Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190722


Dossier : T-548-18

Référence : 2019 CF 961

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

LOBLAWS INC.

demanderesse

et

COLUMBIA INSURANCE COMPANY, THE PAMPERED CHEF, LTD. ET PAMPERED CHEF – CANADA CORP.

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

I.  Aperçu

[1]  La présente décision a trait à une action intentée par la demanderesse, Loblaws Inc. [Loblaw], contre les défenderesses, Columbia Insurance Company [Columbia], The Pampered Chef, Ltd. et Pampered Chef – Canada Corp. Dans cette action, la demanderesse fait valoir diverses causes d’action fondées sur la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 [la Loi] et sollicite les réparations y afférentes. Les défenderesses ont présenté une demande reconventionnelle visant à faire déclarer invalides et radier du registre certaines marques de commerce qui font l’objet de l’action de Loblaw, au motif qu’elles ne sont pas distinctives de Loblaw. La présente décision fait suite à l’instruction à Toronto des questions relatives à la responsabilité dans le cadre de l’action.

[2]  Certains éléments de preuve présentés lors de l’instruction sont assujettis à une ordonnance de confidentialité datée du 30 avril 2019, afin de protéger les renseignements commerciaux confidentiels de nature délicate des parties. Par conséquent, un projet de décision confidentielle a été envoyé aux parties le 28 juin 2019 afin qu’elles puissent proposer tout caviardage requis pour la publication de la version publique de la décision. Les parties ont proposé de caviarder des passages dans la lettre des avocats de la demanderesse datée du 11 juillet 2019, rédigée avec le consentement des avocats des défenderesses. Je suis convaincu que les caviardages proposés établissent un juste équilibre entre la protection des renseignements confidentiels et l’intérêt public dans le cadre de procédures judiciaires ouvertes et accessibles. Par conséquent, deux versions de la présente décision, l’une publique et l’autre confidentielle, seront rendues simultanément.

[3]  Pour les motifs expliqués plus en détail ci-dessous, les demandes de Loblaw, tout comme la demande reconventionnelle des défenderesses, sont rejetées.

II.  Contexte

[4]  Loblaw est une société constituée en vertu des lois de l’Ontario, dont l’établissement commercial principal est situé à Brampton, en Ontario. Il s’agit d’une filiale de Les Compagnies Loblaw Limitée [CLL], qui se décrit comme un détaillant de produits alimentaires et pharmaceutiques et d’autres produits et services répondant aux besoins des ménages. La société exploite un grand nombre d’enseignes de commerce de détail, comme Loblaw, Shoppers Drug Mart/Pharmaprix, Provigo, Atlantic Superstore et plusieurs autres. CLL a créé les marques complémentaires « le Choix du Président » et « PC », sous lesquelles un grand nombre de ses produits et services sont commercialisés. Loblaw est propriétaire d’une famille de marques de commerce déposées et non déposées liées à ces marques qui font l’objet de l’action, dont toute la gamme (extraite de la déclaration modifiée de Loblaw) est présentée à l’annexe A des présents motifs et sera désignée comme les « marques PC ». De façon générale, ces marques se composent de ce qui suit :

  1. la marque nominale PC, enregistrée en lien avec (1) des produits alimentaires et des articles de cuisine et (2) l’exploitation d’un programme de récompenses sous forme de points pouvant être échangés contre divers produits [la marque nominale PC];

  2. le dessin-marque , enregistré en lien avec (1) des produits alimentaires et des articles de cuisine et (2) les services suivants : des services d’école culinaire, une application pour appareils électroniques numériques et téléphones portables pour visualiser des recettes et des renseignements nutritionnels ainsi que l’exploitation d’un programme de récompenses sous forme de points [la marque PC manuscrite];

  3. la marque reconnue en common law en lien avec divers produits et services, y compris des articles ménagers [la marque PC circulaire].

[5]  Bien que la marque suivante ne fasse pas directement l’objet du présent litige, Loblaw l’emploie également en lien avec sa marque « le Choix du Président » [la marque le Choix du Président] :

[6]  Columbia est une société constituée sous le régime des lois du Nebraska dont l’établissement commercial principal est situé à Omaha, au Nebraska. Elle est propriétaire d’un certain nombre de marques de commerce déposées en vertu de la Loi. The Pampered Chef, Ltd. dispose d’un établissement commercial à Addison, en Illinois, et est la société mère de Pampered Chef – Canada Corp., dont l’établissement commercial principal se trouve à Markham, en Ontario. The Pampered Chef, Ltd. et Pampered Chef – Canada Corp. [Pampered Chef] sont des détaillants d’articles ménagers, y compris d’articles de cuisine, proposant principalement un modèle d’affaire de marketing direct ou de commercialisation à paliers multiples recourant à la cuisine à domicile et à la présentation de catalogues en personne ainsi qu’à des versions virtuelles ou en ligne de ces services. Columbia leur concède sous licence les marques de commerce (décrites ci-dessous) qui font l’objet de l’action. Dans les présents motifs, conformément à l’usage à l’instruction, les défenderesses seront désignées collectivement sous le nom de « Pampered Chef ».

[7]  Pampered Chef emploie la marque de commerce « Pampered Chef » au Canada depuis plusieurs années en liaison avec la vente d’articles ménagers. En 2015 ou 2016, ou ces deux années, Columbia a présenté des demandes d’enregistrement au Canada pour les marques de commerce suivantes, qui emploient toutes une figure que les défenderesses appellent [traduction« la cuillère joyeuse » (Happy Spoon) :

  1. [la marque la cuillère joyeuse];

  2. [la marque version longue];

  3. ;

  4. .

[8]  Les deux dernières marques, qui emploient toutes deux la figure de la cuillère joyeuse entre les lettres « P » et « C », ont été désignées comme les [traduction] « marques abrégées ». Les demandes d’enregistrement de la marque la cuillère joyeuse et de la marque version longue présentées par Columbia ont été approuvées par le bureau des marques de commerce du Canada, mais Loblaw s’oppose aux demandes d’enregistrement des marques abrégées.

[9]  Pampered Chef a commencé à vendre, à distribuer et à annoncer des articles ménagers au Canada en employant, entre autres, les marques abrégées. Pampered Chef gère également un programme de récompenses appelé [traduction] « dollars PC » [PC Dollars]. Ces activités sont à l’origine de la présente action, dans le cadre de laquelle Loblaw affirme que les marques abrégées sont identiques aux marques PC ou y sont similaires au point de créer de la confusion et que les PC Dollars sont identiques à la marque nominale PC. Les causes d’action actuellement invoquées par Loblaw sont que les activités de Pampered Chef :

  1. constituent une violation des droits exclusifs à l’emploi par Loblaw des marques PC dans tout le Canada, au titre des articles 19 et 20 de la Loi;

  2. ont appelé l’attention du public sur les produits, les services et l’entreprise de Pampered Chef de manière à causer ou vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre les produits, les services et l’entreprise de Pampered Chef et ceux de Loblaw, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi;

  3. sont susceptibles d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché aux marques PC, en contravention de l’article 22 de la Loi.

[10]  Loblaw sollicite diverses réparations : a) des dommages-intérêts ou, à titre subsidiaire, la restitution des bénéfices; b) des dommages-intérêts punitifs, majorés et exemplaires; et c) diverses catégories d’injonction. Toutefois, les questions relatives à la responsabilité et à la quantification ont été scindées dans la présente action, de sorte que les présents jugement et motifs portent uniquement sur les questions de responsabilité, y compris le droit de Loblaw, le cas échéant, à un jugement déclaratoire, à une injonction et à une restitution. Même s’il était initialement prévu que la partie de l’action portant sur la responsabilité déterminerait également si la conduite de Pampered Chef est de nature à justifier une condamnation à des dommages‑intérêts majorés, punitifs et exemplaires, Loblaw a fait savoir à l’instruction qu’elle retirait cette demande.

[11]  Pampered Chef est d’avis qu’aucune de ses marques n’est identique à celles de Loblaw et qu’aucune confusion n’est susceptible d’être créée entre les marques abrégées et les marques PC. Par conséquent, elle nie toute responsabilité à l’égard de Loblaw pour toutes les causes d’action invoquées. Pampered Chef présente également une demande reconventionnelle visant à faire déclarer invalide la marque nominale PC et à la faire radier du registre, au motif qu’elle n’est pas distinctive de Loblaw, en vertu de l’article 2 et de l’alinéa 18(1)b) de la Loi, et à obtenir une ordonnance pour que la marque nominale PC soit radiée. Bien que les marques PC comprennent une marque nominale « P.C. » (c.‑à‑d. avec des points après le « P » et le « C »), Loblaw a souligné lors de l’instruction qu’elle n’invoquait pas cette marque à l’appui de ses demandes, et Pampered Chef a confirmé qu’il n’était par conséquent pas nécessaire que la Cour examine l’allégation d’invalidité qu’elle avait présentée relativement à cette marque. L’allégation d’invalidité relative à la marque nominale PC s’inscrit dans le cadre de la partie de l’action portant sur la responsabilité et, par conséquent, des présents jugement et motifs.

III.  Questions en litige

[12]  Voici la liste des questions en litige soulevées par Loblaw, que Pampered Chef n’a pas contestées et que j’ai adoptées aux fins de la présente décision, sous réserve d’une légère modification de l’ordre et d’une nouvelle formulation :

  1. La marque nominale PC est-elle distinctive et, par conséquent, valide?

  2. Dans l’affirmative, Pampered Chef a‑t‑elle violé les droits que Loblaw tire de l’article 19 de la Loi?

  3. Pampered Chef a-t-elle violé les droits que Loblaw tire de l’article 20 de la Loi?

  4. Pampered Chef a-t-elle violé les droits que Loblaw tire de l’article 22 de la Loi?

  5. Pampered Chef a-t-elle contrevenu à l’alinéa 7b) de la Loi?

  6. Si Loblaw réussit à établir l’une ou l’autre des causes d’action, quelles sont les réparations appropriées?

IV.  Preuve

[13]  Les parties ont fait preuve d’une grande coopération dans la présentation de la preuve en l’espèce et, en fait, dans le cadre de l’instruction en général. Une grande partie de la preuve documentaire reçue par la Cour a été produite avec le consentement des parties. Elle a été complétée par des éléments de preuve présentés lors du contre-interrogatoire des témoins, en grande partie sans objection. Chacune des parties a également déposé en preuve une quantité importante d’extraits des interrogatoires préalables, et les parties ont convenu de nombreux faits dans un exposé conjoint des faits.

[14]  Les parties se sont entendues pour que certains témoins des faits fournissent leur témoignage principal sous forme d’affidavit, sous réserve d’un contre-interrogatoire lors de l’instruction. Chacune des parties a convoqué ses deux principaux témoins des faits à l’instruction afin qu’ils témoignent sur certains aspects de ses activités commerciales. Voici, en résumé, les trois témoins des faits de Loblaw et les aspects à propos desquels ils ont témoigné :

  1. Mme Cheryl Grishkewich, vice-présidente du marketing des marques contrôlées chez Loblaw, a parlé dans son témoignage de l’histoire de la création des marques « le Choix du Président » et « PC », de l’emploi et de la publicisation des marques connexes, de la nature et de la gamme des produits et services pour lesquels les marques sont employées et publicisées, des voies commerciales dans lesquelles ces produits et services sont offerts, de la sensibilisation des consommateurs et des perceptions de ces derniers relativement à leurs marques;

  2. M. Graham Rooza, directeur principal du service maison et divertissement chez Loblaw Brands Limited (une filiale de Loblaw), a témoigné au sujet des articles de cuisine qui sont commercialisés sous les marques « PC » et/ou « le Choix du Président »;

  3. M. Cliff Blizzard, directeur de catégorie du Club Entrepôt à la division nationale Entrepôt de Loblaw, a témoigné sur la nature des activités du Club Entrepôt de Loblaw, y compris la catégorie des condiments, et sur la vente de produits par Ventura Foods [Ventura]. (Les produits Ventura sont pertinents dans le cadre du présent litige parce qu’ils portent des marques de tiers qui, selon Pampered Chef, touchent le caractère distinctif des marques PC). Le témoignage direct de M. Blizzard a été fourni sous forme d’affidavit.

