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Date : 20190722


Dossier : IMM‑4354‑18

Référence : 2019 CF 962

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

ARLENE RILLON

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Arlene Erojo Rillon, est citoyenne des Philippines. Elle est entrée au Canada en 2013 pour effectuer un travail d’ordre religieux pour The Kingdom of Jesus Christ - Canada [TKJC]. En juillet 2016, alors que son statut de visiteur était encore valide, elle a présenté une demande de prolongation de ce statut au Canada afin de continuer à travailler pour TKJC.

[2]  Dans une décision datée du 21 août 2018, un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a refusé la demande de prolongation de la fiche de visiteur de la demanderesse. La demanderesse sollicite à présent le contrôle judiciaire de la décision de l’agent au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Elle demande à la Cour d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire.

I.  Le contexte

[3]  Avant la demande de prolongation en cause, qui a été présentée en juillet 2016, le statut de visiteur de la demanderesse avait été prolongé à trois reprises depuis son arrivée au Canada. Près de dix mois après avoir présenté sa quatrième demande visant la prolongation de son statut de visiteur, la demanderesse s’est renseignée sur l’état de son dossier. Environ un mois plus tard, elle a appris que sa demande de prolongation avait été refusée, parce que l’agent avait conclu que la preuve de fonds était insuffisante et que TKJC n’avait fourni aucune lettre de soutien indiquant que la demanderesse poursuivrait son travail d’ordre religieux pour elle.

[4]  Le 14 septembre 2017, soit avant l’expiration du délai de 90 jours autorisé aux termes du paragraphe 182(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, la demanderesse a présenté une demande de rétablissement de sa fiche de visiteur. Une lettre rédigée par TKJC à l’appui de cette demande indiquait ce qui suit :

[traduction]

Nous tenons à garder nos précieux travailleurs religieux comme Arlene. Nous faisons en sorte qu’ils conservent leur statut juridique de missionnaires au Canada en veillant à ce que leurs demandes soient soumises en temps opportun et accompagnées de toutes les pièces justificatives voulues, comme la lettre de soutien dans laquelle nous attestons que nous subviendrons à tous leurs besoins pendant leur séjour au Canada. L’omission de fournir les pièces justificatives requises lors de la présentation de la dernière demande de prolongation de la fiche de visiteur d’Arlene était une erreur de notre part dans l’exécution de nos tâches administratives.

L’organisation TKJC-Canada compte sur les services dévoués fournis par Arlene en tant que missionnaire, et nous aimerions que son statut de visiteur soit rétabli. Nous vous demandons donc de bien vouloir rétablir le statut de visiteur d’Arlene. TKJC-Canada s’engage à continuer de fournir un soutien financier à Arlene pendant son séjour au Canada tandis qu’elle accomplit ses devoirs religieux parmi nous. Nous prenons en charge ses frais de nourriture et de logement, son assurance-maladie, ses frais de transport et son allocation personnelle de 200 $. Nous demandons aux autorités de l’immigration de bien vouloir prolonger le statut de visiteur d’Arlene pour une autre année ou jusqu’en septembre 2018.

[5]  Dans une lettre datée du 21 décembre 2017, une agente d’IRCC a refusé la demande de rétablissement, au motif qu’elle n’avait pas été présentée dans les 90 jours suivant la perte du statut de résident temporaire. Les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC] associés à cette lettre indiquent ce qui suit :

[traduction]

La cliente présente une demande de rétablissement et de prolongation de la FV. Sa demande précédente relative à la FV a été refusée le 3 JANVIER 2017. Bien que la lettre ne lui ait été envoyée que le 4 AOÛT 2017, une décision définitive a été prise le 3 JANVIER 2017. La demande a donc été présentée après la période de rétablissement. Demande refusée.

[6]  La demanderesse a sollicité le contrôle judiciaire de ce refus. Sur consentement des parties, l’affaire a été renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

II.  La nouvelle décision

[7]  Lors du réexamen, l’agent a refusé la demande de rétablissement, au motif que la demanderesse ne l’avait pas présentée dans les 90 jours suivant la perte de son statut de visiteur, le 3 janvier 2017.

