Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190725


Dossier : IMM-4811-18

Référence : 2019 CF 998

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

LEONID KOLOKOLOV; NINA ABYZOVA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sont des citoyens russes qui sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas a rejeté leurs demandes de visas de résident temporaire pour visiter leur famille au Canada. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Question préliminaire

[2]  Les demandeurs, qui se représentent eux-mêmes, n’ont pas comparu à l’audience du présent contrôle judiciaire. C’est leur fille qui a assisté à l’audience en leur nom.

[3]  À l’ouverture de l’audience, l’avocat du ministre défendeur s’est opposé à ce que la fille des demandeurs présente des observations en leur nom au motif qu’elle n’avait pas la qualité pour agir selon l’article 119 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Les demandeurs n’étaient pas représentés par un avocat et aucune ordonnance de représentation ne permettait à leur fille de soumettre des observations en leur nom.

[4]  La Cour a proposé un ajournement pour laisser aux demandeurs le temps de retenir les services d’un avocat ou, subsidiairement, prendre les dispositions nécessaires pour faire comparaître les demandeurs par vidéoconférence. Toutefois, la fille des demandeurs a indiqué que ces derniers avaient déjà tenté de retenir les services d’un avocat, mais sans succès. Elle a en outre expliqué qu’il ne servirait à rien que ses parents comparaissent par vidéoconférence, puisqu’ils ne parlent ni l’anglais ni le français.

[5]  Par conséquent, l’audience s’est poursuivie et, bien que la Cour n’ait pas entendu d’observations orales pour le compte des demandeurs, elle a effectivement examiné les documents écrits suivants déposés par les demandeurs : la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire; le dossier des demandeurs déposé le 30 octobre 2018; et les observations en réponse déposés le 10 janvier 2019.

Décision de l’agent des visas

[6]  Dans une lettre datée du 9 août 2018, l’agent des visas à l’ambassade du Canada à Moscou a rejeté les demandes de visas des demandeurs en invoquant plusieurs motifs.

[7]  L’agent n’était pas convaincu que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de leur séjour, conformément à l’alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], compte tenu des éléments suivants :

    • Les antécédents de voyage des demandeurs;
    • Leurs liens familiaux au Canada et dans leur pays de résidence;
    • Le motif de leur visite;
    • Les perspectives d’emploi limitées dans leur pays de résidence;
    • Leur situation d’emploi actuelle;
    • Leurs actifs personnels et leur situation financière.

[8]  L’agent a conclu que la documentation faisant état des revenus et des actifs de leur hôtesse (c.-à-d. leur fille) était insuffisante. L’agent n’était pas non plus convaincu que les demandeurs eux-mêmes disposaient de fonds suffisants pour subvenir à leurs besoins pendant leur séjour au Canada et pour garantir leur départ du pays.

[9]  L’agent a conclu que les demandeurs ne satisfaisaient pas aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] et du RIPR. De plus, il n’était pas convaincu qu’ils quitteraient le Canada au terme d’un séjour autorisé.

Question en litige et norme de contrôle

[10]  Dans leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, les demandeurs soutiennent que l’agent des visas a commis les erreurs suivantes :

  1. Le décideur a appliqué le mauvais critère pour examiner les demandes présentées et les pièces justificatives, et a par conséquent rendu une décision entachée d’une erreur de droit;

  2. Le décideur a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait;

  3. Le décideur a ignoré des éléments de preuve pertinents qui lui avaient été correctement présentés et qui étayaient les droits des demandeurs de se voir délivrer leurs visas de visiteur;

  4. Le décideur a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer en déterminant que les demandeurs ont présenté des renseignements pertinents pour justifier leur visite au Canada;

  5. Le décideur a déformé et a mal interprété la preuve dans le but de tirer des conclusions de faits manifestement déraisonnables.

[11]  Considérés globalement, les motifs invoqués par les demandeurs visent essentiellement à contester la décision de l’agent des visas dans son ensemble.

[12]  En matière de contrôle judiciaire, la norme de contrôle applicable par la Cour en révision d’une décision d’un agent des visas est celle de la décision raisonnable (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 894, au par. 15).

[13]  Il en résulte que la Cour doit faire preuve de déférence envers la décision de l’agent des visas, pourvu que celle-ci soit justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

[14]  Si la Cour conclut que la décision de l’agent des visas est exempte d’erreur, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Analyse

La décision de l’agent des visas de rejeter la demande est-elle raisonnable?