[15]  Les témoins des faits de Pampered Chef étaient les suivants :

  1. Mme Sandra Kabat, directrice au Canada de Pampered Chef – Canada, Corp., a témoigné au sujet des activités, des ventes et des voies commerciales de Pampered Chef, ainsi que du rôle des consultants indépendants [les CI], qui représentent la force de vente de l’entreprise dans le cadre de son modèle de marketing direct et de commercialisation à paliers multiples;

  2. Mme Libby Hoppe, directrice du cybermarketing et de la stratégie sur le contenu chez The Pampered Chef, Ltd., a témoigné au sujet du cybermarketing de Pampered Chef, notamment des sites Web de Pampered Chef et de ses CI ainsi que de l’utilisation par l’entreprise des médias sociaux;

  3. M. Michael Stephan, enquêteur agréé employé par Xpera Atténuation des risques et Enquêtes, a témoigné au sujet des résultats de diverses enquêtes effectuées à la demande des avocats des défenderesses. Ces enquêtes comprenaient des visites au Club Entrepôt de Loblaw et au Centre d’affaires Entrepôt exploité par Costco, ainsi que l’achat de produits Ventura aux deux emplacements, des visites sur les sites Web tenus par les deux grossistes, Ventura et d’autres entreprises, des visites à certains établissements de détail de Loblaw et l’achat d’accessoires de cuisine, ainsi que des visites sur certains sites Web de Loblaw. M. Stephan a également rassemblé des articles sur Loblaw et ses marques, de l’information accessible en ligne sur les rappels et les plaintes concernant les produits de Loblaw et sur des tiers qui emploient d’une manière ou d’une autre les initiales « PC », et de l’information liée aux activités en ligne de Pampered Chef et de certains de ses CI. M. Stephan a fourni son témoignage direct au moyen d’un affidavit;

  4. M. Derek MacIsaac, enquêteur privé agréé employé par Digital Evidence International, Inc., en tant que spécialiste des enquêtes sur la cybercriminalité, a témoigné sur les résultats des recherches que les avocats des défenderesses lui ont demandé d’effectuer relativement à certains mots-clés dans des messages sur des comptes Twitter ciblés appartenant aux parties. M. MacIsaac a fourni son témoignage direct au moyen d’un affidavit.

[16]  Ces témoins et leurs témoignages feront l’objet d’un examen plus loin dans les présents motifs, au besoin, dans le cadre de l’analyse des diverses questions en litige en l’espèce. Mentionnons à titre préliminaire qu’aucune des parties n’a remis en question la crédibilité des témoins des faits de l’autre partie. Du moins en ce qui concerne les témoins des faits, il ne s’agit pas d’une affaire qui donne lieu à des conclusions en matière de crédibilité.

[17]  Loblaw a appelé à témoigner les deux témoins experts suivants :

  1. M. Chuck Chakrapani – M. Chakrapani, président de Léger Marketing, éminent professeur invité à l’École de gestion Ted Rogers de l’Université Ryerson et responsable des connaissances au sein du groupe Blackstone de Chicago. Il a été qualifié d’un commun accord par les parties d’expert en études des marchés et en statistiques, y compris en sondages. Loblaw a retenu les services de M. Chakrapani pour qu’il évalue si les consommateurs pourraient, par erreur, identifier l’une des marques abrégées employées par Pampered Chef comme étant une marque employée par Loblaw et, le cas échéant, dans quelle mesure ils pourraient le faire. Il a conçu et réalisé un sondage en vue d’effectuer cette évaluation, dont les résultats sont présentés dans son rapport d’expertise;

  2. M. Kenneth Wong – M. Wong est un membre du corps professoral et un éminent professeur de marketing à la Smith School of Business de l’Université Queen’s, où il donne des cours au baccalauréat en commerce et à la maîtrise en administration des affaires. Il a été qualifié d’un commun accord par les parties d’expert en marketing. Le rapport d’expertise de M. Wong porte sur les mandats suivants qui lui ont été confiés par les avocats de Loblaw : i) expliquer l’importance d’une marque pour l’entreprise et l’effet de celle-ci sur le comportement des consommateurs; ii) donner une opinion sur l’existence ou non d’un achalandage attaché à la marque « PC » de Loblaw et, le cas échéant, sur l’importance de cet achalandage; iii) dire s’il a pu donner un avis sur les répercussions que l’emploi par Pampered Chef des marques abrégées aura sur l’achalandage attaché à la marque « PC » de Loblaw et, le cas échéant, fournir cet avis.

[18]  Pampered Chef a également appelé à témoigner deux experts, dans le but de répondre aux opinions des experts de Loblaw :

  1. M. Derek Hassay – M. Hassay est professeur de pensée entrepreneuriale à la Haskayne School of Business, à Calgary, en Alberta, titulaire de la bourse professorale RBC. Il a été qualifié d’un commun accord par les parties d’expert en marketing, spécialisé dans le domaine de la vente directe et de la commercialisation à paliers multiples. Le rapport d’expertise de M. Hassay : i) a fourni des renseignements généraux sur le circuit de ventes directes, y compris en quoi il diffère du marchandisage de masse et toute différence relativement à l’utilisation des sites Web; ii) a donné un avis sur la question de savoir si M. Chakrapani avait effectué le sondage auprès de la population concernée et, dans la négative, s’il y avait des écarts importants entre les participants au sondage et la population concernée, y compris la question de savoir si la population concernée réagirait différemment aux stimuli déclenchés par le sondage de M. Chakrapani; et iii) a formulé des observations concernant les conclusions du rapport du professeur Wong;

  2. Mme Ruth M. Corbin – Mme Corbin est présidente et ancienne associée directrice de CorbinPartners Inc., entreprise de science de la commercialisation qui effectue des sondages, notamment en lien avec les marques de commerce, et d’autres types d’analyse aux fins de décisions commerciales et de règlement de différends. Mme Corbin a également été professeure auxiliaire à la Osgoode Hall Law School de l’Université York, où elle a donné des cours sur les marques de commerce, sur la preuve relative à la science cognitive et sur le jugement et la prise de décisions. Elle a été qualifiée d’un commun accord par les parties d’experte en recherche et statistiques sur le marketing, y compris en sondages. Son rapport d’expertise porte sur les mandats qui lui ont été confiés par les avocats des défenderesses en vue de déterminer si le sondage sur lequel M. Chakrapani fonde son opinion dans son rapport est fiable et valide pour prédire si l’emploi des marques abrégées de Pampered Chef crée de la confusion à l’égard d’une ou de plusieurs des marques PC de Loblaw.

[19]  Avant l’instruction, chacune des parties a soulevé devant la partie adverse et devant la Cour certaines objections quant aux rapports d’expertise de l’autre partie. Bien que ces objections portent non seulement sur le poids à accorder aux rapports, mais également, dans certains cas, sur la recevabilité de la totalité ou d’une partie de ceux-ci, les parties ont convenu que les objections ne seraient pas présentées avant les conclusions finales et qu’aucune décision ne serait prise à leur égard avant la fin de l’instruction. Par conséquent, chacun des rapports a été inscrit comme pièce lors de l’instruction, et son auteur a fait l’objet d’un contre-interrogatoire. Dans la mesure nécessaire pour régler les questions en litige, j’examinerai de façon générale ces objections et la preuve d’expert plus loin dans les présents motifs.

V.  Analyse

A.  La marque nominale PC est-elle distinctive et, par conséquent, valide?

[20]  Lors de l’instruction, dans leurs conclusions finales, les avocats de Pampered Chef ont confirmé que, si Loblaw n’obtient pas gain de cause dans les causes d’action qu’elle invoque, la Cour n’a pas à examiner la contestation de la validité de la marque nominale PC formulée par Pampered Chef. Comme je l’expliquerai en détail, ma conclusion est que Loblaw ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir ces causes d’action. Néanmoins, j’aborderai brièvement l’allégation d’invalidité de Pampered Chef.

[21]  Pampered Chef s’appuie sur l’article 2 et le paragraphe 18(1) de la Loi pour son allégation d’invalidité, affirmant que la marque nominale PC n’était pas distinctive de Loblaw au moment où l’instance mettant en cause la validité des enregistrements de cette marque a été introduite. Loblaw soutient que la date pertinente pour évaluer le caractère distinctif à cette fin est celle à laquelle son action a été intentée en mars 2018. Pampered Chef n’a pas contesté ce point, et, à mon avis, il n’y aurait pas de différence importante si l’évaluation était réalisée à cette date ou à la date à laquelle la demande reconventionnelle a été présentée en juin 2018.

[22]  En vertu de l’article 19 de la Loi, il existe une présomption selon laquelle les enregistrements de Loblaw relativement à la marque nominale PC sont valides, et toute incertitude doit être tranchée en faveur de la validité des enregistrements (voir Bedessee Imports Ltd c Glaxosmithkline Consumer Healthcare (UK) IP Limited, 2019 CF 206, par. 13). Par conséquent, il incombe à Pampered Chef d’établir, sur le fondement de la preuve, que la marque nominale PC n’était pas distinctive à l’époque pertinente.

[23]  Loblaw reconnaît que le caractère distinctif de la marque nominale PC n’est pas inhérent. Toutefois, comme il est conclu plus loin dans les présents motifs dans l’examen de l’allégation de violation au titre de l’article 20 de la Loi, la marque a acquis un caractère distinctif important relativement à des produits alimentaires et à des articles de cuisine ainsi qu’à un programme de récompenses. Il n’est pas nécessaire de répéter la preuve ou l’analyse à l’origine de cette conclusion.

[24]  L’allégation de Pampered Chef selon laquelle la marque nominale PC n’est pas distinctive de Loblaw est fondée principalement sur la marque-dessin suivante [la marque Ventura] enregistrée par Ventura en 1971, soit plus de dix ans avant l’enregistrement par Loblaw de la marque nominale PC :

[25]  Pampered Chef affirme que la marque Ventura représente une version stylisée des lettres « PC » et souligne que Loblaw vend des produits Ventura, portant une variante de la marque Ventura, par l’entremise de son enseigne Club Entrepôt, et qu’elle place ces produits à côté de certains de ses propres produits « PC ». Pampered Chef s’appuie principalement sur les éléments de preuve recueillis par son enquêteur privé, M. Stephan, qui établit que de telles ventes par Loblaw, ainsi que la vente de produits Ventura par d’autres fournisseurs, y compris Costco, fait expressément la publicité de ces produits comme des produits « PC ». Loblaw a également fait certains aveux à Pampered Chef, notamment qu’elle vend du ketchup Ventura en bouteille de 4 litres, portant la variante de la marque Ventura, depuis au moins l’an 2000, et, depuis au moins 2016, plusieurs magasins du Club Entrepôt de Loblaw vendent le ketchup Ventura de même que des boîtes contenant ce qui semble être des sachets à usage unique de sauce tartare et/ou du vinaigre de malt portant cette marque.

[26]  Loblaw admet également qu’elle n’a jamais contesté l’emploi, la validité ou l’enregistrement de la marque Ventura ou de ses variantes. Pampered Chef souligne que la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé dans l’arrêt Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2019 CAF 10 [Sadhu Singh], aux paragraphes 15 et 16, qu’il incombe au commerçant de protéger le caractère distinctif de sa marque, même en cas d’emploi illicite, sans quoi il risque que cet emploi illicite fasse perdre à sa marque son caractère distinctif.