[8]  Les notes du SMGC associées à la lettre de refus du 21 août 2018 indiquent ce qui suit :

[traduction]

La cliente est entrée au Canada le 6 janvier 2013 comme travailleuse appartenant à un ordre religieux. Son séjour a été prolongé jusqu’au 30 août 2016 après qu’elle eut présenté des demandes en ce sens. La cliente a soumis une demande de prolongation de son séjour qui a été reçue le 26 août 2016 et refusée le 3 janvier 2017. La lettre de refus a été rédigée et envoyée par courriel à la cliente qui l’a reçue le même jour. La réception a été confirmée, car le courriel a fait l’objet d’un suivi et n’a pas été renvoyé à l’expéditeur comme non livrable par le système de courriel utilisé à l’époque pour envoyer des lettres à la cliente. La cliente affirme qu’elle n’a pas reçu la lettre de refus datée du 3 janvier 2017 et qu’elle a communiqué avec le centre d’appels pour qu’elle lui soit renvoyée. Il semble que la lettre de refus a été régénérée le 4 août 2017 puis renvoyée à la cliente datée du 4 août 2017 plutôt que du 3 janvier 2017. L’examen des deux lettres de refus montre que la cliente a reçu pour instruction de quitter le pays « au plus tard à la date d’expiration de son titre actuel ou, si le titre est déjà expiré, de quitter le pays immédiatement ». Le fait que la seconde lettre était datée du 4 août 2017 ne change rien au fait que la demande a été refusée le 3 janvier précédent et qu’il s’agit de la date à laquelle le statut de la cliente a expiré. La demande a été refusée le 3 janvier 2017 et, à ce titre, la cliente disposait de 90 jours à partir de la date de refus pour présenter une demande de rétablissement.

La période de rétablissement a pris fin le 3 avril 2017 […]

La présente demande a été reçue le 14 septembre 2017, après la période de rétablissement de 90 jours. Par conséquent, la cliente ne peut bénéficier d’un rétablissement de son statut.

[9]  Comme l’indiquent les notes du SMGC, la demanderesse affirme qu’elle n’a pas reçu la lettre de refus datée du 3 janvier 2017 et envoyée par courriel. Le dossier certifié du tribunal contient toutefois une copie de cette lettre ainsi que le courriel daté du 3 janvier 2017 auquel elle était jointe. Bien que les notes en question ne mentionnent pas l’envoi de ce courriel, l’affidavit de l’agente ayant refusé la demande de rétablissement en décembre 2017 comporte un rapport d’archivage d’Outlook confirmant que le courriel en question a été envoyé le 3 janvier 2017. Cette agente déclare dans son affidavit qu’en réponse à la demande d’information quant à l’état de sa demande présentée par la demanderesse à la fin juin 2017, un agent a renvoyé la lettre de refus originale, mais en a modifié la date en inscrivant le 4 août 2017 comme date de réponse.

III.  La norme de contrôle

[10]  La question principale soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si la décision par laquelle l’agent a refusé la demande de rétablissement de la fiche de visiteur de la demanderesse était raisonnable.

[11]  La Cour convient avec les parties que la norme de contrôle applicable à l’égard d’une décision portant sur le rétablissement du statut de résident temporaire est celle de la décision raisonnable (Badhan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 704, au par. 10; Udodong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 234, aux par. 5 et 6; Shekhtman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 964, au par. 14 [Shekhtman]).

[12]  La norme de la décision raisonnable commande à la Cour, lorsqu’elle examine une décision administrative, de s’attarder « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47). Ces critères sont respectés si les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au par. 16).

IV.  Les observations de la demanderesse

[13]  La demanderesse affirme que l’agent a commis une erreur lorsqu’il a décidé qu’elle n’était pas admissible à présenter une demande de rétablissement de son statut d’immigrant au motif que la demande n’avait pas été faite dans les délais prescrits. Selon elle, elle pouvait présenter une demande de rétablissement de son statut dans les 90 jours à compter du 4 août 2017, soit la date à laquelle elle a appris qu’elle avait perdu son statut de résident temporaire à titre de visiteuse. S’agissant de savoir quand a débuté le délai de 90 jours applicable à la demande de rétablissement, la demanderesse ajoute que l’agent était tenu de considérer tous les faits pertinents et de déterminer à quel moment la décision de refuser la demande de prolongation de son statut de visiteur avait été prise afin d’établir la date d’expiration du statut en question.

