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Date : 20190726


Dossier : IMM-3531-19

Référence : 2019 CF 1006

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

IRSHAD MOHAMED AHMED

défendeur

 

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre], de l’ordonnance de mise en liberté qui a été rendue par un commissaire [le commissaire] de la Section de l’immigration [la SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à l’égard du défendeur le 3 juin 2019 et modifiée le 5 juin 2019.

II.  Contexte

[2]  Le défendeur, Irshad Mohamed Ahmed, est un citoyen de la Somalie. Il est venu au Canada en 1990, à l’âge de sept ans, et il a obtenu le statut de résident permanent en 1995. Il est maintenant marié et père de deux jeunes enfants.

[3]  À partir de 1998, le défendeur a accumulé plus de trente condamnations criminelles, notamment pour extorsion, séquestration, trafic de stupéfiants et d’armes, voies de fait, manquement à des ordonnances judiciaires et aux conditions de la probation, entrave à un agent de la paix, méfait public, possession d’une arme à feu, et complot afin de commettre un acte criminel.

[4]  Le défendeur a été reconnu coupable de séquestration, d’extorsion et de braquage d’une arme à feu le 7 février 2003. Il a par la suite fait l’objet d’un rapport, en application de l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], pour grande criminalité, et une mesure de renvoi a été prise contre lui.

[5]  L’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a amorcé un processus d’avis de danger au titre  de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR en décembre 2005.

[6]  En novembre 2010, un délégué du ministre, au lieu de délivrer un avis de danger et de chercher à renvoyer le défendeur du Canada, a remis une lettre d’avertissement à celui‑ci.

[7]  En janvier 2014, le défendeur a été condamné à purger une peine de 7 ans et 5 mois dans un établissement carcéral fédéral pour un certain nombre de condamnations se rapportant au trafic d’armes et de substances illicites.

[8]  Par conséquent, le défendeur a de nouveau fait l’objet d’un rapport en application de l’article 44 de la LIPR pour grande criminalité. En 2015, l’ASFC a entrepris un second processus d’avis de danger.

[9]  En 2017, un délégué du ministre a conclu que le défendeur était interdit de territoire pour grande criminalité en tant que personne qui constitue un danger pour la sécurité publique au Canada, et a aussi conclu que le défendeur ne s’exposait pas à des risques à son retour en Somalie.

[10]  Dans la décision Ahmed c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 471, la Cour, après avoir conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale, a accueilli la demande de contrôle judiciaire du défendeur et a renvoyé la partie de la décision du délégué du ministre concluant que le défendeur ne serait pas exposé à des risques à son retour en Somalie pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

[11]  Les résultats de ce nouvel examen ne sont pas inclus dans la preuve soumise à la Cour.

[12]  En décembre 2018, le défendeur était admissible à une libération conditionnelle dans le cadre de sa peine de 2014. L’ASFC a placé le défendeur en détention aux fins de l’immigration.

[13]  Différents commissaires de la SI ont contrôlé les motifs de détention du défendeur à six occasions – le 27 décembre 2018, le 3 janvier 2019, le 28 janvier 2019, le 25 février 2019, le 18 mars 2019, et le 15 avril 2019. À chaque fois, les commissaires ont ordonné le maintien en détention du défendeur. Je constate que le défendeur n’était pas représenté par un conseil à ces contrôles et qu’aucun plan de mise en liberté sérieux n’avait été soumis à la SI.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[14]   Le contrôle le plus récent des motifs de détention du défendeur a eu lieu dans le cadre d’une audience [l’audience] qui s’est étalée sur cinq jours, soit du 8 mai 2019 au 3 juin 2019. Le défendeur avait alors retenu les services d’une avocate, la même qui le représente  devant la Cour. Huit témoins ont déposé, y compris le défendeur, et la transcription de l’audience contient plus de 300 pages.

[15]  Conformément à l’ordonnance de mise en liberté [l’ordonnance] datée du 3 juin 2019 et modifiée le 5 juin 2019, le commissaire a ordonné la mise en liberté du défendeur, sous réserve de certaines conditions, notamment :

  • (i) Que sa mère, Madina Bassei, et sa sœur, Mona Ahmed, versent chacune un dépôt de 5 000 $, et que sa sœur, Nyeme Ahmed, verse une caution de 5 000 $ (les cautions);

  • (ii) Qu’il réside en tout temps avec sa mère, Madina Bassei;

  • (iii) Qu’il demeure en règle avec le système de surveillance électronique de l’ASFC (porter un bracelet électronique à la cheville pour fins de surveillance);

  • (iv) Qu’il soit détenu à domicile sauf s’il est en compagnie d’une caution, ou de Fatima Ahmed ou de Chaoeum Chea (l’épouse du défendeur);

  • (v) Qu’il respecte les conditions de sa libération conditionnelle.