[27]  J’estime que la preuve relative à la marque Ventura a peu d’incidence sur le caractère distinctif de la marque nominale PC. En premier lieu, comme le soutient Loblaw, il n’est pas évident d’emblée que la marque Ventura emploie les lettres « PC », et la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve donnant à penser que les consommateurs comprennent que cette marque représente les lettres « PC ». Le seul élément de preuve sur ce point provient de M. Blizzard, qui a déclaré que ni lui ni ses collègues du Club Entrepôt n’ont compris que la marque qui apparaît sur les produits Ventura représente les lettres « PC ». Bien que les lettres majuscules « PC » apparaissent sur certaines boîtes contenant des emballages individuels de condiment, elles se trouvent au bas des boîtes, et rien n’indique qu’un tel emploi retiendrait l’attention des consommateurs.

[28]  Les pages du site Web de Costco et d’autres entreprises recensées par M. Stephan comme vendant des produits Ventura font référence à ces produits avec les lettres majuscules « PC ». Toutefois, Loblaw souligne que ces fournisseurs sont tous des grossistes qui se concentrent sur les entreprises de services alimentaires et non sur la vente au détail aux consommateurs. Dans le même ordre d’idées, les produits Ventura diffèrent de ceux portant les marques nominales PC de Loblaw, car il s’agit de condiments en vrac non destinés à un marché de détail. En outre, il n’y a aucun élément de preuve concernant le volume des ventes des produits Ventura par l’une ou l’autre de ces entreprises.

[29]  Le seul élément de preuve relatif au volume des ventes des produits Ventura concerne la vente par Loblaw elle-même. Je suis d’accord avec la qualification des chiffres de vente de la sauce tartare et du vinaigre de malt Ventura de [CAVIARDÉ]. La cassonade Ventura ne porte pas la marque Ventura ou sa variante sur son emballage, la marque figure seulement au bas de la boîte. Les ventes de bouteilles de ketchup de 4 litres de Loblaw sont [CAVIARDÉ], totalisant environ [CAVIARDÉ] en 2016, [CAVIARDÉ] en 2017 et [CAVIARDÉ] en 2018, [CAVIARDÉ]. [CAVIARDÉ] et il y aurait eu des ventes au cours d’années antérieures pour lesquelles les données n’étaient pas facilement accessibles. Je souscris à l’avis de Loblaw selon lequel ces ventes [CAVIARDÉ] sont très loin d’annuler le caractère distinctif des marques nominales PC pour les produits alimentaires, encore moins pour les articles de cuisine.

[30]  Comme l’arrêt Sadhu Singh l’a confirmé aux paragraphes 4 et 12, la norme pour qu’une marque soit suffisamment bien connue pour annuler le caractère distinctif d’une autre marque est celle énoncée dans la décision Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd., 2006 CF 657, au paragraphe 34, exigeant que la première marque ait une réputation qui est « importante, significative ou suffisante ». La décision Rothmans, Benson & Hedges, Inc. c Imperial Tobacco Products Limited, 2014 CF 300, au paragraphe 82, reflète également le fait que les volumes relatifs des ventes des produits respectifs en question sont pertinents pour l’analyse du caractère distinctif. [CAVIARDÉ] (dont les détails sont examinés plus loin dans les présents motifs). À mon avis, il ne fait aucun doute que le caractère distinctif des marques nominales PC n’est pas annulé par les éléments de preuve relatifs aux produits Ventura.

[31]  Enfin, je souligne l’argument de Pampered Chef selon lequel Loblaw fait face à un dilemme en affirmant que les marques abrégées créent de la confusion avec la marque nominale PC en ce sens que, si c’est le cas, la marque nominale PC doit elle-même créer de la confusion avec la marque Ventura. Pampered Chef soutient qu’un dilemme semblable a été soulevé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Johnson (SC) and Son, Ltd. c Marketing International Ltd., [1980] 1 RCS 99 [Johnson], au paragraphe 35. Dans cette affaire, l’appelante, propriétaire enregistrée de la marque de commerce « OFF! », a intenté une action pour contrefaçon contre l’intimée, soutenant que son emploi de « Bugg Off » créait de la confusion. Le dilemme cerné par la Cour suprême était que l’enregistrement de la marque « OFF! » de l’appelante était invalide si cette marque créait de la confusion avec la marque « BUGZOFF » déposée antérieurement par un tiers.

[32]  Toutefois, le raisonnement dans l’arrêt Johnson était fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, qui prévoit qu’une marque de commerce n’est enregistrable que si elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée. En l’espèce, Pampered Chef aurait pu faire valoir dans sa demande reconventionnelle que l’allégation d’invalidité était fondée sur la confusion entre la marque nominale PC et la marque Ventura. Cette allégation reposerait sur l’alinéa 18(1)a) de la Loi, qui prévoit qu’un enregistrement est invalide si la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement. Cependant, Pampered Chef n’a pas formulé cette allégation. Sa demande reconventionnelle est fondée sur l’affirmation selon laquelle la marque nominale PC n’est pas distinctive de Loblaw, et elle n’invoque, à l’appui de cette affirmation, que l’alinéa 18(1)b) de la Loi. Les critères de la confusion et du caractère distinctif ne sont pas les mêmes. Par conséquent, je souscris à l’avis de Loblaw selon lequel le raisonnement dans l’arrêt Johnson ne s’applique pas et le dilemme cerné dans cette affaire ne se pose pas.

[33]  En conclusion sur cette question, s’il était nécessaire pour l’issue de l’action d’examiner l’allégation d’invalidité de Pampered Chef, je conclurais que la marque nominale PC est distinctive et, par conséquent, valide.

B.  Pampered Chef a-t-elle violé les droits que Loblaw tire de l’article 19 de la Loi?

[34]  L’article 19 de la Loi empêche une partie d’employer une marque de commerce identique à une marque de commerce déposée en liaison avec des produits ou des services identiques aux produits ou services pour lesquels elle est enregistrée (voir Gary Gurmukh Sales Ltd. c Quality Goods IMD Inc., 2014 CF 437 [Quality Goods], par. 83).

[35]  Loblaw affirme qu’il y a deux catégories de violation de l’article 19. La première est liée à l’emploi par Pampered Chef de « PC Dollars » relativement à son programme de récompenses. Dans le cadre de ce programme, les CI de Pampered Chef peuvent obtenir des récompenses, appelées « PC Dollars », qu’ils peuvent échanger contre divers produits Pampered Chef. Loblaw soutient que l’exploitation de ce programme par Pampered Chef signifie que cette dernière emploie la marque de commerce identique « PC » de Loblaw (c.‑à‑d. la marque nominale PC), que Loblaw a enregistrée en liaison avec un service identique.

[36]  Pampered Chef ne conteste pas que les services sont identiques. Toutefois, elle soutient que les marques ne sont pas identiques, en ce sens que la marque déposée de Loblaw est « PC », tandis que la marque de Pampered Chef est « PC Dollars ». Pampered Chef souligne que Loblaw s’appuie sur la décision Quality Goods pour affirmer qu’il peut tout de même y avoir violation de l’article 19, même dans le cas de différences mineures entre les deux marques, lorsque la marque contrefaite prend les caractéristiques ou l’identité de la marque déposée. Pampered Chef soutient que, bien que cette proposition soit énoncée dans Quality Goods, elle était erronée parce qu’elle s’appuie sur l’arrêt Promafil Canada Ltée. c Munsingwear Inc. (1992), 142 NR 230 (CAF) [Promafil], qui concernait une procédure d’annulation pour non-usage fondée sur l’article 45 de la Loi. Dans Promafil, il a été conclu que l’emploi d’un logo de pingouin sur des vêtements, dans des circonstances où le type de corps du pingouin différait de celui de l’enregistrement initial, représentait un emploi continu de la marque déposée.

[37]  L’argument de Pampered Chef est peut-être fondé, mais il ne m’est pas nécessaire de trancher ce point de droit. Même si j’acceptais l’argument de Loblaw selon lequel l’article 19 peut tout de même être violé lorsqu’il y a des différences mineures dans les marques comparées, cette position ne l’aiderait pas en l’espèce, car la différence entre « PC » et « PC Dollars » est plus que mineure.

[38]  Loblaw soutient également que les deux marques sont, en fait, identiques, en ce sens que le mot « Dollars » représente simplement l’ajout d’un mot descriptif après la marque « PC » de Loblaw. Je ne suis pas d’accord avec cette description de la marque de Pampered Chef. Comme l’a confirmé Mme Kabat dans son témoignage, [CAVIARDÉ]. Il s’agit plutôt d’un terme utilisé pour désigner les récompenses que ses CI obtiennent. Ma conclusion est que la marque de Pampered Chef est toute l’expression « PC Dollars », qu’elle n’est pas identique à « PC » et que, par conséquent, il n’y a pas violation de l’article 19.

[39]  La deuxième catégorie de violation de l’article 19 invoquée par Loblaw concerne l’emploi par Pampered Chef des marques abrégées sur un certain nombre de ses articles de cuisine. Pampered Chef a convenu qu’elle vendait au Canada des bols de service, des torchons, des ustensiles de cuisine et un pichet pour infusion à froid, qui portent tous l’une des marques abrégées ou qui sont associés à l’une d’elles. L’un des enregistrements par Loblaw de la marque nominale PC concerne un certain nombre de produits alimentaires et d’articles de cuisine, notamment des [traduction] « bols » et des [traduction] « serviettes et lingettes ».

[40]  La réponse de Pampered Chef à cette allégation est que ses marques abrégées ne sont pas identiques à la marque nominale PC. Encore une fois, même si j’acceptais qu’il puisse y avoir violation de l’article 19 advenant l’existence de différences mineures, à mon avis, il ne fait aucun doute que les différences entre les marques en question ne sont pas mineures. Les marques abrégées de Pampered Chef emploient toutes deux la cuillère joyeuse comme figure de marque insérée entre les lettres « P » et « C ». L’insertion de la cuillère joyeuse et la séparation des lettres qui en résulte représentent toutes deux des différences, qui sont, à mon avis, suffisamment importantes, entre les marques de Pampered Chef et la marque « PC » de Loblaw pour empêcher une conclusion selon laquelle les marques sont identiques.

[41]  Par conséquent, je conclus que Pampered Chef n’a pas porté atteinte aux droits que Loblaw tire de l’article 19 de la Loi.

C.  Pampered Chef a-t-elle violé les droits que Loblaw tire de l’article 20 de la Loi?

[42]  L’allégation de violation de l’article 20 de la Loi de Loblaw est fondée sur l’alinéa 20(1)a), qui prévoit ce qui suit :

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name;

[43]  Comme le soutient Loblaw, les éléments nécessaires pour établir l’existence d’une violation au titre de l’alinéa 20(1)a) sont bien établis, ce qui l’oblige à prouver que : i) sa marque de commerce déposée est valide; ii) Pampered Chef a vendu, distribué ou annoncé des produits ou services en liaison avec une marque de commerce; iii) cette marque de commerce est semblable à celle de Loblaw au point de créer de la confusion et a été employée sans la permission de Loblaw (voir, par exemple, United Airlines, Inc. c Cooperstock, 2017 CF 616 [United Airlines], par. 30). Selon Loblaw, et je souscris à cet avis, seul le troisième élément, soit la question de la confusion, est un enjeu important en l’espèce.

[44]  Il incombe à Loblaw d’établir qu’il y a une probabilité de confusion, par opposition à une simple possibilité de confusion (voir, par exemple, BBM Canada c Research In Motion Limited, 2012 CF 666 [BBM], par. 30). La probabilité doit être prouvée par Loblaw, selon la prépondérance des probabilités (voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot], par. 14).

[45]  Comme il est expliqué dans l’arrêt Mattel USA Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 [Mattel], au paragraphe 51, la confusion entre deux marques est définie au paragraphe 6(2) et elle survient si, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce (paragraphe 6(5)), l’acheteur éventuel est susceptible d’être amené à conclure à tort « que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ».

