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Date : 20190628


Dossier : T-1539-18

Référence : 2019 CF 878

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 juin 2019

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

PEDRO PEDROSO

demandeur

et

WESTJET AIRLINES

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, M. Pedro Pedroso, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 9 août 2018 de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) ayant rejeté la plainte qu’il avait déposée contre la défenderesse, WestJet Airlines, plainte dans laquelle il alléguait avoir été victime de discrimination fondée sur l’âge.

[2]  Le demandeur soutient que la défenderesse a exercé de la discrimination à son endroit en raison de son âge en ne l’embauchant pas pour au moins deux emplois vacants annoncés. Dans sa décision, la Commission écrit : [traduction] « [I]l ne semble pas que la [défenderesse] ait décidé de ne pas embaucher le [demandeur] pour des raisons liées à l’âge. » Le demandeur demande à la Cour d’annuler cette décision et de renvoyer sa plainte devant la Commission afin qu’elle l’examine en tenant compte de documents supplémentaires datant de décembre 2018, documents qu’il a annexés à son affidavit. M. Pedroso n’est pas représenté par un avocat dans le cadre de la présente demande.

[3]  La défenderesse sollicite le rejet de la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

[4]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II.  Contexte

[5]  À l’époque où il a déposé sa plainte à la Commission, M. Pedroso travaillait pour une entreprise offrant des services contractuels de nettoyage d’aéronefs à l’Aéroport international d’Ottawa. Monsieur Pedroso avait postulé un emploi comme membre d’équipage de cabine bilingue auprès de la défenderesse en mai et juin 2016. Sa candidature de juin 2016 avait été sélectionnée pour l’étape suivante. Le 14 juillet 2016, la défenderesse a convié M. Pedroso à un entretien en personne dans le cadre d’une « foire de recrutement ». Dans l’invitation reçue par courriel, il était indiqué que le demandeur devait apporter une photocopie, soit de son passeport canadien valide, soit de tout autre passeport valide et de sa carte de résidence permanente.

[6]  Le 22 juillet 2016, le demandeur s’est rendu à la foire de recrutement. Il s’est inscrit à l’accueil, où quelqu’un a examiné son passeport canadien pour en confirmer la validité. Puis, le demandeur est entré dans le périmètre de l’événement.

[7]  L’événement débutait par un entretien en personne avec M. Raj Kular. Estimant que le demandeur satisfaisait aux critères voulus, M. Kular l’a dirigé vers l’étape suivante de l’événement, un processus collectif auquel participaient d’autres candidats. Le personnel chargé d’évaluer le processus collectif n’a pas jugé que le demandeur possédait les compétences affichées par les autres candidats ni qu’il était un « bon candidat » pour WestJet.

[8]  Vers le 26 juillet 2016, la défenderesse a informé le demandeur qu’il n’avait pas réussi le concours. Le 25 janvier 2017, le demandeur a déposé auprès de la Commission une plainte où il alléguait avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’âge, contrairement à la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 (la LCDP). À titre de réparation, il demandait un emploi chez l’employeur.

[9]  Dans sa plainte, M. Pedroso a déclaré qu’il avait aussi postulé un emploi d’ambassadeur du service à la clientèle chez WestJet. Au départ, il n’a pas pu produire cette demande d’emploi ni le numéro de l’avis d’emploi. Il avait, semble-t-il, retiré sa demande et supprimé son profil du système d’embauche de la défenderesse. Pour cette raison, la défenderesse n’a pas été en mesure de confirmer les détails de cette autre demande. Étant donné qu’aucune des parties n’avait accès à l’information, la Commission a limité son examen à la demande d’emploi comme membre d’équipage de cabine pour les fins de la plainte du demandeur.

[10]  Dans sa plainte, le demandeur affirme avoir fait l’objet d’un traitement différent en raison de son âge et s’être vu refuser l’emploi qu’il convoitait parce qu’il avait alors 60 ans, et que la défenderesse le trouvait [traduction] « trop vieux pour ce travail ». La plainte du demandeur se concentre sur le fait qu’on lui a demandé d’apporter une photocopie de son passeport à l’entretien, de sorte que la défenderesse a ainsi pu connaître sa date de naissance, et donc, son âge.

[11]  Le demandeur et la défenderesse ont présenté des observations à la Commission. La Commission a aussi interrogé le demandeur, le responsable du recrutement pour le poste de membre d’équipage de cabine et M. Kular. Une autre personne qui travaillait comme membre de l’équipage de cabine avait aussi participé au processus d’embauche, mais cette personne n’était plus employée par WestJet, et la Commission n’a pas pu lui parler.