[16]  Le commissaire,  le 3 juin 2019, a donné des motifs de vive voix détaillés relativement à l’ordonnance [les motifs]. Il a examiné avec grande minutie les antécédents criminels et personnels du défendeur, ainsi que des incidents d’inconduite en établissement; la transcription de son examen contient douze pages. Au début de ses motifs, le commissaire a conclu que le défendeur présentait un risque de fuite et un danger pour le public. Toutefois, le commissaire a poursuivi son analyse et examiné le témoignage du défendeur, de membres de sa famille, et d’un travailleur communautaire.

[17]  Le commissaire a conclu que, dans les circonstances et à la lumière des diverses conditions qui ont été énoncées dans l’ordonnance, le défendeur devait être mis en liberté.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[18]  Les questions en litige sont les suivantes :

  • (i) Le commissaire a-t-il commis une erreur en omettant de prendre en compte les alinéas 245d) et 245e) du Règlement?

  • (ii) Le commissaire a-t-il commis une erreur en concluant que le défendeur s’est réadapté?

  • (iii) Le commissaire a-t-il commis une erreur en omettant de veiller à ce que les conditions de mise en liberté éliminent presque totalement le risque que le défendeur présente pour le public?

  • (iv) Y a-t-il lieu d’adjuger des dépens?

[19]  Les décisions relatives au contrôle des motifs de détention de la SI doivent être contrôlées selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Lunyamila, 2016 CF 1199, aux par. 20 et 21 [Lunyamila]).

V.  Dispositions pertinentes

[20]  Le paragraphe 58(1) de la LIPR dispose que la SI prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

Mise en liberté par la Section de l’immigration

58 (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité, criminalité ou criminalité organisée;

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger — autre qu’un étranger désigné qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause — n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger;

e) le ministre estime que l’identité de l’étranger qui est un étranger désigné et qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause n’a pas été prouvée.

[Non souligné dans l’original.]

[21]  Les paragraphes 58(2) et 58(3) de la LIPR décrivent la capacité de la SI d’ordonner la détention ou la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, ainsi que d’imposer des conditions pour sa mise en liberté :

Mise en détention par la Section de l’immigration

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

Conditions

(3) Lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, la section peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution.

[22]  Selon l’article 244 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement], les critères prévus aux articles 245 à 247 du Règlement « doivent être pris en compte lors de l’appréciation du risque que l’intéressé » se soustraie à une procédure, constitue un danger pour la sécurité publique ou est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée.

[23]  L’article 245 du Règlement définit les critères permettant d’établir les risques si l’intéressé présente un risque de fuite :

Risque de fuite

245 Pour l’application de l’alinéa 244a), les critères sont les suivants :

a) la qualité de fugitif à l’égard de la justice d’un pays étranger quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

b)  le fait de s’être conformé librement à une mesure d’interdiction de séjour;

c) le fait de s’être conformé librement à l’obligation de comparaître lors d’une instance en immigration ou d’une instance criminelle;

d) le fait de s’être conformé aux conditions imposées à l’égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi ;

e)  le fait de s’être dérobé au contrôle ou de s’être évadé d’un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard;

f) l’implication dans des opérations de passage de clandestins ou de trafic de personnes qui mènerait vraisemblablement l’intéressé à se soustraire aux mesures visées à l’alinéa 244a) ou le rendrait susceptible d’être incité ou forcé de s’y soustraire par une organisation se livrant à de telles opérations ;

g) l’appartenance réelle à une collectivité au Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[24]  L’article 246 prévoit les critères à prendre en compte pour établir si une personne détenue présente un danger pour la sécurité publique :

246 Pour l’application de l’alinéa 244b), les critères sont les suivants :

a) le fait que l’intéressé constitue, de l’avis du ministre aux termes de l’alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)i) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;

b) l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;

c) le fait de s’être livré au passage de clandestins ou le trafic de personnes;

d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d’une loi fédérale, quant à l’une des infractions suivantes :

(i) infraction d’ordre sexuel

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances,

(i) article 5 (trafic),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(iii) article 7 (production);

VI.  Analyse

A.  Le commissaire a-t-il commis une erreur en omettant de prendre en compte les alinéas 245d) et 245e) du Règlement?

[25]  Le ministre soutient que, en analysant le risque de fuite, le commissaire a omis de façon déraisonnable de tenir compte des alinéas 245d) et 245e) du Règlement.  L’alinéa 245d) dispose que le commissaire doit prendre en compte « le fait de s’être conformé aux conditions imposées à l’égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi ». L’alinéa 245e) dispose que le commissaire doit prendre en compte « le fait de s’être dérobé au contrôle ou de s’être évadé d’un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard ».

