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Date : 20190724


Dossier : IMM‑5179‑18

Référence : 2019 CF 988

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

YANFANG CHEN

ZHENYANG CHEN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Yanfang Chen est une citoyenne du Canada qui vient de la République populaire de Chine. Elle a épousé un citoyen canadien en octobre 2016 et son mari l’a parrainée pour qu’elle vienne au Canada peu de temps après leur mariage. Son mari a rempli les formulaires pour sa demande de résidence permanente. Comme elle n’avait pas dit à ce dernier qu’elle a un fils appelé Zhenyang (et qu’elle avait honte de lui parler de son existence parce qu’il est né hors mariage), son fils n’a pas été nommé comme enfant à charge dans sa demande de résidence permanente. Par conséquent, Zhenyang n’était pas considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial aux fins de parrainage au Canada aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR].

[2]  Mme Chen a donc présenté une demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire au titre de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2007, c 27 [la LIRP], afin de pouvoir parrainer son fils pour qu’il vienne au Canada. Une agente du Consulat général du Canada à Hong Kong a rejeté la demande dans une décision datée du 30 août 2018. Mme Chen et son fils sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de cette décision en application du paragraphe 72(1) de la LIPR, et ils demandent à la Cour d’annuler cette décision et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

I.  La décision de l’agente

[3]  Selon les notes inscrites par l’agente dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], Zhenyang a obtenu le statut de résident à Hong Kong en juillet 2014 après que son père eut épousé une femme originaire de cette ville, et son hukou en Chine a donc été annulé. De plus, d’après les observations de l’agente, Zhenyang a continué de vivre et d’étudier en Chine même s’il avait le statut de résident à Hong Kong.

[4]  L’agente a ensuite conclu que l’omission de Mme Chen de divulguer l’existence de son fils dans sa demande de résidence permanente aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR et du RIPR.

[5]  L’agente s’est ensuite penchée sur la force du lien qui existe entre Mme Chen et son fils, et elle a constaté que Zhenyang a vécu avec sa mère jusqu’à l’âge de trois ans et qu’il a passé la majeure partie de son enfance sans elle. L’agente a conclu que, puisque les éléments de preuve démontrant le soutien affectif et financier que fournissait Mme Chen à son fils ne se résumaient qu’à ce que cette dernière avait affirmé, ils étaient insuffisants. Selon l’agente, Mme Chen n’a pas essayé de faire une place à Zhenyang dans sa vie et elle a elle‑même décidé de le laisser aux soins de ses grands‑parents paternels lorsqu’elle a quitté la province du Fujian pour aller habiter dans la province du Guangdong dans le but de poursuivre sa carrière. L’agente a fait remarquer que Mme Chen avait trop honte pour avouer l’existence de Zhenyang à son mari et qu’elle a également caché à sa famille l’existence de son autre fils, Shuo, qui est lui aussi né hors mariage. D’après l’agente, il semble que Mme Chen ait toujours considéré ses deux fils illégitimes comme des fardeaux et qu’elle en avait honte.

[6]  L’agente a fait observer que, même après son divorce en 2011, Mme Chen n’a pas essayé de parrainer Zhenyang. Selon l’agente, cela donne à penser que Mme Chen accordait plus d’importance à sa carrière et à sa dignité qu’à ses fils. L’agente a ajouté qu’un relevé de seulement quatre pages des communications entre Mme Chen et Zhenyang sur WeChat a été présenté et que Mme Chen a visité son fils une seule fois en 2012, laquelle visite a duré deux mois. L’agente a déclaré que, même si le soutien que fournissait Mme Chen à Zhenyang a été reconnu, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la mère et le fils entretenaient des liens étroits puisqu’ils ont longtemps été séparés. L’agente a conclu son évaluation de la relation entre Mme Chen et Zhenyang en affirmant que rien n’indique que des obstacles empêchaient Mme Chen de continuer de soutenir son fils à distance ou de lui rendre visite en Chine.

[7]  L’agente a ensuite évalué l’intérêt supérieur de Zhenyang et de son demi‑frère, Shuo. Elle a commencé par déclarer que Zhenyang deviendra un adulte dans moins de deux mois et qu’il a pu être ajouté au hukou de son père et faire des études. L’agente a également signalé que, selon Mme Chen, Zhenyang a vécu avec ses grands‑parents, qui lui offraient un foyer stable, jusqu’à ce qu’il soit admis dans une école de formation professionnelle en septembre 2016.

