel ou à l’audience. Contrairement à l’affaire Cowesses, le témoignage donné lors de l’instruction de l’appel soulevait en l’espèce la question du défaut de préavis concernant le changement de lieu du vote par anticipation et les bulletins de vote raturés et d’autres vices de procédure dans le déroulement de l’élection. De plus, contrairement à l’affaire Cowesses, le demandeur en l’espèce n’a fourni aucune preuve quant à la façon dont il aurait réfuté la preuve relative aux vices de procédure dans le processus électoral découlant du témoignage présenté lors de l’instruction de l’appel en ce qui concerne l’absence de préavis quant au changement de lieu du vote par anticipation, ou comment il aurait réfuté le témoignage de Bella Ratt, de Raylene Sewap et de Randy Clarke concernant les bulletins de vote raturés.

[103]  En conclusion, compte tenu des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, et adoptant une approche contextuelle en ce qui concerne la question du contenu de l’obligation d’équité procédurale envers le demandeur, je suis convaincue qu’en l’espèce, la procédure suivie était équitable, vu l’ensemble des circonstances.

[104]  Cela étant, je suis d’accord avec le tribunal d’appel pour dire que le code électoral de la NCPB manque de précision. On pourrait éviter ce genre de situation si le code renfermait des dispositions indiquant que seuls les motifs d’appel mentionnés dans l’avis d’appel peuvent être invoqués lors de l’instruction de l’appel ou s’il précisait que, lorsqu’un témoignage donné lors de l’instruction de l’appel révèle des faits qui indiquent et confirment d’autres infractions au code, celles-ci peuvent être prises en considération dans le processus décisionnel. Ces clarifications permettraient également d’éviter que les appelants se lancent dans des recherches à l’aveuglette dans le but d’obtenir des témoignages utiles à l’instruction de l’appel ou élimineraient le risque que les contraventions établies par les témoignages donnés à l’audience ne soient pas abordées, mettant ainsi en péril la confiance de la population envers le processus électoral. Il serait également utile d’ajouter des exigences claires quant au contenu de l’avis d’instruction de l’appel. Toutefois, il appartient à la Nation crie Peter Ballantine de régler cette question si elle estime indiqué de le faire.

[105]  Dans le même ordre d’idées, je constate qu’il ressort clairement de ses motifs d’appel que, compte tenu des vices de procédure qu’il a relevés dans le processus électoral, le tribunal d’appel était d’avis que les élections devaient être reprises au complet. Le tribunal d’appel a toutefois conclu à juste titre que le code ne lui conférait pas le pouvoir d’ordonner une telle mesure. Il s’est donc limité à l’appel dont il était saisi et, compte tenu des vices de procédure et du faible écart de voix entre la défenderesse et le demandeur, il a conclu que la tenue d’une élection partielle pour le district urbain de Prince Albert était justifiée. Bien que le demandeur fasse valoir que comme le tribunal d’appel n’avait pas compétence [traduction] « pour accorder directement une réparation qui remédierait précisément aux manquements à l’équité procédurale ou assurerait que l’élection se déroule de façon équitable » et que, par conséquent [traduction] « toute autre quasi-réparation qu’il pourrait accorder est également vouée à l’échec », j’estime que cet argument n’est pas fondé. Bien qu’il aurait été sans doute plus équitable de reprendre au complet les élections, le fait que le code n’offre pas ce choix au tribunal d’appel n’invalide pas la décision qu’il a rendue dans le cadre de l’appel dont il était saisi.

Les dépens

[106]  Dans son avis de demande, le demandeur sollicite les dépens entre parties conformément au tarif B. La NCPB a formulé de longues observations sur les dépens que j’ai examinés et dont j’ai tenu compte. Elle affirme en fin de compte que les dépens ne devraient pas être adjugés en faveur du demandeur, même s’il obtient gain de cause dans sa demande. À titre subsidiaire, elle fait valoir que chacune des parties devrait supporter ses propres dépens et, subsidiairement encore, que tout montant auquel les défenderesses seraient condamnées se limite au coût de l’audience en contrôle judiciaire et ne soit pas entièrement assumé par la NCPB. La défenderesse Clarisse Lecoq demande que ses dépens soient fixés à 10 000 $.

[107]  Le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-16, confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire absolu sur le montant et la répartition des dépens ainsi que sur la question de savoir qui doit les payer. Le paragraphe 400(2) énumère les facteurs dont la Cour peut tenir compte lorsqu’elle exerce ce pouvoir discrétionnaire.

[108]  En l’espèce, le demandeur n’a pas obtenu gain de cause. La NCPB n’a pas pris position ni participé au contrôle judiciaire, se contentant de présenter des observations sur les dépens.

[109]  La NCPB souligne à juste titre, à mon sens, qu’on peut soutenir que la résolution des questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire sera dans l’intérêt de la NCPB dans son ensemble, ce qui va dans le sens de l’argument selon lequel la NCPB devrait être tenue responsable des dépens, que le demandeur ait gain de cause ou non. La NCPB affirme également qu’en plus de l’importance de l’intérêt public à l’égard de la présente affaire, celle-ci doit soulever une question nouvelle qui déborde les intérêts immédiats des parties pour entrer en jeu (Première Nation de Cowessess no 73 c Pelletier, 2017 CF 859, aux par. 16, 23–24 [Pelletier]; Raymond Willier c Bande indienne no 150A de Sucker Lake, 2002 CFPI 192, aux par. 13, 18, 22).

[110]  Je constate que le demandeur a affirmé que le tribunal d’appel n’avait pas compétence (ce qui, à mon avis, est une question d’interprétation du code) et qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale découlant des dispositions et de l’application du code électoral. Dans sa décision, le tribunal d’appel a expressément conclu que le code était vague et nécessitait une révision en profondeur, en particulier sa section relative au tribunal d’appel, qui était insuffisante et ne permettait pas au tribunal d’appel d’accorder une réparation en l’espèce. Compte tenu de ce qui précède et de mes observations sur le manque de clarté des dispositions du code en ce qui concerne la procédure d’appel, je suis convaincue que, même si le demandeur n’a pas obtenu gain de cause, il ne doit pas être condamné aux dépens. En outre, j’estime qu’il convient à la NCPB de payer les dépens de la défenderesse, soit une somme globale de 2 500 $. Il n’y aura aucune autre ordonnance au sujet des dépens.


JUGEMENT dans le dossier T-1246-18

LA COUR STATUE ce qui suit :

  1. Clarisse Lecoq est constituée défenderesse dans la présente instance et l’intitulé est modifié en conséquence.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés contre le demandeur. La NCPB devra payer les dépens de la défenderesse, soit une somme globale de 2 500 $. Il n’y a pas d’autre ordonnance au sujet des dépens.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de septembre 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1246-18

INTITULÉ :

WARREN SCOTT MCCALLUM c NATION CRIE PETER BALLANTYNE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Prince Albert (Saskatchewan)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 MAI 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 5 JUILLET 2019

COMPARUTIONS :

Kimberly Stonechild

POUR LE demandeur

Anil K. Pandila

POUR LA défenderesse

NATION CRIE PETER BALLANTYNE

Peter V. Abrametz

POUR LA défenderesse

CLARISSE LECOQ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lavoie Stonechild Law Office

Avocats

Prince Albert (Saskatchewan)

POUR LE  demandeur

Pandila & Company

Avocats

Prince Albert (Saskatchewan)

POUR LA défenderesse

NATION CRIE PETER BALLANTYNE

Abrametz & Eggum

Avocats

Prince Albert (Saskatchewan)

POUR LA défenderesse

CLARISSE LECOQ

 

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