[26]  Plus précisément, le ministre affirme que le commissaire a commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve se rapportant aux condamnations antérieures du défendeur pour manquement à ses conditions de mise en liberté, de ses trois dernières mises en liberté suivant une détention aux fins de l’immigration, de ses manquements aux conditions de mise en liberté subséquents et de ses inconduites en établissement pendant sa plus récente peine d’emprisonnement.

[27]  Le commissaire reconnaît, toutefois, à plusieurs passages de ses motifs, les inconduites en établissement et les déclarations de culpabilité passées du défendeur. Bien que le commissaire n’ait peut-être pas reconnu explicitement les manquements passés aux conditions de mise en liberté aux fins de l’immigration, il a présidé à une audience qui s’est étalée sur cinq jours, a entendu de nombreux témoins et a produit une transcription de plus de 300 pages.

[28]  Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4 [Thanabalasingham], la SI a mis fin à la détention aux fins de l’immigration du défendeur. La Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Dans l’appel interjeté devant la Cour d’appel fédérale, le juge Rothstein a rejeté l’appel du ministre et maintenu en ces termes la décision de la Cour fédérale : (Thanabalasingham, précité au par. 21):

[La SI] aurait pu expliquer plus à fond son raisonnement, mais son omission de le faire ne constitue pas une erreur qui justifierait l'intervention de la Cour puisqu'il ressort par ailleurs de sa décision qu'[elle] a tenu compte de tous les éléments de preuve se rapportant au contexte dans lequel ces déclarations de culpabilité ont été prononcées et qu'[elle] s'est malgré tout déclaré[e] non convaincu[e] qu'elles pouvaient à elles seules justifier une ordonnance de détention.

[Non souligné dans l’original.]

[29]  De la même façon, en l’espèce, il ressort clairement des motifs de la SI et de la transcription de l’audience que la SI a été attentive et sensible aux critères énoncés aux alinéas 245d) et 245e). Il n’y a pas d’erreur susceptible de contrôle.

B.  Le commissaire a-t-il commis une erreur en concluant que le défendeur s’est réadapté?

[30]  Le ministre soutient que le commissaire a de façon déraisonnable conclu que le défendeur s’est réadapté, pour les motifs suivants :

  • (i) Le commissaire n’aurait pas dû accorder de poids au fait que le défendeur n’a pas encouru de condamnations criminelles depuis le début de sa détention, en janvier 2014, puisque ses inconduites en établissement pendant cette période montrent qu’il ne s’est pas réadapté;

  • (ii) La conclusion de réadaptation du commissaire contredit les éléments de preuve fournis par le Service correctionnel du Canada liant le défendeur à la sous-culture institutionnelle, particulièrement un rapport établi par l’agent de libération conditionnelle du défendeur en 2018;

  • (iii) Le commissaire a de façon déraisonnable pris en compte la présence des enfants du défendeur dans son analyse de la réadaptation.

[31]  Le ministre a déformé la conclusion du commissaire. Ce dernier n’a écrit nulle part dans ses motifs que le défendeur s’était réadapté. Il affirme plutôt en divers endroits que le défendeur [traduction] « progresse vers la réadaptation », est [traduction] « sur la voie de la réadaptation » et participe à [traduction] « un processus de réadaptation ». Le commissaire a même précisé à un certain passage de ses motifs - [traduction] « Je ne dis pas que vous vous êtes réadapté parce que vous avez vous-même reconnu, en fait, que vous avez encore besoin d’aide et de soutien ».

[32]  Qui plus est, la SI disposait d’une grande quantité d’éléments de preuve contradictoires quant à l’ampleur de la réadaptation du défendeur et ses liens présumés avec la sous-culture institutionnelle. Elle a examiné les éléments de preuve attentivement et les a soupesés de façon raisonnable. Le ministre enjoint à la Cour d’intervenir et de soupeser à nouveau la preuve dont disposait le commissaire, mais cela n’est pas le rôle de la Cour (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 61).