[8]  L’agente a reconnu que le grand‑père de Zhenyang est décédé en mai 2018 et que sa grand‑mère avait des problèmes de santé. Toutefois, elle a conclu que Zhenyang dépendait de moins en moins des adultes et qu’il avait passé le stade critique où il dépendait des adultes pour subvenir à ses besoins et où il lui fallait développer un lien affectif avec ses parents. De plus, l’agente a fait observer que Zhenyang dépendait beaucoup moins de ses grands‑parents depuis les deux dernières années, car il habitait au pensionnat de son école.

[9]  L’agente a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer l’affirmation de Mme Chen selon laquelle Zhenyang avait développé certains problèmes de comportement en raison de leur séparation. L’agente a reconnu que la séparation d’une famille peut causer du stress, mais ce qui importe est la durée de cette séparation. De plus, il se peut que Zhenyang ait éprouvé beaucoup de stress à cause de la séparation d’avec sa mère lorsqu’il était âgé de trois ans, mais son niveau de stress ne devrait pas être le même maintenant. L’agente a ajouté que, puisque leur séparation a été longue, il est difficile de savoir comment Zhenyang perçoit sa relation avec sa mère et si leur réunion dans un autre pays ayant une culture différente lui causerait d’autre stress ou d’autres problèmes de comportement.

[10]  L’agente a fait remarquer que Zhenyang vit et étudie encore en Chine même s’il a obtenu son statut de résident à Hong Kong en juillet 2014 et qu’il aurait également le choix de vivre dans cette ville. Bien que Mme Chen ait affirmé que Zhenyang ne pouvait pas s’établir à Hong Kong parce que son père l’avait abandonné, l’agente a conclu que le père de Zhenyang avait lui aussi le statut de résident à Hong Kong et que, selon la loi hongkongaise, ce dernier avait une responsabilité légale envers son fils et devait assurer son bien‑être parce qu’il est mineur. L’agente a mentionné que le statut de résident de Zhenyang à Hong Kong n’expirera pas à son dix‑huitième anniversaire et que sa carte d’identité actuelle de Hong Kong sera valide jusqu’à ses 18 ans. Il devra seulement présenter une demande de renouvellement en vue d’obtenir une carte d’identité d’adulte.

[11]  En réponse aux affirmations de Mme Chen selon lesquelles Zhenyang ne parle ni l’anglais ni le cantonais, n’a jamais vécu à Hong Kong et a très peu de chances de réussir à s’y établir, l’agente a fait observer que Zhenyang n’a jamais essayé de vivre à Hong Kong et que le mandarin, la langue officielle de la Chine, est de plus en plus important et de plus en plus parlé à Hong Kong. L’agente a conclu que si le fait que Zhenyang ne parle pas anglais l’empêche de réussir à s’établir à Hong Kong, cela l’empêchera tout autant de réussir à s’établir au Canada.

[12]  Bien que Mme Chen ait dit à l’agente que le père de Zhenyang vivait à Hong Hong et qu’il avait peu de contacts avec lui et refusait de le prendre en charge, l’agente a constaté que le père habitait dans la même ville que Zhenyang et avait bien voulu déclarer ce dernier comme son enfant à charge lorsqu’il a demandé le statut de résident à Hong Kong. L’agente a fait remarquer que Zhenyang ou sa famille avait choisi une école de formation professionnelle située dans cette ville au lieu de choisir d’autres écoles se trouvant dans sa ville d’origine ou la province du Fujian, où il aurait été plus près de ses grands‑parents. Selon l’agente, il était raisonnable de supposer que cette décision avait été prise dans le but de permettre à Zhenyang de se rapprocher de son père. L’agente n’a pas été convaincue que le père de Zhenyang avait eu peu de contacts avec ce dernier ou qu’il refusait de prendre soin de lui.

[13]  L’agente a établi que la perte de son hukou n’a pas empêché Zhenyang de faire des études universitaires en Chine. Elle a conclu que, même si Zhenyang ne peut pas occuper certains types d’emplois en Chine en raison de la perte de son hukou, cela ne nuira pas à son avancement de carrière et rien ne l’interdit d’exercer d’autres emplois en Chine. De plus, l’agente a fait remarquer que Zhenyang a aussi le droit de travailler et de poursuivre sa carrière à Hong Kong selon la loi.

