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Date : 20190724


Dossier : 16-T-6

Référence : 2019 CF 979

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRALE DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La présente s’agit d’une requête du demandeur visant (1) à faire réviser la taxation concernant un mémoire de frais pour la requête originale au dossier et (2) une ordonnance en vue de faire comparaitre une personne pour outrage au tribunal pour déclaration fausse ou parjure. Le 19 février 2016, la Cour a accordé, seulement en partie, la requête originale au dossier visant une prorogation du délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire. La Cour a donc ordonné les dépens contre le demandeur. Par la suite, le défendeur demande, en janvier 2019, à faire taxer son mémoire de dépenses. Il n’est pas nécessaire de donner plus de détails concernant la requête originale afin de disposer de cette nouvelle requête.

[2]  L’Officier taxateur (l’Officier) émet un certificat de taxation le 23 mai 2019, suite à des représentations écrites des parties. En ce faisant, l’Officier rejette les représentations du demandeur à l’effet que la taxation des dépenses ne devrait se faire qu’à la fin du recours, recours qui continue maintenant, avec d’autres instances du demandeur, sous le dossier T-1136-16. L’Officier apporta aussi deux changements au mémoire de dépenses du défendeur. Premièrement, elle ajusta la valeur unitaire pour le mémoire de 140 $ à 150 $, compte tenu du changement à la valeur unitaire apporté le 1er avril 2018. Deuxièmement, elle rajusta les unités réclamées pour les services de taxation à 50% de la valeur unitaire, conformément à l’article 28 du Tableau au Tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, compte tenu l’admission du défendeur que ces services ont été complétés par une parajuriste et non un avocat.

[3]  Le 6 juin 2019, le demandeur dépose la présente requête. Le demandeur soumet que l’Officier a commis une erreur de droit en ne pas tenant compte d’une règle d’interprétation en déterminant la valeur unitaire. D’après le demandeur, l’Officier aurait dû tenir compte du droit québécois voulant que les valeurs en vigueur le jour du jugement doivent être utilisées. Le demandeur soumet également que l’Officier a commis une atteinte aux principes fondamentaux de la justice en refusant d’émettre une directive au défendeur demandant de confirmer quels autres services ont peut-être été complétés par un parajuriste. D’après le demandeur, il n’aurait donc pas eu le droit d’être entendu. Le demandeur prétend aussi que la parajuriste qui a préparé un affidavit sous-entendant qu’un avocat a fait le travail qu’elle aurait fait elle-même a commis une fausse déclaration méritant l’attention de la Cour. En fait, le demandeur accuse le défendeur de ne jamais respecter l’article 28, voulant que les frais de parajuristes soient facturés à 50% de la valeur unitaire.

[4]  Pour les raisons ci-dessous, la requête du demandeur est rejetée en entier, avec dépens.

I.  Norme de contrôle

[5]  Le défendeur a identifié la bonne norme de contrôle. En révision de la taxation, la Cour devrait seulement intervenir si l’Officier commet une erreur de principe ou accorde un montant si inapproprié ou déraisonnable que le montant suggère une erreur de principe : McMeekin c Canada (Ressources Humaines et Développement des compétences), 2012 CF 58 aux paras 4–5; Butterfield c Canada (Procureur général), 2008 CAF 385 au para 8. De plus, la Cour ne devrait intervenir que dans « les cas les plus manifestes  »: Apotex Inc c Merck & Co Inc, 2008 CAF 371 aux paras 16–17 [Apotex CAF].

[6]  Avant de procéder, je tiens à confirmer que, pour les raisons ci-dessous, je n’accepte pas les arguments du demandeur comme quoi l’Officier aurait commis une erreur de droit ou aurait commis une atteinte aux principes fondamentaux de la justice. La norme ci-haut est donc l’unique norme de contrôle pour la décision de l’Officier.

II.  Certificat de taxation

[7]  Essentiellement, le demandeur soumet que l’Officier aurait dû tenir compte du droit québécois qui utilise les valeurs en vigueur le jour du jugement et non le jour de la taxation. D’après le demandeur, la valeur unitaire devrait donc être 140 $ au lieu de 150 $. Par contre, comme le défendeur le soumet, la jurisprudence de cette Cour et de la Cour d’appel fédérale affirme que la valeur en vigueur le jour de la taxation doit être utilisée : Rogers Communications Incorporated c Buschau, 2012 CAF 100 aux paras 9, 14, 22; Horn c Canada, 2010 CF 501 au para 26; Ferme avicole Kiamika Inc c Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2006 CF 1392 au para 3; Doucet c Canada (Procureur Général), 2005 CAF 268 au para 5; Kumar c Canada, 2006 CAF 256 au para 7; Tucker c Canada, 2007 CAF 133 aux paras 1, 4.

[8]  Le demandeur a raison lorsqu’il soumet, en réplique, que ces cas ne discutent pas de principes juridiques afin de supporter que la valeur unitaire du jour de la taxation doive être utilisée. Peu importe, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, qui a caractère obligatoire devant cette Cour, confirme que la valeur unitaire le jour de la taxation doit être utilisée. Cette jurisprudence suffit donc afin de conclure que l’Officier n’a pas commis d’erreur en utilisant la valeur unitaire de 150 $.

