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Date : 20051024

Dossier : T-97-05

Référence : 2005 CF 1438

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PAUL ROULEAU

ENTRE :

ANTONIO LAO

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, à l'encontre de la décision datée du 29 décembre 2004 par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) décidait de ne pas donner suite à la plainte du demandeur, en application de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La CCDP s'est fondée sur un rapport d'enquête qui lui recommandait de rejeter la plainte.

[2]                Le demandeur, Antonio Lao, travaille depuis le 19 octobre 1999 au Centre de traitement des cas de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), à Vegreville (Alberta). Il a été recruté au niveau CR-03, comme agent des services de soutien.

[3]                Il a posé sa candidature à plusieurs concours depuis 2001, aux niveaux PM-02, PM-03 et CR-05. Il a échoué à chaque fois.

[4]                En novembre 2002, le demandeur a déposé auprès de la CCDP une plainte, mise à jour en juin 2003, dans laquelle il allègue que CIC l'a défavorisé en cours d'emploi parce qu'il est un immigrant chinois originaire du Pérou, âgé de 59 ans. Il soutient que la discrimination s'est manifestée entre décembre 2001 et juin 2003.

[5]                Le demandeur a donné sept exemples où il n'a pas été retenu pour divers concours ou ouvertures au bureau de CIC à Vegreville.

[6]                La CCDP a nommé un enquêteur pour qu'il étudie les plaintes du demandeur. Les deux parties ont présenté des observations à l'enquêteur. Le 28 octobre 2004, l'enquêteur recommandait à la CCDP de rejeter la plainte du demandeur, en application de l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), parce que l'information obtenue des parties n'étayait pas les allégations. Le rapport d'enquête détaille chacun des sept exemples donnés par le demandeur.

[7]                Le 29 décembre 2004, la CCDP rejetait la plainte du demandeur, en application de l'alinéa 44(3)b) de la LCDP, parce que l'information recueillie n'étayait pas les allégations.

[8]                La décision contestée est la décision de la CCDP de rejeter la plainte du demandeur. Elle est fondée sur le rapport d'enquête, et j'examinerai donc brièvement le rapport et les conclusions qu'il renferme au sujet des sept exemples.

[9]                Le premier exemple concerne un concours PM-02 tenu en décembre 2001. On a estimé que le demandeur ne répondait pas au critère de l'expérience requise, à savoir une expérience étendue de l'interprétation et de l'application des lois et règlements. On a trouvé aussi qu'il n'avait pas une expérience importante des systèmes informatiques. Le défendeur relève que le demandeur avait d'abord été éliminé à la présélection, mais fait observer que ce concours avait été annulé le 7 mai 2002. L'enquêteur a conclu que le demandeur avait été éliminé à juste titre, après comparaison avec le candidat retenu. Selon l'enquêteur, le demandeur n'était pas fondé à soutenir qu'il était victime d'une différence de traitement fondée sur la race ou l'origine nationale ou ethnique.

[10]            Le deuxième exemple concerne un concours tenu en janvier 2002 pour un poste CR-05, agent d'exécution des services (AES). Selon le demandeur, des candidats moins qualifiés que lui avaient été inscrits sur la liste d'admissibilité, mais il n'a pas dit qui ils étaient. L'enquêteur relève que le demandeur a été éliminé à la présélection parce qu'il n'avait pas atteint la note de passage requise dans la partie du concours se rapportant aux connaissances. Le président du comité d'appel avait passé en revue l'évaluation des réponses du demandeur et avait jugé que l'évaluation était raisonnable. Le demandeur n'avait pas figuré sur la liste d'admissibilité de 12 personnes établie pour le concours. L'enquêteur a conclu que, contrairement à ce qu'avait laissé entendre le demandeur, certains candidats inscrits sur la liste d'admissibilité étaient des membres de minorités visibles. Son allégation selon laquelle il avait subi une différence de traitement fondée sur les motifs indiqués n'a pu être admise.

[11]            Le troisième concours en cause était un concours PM-03 tenu en janvier 2002 dans le cadre du Programme de progression de carrière. Le demandeur figurait parmi les 25 premiers candidats après le test des compétences générales, niveau 2, et il s'est donc présenté à l'évaluation appelée Repérage des cadres intermédiaires potentiels (RCIP). Il s'est classé 25e sur les 25 au RCIP. Seuls les dix premiers candidats ont obtenu des entrevues, et trois ont réussi le concours. Comme le demandeur ne figurait pas parmi les dix premiers après l'évaluation RCIP, il n'a pas obtenu d'entrevue. L'enquêteur a conclu que l'échec du demandeur au concours était sans rapport avec son âge ou avec un quelconque critère d'évaluation lié à l'âge.

[12]            Le quatrième exemple concerne un concours PM-02 tenu en février 2002. Le demandeur a réussi la première partie du concours (l'examen des connaissances), mais a ensuite échoué au test de simulation des tâches d'un agent et a donc été éliminé du concours. L'enquêteur a conclu que le demandeur n'avait pas été victime d'une différence de traitement fondée sur l'âge, faisant observer que l'un des candidats reçus était âgé de 55 ans.