[14]  De l’avis de la demanderesse, il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure que le délai de 90 jours pour présenter une demande de rétablissement avait commencé à courir le 3 janvier 2017, étant donné que des éléments de preuve indiquent clairement que ce n’est que le 4 août suivant qu’elle a été avisée du refus de la demande visant la prolongation de son statut de visiteur. Elle affirme donc qu’il lui aurait été impossible, dans les circonstances de la présente affaire, de déposer une demande de rétablissement avant d’avoir reçu l’avis en question, le 4 août 2017. Selon elle, le fait que la décision de l’agent a été prise un jour après la réception de ses observations additionnelles est important, car il indique clairement que ses observations n’ont pas été examinées avant que la décision soit prise de refuser de traiter la demande de rétablissement.

[15]  La demanderesse critique la position du défendeur selon laquelle la période de rétablissement de 90 jours commence à courir dès qu’il est établi qu’une lettre de refus a été envoyée au demandeur cherchant à rester au Canada, peu importe que des éléments de preuve indiquent que le demandeur en question n’a jamais reçu avis du refus. D’après la demanderesse, une telle application de la règle des 90 jours empêcherait les demandeurs n’ayant absolument rien à se reprocher de présenter des demandes de rétablissement lorsqu’un agent d’immigration décide de refuser leur demande de prolongation, mais qu’ils n’en sont jamais avisés.

[16]  La demanderesse soutient que le fait qu’elle ait attendu dix mois pour s’informer de l’état de la demande visant la prolongation de son statut de visiteur est sans importance et ne devrait pas lui être reproché. À son avis, elle ne devrait pas être tenue de se renseigner sur l’état de la demande, étant donné qu’elle n’exerce aucun contrôle sur son traitement une fois qu’elle a été soumise ni sur le moment auquel elle sera finalisée.

V.  Les observations du défendeur

[17]  Selon le défendeur, la demanderesse doit assumer une certaine responsabilité pour ce qui est de s’informer de l’état d’une demande prétendument en instance depuis si longtemps. Il ajoute qu’il serait absurde qu’un demandeur puisse simplement, en l’absence de la moindre preuve, affirmer qu’il n’a jamais été avisé d’un refus, de manière à pouvoir bénéficier d’une prolongation de son statut implicite, au lieu d’être exposé aux conséquences d’un refus, ou de manière à prolonger la période d’admissibilité à un rétablissement de son statut.

[18]  Pour le défendeur, l’argument selon lequel l’agent n’a pas examiné les observations de la demanderesse sous prétexte qu’il a rendu sa décision un jour seulement après les avoir reçues est sans fondement. Il fait remarquer que les notes du SMGC indiquent que l’agent attendait précisément les observations en question et que la demanderesse n’a pas démontré que ses observations ou sa preuve n’ont pas été examinées. Le défendeur note que le refus de la demande de rétablissement par l’agent reposait sur la conclusion selon laquelle le refus lui avait été communiqué en janvier 2017.

[19]  Le défendeur affirme que pour établir le caractère raisonnable de la décision de l’agent, il faut déterminer quelle partie est responsable de la communication. Selon lui, il existe à cet égard deux courants jurisprudentiels. Suivant le premier courant jurisprudentiel, le ministre doit prouver deux choses : 1) que la communication a été envoyée à une adresse courriel fournie par le demandeur; 2) que rien n’indique que la communication a échoué ou est revenue. Si les deux conditions sont établies, il importe peu de savoir si le demandeur a reçu ou non la communication, étant donné que le ministre se sera acquitté de son obligation d’équité.

[20]  Suivant le second courant jurisprudentiel, il convient de déterminer si l’une des parties a commis une faute. Lorsque l’agent prouve, selon la prépondérance des probabilités, qu’un document a été envoyé, il existe alors une présomption réfutable que le demandeur l’a reçu, et le demandeur doit assumer le risque de non-communication. Selon le défendeur, le ministre s’est acquitté du fardeau d’établir que la communication a été transmise en l’espèce, et la demanderesse n’a pas réfuté la présomption selon laquelle la lettre du 3 janvier 2017 a été envoyée.