[46]  Selon le paragraphe 6(5), pour décider si des marques de commerce créent de la confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

(1)  Alinéa 6(5)e) – degré de ressemblance

[47]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece], au paragraphe 49, le degré de ressemblance entre les marques au titre de l’alinéa 6(5)e) devrait être le point de départ de l’analyse relative à la confusion, étant donné qu’il arrive souvent que ce soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance. Si les marques ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse mène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Inversement, après que la Cour suprême a conclu dans l’arrêt Masterpiece, au paragraphe 104, à une forte ressemblance entre les marques en cause, elle a conclu, en se fondant sur ce facteur, qu’un consommateur serait probablement confus et qu’il restait à se demander si quelque autre circonstance de l’espèce a pour effet de réduire cette probabilité de confusion au point qu’il y ait peu de risque qu’elle survienne.

[48]  La ressemblance est définie comme étant le rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques. Cette définition comprend l’idée de similitude. L’expression « degré de ressemblance » employée à l’alinéa 6(5)e) sous-entend que des marques comportant un certain nombre de différences peuvent aussi engendrer une probabilité de confusion (voir Masterpiece, par. 62). Il faut se rappeler que le critère de confusion est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce antérieures et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. Le critère ne prévoit pas un examen minutieux des marques concurrentes ni une comparaison côte à côte (voir Masterpiece, par. 40).

[49]  Aux paragraphes 45 et 46 de l’arrêt Masterpiece, il est également expliqué que, même si certains des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) qui guident l’analyse relative à la confusion seront les mêmes pour chaque marque de commerce en cause, d’autres exigeront que chaque marque soit examinée séparément. Dans cette affaire, le degré de ressemblance était l’un de ces facteurs, et je souscris à l’avis de Loblaw selon lequel un examen séparé de ce facteur est également nécessaire en l’espèce. J’ai cru comprendre que les deux parties avaient abordé leurs observations en se fondant sur le fait que les arguments en faveur du degré de ressemblance sont les plus importants en ce qui concerne la relation entre les marques abrégées de Pampered Chef et la marque nominale PC de Loblaw. En effet, en ce qui a trait aux deux marques abrégées, je considérerais que la version qui a le plus grand degré de ressemblance avec la marque nominale PC est la marque abrégée qui n’inclut pas le cercle, c’est-à-dire :

[50]  Par conséquent, j’analyserai d’abord le degré de ressemblance entre cette marque et la marque nominale PC et j’examinerai par la suite dans quelle mesure cette analyse diffère des autres ensembles de marques qui doivent être pris en compte pour parvenir à la conclusion relative à la confusion.

[51]  L’alinéa 6(5)e) énonce trois fondements pour l’évaluation du degré de ressemblance entre les marques : la présentation ou le son, ou les idées que les marques suggèrent. Loblaw est d’avis que la marque nominale PC est identique aux marques de Pampered Chef dans tous ces aspects. J’examinerai d’abord le fondement le plus facile à évaluer, soit le degré de ressemblance dans le son. Je suis d’accord avec Loblaw pour dire que les marques sont identiques sur le plan sonore, c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de prononciation des éléments du dessin des marques de Pampered Chef et que chacune serait prononcée « PÉ CÉ ».

[52]  Pour ce qui est du degré de ressemblance dans la présentation, Loblaw fait valoir que, puisque la marque nominale PC est une marque verbale, les enregistrements de Loblaw lui permettent d’employer la marque « PC », quel que soit le style de lettrage utilisé. Par conséquent, l’analyse relative à la confusion doit tenir compte ce principe (voir Masterpiece, par. 55). J’accepte qu’aucune distinction entre les marques ne devrait être faite en fonction du style de lettrage employé dans la marque de Pampered Chef. En d’autres termes, le lettrage peut être considéré comme identique.

[53]  Toutefois, je ne suis pas d’accord avec Loblaw pour dire que, dans l’ensemble, les marques sont identiques dans la présentation. Comme il a été mentionné précédemment dans le cadre de l’analyse relative à l’article 19, les lettres de la marque de Pampered Chef ne sont pas adjacentes comme le sont celles de la marque nominale PC, et la marque de Pampered Chef comprend le dessin de la cuillère joyeuse entre les lettres.

[54]  Loblaw s’appuie sur l’arrêt Seara Alimentos Ltda c Amira Enterprises Inc., 2019 CAF 63 [Seara], par. 36, pour étayer son argument selon lequel l’ajout de dessins simples n’atténue pas le degré de ressemblance entre deux marques. Dans l’arrêt Seara, la Cour d’appel fédérale n’a pas contesté la conclusion de la Commission des oppositions des marques de commerce [COMC] selon laquelle il y avait un haut degré de ressemblance visuelle entre les deux marques nominales de l’appelante et le mot et le dessin-marque de l’intimée, malgré le dessin de la marque de cette dernière. Cependant, je souligne également l’observation de la Cour d’appel fédérale selon laquelle les nouvelles preuves présentées par l’appelante devant la Cour fédérale ne portaient pas vraiment sur le dessin de la marque, mais plutôt sur les différences entre les produits et les segments de l’industrie pertinents pour l’analyse relative à la confusion. Je tiens compte de la conclusion tirée dans l’arrêt Seara relativement à la non-importance du dessin pour l’examen des faits particuliers de cette affaire.

[55]  Cette interprétation est conforme à l’arrêt Domaines Pinnacle Inc. c Constellation Brands Inc., 2016 CAF 302 [Domaines Pinnacle], dans lequel la Cour d’appel fédérale a estimé raisonnables les conclusions de la COMC selon lesquelles l’élément visuel du mot et du dessin-marque de l’appelante (utilisant le mot « Pinnacle ») et celui de la marque nominale « Pinnacles » de l’intimée étaient suffisamment différents et qu’il était peu probable qu’il y ait confusion entre les deux, conclusions qui semblent avoir été fondées en grande partie sur le rôle distinctif du dessin.

[56]  En l’espèce, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si ce sont les lettres « P » et « C » ou le dessin de la cuillère qui représentent le caractère « frappant ou unique » ou « dominant » de la marque de Pampered Chef. Comme il est expliqué dans l’arrêt Masterpiece, aux paragraphes 83 et 84, bien que, dans l’analyse d’une marque de commerce, la Cour ne doit pas considérer chaque partie de celle-ci séparément des autres éléments, étant donné que ce n’est pas tel que le consommateur la voit, l’examen de la marque de commerce dans son ensemble ne veut pas dire qu’il faut faire abstraction d’une composante dominante de la marque qui aurait une incidence sur l’impression générale du consommateur moyen. Loblaw fait valoir que les lettres « PC », étant le seul mot ou la seule composante linguistique de la marque de Pampered Chef, représentent la composante dominante.

[57]  Pampered Chef est d’avis contraire. Elle souligne que, même si Loblaw soutient que sa marque nominale PC a acquis un caractère distinctif important, Loblaw reconnaît que, puisque la marque est composée uniquement de deux lettres de l’alphabet, elle est essentiellement dépourvue de caractère distinctif. Cette dernière conclusion est également étayée par la jurisprudence que j’ai examinée dans mon analyse du caractère distinctif, plus loin dans les présents motifs. Par conséquent, selon Pampered Chef, le dessin de la cuillère joyeuse, dont le caractère distinctif est plus inhérent, représente la caractéristique la plus dominante. Elle souligne également que la cuillère est l’élément central dans l’espace de la marque et qu’elle est un peu plus grande que le « P » et le « C » situés de chaque côté.

[58]  À mon avis, les arguments des deux parties sur cette question particulière sont fondés, et il n’est pas nécessaire de choisir un d’entre eux de façon définitive pour évaluer le degré de ressemblance visuelle entre les marques. Comme dans l’affaire SK Corporation c Safety‑Kleen Systems Inc., 2014 CF 140 [SK Corp], dans laquelle le registraire a évalué la marque « SK » de la demanderesse comportant un dessin de papillon (la Cour l’explique au paragraphe 41), il n’y a peut-être pas d’élément prédominant entre les lettres et le dessin de la marque Pampered Chef. Toutefois, que la cuillère joyeuse soit ou non la caractéristique la plus frappante de la marque, j’estime qu’il s’agit d’une caractéristique importante en raison de son emplacement prédominant dans la marque. Cette prédominance et le fait qu’il s’agit d’un dessin qui est absent de la marque nominale PC réduisent le degré de ressemblance entre les deux marques. De la même manière que le degré de ressemblance visuelle a été énoncé dans l’arrêt Domaines Pinnacle, je considère « que les éléments visuels des deux marques [sont] suffisamment différents » pour que le degré de ressemblance ne soit pas particulièrement important.

[59]  J’examinerai maintenant les idées suggérées par les marques. Pampered Chef soutient que sa marque signifie « Pampered Chef » et que la marque de Loblaw signifie « le Choix du Président ». Toutefois, comme l’a fait remarquer Loblaw, l’évaluation requise porte sur la façon dont le consommateur percevra les marques et non sur l’intention du propriétaire en choisissant la marque (voir, par exemple, Responsive Brands Inc. c 2248003 Ontario Inc., 2016 CF 355, par. 49). En particulier en ce qui concerne le cas de Pampered Chef, où il y a peu de preuve d’un caractère distinctif acquis (comme on le verra plus loin dans les présents motifs) lié à la cuillère joyeuse ou aux marques abrégées, il est difficile de conclure que la marque en soi signifie « Pampered Chef » pour un consommateur. Je préfère l’avis de Loblaw selon lequel les marques des deux parties suggèrent peu d’idées autres que les lettres qu’elles utilisent. Toutefois, à mon avis, cela ne signifie pas qu’elles suggèrent la même chose, mais plutôt qu’elles ne suggèrent pas grand-chose. Par conséquent, la composante des « idées suggérées » de l’analyse relative au degré de ressemblance n’aide pas particulièrement aucune des deux parties.

[60]  En résumé, en examinant ensemble les trois composantes de l’analyse du degré de ressemblance, les marques sont identiques pour ce qui est du son, mais ont beaucoup moins de ressemblances sur le plan visuel, et les idées qu’elles suggèrent n’apportent pas grand-chose à l’analyse. Je souligne le renvoi de Loblaw à la décision SK Corporation, dans laquelle la Cour a rejeté, au paragraphe 43, l’argument de l’appelante selon lequel les similarités phonétiques des marques ne devraient pas l’emporter sur d’autres différences dans l’analyse relative à la confusion. Je reconnais que le degré de ressemblance quant au son peut-être un élément important de l’analyse, selon les circonstances générales de l’affaire. La preuve de la publicité de Loblaw employant les marques nominales PC (examinée plus loin dans le cadre de l’analyse du caractère distinctif acquis) comprend une importante commercialisation avec le mot prononcé, de sorte que le son identique est pertinent. Toutefois, la preuve montre un emploi des marques beaucoup plus visuel. Ainsi, je considère qu’il s’agit de l’élément le plus important de l’analyse du degré de ressemblance. Somme toute, ma conclusion est donc que la marque de Pampered Chef a un certain degré de ressemblance avec la marque nominale PC, mais que le degré de ressemblance n’est pas particulièrement élevé.

[61]  Il ressort d’un bref examen des autres marques déposées en cause en l’espèce que les deux autres marques ne présentent pas un degré de ressemblance aussi élevé que les deux marques analysées ci-dessus. La marque abrégée de Pampered Chef qui comprend le dessin de cercle ressemble moins à la marque nominale PC que la marque abrégée analysée ci-dessus, puisque le dessin de cercle la distingue davantage de la marque nominale. De même, la marque PC manuscrite ressemble moins aux marques abrégées que la marque nominale PC, car elle utilise le style manuscrit qui la distingue davantage des marques abrégées.