[12]  Dans ses observations présentées à la Commission, la défenderesse a expliqué que la photocopie d’un passeport valide exigée à cette étape du processus d’embauche constituait une exigence professionnelle justifiée, parce que le travail de membre d’équipage de cabine supposait des voyages fréquents. Elle a affirmé que le fait d’exiger le document au début du processus permettait d’éviter de consacrer du temps et des ressources à des candidats qui ne remplissaient pas les exigences du poste. En outre, elle a informé la Commission que l’employé chargé de vérifier les passeports des candidats ne tenait pas compte de la date de naissance et ne participait habituellement pas au processus d’embauche en tant que tel.

[13]  D’après les statistiques qu’elle a produites, la défenderesse a reçu 11 715 candidatures au poste de membre d’équipage de cabine en 2016 et elle a invité environ 1 400 candidats à des foires de l’emploi. À l’occasion des 56 foires d’emploi organisées, elle a rencontré quelque 980 candidats et a embauché 398 membres d’équipage de cabine. Dix-huit des candidats retenus avaient plus de 50 ans. Aucun d’eux n’avait plus de 60 ans.

[14]  Le 14 mai 2018, la Commission a clos son enquête et déposé son rapport. Dans ce rapport, on peut lire que le demandeur n’avait pas soumis d’autre information que son âge à l’appui de ce qu’il affirmait, à savoir qu’il n’avait pas été embauché pour un motif de distinction illicite. Le rapport signale aussi qu’aucune preuve de discrimination n’a été constatée.

[15]  Par ailleurs, même s’il y est indiqué qu’on ne saurait qualifier de « pratique exemplaire » le fait d’exiger des renseignements susceptibles de révéler l’âge d’un candidat avant de lui offrir un emploi, le rapport mentionne que l’employeur peut néanmoins se faire une idée générale de l’âge du candidat lors de l’entretien en personne. En outre, s’agissant du demandeur en l’espèce, le passeport a été vérifié par une autre personne que celle qui a mené l’entretien, et il n’était pas accessible aux personnes responsables des décisions d’embauche.

[16]  Après avoir reçu le rapport, l’une et l’autre partie ont présenté des observations. En réponse au rapport, le demandeur s’est indigné du fait que la défenderesse affirmait ne pas être en mesure de produire la documentation relative à sa candidature au poste d’ambassadeur du service à la clientèle. Il n’a fait aucune observation pertinente sur la façon dont il avait été victime de discrimination en raison de son âge, mais a déclaré que les pratiques d’embauche de la défenderesse pourraient être modifiées de manière à n’avoir aucun effet discriminatoire.

[17]  En réponse au rapport, la défenderesse a fourni d’autres détails concernant son processus de sélection pour le poste de membre d’équipage de cabine, processus qui diffère de la procédure d’embauche normale, vu l’intérêt manifesté pour l’emploi et le nombre de candidatures qu’elle reçoit. La défenderesse a aussi donné d’autres précisions sur la raison pour laquelle elle exigeait un passeport : il s’agissait d’informer les titulaires de passeports non canadiens des visas qu’ils devaient obtenir pour pouvoir être admissibles au poste.

[18]  Le demandeur a formulé des observations supplémentaires en réponse à celles de la défenderesse. Pour la première fois, d’après le dossier, le demandeur a affirmé avoir vu que M. Kular tenait une chemise de classement renfermant tous ses documents lorsqu’il l’avait convoqué à l’entretien d’embauche. Selon lui, M. Kular avait jeté un bref coup d’œil sur les documents.

[19]  La défenderesse a répondu aux observations du demandeur en relevant que la plainte portait sur la question de savoir si le demandeur avait été victime de discrimination en raison de son âge, et non sur les pratiques d’embauche de la défenderesse dans leur ensemble. Elle a soutenu que le demandeur n’avait pas soumis d’éléments de preuve montrant qu’il avait subi de la discrimination du fait de son âge.

[20]  Le 9 août 2018, après avoir analysé le rapport d’enquête et les observations des parties, la Commission a rejeté la plainte du demandeur. Dans la lettre envoyée au demandeur, elle écrit simplement qu’il ne semble pas que ce soit à cause de l’âge du demandeur que sa candidature n’a pas été retenue. Le rapport fait partie des motifs de la décision de la Commission.

III.  Les questions en litige

[21]  À titre préliminaire, la défenderesse a attiré l’attention de la Cour sur des documents du dossier du demandeur qui ne figurent pas dans le dossier certifié du tribunal (DCT) ainsi que sur d’autres documents, rédigés en décembre 2018, qui sont à l’évidence postérieurs à la décision contestée. La défenderesse s’oppose à l’admission de nouveaux éléments de preuve par le demandeur, qui n’est pas permise par les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 : Via Rail Canada Inc c Canada (Commission des droits de la personne), [1998] 1 CF 376, 135 FTR 214 (1re inst.).