VI.  Analyse

[21]  La jurisprudence de la Cour concernant les mauvaises communications par courriel a été résumée de manière succincte dans la décision Cruz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1114, au par. 15 [Cruz] :

[15]  […] la jurisprudence entourant les questions de mauvaise communication par courrier électronique […] s’est développée en deux courants jurisprudentiels. Le premier courant jurisprudentiel énonce qu’il incombe au ministre défendeur de prouver deux choses : (1) que la communication contestée a été envoyée à une adresse de courrier électronique fournie par le demandeur; (2) que rien n’indique que la communication a échoué ou est revenue. Si ces deux choses ont été prouvées, il n’importe pas que le demandeur ait reçu ou non la communication, étant donné que le défendeur s’est acquitté de son obligation d’équité procédurale. Le second courant jurisprudentiel porte sur la conclusion qu’une faute a été commise par l’une des parties. Plus précisément, lorsque l’agent des visas prouve, selon la prépondérance des probabilités, qu’un document a été envoyé, il y a présomption réfutable que le demandeur l’a reçu, et le demandeur doit assumer les risques des communications non reçues : voir également Chandrakantbhai Patel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 900, au paragraphe 36. [Renvoi omis].

[22]  Une grande partie de la jurisprudence de la Cour à cet égard a été résumée dans Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 900, aux par. 18 à 35 [Patel]. Depuis la décision Cruz, de nombreuses décisions ont été rendues concernant les mauvaises communications par courriel.

[23]  Par exemple, dans la décision Kennedy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 628, le ministre a envoyé une lettre par courriel indiquant que le demandeur devait subir un examen médical aux fins de l’immigration dans les 30 jours. Le demandeur n’a pas reçu le courriel, puisque celui-ci a été dirigé vers le dossier de courrier indésirable, mais il a reçu les courriels suivants. Lorsqu’il a rejeté la demande de contrôle judiciaire, le juge Annis a déclaré qu’il était toujours d’avis que l’équité procédurale en ce qui concerne la transmission de courriels suppose que le ministre doit être tenu de mettre en œuvre tous les mécanismes raisonnables offerts par les programmes de courriel pour veiller à ce que ses communications importantes soient bien reçues.

[24]  Dans la décision Yuchen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1029 [Yuchen], l’agent avait envoyé un courriel au demandeur à la mi‑octobre 2015 pour lui demander de fournir des renseignements additionnels concernant le renouvellement de sa carte de résident permanent. Ce courriel informait M. Yuchen que s’il ne soumettait pas les documents requis dans les 180 jours, sa demande serait réputée avoir été abandonnée. Lorsqu’il s’est renseigné sur l’état de sa demande en février 2017, M. Yuchen a reçu un courriel daté du 28 février 2017 lui indiquant que sa demande était réputée avoir été abandonnée parce qu’il n’avait pas répondu à la demande de renseignements additionnels. M. Yuchen a reconnu que le ministre avait établi, selon la prépondérance des probabilités, que le courriel réclamant des renseignements additionnels avait été envoyé et qu’il n’avait pas été renvoyé à l’expéditeur. Selon lui, le fait qu’il s’était renseigné sur l’état de sa demande en février 2017 montrait qu’il n’avait pas reçu le courriel en octobre 2015. La juge Simpson a conclu que la présomption de réception n’avait pas été réfutée et a donc rejeté la demande de contrôle judiciaire.

[25]  Dans la décision Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 554 [Wu], un agent d’immigration avait demandé à la demanderesse, dans une lettre envoyée par courriel, de se présenter à une entrevue relativement à sa demande de résidence permanente. Comme elle ne s’est pas présentée à l’entrevue, sa demande a été évaluée sur la base des documents au dossier et la décision relative au rejet de sa demande a été communiquée à son consultant à la même adresse courriel que celle à laquelle la convocation à l’entrevue lui avait été envoyée. La juge Roussel a conclu que le défendeur s’était acquitté de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le courriel de convocation à l’entrevue avait été envoyé correctement. La demanderesse n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle la communication par courriel avait été reçue. La juge Roussel a déclaré à cet égard :

[13]  […] J’ai examiné la déclaration de la demanderesse voulant qu’elle n’ait pas reçu le courriel sollicitant sa présence. Toutefois, il n’est pas suffisant de simplement affirmer que le courriel en question n’a pas été reçu (Chandrakantbhai Patel, au paragraphe 33). La demanderesse n’a pas présenté d’éléments de preuve, y compris de son consultant, selon lequel l’adresse courriel était non fiable, inactive ou qu’elle ne fonctionnait pas bien. En d’autres mots, il n’y a rien au dossier qui me donnerait à penser que la communication par courriel n’avait pas été reçue du consultant.