(2)  Alinéa 6(5)a) – caractère distinctif inhérent et acquis

[62]  L’alinéa 6(5)a) de la Loi renvoie au caractère distinctif inhérent des marques de commerce ainsi qu’à la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, ce qui est communément appelé le caractère distinctif acquis. Comme pour le degré de ressemblance visé à l’alinéa 6(5)e), il est nécessaire d’examiner séparément la marque nominale PC de Loblaw et sa marque PC manuscrite, étant donné qu’elles ont différents degrés de caractère distinctif inhérent et acquis.

[63]  Loblaw reconnaît que la marque nominale PC n’a pas de caractère distinctif inhérent, parce qu’elle est composée de deux lettres de l’alphabet, ce qui est conforme à la jurisprudence invoquée par Pampered Chef (voir, par exemple, BBM, par. 40; Acklands Ltd. c Anamet Inc., 112 FTR 234 [Acklands], par. 14).

[64]  Les observations des parties ne mettent pas particulièrement l’accent sur le caractère distinctif inhérent de la marque PC manuscrite, même si Loblaw soutient qu’elle a un certain caractère distinctif inhérent du fait que, comme il a été expliqué dans la preuve, le « P » et le « C » stylisés de cette marque ont pour but de représenter l’écriture de Dave Nichol, qui était le président de Loblaw lorsque la marque de produits alimentaires « le Choix du Président » a été lancée en 1984. Bien que le principe décrit dans les décisions BBM et Acklands s’applique toujours à la marque PC manuscrite, c’est‑à‑dire que son caractère distinctif inhérent est miné parce qu’elle est composée de deux lettres de l’alphabet, son caractère distinctif inhérent est plus important que celui de la marque nominale PC, en raison de son utilisation du style manuscrit.

[65]  En ce qui concerne le caractère distinctif acquis, Loblaw soutient, et j’y souscris, qu’une marque qui n’a pas de caractère distinctif inhérent peut tout de même acquérir un degré élevé de caractère distinctif par un emploi continu sur le marché, s’il est démontré que les consommateurs savent que cette marque vient d’une source en particulier (voir, par exemple, United Artists Pictures c Pink Panther Beauty Corp., [1998] 3 CF 534 (CAF), par. 24; Julia Wine Inc c Marques Metro, 2016 CF 738, par. 34 à 36). Les facteurs dont les tribunaux tiennent compte pour déterminer si une marque permet à son titulaire de distinguer ses produits ou services de ceux des autres comprennent les ventes, la publicité et l’emploi (voir, par exemple, Kamsut Inc. c Jaymei Enterprises Inc., 2009 CF 627, par. 49; Cartier Inc. c Cartier Optical Ltd./Lunettes Optical Ltée, (1988), 17 FTR 106, par. 68).

[66]  Lors de l’instruction, Loblaw a présenté une quantité importante d’éléments de preuve quant à l’emploi de ses marques, à la publicité relative à celles-ci et aux ventes de produits et services qui s’y rattachent. Comme pour le caractère distinctif inhérent, il est nécessaire d’évaluer séparément la marque nominale PC et la marque PC manuscrite. Toutefois, je passerai en revue les éléments de preuve collectivement, en soulignant les différences nécessaires, le cas échéant. Pampered Chef ne conteste pratiquement aucun de ces éléments de preuve.

[67]  Comme cela a été mentionné précédemment, Loblaw a lancé la marque « le Choix du Président » en 1984. Mme Grishkewich, vice-présidente du marketing des marques contrôlées de Loblaw, a expliqué que la proposition de valeur associée à la marque était de fournir aux consommateurs canadiens quelque chose de plus que des marques nationales en ce qui concerne la qualité ou les caractéristiques, et ce, à un meilleur prix. Elle a décrit les marques « le Choix du Président » et « PC » comme étant essentiellement la même marque, employées de façon interchangeable par l’entreprise. Bien que la marque a été lancée dans les années 1980 pour des produits alimentaires, au cours des 35 années suivantes, elle s’est étendue à une large gamme de produits et de services, y compris environ [CAVIARDÉ] différents produits alimentaires, environ [CAVIARDÉ] articles de cuisine, articles ménagers, produits pour animaux, produits floraux et de jardin et des produits pour bébé. La marque « PC » est également employée conjointement avec une école culinaire, un programme de récompenses, des services bancaires, des achats en ligne et un organisme caritatif.

[68]  En examinant cette preuve avec un peu plus de minutie, je constate que, bien que Loblaw emploie à la fois sa marque le Choix du Président et ses marques PC sur ses [CAVIARDÉ] différents produits alimentaires, les parties conviennent qu’au moins [CAVIARDÉ] des produits alimentaires ne comportent que la marque PC manuscrite et non la marque le Choix du Président. La preuve comprend un mémoire contenant des photographies de produits PC, qui démontre l’emploi de la marque PC manuscrite et, dans certains cas, toutefois moins nombreux, l’emploi de la marque nominale PC sur l’emballage des produits.

[69]  Dans son témoignage, Mme Grishkewich a parlé de sous-marques ou de gammes de produits qui ont été mises au point par Loblaw au fil des ans et qui portent toutes la marque PC manuscrite sur le devant de l’emballage et, dans certains cas, la marque nominale PC. En ce qui concerne la gamme PC Biologique, qui a été lancée en 2001 et qui comprend maintenant environ [CAVIARDÉ] produits, Mme Grishkewich a déclaré que, le plus souvent, la marque nominale PC apparaît sur l’emballage. Elle a fourni le même témoignage au sujet de la gamme de produits PC Splendido provenant de fournisseurs italiens. En ce qui a trait à la gamme PC Menu bleu, lancée en 2005 et comportant maintenant environ [CAVIARDÉ] produits différents visant à représenter des choix alimentaires plus sains, elle a déclaré qu’il est habituel que la marque nominale PC apparaisse sur l’emballage. La gamme PC Simplement bon a été lancée en 2007 et comprend actuellement environ [CAVIARDÉ] articles consistant en des produits de viande provenant d’animaux élevés sans antibiotiques ou hormones. Mme Grishkewich a affirmé que la pratique exemplaire consiste à inclure la marque nominale PC sur l’emballage des produits de cette gamme. En ce qui concerne la gamme PC Collection noire, gamme de produits plus haut de gamme ou artisanaux lancée en 2011 et comprenant environ [CAVIARDÉ] articles, Mme Grishkewich a expliqué que l’emballage ne comporte que la marque PC manuscrite et non la marque le Choix du Président. Elle n’a fourni aucune preuve à l’égard de la marque nominale PC apparaissant sur ces produits.

[70]  Dans son témoignage, Mme Grishkewich a également mentionné que la marque nominale PC figure sur les étiquettes d’étagère sous chaque produit PC dans chaque magasin de détail de Loblaw. Dans les grands magasins qui offrent un large assortiment de produits, cela représenterait des milliers d’étiquettes d’étagère. Il y a 2 400 magasins dans tout le pays.

[71]  La preuve concernant l’emploi des marques de Loblaw pour des articles de cuisine a été fournie principalement par M. Rooza. La preuve présentée à l’instruction comprend un mémoire sur le journal Trouvailles. Le journal Trouvailles est une publication de marketing employée par Loblaw de 1983 à 2015. Il est admis que les produits y figurant reflètent les produits en vente au moment de la publication du journal. Il ressort de cette preuve que Loblaw vend des articles de cuisine depuis les années 1980 et qu’elle utilise à la fois la marque PC manuscrite et la marque nominale PC. Dans son témoignage, M. Rooza a affirmé que Loblaw vend actuellement près de [CAVIARDÉ] articles de cuisine, et il est admis que ces produits portent soit la marque le Choix du Président soit la marque PC manuscrite. M. Rooza a expliqué que la marque PC manuscrite est généralement employée sur les articles de cuisine et sur une grande partie de leur emballage, parfois [traduction] « flottant », parfois dans un encadré, et généralement dans un cercle. La marque PC manuscrite dans un cercle est employée sur les emballages de produit depuis 2001 ou 2002.

[72]  M. Rooza a déclaré que la marque nominale PC figure également sur certains des produits, en particulier sur les étiquettes d’appareils électroménagers, mais il n’a pas été en mesure de préciser combien de produits portent cette marque. Il a déclaré que la marque nominale PC apparaît souvent sur le côté ou à l’arrière des emballages. Encore une fois, la quantité n’a pas été précisée, mais Loblaw a présenté en preuve un mémoire contenant des photographies d’articles de cuisine, qui montre des exemples de cet emploi de la marque nominale PC. Comme pour les produits alimentaires de Loblaw, la marque nominale PC apparaît également sur les étiquettes d’étagère associées aux articles de cuisine en magasin. M. Rooza a affirmé que plus de 1 900 magasins Loblaw offrent des articles de cuisine.

[73]  À titre de preuve supplémentaire de l’emploi des marques PC, Loblaw a présenté un mémoire sur les affiches, qui démontre l’utilisation d’affiches en magasin pour faire la publicité des produits. Les photographies contenues dans cette pièce montrent de nombreux exemples d’emploi de la marque PC manuscrite et, dans une moindre mesure, de la marque nominale PC.

[74]  Loblaw a également présenté des éléments de preuve démontrant l’emploi de la marque « PC » pour diverses catégories de services. PC Finance offre une carte de crédit Mastercard PC. En 1998, Loblaw a lancé une gamme de services employant la marque PC manuscrite sous la marque PC Finance. La preuve présentée lors de l’instruction comprend un mémoire sur les circulaires, qui donne des exemples de publicité et, par conséquent, d’emploi de la marque PC manuscrite et de la marque nominale PC dans le cadre de ces services. Loblaw a également administré une série de programmes de fidélisation (points PC, PC Plus et PC Optimum) pour lesquels la marque nominale PC est employée. Loblaw exploite une école culinaire PC dans diverses enseignes de vente au détail, qui, selon le témoignage de Mme Grishkewich, a [CAVIARDÉ] clients chaque année et enseigne à davantage de personnes à cuisiner au Canada que quiconque. Le mémoire sur les circulaires démontre que la marque PC manuscrite et la marque nominale PC sont employées dans la publicité et pour la prestation du service. Mme Grishkewich a mentionné que la marque nominale PC est fréquemment employée pour promouvoir les cours et pour l’inscription des clients.

[75]  En 2005, Loblaw a lancé Assurance PC, offrant une assurance habitation et automobile qui, selon Mme Grishkewich, est souvent annoncée au moyen de la marque nominale PC. Voyage PC a été lancé en 2015 afin d’offrir en ligne des produits et services de voyage aux Canadiens. Le programme exploité par PC Finance, et la marque nominale PC ainsi que la marque PC manuscrite sont utilisées dans la publicité pour la prestation du service. Loblaw offre un service d’abonnement appelé Adeptes PC, qui offre des avantages supplémentaires à ceux qui s’abonnent. La marque nominale PC et la marque PC manuscrite sont toutes deux employées dans la publicité et pour la prestation de ce service. Loblaw offre également un service en ligne de ramassage et de livraison d’épicerie sous la marque PC Express, qui compte actuellement environ [CAVIARDÉ] clients. Il est admis que les ventes d’épicerie en ligne de Loblaw ont totalisé plus de [CAVIARDÉ] en 2018 et presque [CAVIARDÉ] en 2017.

[76]  En ce qui a trait à la publicité, Loblaw a dépensé environ [CAVIARDÉ] en publicité relative aux marques « PC » et « le Choix du Président » de 2015 à 2018, sans compter les circulaires en magasin. Cette publicité comprenait le journal Trouvailles, dont [CAVIARDÉ] exemplaires papier ont été distribués chaque année de 1983 à 2015. Comme cela a déjà été mentionné, les exemplaires du journal Trouvailles présentés en preuve montrent l’emploi de la marque PC manuscrite et de la marque nominale PC pour les produits de Loblaw, dont des articles de cuisine. Cela comprend la gamme de produits PC Maison, lancée en 2002, pour laquelle, selon M. Rooza, une collection unifiée de produits ménagers comprenant des articles de cuisine ainsi que des produits pour les autres pièces de la maison a été créée.