[14]  L’agente a noté que la ville de Hong Kong est tout aussi développée sur le plan économique que le Canada et que les droits économiques, sociaux et culturels de Zhenyang ne seraient pas brimés s’il vivait dans cette ville. Elle croit que, en tant que résident de Hong Kong, Zhenyang aurait accès à des services sociaux, à des soins de santé et à une éducation. Selon elle, en restant en Chine et à Hong Kong, où Zhenyang connaît mieux l’environnement et la culture comparativement au Canada, il serait plus facile pour lui d’avoir accès à sa culture chinoise.

[15]  L’agente a ensuite évalué l’intérêt supérieur de Shuo. Elle a fait remarquer que Mme Chen avait délibérément caché l’existence de Zhenyang à Shuo et qu’il était difficile de déterminer à quel moment Shuo avait appris l’existence de son frère. L’agente a conclu que Shuo avait probablement appris l’existence de Zhenyang en 2010 ou après cette date.

[16]  L’agente a ajouté que Shuo n’avait rendu visite à Zhenyang qu’une seule fois en 2012 et que peu d’éléments de preuve démontraient qu’il était proche de Zhenyang ou qu’il était psychologiquement attaché à lui. L’agente a également précisé qu’il n’y avait aucune preuve d’incidence négative sur l’éducation ou le bien‑être de Shuo du fait qu’il avait été séparé de Zhenyang, et qu’il n’y avait aucune preuve de répercussions négatives sur l’intérêt supérieur de Shuo si Zhenyang ne vivait pas au Canada.

II.  La question préliminaire

[17]  Mme Chen a déposé un affidavit supplémentaire, qui contient en grande partie des renseignements dont l’agente ne disposait pas, dans le but d’étayer sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et de contester la décision de l’agente.

[18]  Les demandeurs ont également déposé un affidavit signé par Neerja Saini. Il appert de cet affidavit que le statut de résident de Hong Kong ne se renouvelle pas automatiquement lorsqu’une personne atteint l’âge de 18 ans et qu’il est difficile d’obtenir de nouveau un hukou qui a été perdu. Il ressort également de cet affidavit que, d’après le recensement mené en 2016 par le gouvernement de Hong Kong, seulement 1,9 % de la population de cette ville parle le mandarin.

[19]  Le défendeur a déposé un affidavit signé par l’agente du Consulat à Hong Kong qui a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. En voici un passage pertinent :

[traduction] À titre d’agente recrutée sur place qui est née et a été élevée à Hong Kong, les faits relatifs au renouvellement de la carte d’identité de Hong Kong, à la langue parlée dans cette ville, au système d’éducation de Hong Kong et de la Chine, et à l’admissibilité des résidents de Hong Kong aux prestations sociales, de santé, d’éducation, etc., reposent sur mes connaissances locales.

[20]  En règle générale, le dossier relatif à une demande de contrôle judiciaire est normalement limité à celui dont le décideur disposait; sinon, une demande de contrôle judiciaire risquerait de se transformer en un procès sur le fond, alors que l’objet véritable du contrôle judiciaire est de vérifier la légalité d’une mesure administrative (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, aux par. 14 à 20 [Association des universités]; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, aux par. 13 à 28).

[21]  L’affidavit de Mme Chen ne sera pas pris en compte parce qu’il ne fait pas partie des exceptions reconnues (telles qu’elles sont énoncées dans l’arrêt Association des universités, au par. 20). En effet, il ne contient aucun élément de preuve démontrant que la décision faisant l’objet du contrôle a été rendue sans respecter l’équité procédurale, il ne fait pas ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur lorsqu’il a tiré sa conclusion, et il ne contient pas de renseignements généraux qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire.

[22]  L’affidavit de l’agente confirme qu’elle s’est appuyée sur ses propres connaissances locales lorsqu’elle a rendu la décision faisant l’objet du contrôle, et non sur des sources objectives ou secondaires concernant la prévalence du mandarin à Hong Kong ou la possibilité pour Zhenyang de remplacer sa carte d’identité de mineur de Hong Kong par une carte d’identité d’adulte en la renouvelant. Puisque cet affidavit contient des renseignements généraux qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, il sera donc pris en compte.

[23]  L’affidavit de Mme Saini fait ressortir l’absence totale de preuve dont l’agente disposait lorsqu’elle a tiré sa conclusion selon laquelle Zhenyang aurait pu remplacer sa carte d’identité de mineur de Hong Kong par une carte d’identité d’adulte en la renouvelant et aurait ainsi pu profiter des prestations connexes. Les renseignements contenus dans cet affidavit n’ont pas été réfutés par le défendeur. Par conséquent, cet affidavit sera pris en compte puisqu’il porte à l’attention de la Cour des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du tribunal administratif, à savoir que les demandeurs auraient pu réfuter les hypothèses de l’agente s’ils en avaient eu la possibilité.