[13]            Le cinquième exemple concerne un autre concours PM-02, où le demandeur a été éliminé à la présélection parce qu'il ne satisfaisait pas à l'exigence d'une expérience significative de l'interprétation et de l'application de la Loi sur l'immigration et de ses règlements. L'enquêteur relève que deux des candidats qui avaient été admis au concours avaient la même origine ethnique que le demandeur. L'enquêteur a conclu que le demandeur n'avait pas établi un lien entre son échec au cinquième concours et l'un des motifs qui, selon lui, était à l'origine de la discrimination exercée contre lui.

[14]            Le sixième exemple concerne un autre concours CR-05, organisé pour pourvoir un poste d'AES. Le demandeur soutient qu'il était plus qualifié que les candidats de race blanche qui avaient été reçus au concours. Il prétend avoir donné les noms de ces candidats dans une lettre datée du 29 mai 2004. L'enquêteur a examiné la lettre et n'a pu voir à qui le demandeur faisait référence. On remarque que le demandeur ne satisfaisait pas, s'agissant des qualités personnelles, au critère des relations interpersonnelles, un critère qui faisait partie de l'entrevue à laquelle il avait été convoqué. Le concours s'était soldé par une liste d'admissibilité de 20 personnes, sur laquelle ne figurait pas le demandeur. L'enquêteur a conclu que l'information touchant le sixième concours n'étayait pas la différence de traitement alléguée par le demandeur.

[15]            Finalement, le septième exemple concerne des postes intérimaires, où des CR-03 occupaient à titre intérimaire des postes CR-05. Le demandeur allègue que les postes intérimaires se présentent le plus souvent durant l'été et qu'ils sont attribués en fonction de l'ancienneté. Selon lui, le recours à l'ancienneté pour l'attribution des postes intérimaires a été suspendu lorsqu'il est devenu le plus ancien CR-03 au centre de Vegreville. CIC fait observer que les postes intérimaires fondés sur l'ancienneté ont pris fin en 2000 et que le demandeur n'était pas encore le plus ancien CR-03 au Centre de Vegreville. CIC dit que les postes intérimaires sont offerts aux employés qui remplissent déjà les conditions requises pour figurer sur une liste d'admissibilité dans un concours CR-05. Le demandeur ne remplissait pas encore à l'époque les conditions requises pour figurer sur une telle liste. L'enquêteur a conclu que le demandeur n'avait fourni aucune information établissant un lien entre le fait qu'on ne lui avait pas offert un poste intérimaire et sa race, son origine nationale ou ethnique ou son âge.

[16]            L'enquêteur a conclu que les informations et allégations entourant les sept concours n'autorisaient pas le demandeur à prétendre qu'il avait subi une différence de traitement fondée sur son âge, son origine ethnique ou nationale ou sa race, motifs généralement invoqués au soutien d'une plainte. Il a recommandé le rejet de la plainte. La CCDP a ensuite rejeté la plainte.

[17]            Le demandeur fait valoir qu'il a été injustement éliminé des six concours et qu'il a été victime de discrimination parce qu'on ne lui a pas offert un poste intérimaire. Il est bien établi en droit qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier de nouveau les faits dès lors que la décision administrative est raisonnable (voir par exemple l'arrêt Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. n ° 543 (CAF), au paragraphe 6). Je suis d'avis que la décision de la CCDP de rejeter la plainte dans la présente affaire était raisonnable.

[18]            La Cour précise que le rapport d'enquête doit être à la fois neutre et approfondi (Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 547; jugement confirmé : [1996] A.C.F. n ° 385 (CAF)). En l'espèce, le demandeur et CIC ont tous deux eu l'occasion de présenter des observations écrites, et le rapport mentionne que l'enquêteur a examiné et pris en compte les observations des deux parties.

[19]            Dans l'arrêt Syndicat des Employés de Production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, le juge Sopinka, rédigeant l'arrêt de la Cour suprême du Canada, écrivait ce qui suit, au paragraphe 27 :

Le but n'est pas d'en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; la Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante.

[20]            À mon avis, la décision de la CCDP de rejeter la plainte était raisonnable au vu de la preuve, et il n'y avait aucune justification raisonnable permettant de passer à l'étape suivante (une commission d'enquête). Les observations du demandeur ne sont qu'une tentative de sa part pour faire en sorte que la Cour apprécie de nouveau la preuve qui a été évaluée de manière raisonnable par la CCDP et l'enquêteur.

[21]            Dans ses arguments, le demandeur n'a pas prouvé que les conclusions de l'enquêteur étaient déraisonnables et il n'a rattaché aucune de ses allégations à l'un des motifs qui, selon lui, sont à l'origine de la prétendue différence de traitement. La décision de la CCDP de rejeter la plainte en application de l'alinéa 44(3)b) de la LCDP était raisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre de la décision de la CCDP doit être rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'est pas adjugé de dépens.

« Paul Rouleau »

Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-97-05

INTITULÉ :                                        ANTONIO LAO

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 5 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Paul Rouleau

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :              le 24 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Antonio Lao                                                                              DEMANDEUR

M. Drummond                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun                                                                                       POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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