[26]  Dans la décision Shekhtman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 964, le demandeur a présenté une demande de rétablissement de son statut de résident temporaire en septembre 2015. Sa demande a été refusée dans une décision datée du 14 juillet 2016 (la décision a été renvoyée au demandeur le 30 novembre suivant). M. Shekhtman affirmait qu’il n’avait été informé du refus que plusieurs mois après, au début décembre 2016. Le demandeur et son conseil ont soumis un affidavit établissant sans le moindre doute que M. Shekhtman n’avait été informé du refus que lorsqu’il avait consulté les notes du SMGC. Lorsqu’il a fait droit à la demande, le juge Gascon a conclu qu’il n’existait aucun élément de preuve permettant d’établir raisonnablement que la décision de refus avait été envoyée le 14 juillet 2016 ou le 30 novembre 2016.

[27]  Dans la décision Lu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1149, les demandeurs n’ont pas répondu à une lettre d’équité procédurale qui leur aurait été envoyée par courriel relativement à leur demande de résidence permanente. L’agent a refusé de rouvrir la demande après avoir reçu des déclarations indiquant que la lettre d’équité procédurale n’avait jamais été reçue par les demandeurs. Le juge Shore a estimé que la preuve du ministre ne permettait pas d’établir de manière concluante à quelle date la lettre avait été envoyée, ce qui soulevait alors la question de savoir si elle l’avait réellement été. Le juge a conclu que l’équité procédurale n’avait pas été respectée étant donné que le ministre n’avait pas démontré que la lettre avait été envoyée aux demandeurs.

[28]  Compte tenu de la jurisprudence qui précède, je conclus qu’une fois que le ministre a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un courriel a été envoyé et que rien n’indique que la communication a échoué ou est revenue, il existe une présomption réfutable que le demandeur l’a reçu et celui-ci doit assumer le risque de non-communication.

[29]  Les affidavits déposés par le ministre ainsi que les notes du SMGC en l’espèce établissent, selon la prépondérance des probabilités, que le courriel du 3 janvier 2017 a été envoyé. La question se pose alors de savoir si la demanderesse a établi qu’elle ne l’a pas reçu.

[30]  À mon avis, la demanderesse n’a pas réfuté la présomption portant que le courriel du 3 janvier 2017 a été envoyé. Elle n’a pas souscrit d’affidavit expliquant pourquoi elle pourrait ne pas avoir reçu le courriel en question, et elle n’a pas non plus fourni de capture d’écran de son filtre de courrier indésirable. Elle n’a produit aucun élément de preuve indiquant que l’adresse courriel était non fiable ou inactive ou qu’elle ne fonctionnait pas bien.

[31]  Le fait que la demanderesse a communiqué avec IRCC dix mois après que sa demande a été reçue (et presque un an après qu’elle a été soumise) n’établit pas qu’elle n’a pas reçu le courriel de janvier. Sa déclaration selon laquelle elle n’a pas reçu le courriel en question ne suffit pas à réfuter la présomption (Yuchen, aux par. 8 à 12; et Patel, au par. 33).

[32]  Bref, comme la demanderesse n’a pas démontré par des éléments de preuve crédibles qu’elle n’a pas reçu le courriel, la présomption que le courriel du 3 janvier a été envoyé correctement ou qu’il a été acheminé subsiste.

[33]  Une fois que l’agent a déterminé que le refus avait été envoyé et reçu en janvier 2017 et que la demande de rétablissement était donc postérieure à la période de rétablissement de 90 jours, il était raisonnable qu’il refuse la demande de rétablissement.

VII.  Conclusion

[34]  La décision de l’agent était raisonnable en l’espèce. La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est donc rejetée.

[35]  Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR; aucune question de ce genre n’est donc certifiée.

[36]  Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est désigné à tort comme défendeur dans l’avis de demande. Conformément au Registre des titres d’usage fédéral, le titre d’usage du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration est Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le défendeur doit être le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, par application du paragraphe 4(1) de la LIPR et du paragraphe 5(2) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22. Par conséquent, l’intitulé de la cause sera modifié, avec effet immédiat, de façon à désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur, au lieu du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4354‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée; aucune question de portée générale n’est certifiée; et l’intitulé de la cause est modifié, avec effet immédiat, de façon à désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur au lieu du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de septembre 2019

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4354‑18

 

INTITULÉ :

ARLENE RILLON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 15 avril 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

le 22 juillet 2019

 

COMPARUTIONS :

Victor Ing

 

POUR La demanderesse

 

Kim Sutcliffe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sas and Ing Immigration Law Centre

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR La demanderesse

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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