[77]  Loblaw fait également de la publicité pour ses produits et services sur des panneaux d’affichage. Il est admis que, en 2017, la publicité de Loblaw relativement à la marque PC manuscrite et à la marque le Choix du Président sur des panneaux d’affichage a généré plus de [CAVIARDÉ] impressions et que, environ [CAVIARDÉ] du temps, ces annonces ne contenaient que la marque PC manuscrite, et non la marque le Choix du Président. Loblaw distribue des circulaires hebdomadaires dans l’ensemble de ses diverses enseignes de vente au détail, en magasin et à domicile, ce qui représente un total de plus de [CAVIARDÉ] circulaires chaque année de 2015 à 2018. Mme Grishkewich a affirmé qu’il est très courant que les circulaires emploient les marques nominales PC, comme en fait foi, comme l’affirme Loblaw, et j’en conviens, le mémoire sur les circulaires.

[78]  Loblaw emploie également la marque PC manuscrite et la marque nominale PC dans ses messages publicitaires à la radio et à la télévision. Son budget pour la radio se situe généralement entre [CAVIARDÉ] et [CAVIARDÉ] par année, et elle dépense habituellement [CAVIARDÉ] annuellement pour des publicités télévisées. Comme l’a confirmé Mme Grishkewich, « PC » est mentionné de vive voix dans ces annonces.

[79]  Dans le cadre du marketing numérique, Loblaw annonce ses produits sur les sites Web de ses nombreuses enseignes de vente au détail, dont le site pc.ca. Dans son témoignage, Mme Grishkewich a expliqué que, bien que les marques PC et les marques le Choix du Président soient toutes deux employées, la pratique exemplaire est d’employer les marques PC. Elle a également déclaré que la marque nominale PC est fréquemment employée. Loblaw fait de la publicité en ligne pour les produits PC Maison depuis 2005 et vend des articles de cuisine PC en ligne depuis 2014. L’achalandage annuel sur le Web des pages relatives aux articles de cuisine de ses enseignes de vente au détail a augmenté chaque année. Environ [CAVIARDÉ] personnes visitent le site Web pc.ca chaque année. Loblaw fait la promotion de ses produits et services sur les médias sociaux, notamment en utilisant un éventail de mots-clics, dont au moins [CAVIARDÉ] comporteraient les lettres « PC ». Elle utilise également d’autres formes de marketing numérique, comme des publicités sur YouTube et du marketing des moteurs de recherche.

[80]  Loblaw a également recours à une stratégie de relations publiques qui fait appel à des « influenceurs », comme des personnalités médiatiques ou des personnes influentes en ligne, pour qu’ils parlent ou écrivent au sujet de sa marque et de ses produits, ce qui génère chaque année [CAVIARDÉ] d’impressions. La marque nominale PC est employée le plus souvent, mais cela dépend du support utilisé, et la marque PC manuscrite peut donc être employée.

[81]  Enfin, en ce qui concerne les ventes de Loblaw, celles-ci s’élevaient à [CAVIARDÉ] pour ce qui est des articles de cuisine et à [CAVIARDÉ] pour les produits alimentaires en 2016, à [CAVIARDÉ] pour les articles de cuisine et à [CAVIARDÉ] pour les produits alimentaires en 2017 et à [CAVIARDÉ] pour les articles de cuisine et à [CAVIARDÉ] pour les produits alimentaires en 2018. Les chiffres des ventes d’aliments se rapportent à tous les produits « PC » et « le Choix du Président ». Pour ce qui est des [CAVIARDÉ] produits alimentaires qui ne portent que la marque PC manuscrite et non la marque le Choix du Président, les ventes ont dépassé [CAVIARDÉ] chaque année depuis 2016. Loblaw a également d’autres ventes se chiffrant à [CAVIARDÉ] de dollars pour d’autres produits et services portant la marque PC, tels que des articles ménagers, des produits pour bébé, des aliments et des fournitures pour animaux de compagnie ainsi que son école culinaire.

[82]  De toute évidence, compte tenu de ces éléments de preuve, le caractère distinctif acquis de la marque PC manuscrite est très élevé. Loblaw qualifie cette marque de célèbre, et, à en juger par l’emploi, la publicité et les ventes, il s’agit d’une description appropriée. À la lumière des éléments de preuve examinés ci-dessus, les degrés d’emploi, de publicité et de vente liés à la marque nominale PC sont inférieurs à ceux de la marque PC manuscrite, en particulier en ce qui concerne les articles de cuisine, et il est difficile de quantifier précisément la différence. J’admets néanmoins que la preuve appuie une conclusion selon laquelle la marque nominale PC a acquis un caractère distinctif important, bien qu’un peu moins que la marque PC manuscrite.

[83]  Il y a beaucoup moins d’éléments de preuve concernant le caractère distinctif acquis des marques de Pampered Chef. Cela n’est peut-être pas surprenant, étant donné que les marques abrégées et les autres marques utilisant la figure de la cuillère joyeuse ont été élaborées dans le cadre d’un exercice relativement récent de changement de marque qui a commencé en 2015. Pampered Chef a commencé à vendre des produits sous cette nouvelle marque en 2016. Bien que le nombre de produits portant les marques abrégées ait augmenté chaque année depuis lors, ils ne représentent toujours qu’une partie de la gamme de produits de Pampered Chef. À la lumière de la preuve, [CAVIARDÉ]. [CAVIARDÉ], représentant [CAVIARDÉ] commandes, depuis le lancement de sa nouvelle marque, la preuve est que [CAVIARDÉ]. Cela représente la vente d’environ [CAVIARDÉ] produits. (Les données sur la vente de produits portant les marques abrégées représentent le nombre de produits vendus plutôt que le nombre de commandes passées.)

[84]  Ces chiffres sont évidemment beaucoup moins élevés que ceux liés aux ventes de Loblaw. En fait, les observations de Pampered Chef ne mettent pas particulièrement l’accent sur l’établissement du caractère distinctif acquis de ses marques abrégées. Les chiffres des ventes sont suffisants pour qu’il soit conclu que ces marques ont acquis un certain degré de caractère distinctif au cours des quelque trois années pendant lesquelles elles ont été employées. Il serait également possible de conclure que l’utilisation de la figure de la cuillère joyeuse dans les marques leur confère un certain degré de caractère distinctif inhérent. Toutefois, comparativement au degré de caractère distinctif que les marques PC ont acquis, il est évident que le facteur prévu à l’alinéa 6(5)a) favorise fortement Loblaw, un peu moins dans le cas de la marque nominale PC que dans celui de la marque PC manuscrite, mais tout de même fortement.

(3)  Alinéa 6(5)b) – période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[85]  Les faits entourant ce facteur ne sont pas contestés. Comme il a déjà été mentionné, Loblaw emploie ses marques PC en liaison avec des produits alimentaires et des articles de cuisine depuis les années 1980, et Pampered Chef n’utilise ses marques abrégées que depuis 2016, et le nombre de produits portant ces marques augmente chaque année depuis lors. Ce facteur est grandement favorable à Loblaw.

(4)  Alinéa 6(5)c) – genre de produits, services ou entreprises

[86]  Loblaw soutient que les parties vendent des articles de cuisine très semblables, sans distinction particulière quant à leur apparence ou à leur style. Elle fait référence aux efforts déployés par Pampered Chef pour distinguer ses produits comme étant de meilleure qualité ou à meilleur prix que ceux de Loblaw. Cependant, dans ses observations finales écrites et de vive voix, Pampered Chef s’est très peu concentrée sur ce facteur. Il y avait peu d’éléments de preuve à l’instruction concernant la qualité des produits de l’une ou l’autre des parties et, à mon avis, rien ne permet de distinguer leurs produits en fonction de leur qualité. De même, bien que j’admette que le prix de certains produits de Pampered Chef est plus élevé et peut atteindre des centaines de dollars, Mme Kabat a confirmé en contre-interrogatoire que [CAVIARDÉ]. Loblaw souligne également [CAVIARDÉ].

[87]  La similitude des produits vendus par les parties favorise Loblaw. Comme cette dernière le fait remarquer, il peut s’agir d’un facteur important à prendre en considération pour déterminer s’il est probable qu’il en résulte une confusion (voir Reynolds Presto Products Inc. c PRS Mediterranean Ltd., 2013 CAF 119, par. 26-29; Precision Door & Gate Service Ltd. c Precision Holdings of Brevard Inc., 2012 CF 496 [Precision], par. 34).

[88]  En ce qui concerne l’alinéa 6(5)c), vraisemblablement en reconnaissance du fait que ce facteur inclut le genre de l’« entreprise », Loblaw présente également des observations sur la similarité des clients des parties. Ce point a été grandement contesté lors de l’instruction. Dans son témoignage, Mme Grishkewich a mentionné que le public cible de Loblaw est [CAVIARDÉ], plus précisément [CAVIARDÉ]. Pour ce qui est des articles de cuisine, M. Rooza a mentionné que les clients cibles de Loblaw étaient [CAVIARDÉ]. Dans le même ordre d’idées, selon la déposition donnée par Jane Miller (directrice et responsable de la réussite sur le terrain chez The Pampered Chef, Ltd.) à l’interrogatoire préalable, présentée par Loblaw en application de l’article 288 des Règles des Cours fédérales, [CAVIARDÉ]. Lors de l’instruction, chacune des parties a souvent fait référence à un document intitulé [CAVIARDÉ]. Jusqu’ici, il y a peu de divergence entre les clientèles respectives des parties.

[89]  Toutefois, Pampered Chef a mis l’accent sur le fait que [CAVIARDÉ] :

[CAVIARDÉ]

[90]  Par conséquent, Pampered Chef cherche à distinguer ses clients de ceux de Loblaw, [CAVIARDÉ] et selon ce que les parties ont appelé des facteurs psychographiques, [CAVIARDÉ]. Bien que je reconnaisse que [CAVIARDÉ] démontre ces différences entre les clients « cibles » respectifs des parties, par définition, les marchés cibles sont ambitieux et ne reflètent pas nécessairement la clientèle réelle. [CAVIARDÉ], car elle vend, bien entendu, à quiconque est prêt à acheter. En effet, les résultats d’un sondage mené par Pampered Chef auprès de ses clients, sur lequel Mme Kabat a été questionnée en contre-interrogatoire, décrivent [CAVIARDÉ].

[91]  Mme Kabat a également confirmé en contre-interrogatoire que ni Pampered Chef ni ses CI n’effectuent de filtrage des clients potentiels en vue de cerner ou d’inclure seulement ceux qui ont un certain revenu ou ceux qui aiment les ventes directes. Je suis conscient que, comme l’ont fait valoir les avocats de Pampered Chef, il peut y avoir une certaine autosélection de la part de ses clients, en ce sens que ceux qui aiment les ventes directes peuvent être plus susceptibles d’assister à un événement de Pampered Chef. Toutefois, à mon avis, la preuve ne permet pas de conclure qu’il existe des différences importantes entre les clientèles des deux parties.

[92]  En conséquence, tous les facteurs à prendre en considération en vertu de l’alinéa 6(5)c) de la Loi favorisent Loblaw.