[33]  De plus, la SI a, de façon raisonnable, tenu compte de la présence des jeunes enfants du défendeur comme une motivation pour lui de ne pas commettre de nouvelles infractions.

[34]  Le commissaire a  conclu de façon raisonnable que le défendeur était sur la voie de la réadaptation, après avoir examiné en détail la situation du défendeur.

C.  Le commissaire a-t-il commis une erreur en omettant de veiller à ce que les conditions de mise en liberté éliminent presque totalement le risque que le défendeur présente pour le public?

[35]  Puisque le commissaire a conclu que le défendeur présentait un risque pour la sécurité publique, il s’ensuivait que les conditions de mise en liberté devaient « éliminer presque totalement » le danger que le défendeur présente pour le public (Lunyamila, précitée au par. 45).

[36]  Le ministre soutient que le plan de mise en liberté imposé au défendeur est déraisonnable, puisqu’il est loin d’éliminer presque totalement le risque pour la sécurité publique. Il a souligné ce qui suit :

  • (i) L’absence de limites quant à l’utilisation par le défendeur d’un téléphone cellulaire, ce dont il se servait par le passé pour se livrer au trafic d’armes et de stupéfiants;

  • (ii) Les éléments de preuve selon lesquels la mère du défendeur travaille en soirée et, par conséquent, ne pourrait pas exercer une surveillance réelle à son endroit pendant des parties de la journée;

  • (iii) Les éléments de preuve selon lesquels il pourrait y avoir des lacunes dans la supervision exercée par les autres cautions;

  • (iv) Des commentaires judiciaires formulés par le passé au sujet des limites des systèmes de surveillance électronique.

[37]  Le ministre demande encore à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve dont disposait le commissaire. Ce dernier a examiné la preuve en détail et a conclu qu’un plan de mise en liberté prévoyant cinq cautions, le versement de sommes importantes à titre de caution par des membres de la famille du défendeur, et un système de surveillance électronique, représente une solution de rechange appropriée au maintien en détention du défendeur. Cette conclusion était raisonnable.

D.  Y a-t-il lieu d’adjuger des dépens?

[38]  L’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, prévoit que « [s]auf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens ».

[39]  Le défendeur demande que des dépens lui soient adjugés sur la base avocat‑client ou, subsidiairement, au titre du tarif. Il soutient que le ministre a contrevenu à ses obligations de divulgation lors de ses six premiers contrôles des motifs de détention et qu’il a exagéré les incidents d’inconduite en établissement.

[40]  Le défendeur, dans certains documents qui n’ont pas été divulgués par le ministre aux six premiers contrôles des motifs de détention, fait mention des éléments suivants :

  • (i) Un rapport de l’agent de libération conditionnelle du défendeur daté du 23 juin 2017, qui est essentiellement favorable et met en lumière les efforts déployés par le défendeur pour se réadapter;

  • (ii) Deux lettres d’employés du Service correctionnel du Canada qui expliquent que les allégations d’inconduite en établissement formulées contre le défendeur étaient exagérées ou non fondées.

[41]   La Cour a toujours soutenu qu’il peut exister des « raisons spéciales » si une partie a agi d’une manière qui peut être qualifiée d’inéquitable, d’oppressive ou d’inappropriée ou marquée par la mauvaise foi, ou qu’elle a prolongé inutilement ou de façon déraisonnable l’instance (Kargbo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 469, au par. 32).

[42]  Les circonstances de l’affaire en cause ne constituent pas des raisons spéciales. Après avoir consulté la récente décision Allen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 486, dans laquelle le juge Mosley examine de façon exhaustive les obligations de divulgation dans les contrôles des motifs de détention, il ne ressort pas clairement du dossier dont je dispose que le ministre ne s’est pas acquitté de ses obligations de divulgation. De plus, puisque les éléments de preuve relatifs à l’inconduite en établissement du défendeur sont vraiment partagés, les arguments formulés par le ministre sur ces aspects ne montrent pas une conduite qui peut être qualifiée d’inéquitable, d’oppressive ou d’inappropriée ou marquée par la mauvaise foi, ou qui a prolongé l’instance inutilement ou de façon déraisonnable. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3531-19

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael D. Manson»

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour d’août 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-3531-19

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c IRSHAD MOHAMED AHMED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 25 juillet 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

le juge MANSON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 26 JUILLET 2019

 

COMPARUTIONS :

Maria Burgos

Gregory George

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Arlene Rimer

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rimer Law

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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