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Date : 20040720

Dossier : IMM-4677-03

Référence : 2004 CF 1013

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2004

En présence de Madame la jugeMactavish                                    

ENTRE:

                                                                MARK LABOK

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a ordonné la tenue d'une audience sur désistement par suite du défaut de Mark Labok de soumettre son formulaire de renseignements personnels (FRP) dans le délai prescrit. M. Labok ne s'étant pas présenté à l'audience, la CISR a statué que ce dernier s'était désisté de sa demande d'asile. M. Labok a alors demandé la réouverture de sa demande, laquelle lui a été refusée parce qu'il n'avait pas fourni d'explication raisonnable sur les raisons pour lesquelles il avait omis de soumettre le FRP et de comparaître à l'audience sur le désistement.

[2]                M. Labok cherche à présent à faire annuler cette décision parce qu'il prétend avoir fourni une explication raisonnable des raisons pour lesquelles il n'a pas comparu à l'audience sur le désistement, explication que la CISR aurait dû accepter.

Chronologie des événements

[3]                La CISR a été saisie de la demande d'asile de M. Labok le 28 janvier 2003. Il appert de l'avis de renvoi en date du 29 janvier 2003 que M. Labok a indiqué dès le début qu'il était représenté par Mme Jane Katkova-Brown. Mme Katkova-Brown est une consultante en immigration de Toronto.

[4]                Le 28 janvier, M. Labok a été informé que l'audition de sa demande d'asile aurait lieu le 25 avril 2003. On lui a également remis un formulaire de renseignements personnels à remplir en lui disant qu'il avait vingt-huit jours pour le renvoyer, rempli, à la CISR.

[5]                Même s'il avait déjà indiqué être représenté par une consultante en immigration, M. Labok a manifestement tenté de retenir les services d'un avocat, mais ses démarches n'ont pas abouti pour des raisons financières.

[6]                M. Labok n'a pas déposé le FRP dans le délai prescrit, et il n'a pas non plus demandé de prolongation de délai pour le dépôt du FRP.

[7]                Le 13 mars 2003, la CISR a écrit à M. Labok pour l'informer que l'audition de sa demande d'asile prévue pour le 25 avril 2003 était annulée par suite de son défaut de déposer le FRP dans le délai de vingt-huit jours et pour lui donner instruction de comparaître devant elle le 28 mars 2003, à une audience sur le désistement. Une copie de cet avis a également été transmise à Mme Katkova-Brown.

[8]                Ni M. Labok ni Mme Katkova-Brown ne se sont présentés à l'audience sur le désistement, et la CISR a statué que M. Labok s'était désisté de sa demande d'asile. M. Labok et Mme Katkova-Brown ont été informés de cette décision par un avis écrit en date du 22 avril 2003.

[9]                Le 13 mai 2003, M. Labok a présenté une demande de réouverture de sa demande d'asile à laquelle il a joint son FRP dûment rempli. Suivant les affidavits accompagnant cette demande, Mme Katkova-Brown et la fille de M. Labok ont toutes deux mal compris l'avis du 13 mars et pensé que l'audience sur le désistement se tiendrait le 25 avril. Mme Katkova-Brown a déclaré dans son affidavit qu'elle ne s'est rendu compte de son erreur que dans la semaine de 14 avril 2003.

La décision de la CISR


[10]            La CISR a conclu que M. Labok n'avait pas fourni d'explication raisonnable de son défaut de produire le FRP dans le délai prescrit de vingt-huit-jours. Elle a fait remarquer que les délais occasionnés par les démarches auprès de l'aide juridique ne constituent pas une raison suffisante pour retarder le dépôt du FRP. La CISR n'a pas cru non plus que Mme Katkova-Brown et la fille de M. Labok avaient toutes deux mal compris l'avis d'audience sur le désistement. L'explication était d'autant moins plausible, selon la CISR, que Mme Katkova-Brown était une consultante expérimentée en immigration.

[11]            La CISR a signalé que M. Labok était très instruit et qu'il était déjà venu en voyage au Canada et aux États-Unis à plusieurs reprises. Rien dans le dossier n'indiquait qu'il n'était pas en mesure de comprendre la nature de l'instance ou qu'il fallait lui désigner un représentant pour l'assister dans la poursuite de sa demande.