III.  La norme de contrôle

[24]  La décision d’un agent d’immigration de ne pas accorder de dispense au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au par. 44). La décision d’un agent aux termes du paragraphe 25(1) est hautement discrétionnaire, et cette disposition « prévoit un mécanisme en cas de circonstances exceptionnelles » et la Cour doit faire preuve « d’une très grande retenue » envers l’agent (Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1303, au par. 4; Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c Legault, 2002 CAF 125, au par. 15).

[25]  Lorsque la Cour examine une décision administrative selon la norme de la décision raisonnable, son examen doit s’en tenir « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47). Ces critères sont remplis si les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au par. 16).

[26]  La norme de contrôle applicable à la question de savoir si la décision a été prise dans le respect de l’équité procédurale est celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79). La Cour doit déterminer si le processus suivi pour en arriver à la décision faisant l’objet du contrôle a atteint le niveau d’équité exigé dans les circonstances de l’espèce (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au par. 115).

[27]  Une question d’équité procédurale « n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier » (Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, au par. 74). Comme l’a fait observer récemment la Cour d’appel fédérale : « même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie, cet exercice de révision est [traduction] “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée. » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au par. 54).

IV.  La décision de l’agente était‑elle raisonnable?

[28]  Il ressort clairement de l’affidavit de Mme Saini que l’agente a commis une erreur à l’égard de certains éléments clés, notamment en ce qui concerne la question de savoir si Zhenyang pouvait renouveler son statut de résident de Hong Kong et si le mandarin est couramment parlé à Hong Kong. L’affidavit de Mme Saini démontre que le statut de résident de Hong Kong ne se renouvelle pas automatiquement lorsqu’une personne atteint l’âge de 18 ans et que seule une petite partie de la population de Kong Kong parle le mandarin. Les hypothèses de l’agente à cet égard n’étaient donc pas fondées et n’étaient pas raisonnables.

[29]  À mon avis, il n’était pas raisonnable que l’agente conclue que Zhenyang pourrait s’établir à Hong Kong au lieu de vivre en Chine ou au Canada même s’il ne possède pas le statut de résident de Hong Kong ou s’il n’a pas le soutien nécessaire pour s’y établir (ce qui comprend l’apprentissage de nouvelles langues), et il n’était pas non plus raisonnable qu’elle conclue qu’il aurait accès à certaines prestations en raison de son statut de résident de Hong Kong. De plus, il n’était pas raisonnable que l’agente s’appuie sur ses connaissances et croyances personnelles, car elles ne concordent pas avec les exigences en matière de résidence de Hong Kong.

[30]  Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’un agent qui s’appuie sur ses propres hypothèses a l’obligation de donner au demandeur la possibilité de répondre. Selon le principe audi alteram partem ou le principe d’entendre l’autre côté, il faut donner au demandeur la possibilité de répondre aux points de vue qui pourraient compromettre le processus de demande (Nguyen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 439, au par. 28; Mohamed c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2001 CFPI 983, au par. 14; Mittal (Litigation Guardian) c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 727, au par. 12; et Muliadi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 C.F. 205, au par. 16).

[31]  En l’espèce, l’agente n’a pas donné aux demandeurs la possibilité de répondre à ses croyances et à ses hypothèses concernant le renouvellement d’une carte d’identité de Hong Kong, la langue parlée dans la ville, le système d’éducation de Hong Kong et de la Chine, et l’admissibilité des résidents de Hong Kong aux prestations sociales, de santé et d’éducation. En ne donnant pas cette possibilité aux demandeurs, l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale.

V.  La conclusion

[32]  La décision de l’agente était déraisonnable et a été rendue sans respecter l’obligation d’équité procédurale. La décision doit donc être annulée et l’affaire doit être renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

[33]  Les parties n’ont pas proposé de question grave de portée générale à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5179‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie; la décision rendue par l’agente du Consulat le 30 août 2018 est annulée; l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux motifs du présent jugement; et aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour d’août 2019

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5179‑18

 

INTITULÉ :

YANFANG CHEN, ZHENYANG CHEN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 MAI 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 juillet 2019

 

COMPARUTIONS :

Matthew Jeffery

 

pour les demandeurs

 

Nora Dorcine

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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