[15]  Les demandeurs soutiennent que l’agent des visas n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents qu’ils ont déposés à l’appui de leur demande de visas. Ils invoquent les bordereaux de paie de leur hôtesse, des lettres émanant de leur caisse de retraite et attestant leur revenu, ainsi que des éléments de preuve au sujet de leur situation financière. Ils font aussi valoir que l’agent n’a pas tenu compte de leur voyage antérieur au Canada et de leurs liens en Russie comme preuve qu’ils retourneraient dans leur pays de résidence à l’issue de leur séjour.

[16]  La décision d’un agent des visas de délivrer un visa de résident temporaire est hautement discrétionnaire et commande un degré élevé de déférence. Par conséquent, l’obligation de l’agent de fournir des motifs détaillés et de faire preuve d’équité procédurale se situe vers l’extrémité inférieure du registre (Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Patel, 2002 CAF 55, au par. 10).

[17]  En l’espèce, l’agent des visas a tenu compte de la preuve, mais il n’était pas disposé à accorder les visas de résident temporaire pour les motifs suivants :

  • Absence d’antécédents de voyage notables (mis à part un voyage au Canada en 2011);
  • Rejet de demandes antérieures de visa de résident temporaire en 2012 et 2013;
  • Revenu modeste en Russie;
  • Liens faibles avec la Russie;
  • Dépôts récents au compte des demandeurs ne concordant pas avec le revenu déclaré;
  • Épargne des demandeurs provenant d’une source incertaine;
  • Aucune preuve de l’épargne de la fille (et hôtesse) des demandeurs.

[18]  Bien que les demandeurs contestent l’appréciation de la preuve par l’agent des visas, ils n’ont identifié aucun élément de preuve ou document que ce dernier aurait ignoré. Ils soutiennent essentiellement que l’agent aurait dû parvenir à une conclusion différente au vu de la preuve dont il disposait. Toutefois, il ne s’agit pas d’un motif suffisant pour démontrer que la preuve a été ignorée ou mal interprétée.

[19]  Les facteurs examinés par l’agent des visas, y compris les antécédents de voyage, les liens familiaux dans le pays d’origine, l’emploi et la situation financière ont tous été reconnus par la Cour comme étant des facteurs pertinents que les agents doivent prendre en considération pour trancher des demandes de visas de résident temporaire (voir Obeng c Canada (MCI), 2008 CF 754, au par 13; Huang c Canada (MCI), 2012 CF 145, au par. 11; Skobrev c Canada (MCI), 2004 CF 485, au par. 8; et Baylon c Canada (MCI), 2009 CF 743, au par. 26). Ainsi, il n’était pas déraisonnable pour l’agent de tenir compte de ces facteurs et de s’appuyer sur ceux-ci pour rejeter la demande de visas des demandeurs.

[20]  Il incombe aux demandeurs qui présentent une demande de visa de fournir les renseignements nécessaires pour convaincre l’agent qu’ils quitteront le Canada à la fin de leur période de séjour autorisée. Dans l’affaire Abdulateef c Canada (MCI), 2012 CF 400, le juge Rennie (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a conclu que la LIPR et son règlement d’application « obligent la demanderesse à prouver qu’elle n’est pas une immigrante, mais plutôt une résidente temporaire authentique qui quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée » (au par. 10). C’est l’agent des visas et non la Cour qui statue à cet effet après avoir examiné et apprécié la preuve factuelle fournie par le demandeur.

[21]  Bien que les demandeurs soutiennent que l’agent des visas n’a pas tenu compte de leur preuve, cette allégation n’est pas étayée par la décision, qui montre que l’agent a examiné la preuve, mais qu’il avait des réserves à ce sujet. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve dont dispose l’agent (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 61).

[22]  De plus, dans la mesure où l’agent des visas a conclu qu’il ne disposait pas d’éléments de preuve suffisants pour dissiper ses doutes, celui-ci n’est pas tenu d’effectuer un suivi auprès des demandeurs pour obtenir des renseignements supplémentaires (Qin c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 815, au par. 7, cité dans Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614, au par. 1).

[23]  En définitive, les demandeurs n’ont pas établi l’existence d’erreurs dans la décision de l’agent des visas. L’agent a examiné la preuve fournie par les demandeurs et a exposé les motifs pour lesquels cette preuve ne l’a pas convaincu qu’ils quitteraient le Canada à la fin de leur séjour autorisé. En l’absence d’erreur de la part de l’agent dans la présente évaluation, il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir.

[24]  La décision appartient aux issus possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement à celui de l’agent des visas.

[25]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4811-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent des visas et rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15ejour d’août 2019.

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4811-18

INTITULÉ :

LEONID KOLOKOLOV ET AL c MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 JUIN 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 25 JUILLET 2019

COMPARUTIONS :

Tatiana Cheremyykh

POUR LES DEMANDEURS

Modupe Oluyomi

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

S.O.

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.