[12]            La CISR a ajouté : [traduction] « Même en admettant - ce que je ne fais pas - qu'il se soit agi d'une erreur bénigne, il reste que le demandeur n'a déposé son FRP que le 13 mai 2003, deux mois et trois semaines passé le délai prévu et trois semaines passé le 25 avril 2003 » . Le 25 avril était la date qui, d'après ce que pensait Mme Katkova-Brown, avait été fixée pour l'audience sur le désistement.

[13]            La CISR a également relevé que M. Labok n'a jamais demandé de prolongation du délai prescrit pour le dépôt du FRP, en dépit des difficultés qu'il dit avoir éprouvées pour le remplir.

[14]            La Commission a donc conclu qu'il n'y avait pas eu de manquement aux règles de justice naturelle dans la procédure ayant mené au prononcé du désistement et qu'il y avait lieu de rejeter la demande de réouverture de la demande d'asile.

La position de M. Labok

[15]            M. Labok soutient qu'il n'a jamais voulu abandonner sa demande d'asile mais que, comme il ne parlait pas anglais, il avait besoin de sa fille et de Mme Katkova-Brown pour l'aider à s'en occuper. Selon lui, la CISR a conclu à tort du simple fait qu'il était instruit et avait déjà voyagé en Amérique du Nord qu'il était capable de lire ce que lui envoyait la CISR.

[16]            Selon la preuve par affidavit non contestée présentée à la CISR, M. Labok ne s'est pas présenté à l'audience sur le désistement à cause d'une erreur commise par sa consultante en immigration. Selon M. Labok, si la CISR mettait en doute la véracité de l'explication, elle aurait dû convoquer Mme Katkova-Brown devant elle pour que la consultante puisse répondre aux questions que la Commission pouvait se poser.


[17]            M. Labok affirme qu'il peut y avoir manquement aux règles de justice naturelle du fait de l'incompétence d'un représentant. Si, sans aucune faute de sa part, un demandeur est dans l'impossibilité complète de se faire entendre par suite d'une faute de son conseil, il y aura manquement aux règles de justice naturelle ouvrant droit à révision. À cet égard, M. Labok invoque la décision de notre Cour dans l'affaire Shirwa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 51.         

La position du défendeur

[18]            Selon le défendeur, la Cour d'appel fédérale a statué que l'incompétence du conseil ne constitue pas un motif suffisant pour annuler une décision de la CISR. À l'appui de cet argument, le défendeur cite les arrêts Jagessar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 6 (Q.L.) et Paterno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 23 juin 1992 (non publié).

[19]            De plus, la réouverture d'une demande d'asile est une question discrétionnaire confiée à un tribunal spécialisé : Tio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2000) 7 Imm. L.R. (3d) 152; [2000] A.C.F. no 925 (Q.L.). Il incombe au demandeur de démontrer l'existence de raisons suffisantes justifiant la réouverture d'une demande après désistement.

[20]            En l'espèce, la CISR a examiné tout le déroulement de la procédure et a estimé qu'il n'existait pas de raisons suffisantes de rouvrir la demande d'asile. Le défendeur fait valoir que rien ne justifie de modifier cette décision.


Analyse

[21]            À mon avis, les arrêts cités par le défendeur n'établissent pas que l'incompétence d'un conseil ne peut jamais entraîner un manquement aux règles de justice naturelle en matière de demande d'asile. Cela dit, il est clair que la CISR a rejeté l'argument selon lequel le défaut de M. Labok de se présenter à l'audience sur le désistement était attribuable à de l'incompétence de la part de Mme Katkova-Brown.

[22]            La CISR n'a tout simplement pas jugé crédible que Mme Katkova-Brown et la fille de M. Labok puissent toutes deux avoir commis la même erreur concernant la date de l'audience sur le désistement. L'explication était encore plus difficile à croire du fait que Mme Katkova-Brown était une consultante en immigration expérimentée, dont on pouvait attendre une bonne connaissance des modèles de lettre employés par la CISR.