(5)  Alinéa 6(5)d) – nature du commerce

[93]  Les deux parties ont accordé beaucoup d’attention à ce facteur lors de l’instruction. En termes simples, la position de Pampered Chef est que les circuits commerciaux des parties sont différents, en ce sens que Loblaw vend ses produits par l’entremise d’un modèle de vente au détail traditionnel, principalement dans des magasins traditionnels, tandis que Pampered Chef vend principalement par l’entremise d’un modèle de vente directe/de marketing à paliers multiples, faisant appel à des consultants indépendants comme force de vente. En réponse, Loblaw souligne en partie que le facteur prévu à l’alinéa 6(5)d) est la « nature du commerce », pour lequel la voie commerciale n’est qu’un élément, et soutient que la nature du commerce des parties est semblable si les deux visent les mêmes consommateurs (voir Precision, par. 34). Cependant, les similitudes entre les clientèles ont déjà été prises en compte dans mon analyse de l’argument de Loblaw en vertu de l’alinéa 6(5)c) ci-dessus.

[94]  Tout d’abord, Loblaw soutient qu’il y a un certain chevauchement dans les voies commerciales des parties, puisque des éléments de preuve montrent que chacune des deux parties vend ses produits dans des kiosques lors d’événements publics tels que des foires commerciales et des foires automnales. Loblaw souligne le témoignage de Mme Kabat selon lequel, bien que Pampered Chef ne fasse pas le suivi de cette information et croie que ses CI assistent à de tels événements relativement peu souvent, ils se produisent peut-être une vingtaine de fois par année. Loblaw a mentionné qu’elle (pour faire la promotion de sa gamme de produits PC Menu bleu) et Pampered Chef ont tous deux tenu un kiosque au Salon national de la femme en 2017. Toutefois, Mme Kabat a également affirmé que l’objectif principal de Pampered Chef lorsqu’elle assiste à de tels événements est de recruter des CI, et non de vendre ses produits. À mon avis, la preuve montre que les foires commerciales et les foires automnales n’ont pas suffisamment d’importance dans les activités des deux entreprises pour que leur participation occasionnelle à de tels événements ait une incidence sur l’analyse relative à la confusion.

[95]  Le principal argument de Loblaw en réponse à l’avis de Pampered Chef est que les différences dans les voies commerciales sur lesquelles Pampered Chef s’appuie sont davantage théoriques que réelles, puisque les deux parties vendent leurs produits sur Internet et que la majorité des activités de Pampered Chef sont maintenant menées en ligne par l’entremise de ses CI dans les médias sociaux, plutôt que par des ventes à domicile traditionnelles.

[96]  Loblaw souligne que Pampered Chef et elle vendent leurs produits sur leurs sites Web respectifs. Environ [CAVIARDÉ] des [CAVIARDÉ] produits Pampered Chef affichant les marques abrégées qui ont été vendus depuis le changement de sa marque l’ont été par l’entremise de son site Web sans la participation d’un CI de Pampered Chef. Si l’examen porte plutôt sur les [CAVIARDÉ] commandes représentant l’ensemble des ventes réalisées par Pampered Chef depuis son changement de marque, c’est‑à‑dire les ventes qui comprennent des produits qui ne portent pas les marques abrégées, [CAVIARDÉ] des commandes ont été passées sur son site Web. L’épicerie en ligne de Loblaw a généré des revenus d’environ [CAVIARDÉ] en 2017 et, entre janvier et novembre 2018, d’environ [CAVIARDÉ]. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une comparaison parfaite de [traduction] « pommes avec des pommes », ces chiffres semblent représenter un peu moins de [CAVIARDÉ] des ventes globales de Loblaw de produits alimentaires portant la marque « le Choix du Président » ou « PC » dans des périodes comparables.

[97]  Pour chacune des parties, ces chiffres représentent [CAVIARDÉ]. Toutefois, Pampered Chef souligne également une différence dans la manière dont chaque partie utilise son site Web. En ce qui concerne le site Web canadien de Pampered Chef, Mme Kabat a expliqué qu’il comporte deux parties principales. Une partie, appelée [traduction] « Coin des consultants » est accessible uniquement aux consultants après une connexion sécurisée et fournit aux CI des renseignements sur les produits, du matériel de promotion et d’autres renseignements visant à faciliter le fonctionnement de leur entreprise. L’autre partie est publique, accessible aux clients ou aux consultants potentiels, et fournit des renseignements sur les produits de Pampered Chef, les présentations de produits à domicile et les occasions d’affaires offertes. Toutefois, à la lumière des témoignages de Mme Kabat et de Mme Hoppe, je crois comprendre que, comme il sera expliqué plus en détail ci-dessous, la plupart des ventes en ligne de Pampered Chef sont effectuées sur les sites Web individuels de ses CI, et non sur son site Web de l’entreprise. Les avocats de Pampered Chef décrivent la fonction de ventes du site Internet de l’entreprise comme étant destinée à ses « superclients », c’est‑à‑dire des clients qui connaissent déjà Pampered Chef et ses produits et qui accèdent au site pour passer des commandes.

[98]  Cette explication concorde avec le témoignage de M. Hassay. Dans son rapport, il a fourni des renseignements généraux sur le circuit de vente directe et sur la façon dont il diffère du marchandisage de masse, y compris les différences quant à la façon dont les sites Web sont utilisés. Loblaw a soulevé une objection avant l’instruction relativement à cette partie du rapport de M. Hassay, au motif que cet élément de preuve dépassait la portée d’un rapport de réponse. Toutefois, lors de l’instruction, il a expliqué que ses opinions relativement aux rapports des experts de Loblaw, M. Chakrapani et M. Wong, reposaient sur ces renseignements généraux. J’accepte cette explication et, étant donné que (comme il est expliqué plus loin dans les présents motifs) j’ai refusé d’exclure le rapport de M. Chakrapani comme le demandait Pampered Chef, je prends également en compte le témoignage de M. Hassay. Ce dernier explique que les marchands de masse utilisent des sites Web axés sur le commerce électronique pour stimuler les ventes, tandis que les vendeurs directs utilisent leurs sites Web pour recruter et éduquer leur force de vente, mobiliser leurs clients fortement engagés et, dans une moindre mesure, vendre des produits à leurs clients fidèles.

[99]  Par conséquent, Pampered Chef est d’avis que le simple fait qu’une partie des ventes de chaque partie se fait par l’entremise de son site Web ne représente pas un chevauchement dans les voies commerciales, d’autant plus que le consommateur saura le site Web de quelle entreprise il visite. Cet argument est étayé par l’observation selon laquelle la fonction de ventes du site Web de l’entreprise Pampered Chef s’adresse aux « superclients », qui savent qu’ils visitent un site Web de Pampered Chef et qui sont peu susceptibles, en découvrant une marque abrégée sur ce site, d’être portés à croire que le produit auquel la marque est associée est un produit de Loblaw.

[100]  De plus, indépendamment de l’argument du « superclient », Pampered Chef soutient que la marque sur son site Web identifie clairement celui-ci comme étant le site de Pampered Chef, de sorte que tout client visitant le site comprendra que les produits associés à la marque abrégée y figurant sont ceux de Pampered Chef. En d’autres termes, un client qui voit le « P » et le « C » sur le site Web se rendra compte que ce sont les initiales de Pampered Chef et ne sera pas confus.

[101]  J’estime que cet argument est convaincant. La page d’accueil du site Web ainsi que plusieurs autres pages, y compris la page d’accueil de la section [traduction] « Magasiner » (Shop) du site Web, ont été présentées en preuve à l’instruction. Toutes ces pages Web affichent la marque version longue de Pampered Chef dans le coin supérieur gauche de la page, sur une bannière qui demeure visible lors de la navigation entre les pages. Certaines des pages Web affichent des photographies de produits particuliers qui portent la marque abrégée, mais toujours avec la marque version longue décrite précédemment, est toujours visible. À mon avis, l’affichage de la marque version longue est suffisamment proéminent pour qu’il soit évident pour tout client visitant le site Web que ce dernier est exploité par Pampered Chef. Par conséquent, je souscris à l’argument de Pampered Chef selon lequel, étant donné que la marque version longue est représentée sur la même page et qu’elle emploie la figure de la cuillère joyeuse comme le fait la marque abrégée, le client est susceptible d’associer cette dernière à Pampered Chef, et il est donc peu probable que le produit pertinent soit confondu avec celui de Loblaw.

[102]  L’analyse est semblable à celle du juge O’Reilly dans l’affaire Services alimentaires A&W du Canada Inc. c Restaurants McDonald’s du Canada Limitée, 2005 CF 406 [A&W], aux paragraphes 81 et 82, dans le cadre de laquelle la nature du commerce est prise en compte pour l’examen de la probabilité de confusion entre le sandwich « Chicken Grill » de A&W et le « Chicken McGrill » de McDonald’s. Le juge O’Reilly a conclu qu’il était très peu probable qu’une personne qui achète un « Chicken Grill » chez A&W pense que le produit provient de McDonald’s, malgré les similitudes dans les noms. Cette conclusion est fondée sur le fait que le client de restauration rapide sait qu’il se trouve chez A&W au moment de l’achat. En appliquant l’analyse à l’espace en ligne, il me semble évident qu’un client qui visite le site Web de Pampered Chef saurait qu’il est sur le site de Pampered Chef et serait peu susceptible d’être confus.

[103]  Cependant, comme on l’a vu, la vente par l’entremise du site Web d’entreprise de Pampered Chef ne représente qu’une portion relativement faible de ses ventes. Celles-ci sont réalisées principalement grâce aux efforts de ses CI. Une grande partie de la preuve et des arguments présentés lors de l’instruction portaient sur l’utilisation par Pampered Chef et ses CI des médias sociaux pour attirer des clients et effectuer des ventes. Le principal argument de Loblaw concernant ce circuit de vente est que la manière dont les CI en particulier utilisent ou peuvent utiliser les médias sociaux fait en sorte que le client qui voit pour la première fois la marque abrégée de Pampered Chef n’aura pas nécessairement vu précédemment ou simultanément le nom Pampered Chef ou la marque version longue qui comprend le nom.

[104]  En examinant cet argument, je souligne d’entrée de jeu l’avis de Pampered Chef selon lequel, que ses activités soient menées en personne ou en ligne, l’utilisation de sa force de vente de CI dans un modèle de vente directe ou de marketing à paliers multiples représente un circuit commercial qui n’est pas employé par Loblaw. Dans l’exposé conjoint des faits des défenderesses, Loblaw a convenu qu’elle ne vend pas ses produits par l’entremise de circuits de ventes directes, de marketing à paliers multiples, de catalogues ou de consultants indépendants. Elle n’envisage pas non plus pour le moment de vendre ses produits par l’entremise de circuits de ventes directes ou de marketing à paliers multiples. Bien que des éléments de preuve aient été présentés lors de l’instruction quant à l’utilisation par Loblaw de diverses plateformes de médias sociaux pour commercialiser ses produits, cela se fait au moyen de comptes de médias sociaux d’entreprise (et il y a eu peu de mentions du recours à des « influenceurs » en ligne), et non au moyen de l’activité dans les médias sociaux de vendeurs directs indépendants individuels. Pampered Chef souligne que l’évaluation de la probabilité de confusion devrait tenir compte des voies commerciales réelles et non des voies futures possibles, pour lesquelles il n’y a pas de plan d’entreprise à suivre (voir Alticor Inc. c Nutravite Pharmaceuticals Inc., 2004 CF 235 [Alticor], par. 43 et 45, confirmé dans 2005 CAF 269).

[105]  Je conviens qu’il s’agit d’un facteur important dans l’analyse relative à la confusion en l’espèce. Dans l’affaire Alticor, en plus d’indiquer qu’il ne faut pas tenir compte des voies commerciales hypothétiques futures, la juge Snider a traité la nature du commerce comme l’un des principaux facteurs ayant contribué à sa conclusion selon laquelle il n’y avait aucune probabilité qu’il y ait de la confusion entre la marque NUTRAVITE de la défenderesse et la marque NUTRILITE des demanderesses. Dans cette affaire, les produits vendus par les parties en liaison avec ces marques étaient en grande partie identiques, mais les ventes des demanderesses ne se faisaient que par l’entremise d’un programme de marketing à paliers multiples, et les ventes de la défenderesse ne se faisaient que par l’intermédiaire de magasins de détail tiers ainsi que sur son propre site Web. Bien que les demanderesses aient vendu leurs produits en ligne par l’entremise de leur force de vente indépendante (analogue aux CI de Pampered Chef), la juge Snider a expliqué au paragraphe 44 que ces ventes en ligne étaient une extension du programme de marketing à paliers multiples. En analysant l’effet des différents circuits commerciaux des parties aux paragraphes 43 à 46, la juge Snider a conclu que la possibilité de confusion était faible. Les acheteurs hypothétiques des produits des demanderesses sauraient comment acheter les produits et ne s’attendraient pas à ce qu’ils soient offerts par l’entremise des circuits de vente distincts de la défenderesse.