[22]  En règle générale, lors d’un contrôle judiciaire, le dossier examiné devrait se limiter aux documents qui ont été soumis à la Commission : International Relief Fund for the Afflicted and Needy (Canada) c Canada (Revenu national), 2013 CAF 178, au par. 9. Il existe des exceptions à ce principe, notamment lorsque des éléments de preuve supplémentaires sont nécessaires pour établir qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Or, en l’espèce, il n’était pas nécessaire d’examiner d’autres éléments de preuve à cette fin, car le demandeur reprochait plutôt à la Commission le fait qu’elle n’avait pas tenu compte de ses observations. Par conséquent, les documents supplémentaires n’ont pas été pris en considération pour trancher la présente demande.

[23]  Ayant examiné les observations des parties, la Cour doit maintenant trancher les questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. La Commission a-t-elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale?

  3. La décision de la Commission est-elle raisonnable?

IV.  Dispositions législatives pertinentes

[24]  Les dispositions applicables de la LCDP sont reproduites ci-dessous :

Motifs de distinction illicite

Prohibited grounds of discrimination

3 (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’état de personne graciée ou la déficience.

3 (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, gender identity or expression, marital status, family status, genetic characteristics, disability and conviction for an offence for which a pardon has been granted or in respect of which a record suspension has been ordered.

Emploi

Employment

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

7 It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

 

on a prohibited ground of discrimination.

Plaintes

Complaints

40 (1) Sous réserve des paragraphes (5) et (7), un individu ou un groupe d’individus ayant des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière.

40 (1) Subject to subsections (5) and (7), any individual or group of individuals having reasonable grounds for believing that a person is engaging or has engaged in a discriminatory practice may file with the Commission a complaint in a form acceptable to the Commission.

Irrecevabilité

Commission to deal with complaint

41 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

41 (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

(a) the alleged victim of the discriminatory practice to which the complaint relates ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available;

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

Nomination de l’enquêteur

Designation of investigator

43 (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, « l’enquêteur », d’enquêter sur une plainte.

43 (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an “investigator”, to investigate a complaint.

Rapport

Report

44 (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

44 (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

[Suite à donner au rapport]

[Action on receipt of report]

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié, [...]

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted

V.  Analyse

A.  La norme de contrôle

[25]  Le demandeur n’a présenté aucune observation à ce sujet. La Cour convient avec la défenderesse que la norme de contrôle qui s’applique à la décision de la Commission est celle de la décision raisonnable. La décision est raisonnable si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au par. 11 [Newfoundland Nurses], citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux par. 47 et 48. La Cour est appelée à faire preuve d’une grande retenue dans l’appréciation de la décision de la Commission : Bell Canada c Syndicat Canadien des Communications, de l’Énergie et du Papier, [1999] 1 CF 113, à la p. 137, 159 FTR 160 (CA); McConnell c Commission canadienne des droits de la personne, 2004 CF 817, au par. 86.

[26]  Les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte : Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79. Le contrôle ne peut avoir pour unique objet l’évaluation du caractère suffisant des motifs : si ceux‑ci permettent à la Cour de comprendre le fondement de la décision de la Commission, c’est qu’ils sont suffisants : Newfoundland Nurses, précité, au par. 14. Voir aussi Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au par. 54, pour une reformulation récente de la méthode à suivre pour l’analyse des questions d’équité procédurale.

B.  La Commission a-t-elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale?

[27]  Essentiellement, le demandeur avance que la Commission a porté atteinte à ses droits en matière d’équité procédurale en omettant de tenir compte de ses observations. L’allégation semble reposer sur la lettre qui accompagne le DCT, et dans laquelle on peut lire que le DCT renferme [traduction] « les documents portés à la connaissance de la Commission canadienne des droits de la personne lorsqu’elle a rendu sa décision ». Ces documents se limitent [traduction] « au formulaire de plainte, au rapport d’enquête et aux observations des parties donnant suite au rapport », et ne comprennent pas [traduction] « les documents obtenus lors de la collecte des faits et éléments de preuve effectuée dans le cadre du processus de traitement de la plainte ». De l’avis du demandeur, cela veut dire que ses documents n’ont pas été pris en compte et que l’enquête n’a pas été suffisamment rigoureuse.

[28]  Le demandeur comprend mal le processus d’évaluation des plaintes de la Commission. Suivant ce processus, qui est énoncé dans la LCDP, l’enquêteur doit prendre connaissance de tous les documents soumis, et la Commission examine le rapport produit par l’enquêteur au terme de son enquête. Sera considérée comme étant rigoureuse l’enquête qui n’est pas manifestement déficiente et qui n’a omis aucune preuve manifestement importante : Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574, aux p. 600 et 605, 73 FTR 161 (1re inst.) [Slattery].

[29]  En l’espèce, l’enquêteuse a interrogé les personnes liées au dossier, y compris celles qui étaient présentes à la foire de recrutement. Dans son rapport, elle fait état de son évaluation du processus d’embauche de la défenderesse et, plus particulièrement, du cas de la candidature du demandeur.