[23]            Comme l'a signalé l'avocat de M. Labok, les témoignages donnés sous serment sont présumés être vrais (Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302). Toutefois, la CISR a jugé en l'espèce qu'elle était justifiée de tirer une autre conclusion, compte tenu de l'information dont elle disposait. Je ne vois rien qui puisse fonder la Cour à modifier cette conclusion. En plus des points relevés par la CISR, il importe de signaler que la partie essentielle de l'avis était ainsi libellée :

   As a result, the date of April 25, 2003 on the Notice to Appear given to you by the officer of

   Citizenship and Immigration is CANCELLED.

([traduction] Par conséquent, la date du 25 avril 2003 inscrite sur l'avis de comparution qui vous a été remis par l'agent de la citoyenneté et de l'immigration est ANNULÉE).


Comme le mot « cancelled » (annulée) est écrit en majuscules immédiatement sous la date, on peut difficilement comprendre comment on pourrait remarquer la date sans voir en même temps le mot « cancelled » . L'idée que deux personnes pourraient commettre la même erreur est d'autant plus difficile à accepter que l'une de ces deux personnes connaissait bien la procédure devant la CISR. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la CISR a commis une erreur en concluant que M. Labok n'avait pas fourni d'explication suffisante de son défaut de comparaître à l'audience sur le désistement.

[24]            Toutefois, ce n'est pas seulement parce qu'elle a rejeté l'explication de Mme Katkova-Brown au sujet du défaut de comparaître de M. Labok que la CISR a refusé de rouvrir la demande d'asile. Après avoir examiné l'historique du dossier, la CISR a conclu également que M. Labok avait manqué de diligence dans la poursuite de sa demande d'asile.

[25]            Même si M. Labok aurait préféré être représenté par un avocat, il était apparemment représenté par Mme Katkova-Brown depuis le renvoi de sa demande devant la Section de la protection des réfugiés. Il a néanmoins omis de remettre son FRP dans le délai prescrit.

[26]            Et il n'a pas demandé de prolongation de délai lorsqu'il n'a pu retourner le FRP à la CISR à l'intérieur du délai de vingt-huit jours. Je ne dispose d'aucun élément de preuve indiquant pourquoi il ne l'a pas fait.

[27]            M. Labok a ensuite fait défaut de comparaître lors de l'audience sur le désistement.

[28]            Même après avoir découvert que la CISR avait déclaré qu'il y avait eu désistement de la demande, M. Labok n'a pas agi avec diligence raisonnable. Mme Katkova-Brown a déclaré qu'elle s'était aperçue de son erreur au cours de la semaine du 14 avril 2003, pourtant rien n'a été fait avant le 13 mai pour la réouverture de la demande d'asile de M. Labok, c'est-à-dire à peu près un mois plus tard. L'avocat, interrogé à propos de ce délai, n'a rien pu dire de plus que peut-être aurait-il fallu présenter la demande de réouverture plus tôt.

[29]            Il est possible que les personnes que M. Labok avait chargées de l'assister ne l'aient pas bien servi au cours de ce processus, mais il n'en reste pas moins qu'en dépit des affirmations contraires contenues dans l'affidavit de ce dernier, l'historique du dossier ne démontre pas l'existence d'une volonté constante de poursuivre sa demande. Je ne suis pas convaincue non plus qu'il y ait eu manquement aux règles de justice naturelle en l'espèce. Par conséquent, je ne trouve rien à redire à la décision de la CISR de ne pas rouvrir la demande d'asile de M. Labok. La présente demande est donc rejetée.

Certification

[30]            Aucune des parties n'a proposé de question pour certification. Aucune question ne sera donc certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question d'importance générale n'est certifiée.

                                                                   

                           Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.

                                                                             


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-4677-03

INTITULÉ :                                             MARK LABOK

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               15 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DE :                Madame la juge Mactavish

EN DATE DU :                                 20 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Hart A. Kaminker                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Anshumala Juyal                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hart A. Kaminker

Avocats

Kranc & Associates

425, avenue University

Pièce 500

Toronto (Ontario) M5G 1T6                                                     POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                                     

Sous-procureur général du Canada      

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario) M5X 1K6                                                     POUR LE DÉFENDEUR


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