[9]  De plus, il n’y a pas eu d’atteinte aux principes fondamentaux de justice. Le demandeur n’a soumis ni jurisprudence ni analyse indiquant que dans ces circonstances, le droit d’être entendu nécessitait plus que les soumissions écrites qui lui ont été accordées. Comme le soumet le défendeur, l’Officier avait un pouvoir discrétionnaire d’émettre une directive ou une ordonnance. Le simple fait de ne pas exercer cette discrétion et de ne pas émettre la directive que le demandeur aurait voulue ne constitue pas une atteinte aux principes fondamentaux de la justice.

[10]  Le demandeur n’a donc pointé à aucune erreur de principe de la part de l’Officier, et n’a pas soumis que le montant accordé suggère une erreur de principe. Ceci n’est pas l’un des cas les plus manifestes; il n’y a donc aucune raison pour la Cour d’intervenir.

III.  Outrage au tribunal

[11]  Le demandeur soumet, essentiellement, que comme la parajuriste a soumis un affidavit confirmant que les quatre unités au taux d’avocats pour la taxation des frais étaient de vraies dépenses, et comme le défendeur aurait admis ultérieurement à l’Officier que le mémoire de dépens fut en fait préparé par la parajuriste, celle-ci aurait donc commis une fausse déclaration méritant l’attention de la Cour. En réplique aux soumissions du défendeur que ces allégations ne peuvent être présentées lors d’une révision de la taxation, le demandeur ajoute que cette demande n’est pas faite dans le cadre de la révision, mais est faite de façon séparée et que la Cour a donc la compétence de l’entendre.

[12]  Même si la Cour accepte cette soumission en réplique comme quoi la requête du demandeur vise en fait deux requêtes séparées, la demande en outrage ne pourrait néanmoins réussir. Je fournis donc le raisonnement expliquant pourquoi la demande ne peut réussir sans me pencher sur la question à voir si la requête du demandeur peut ou devrait être séparée en deux requêtes à ce stade.

[13]  Comme le défendeur soumet, je suis d’accord que les prétentions du demandeur ne révèlent aucune cause d’action valable. De plus, je suis d’accord que ces prétentions sont vexatoires et constituent un abus de procédure. En outre, les prétentions du demandeur ne révèlent pas l’intention de la parajuriste de tromper, un élément que le défendeur soumet correctement est nécessaire au stade préliminaire pour une procédure en outrage : Chaudhry c Canada, 2008 CAF 173 au para 6; Orr c Première Nation de Fort Mckay, 2012 CF 1436 au para 15; Kumar c La Reine, 2004 CCI 521 au para 6.

[14]  J’ajouterais que, comme le soumet le défendeur, le demandeur n’a jamais demandé à contre-interroger la parajuriste en question. Néanmoins, je suis d’accord avec les soumissions du demandeur en réplique comme quoi les explications du défendeur concernant la préparation du mémoire de frais ne peuvent être présentées devant cette Cour dans les prétentions écrites, car ces explications ne sont pas en preuve. Tout de même, comme le demandeur n’a pas réussi à satisfaire les exigences pour une procédure en outrage, ces accusations sont non fondées. Le fait que le défendeur a accepté de réduire les unités dans ce contexte n’est pas une preuve prima facie d’outrage. La Cour ne peut donc pas procéder à une comparution pour outrage.

IV.  Dépens

[15]  Le défendeur a demandé ses dépens advenant une décision en sa faveur. La Cour semble avoir pris l’approche, dans le passé, de ne pas accorder de dépens pour une révision de la taxation : Merck & co inc c Apotex inc, 2007 CF 1035 au para 53. Je note, par compte, que cette décision de la Cour fédérale a été infirmée pour d’autres motifs, et que la Cour d’appel fédérale, elle, a accordé les dépens : Apotex CAF, ci-dessus au para 20. De plus, quelques décisions récentes des Cours fédérales confirment qu’un montant fixe de dépens peut être approprié dans une situation telle que celle-ci : Butterfield, ci-dessus; McMeekin, ci-dessus; Cameco Corporation c MCP Altona, 2013 CF 9; Stubicar c Canada, 2015 CF 722.

[16]  Compte tenu l’essai du demandeur de faire traiter ses demandes comme deux requêtes séparées, et compte tenu la nature vexatoires des allégations d’outrage, dans ce cas, j’accorde des dépens au défendeur.

V.  Conclusion

[17]  La requête du demandeur est rejetée en entier, avec dépens au défendeur au montant de 500 $, inclusif.


ORDONNANCE DANS 16-T-6

LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur est rejetée en entier, avec dépens au défendeur au montant de 500 $, inclusif.

« Richard G. Mosley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

16-T-6

INTITULÉ :

DAVID LESSARD-GAUVIN c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

REQUÊTE ÉCRITE CONSIDÉRÉE À OTTAWA (ONTARIO) SUITE À LA RÉGLE 369 DES RÉGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOtIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUILLET 2019

PRÉTENTIONS ÉCRITES PAR :

David Lessard-Gauvin

Pour LE DEMANDEUR

(Demandeur non représenté)

Me Marilou Bordeleau

Pour lE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)

Pour lE Défendeur

 

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