[30]  L’enquête n’a pas à être parfaite; la Commission doit concilier les intérêts respectifs du demandeur et de la défenderesse en matière d’équité procédurale et celui de la Commission à « préserver un système qui fonctionne et soit efficace sur le plan administratif » : Slattery, précité, à la p. 600; Wong c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2017 CF 633, au par. 40; Tahmourpour c Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, au par. 39. La LCDP n’impose pas à la Commission l’obligation de recevoir et d’examiner tous les documents d’origine et les observations d’un demandeur lorsqu’elle doit décider s’il y a lieu de rejeter la plainte.

[31]  Il ressort clairement du rapport que l’enquêteuse a reçu, examiné et soupesé tous les documents qui, de l’avis du demandeur, auraient dû être examinés par la Commission. Ce rapport signale que selon le demandeur, les évaluateurs du processus collectif l’avaient jugé à sa capacité de s’amuser et avaient embauché les candidats avec qui ils pensaient qu’il serait le plus agréable de boire un verre ou de rester coincés dans un aéroport. Il s’agit d’informations qui étaient absentes de la plainte du demandeur, mais qui figuraient dans certaines des observations supplémentaires qu’il avait présentées à l’enquêteuse. Même si le demandeur lui a communiqué ces informations lors de l’entretien mené aux fins de l’enquête, l’enquêteuse a de toute évidence tenu compte de ses observations. Il ne fait donc aucun doute que les observations du demandeur ont été prises en considération et incorporées au rapport, conformément à la pratique suivie par la Commission et énoncée dans la LCDP.

[32]  Il convient par ailleurs de signaler que pour s’assurer que certaines de ses observations antérieures soient examinées par la Commission, la défenderesse les a reprises dans sa réponse au rapport. Le demandeur, qui ne s’est pas prévalu de cette possibilité, ne peut maintenant s’appuyer sur ce fait pour prétendre que l’enquête n’a pas été suffisamment rigoureuse. Il n’a pas réussi à démontrer que l’enquête était manifestement déficiente ou que l’enquêteuse avait omis d’évaluer un élément de preuve manifestement important, comme l’exige la décision Slattery. L’enquête était donc suffisamment rigoureuse, et il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale à laquelle avait droit le demandeur.

C.  La décision de la Commission est-elle raisonnable?

[33]  Dans ses arguments écrits, le demandeur soutient que la décision de la Commission est déraisonnable parce que l’enquêteuse a omis d’appliquer le critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt dit « Meiorin » : Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c BCGSEU, [1999] 3 RCS 3, 176 DLR (4th) 1. Selon lui, la décision est également déraisonnable parce que l’enquêteuse n’a pas procédé à une analyse en bonne et due forme des exigences professionnelles justifiées et que les motifs de la Commission ne sont pas suffisamment transparents, justifiables ou intelligibles.

[34]  À l’audience, le demandeur n’a pas pu aider la Cour à voir en quoi l’application du critère Meiorin à l’espèce était justifiée, et ses arguments écrits ne renfermaient rien à ce sujet non plus. Or, le critère s’appliquera uniquement s’il est établi, à première vue, qu’il y a eu discrimination. À défaut d’un tel commencement de preuve, comme c’est le cas ici, il n’y a aucune obligation d’évaluer l’obligation d’accommodement : Health Employers Assn of BB (Kootenay Boundary Regional Hospital) c BC Nurses’ Union, 2006 BCCA 57, au par. 35, demande d’autorisation d’appel rejetée, no 31417 (24 août 2006).

[35]  Les arguments du demandeur ne sont rien de plus qu’une affirmation non étayée selon laquelle la décision est déraisonnable. Comme l’indique clairement le rapport, l’enquêteuse n’a trouvé aucune preuve permettant de penser que le demandeur n’avait pas été embauché à cause de son âge. En fait, le rapport signale explicitement que le demandeur n’a établi le fondement de sa plainte d’aucune façon. Puisqu’il en est ainsi, les motifs de la Commission sont suffisants. La décision était raisonnable, et la Cour n’a aucune raison d’intervenir.

VI.  Dépens

[36]  La défenderesse a demandé les dépens. Le demandeur n’a donné à la Cour aucune raison de conclure que les dépens ne devraient pas suivre l’issue de la cause. Les dépens seront adjugés selon le tarif ordinaire.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER NO T-1539-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Les dépens sont accordés à la défenderesse et seront calculés selon le tarif ordinaire.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de septembre 2019.

Julie‑Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1539-18

INTITULÉ :

PEDRO PEDROSA c WEST JET AIRLINES

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Mosley

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 28 juin 2019

COMPARUTIONS :

Pedro Pedroso

POUR LE DEMANDEUR

David Wong

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Faskin Martineau S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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