[106]  Il existe certains facteurs distinctifs entre Alticor et la présente affaire, notamment le fait que la Cour n’a pas conclu que la marque des demanderesses avait un caractère distinctif inhérent ou acquis. En outre, les voies commerciales respectives des parties dans l’affaire Alticor étaient l’inverse de celles de la présente affaire, c’est‑à‑dire que c’étaient les demanderesses qui étaient les vendeuses directes. On pourrait soutenir que l’analyse de la juge Snider, selon laquelle les clients qui connaissent la marque des demanderesses sauraient également que ses produits ne sont offerts que par l’intermédiaire d’une force de vente directe, n’est pas aussi convaincante lorsqu’elle est appliquée à l’inverse, c’est‑à‑dire en tenant compte de la connaissance par les clients des circuits de vente d’un détaillant traditionnel.

[107]  À cet égard, j’ai examiné la jurisprudence sur laquelle s’appuie Loblaw, selon laquelle, si la marque plus ancienne est bien connue au Canada, une distinction relativement à la nature du commerce devient moins importante (voir, par exemple, Maple Leaf Gardens Ltd. c Leaf Confections Ltd., [1999] ACF no 1321, par. 30), à laquelle Loblaw ajoute l’argument selon lequel ses clients ne comprennent pas nécessairement que les marques « le Choix du Président » et « PC » sont des marques de fabrique offertes uniquement dans des magasins qui lui appartiennent et sont exploitées par elle. Dans son témoignage, Mme Grishkewich a parlé de cette conviction de la part de Loblaw, attribuable au fait que ses produits sont vendus par l’entremise de ses nombreuses enseignes de détail, lesquelles sont elles-mêmes commercialisées de façon distincte. Mme Grishkewich a affirmé que les clients de Loblaw pourraient croire que « le Choix du Président » et « PC » sont des marques nationales offertes partout. Son témoignage a été corroboré par un sondage, décrit comme une [traduction] « question d’appariement des données des magasins », qui, selon Mme Grishkewich, explique bien que même si les gens comprennent qu’ils peuvent acheter des produits « le Choix du Président » dans les magasins Loblaw, [CAVIARDÉ].

[108]  Cependant, je n’estime pas que cette preuve permet de conclure que les clients pourraient croire que les produits « le Choix du Président » ou « PC » sont offerts par l’entremise de circuits de ventes directes ou de marketing à paliers multiples. Loblaw vend ses produits par l’entremise d’un circuit de ventes de détail traditionnel, quoique ce soit par l’entremise d’un certain nombre d’enseignes différentes, et les résultats du sondage auquel Mme Grishkewich fait référence concernent tous [CAVIARDÉ]. De façon générale, je juge que l’analyse des voies commerciales dans l’affaire Alticor s’applique à la présente affaire et qu’elle constitue un facteur déterminant qui milite fortement en faveur de Pampered Chef.

[109]  Pampered Chef avance l’argument supplémentaire selon lequel, même dans le contexte des ventes résultant au bout du compte de l’activité des CI sur les médias sociaux, l’emploi du nom et du logo version longue de Pampered Chef est suffisamment répandu pour que les clients comprennent que les produits en liaison avec la marque abrégée sont ceux de Pampered Chef. Je crois comprendre, à la lumière de la preuve, que chaque CI exploite un site Web dont le format est semblable à celui de la section des ventes du site Web d’entreprise de Pampered Chef, c’est‑à‑dire qu’il affiche le logo version longue dans une bannière au haut de chaque page Web. C’est sur ces sites Web des CI que les transactions de vente ont lieu. Toutefois, l’argument de Loblaw porte principalement sur l’utilisation par les CI de plateformes de médias sociaux, principalement Facebook, mais dans une moindre mesure Instagram et Twitter, comme moyen de commercialisation du produit de Pampered Chef.

[110]  Loblaw a produit des éléments de preuve à l’instruction pour appuyer sa position selon laquelle une partie importante des ventes de Pampered Chef résulte d’une certaine forme initiale d’activité dans les médias sociaux, par opposition aux présentations traditionnelles à domicile. Selon la preuve, [CAVIARDÉ]. De même, [CAVIARDÉ]. Cependant, Mme Kabat a expliqué que [CAVIARDÉ].

[111]  Si l’examen porte plutôt sur les 95 000 commandes représentant les ventes totales de Pampered Chef depuis son changement de marque, c’est‑à‑dire les ventes qui comprennent des produits qui ne portent pas les marques abrégées, environ 25 % des produits ont été achetés dans le cadre de présentations culinaires à domicile, 22 % dans le cadre de sollicitation par catalogue et 10 % dans le cadre d’une présentation virtuelle. Compte tenu du fait que les chiffres des sollicitations par catalogue comprennent à la fois les présentations à domicile et les présentations virtuelles, il semble que de 10 à 32 % des 95 000 commandes découlaient d’une forme quelconque d’événement virtuel organisé par un CI sur la plateforme Facebook.

[112]  En fait, en nombre absolu d’événements, Mme Kabat a confirmé en contre-interrogatoire que [CAVIARDÉ]. En répondant aux questions au sujet de [CAVIARDÉ] de Pampered Chef, Mme Hoppe a confirmé que [CAVIARDÉ], qui fait référence, selon ses explications, à [CAVIARDÉ]. [CAVIARDÉ]. Quels que soient les chiffres ci-dessus qui sont pris en compte, j’accepte que la preuve appuie la position de Loblaw voulant que [CAVIARDÉ]. Cela concorde avec le témoignage de Mme Hoppe au sujet des plans de commercialisation de Pampered Chef, selon lesquels [CAVIARDÉ].

[113]  Pampered Chef a produit des éléments de preuve quant aux politiques régissant les activités de ses CI, dans les médias sociaux et ailleurs, visant à établir que la façon dont ces activités sont menées fera en sorte que les clients sauront qu’ils interagissent avec un CI de Pampered Chef. Son guide des politiques à l’intention des consultants [le guide des politiques], dans une section intitulée [traduction] « Politiques en matière de marketing, d’annonce et de publicité » (Marketing, Advertising and Publicity Policies), fait référence à l’importance pour les CI de savoir comment se présenter adéquatement et comment employer correctement les logos et les marques de commerce de Pampered Chef. En ce qui concerne l’identification, le guide des politiques est rédigé comme suit :

[CAVIARDÉ]

[114]  Pampered Chef s’appuie sur cette exigence non seulement en ce qui concerne les activités en ligne des CI, mais également en ce qui concerne la façon dont elle aborde les présentations à domicile, ce sur quoi Mme Kabat a affirmé, bien que son expérience personnelle soit limitée, que la pratique veut que le CI se présente au début de la présentation comme un CI de Pampered Chef.

[115]  Le guide des politiques prévoit également des règles pour l’emploi des logos de Pampered Chef, qui sont destinés, selon les explications de Mme Kabat, à être employés de concert avec le nom ou la signature d’un CI. Les logos figurant dans cette partie du guide des politiques emploient soit la marque abrégée soit la marque version longue, et les règles exigent que le CI utilise son nom et son titre exact, comme il est indiqué précédemment dans le guide des politiques (p. ex. consultant indépendant pour Pampered Chef), en tout temps lors de la promotion de son entreprise.

[116]  En ce qui concerne particulièrement la conduite des activités en ligne, le guide des politiques comprend diverses interdictions et prescriptions, y compris la mention du fait que les CI ne peuvent envoyer des courriels de masse, des bulletins ou d’autres communications normalisées faisant la promotion de Pampered Chef ou de ses produits qu’aux abonnés qui ont choisi ou demandé de recevoir des communications de la part du CI. Pour ce qui est des groupes ou des pages de groupe sur les sites de médias sociaux, le guide des politiques exige que, si le CI crée un groupe de consultants sur un site de réseautage social qui est principalement consacré aux activités du CI relatives à Pampered Chef, le CI doit rendre le groupe privé. Bien qu’on n’ait pas présenté de preuve à l’instruction concernant l’interprétation à donner à cette disposition, je l’ai interprétée comme se rapportant à des groupes de consultants, plutôt qu’à un groupe qu’un consultant mettrait sur pied pour que les clients puissent y adhérer. Toutefois, j’admets que, selon la preuve présentée à l’instruction, principalement par Mme Kabat, concernant une vidéo de formation à l’intention des CI, la pratique était que les présentations virtuelles soient organisées en groupes privés sur Facebook.

[117]  En réponse au fait que Pampered Chef se fonde sur ces politiques et pratiques, Loblaw a présenté des cas où elles n’ont pas été respectées. Par exemple, lors de l’instruction, une grande attention a été portée à une présentation virtuelle nommée [traduction] « La présentation PC virtuelle de Lise ». Il s’agissait de l’une des nombreuses pages de présentations virtuelles figurant sur un imprimé d’une recherche sur Facebook qui a été montré à Mme Kabat en contre-interrogatoire; cette dernière a admis qu’au moins certaines étaient des présentations publiques auxquelles tout le monde pouvait se joindre. Mme Kabat a convenu que la présentation virtuelle PC de Lise était un groupe public sur Facebook. Les avocats de Loblaw ont également montré, lors du contre-interrogatoire de Mme Kabat, certaines pages d’un imprimé de la présentation PC virtuelle de Lise qui montraient des images publiées sur Facebook affichant le logo abrégé, dans certains cas en liaison avec des produits Pampered Chef, sans que le logo version longue ou le nom Pampered Chef apparaisse sur cette même page. Le nom Pampered Chef apparaît dans d’autres messages, y compris dans le message initial où la CI semble avoir créé le groupe Facebook. Cependant, les avocats de Loblaw ont obtenu de Mme Kabat qu’elle reconnaisse que le fonctionnement de l’algorithme de Facebook fait en sorte que tout le monde ne voit pas tous les messages.

[118]  Mme Kabat a souligné que la présentation PC virtuelle de Lise semblait se rapporter à une CI américaine, mais elle a également identifié en contre-interrogatoire un imprimé de la page Facebook d’une consultante canadienne décrit comme [traduction] « Lynne Anne de PC ». Encore une fois, Mme Kabat a confirmé que la page Facebook est publique et a relevé un message sur la page qui montre le logo abrégé et certains produits Pampered Chef, sans que le logo version longue ou le nom Pampered Chef ne figurent dans le même message. Le logo version longue ou le nom Pampered Chef apparaissent dans divers autres messages.

[119]  Loblaw soutient que, bien que Pampered Chef ait des politiques qui, selon elle, visent à réglementer les activités de ses CI sur les médias sociaux, ces politiques ne font l’objet d’aucune surveillance et ne sont pas appliquées. Loblaw cite les exemples de groupes Facebook qui sont publics plutôt que privés et des éléments de preuve démontrant que plusieurs CI utilisent en ligne des noms ou des noms de présentation virtuelle qui comprennent les lettres « PC », par exemple « Lynne Anne de PC » et « présentation PC virtuelle de Lise » dont nous avons parlé. En contre‑interrogatoire, l’avocat de Loblaw a renvoyé Mme Kabat à une section du guide des politiques qui interdit aux CI d’employer le nom Pampered Chef ou l’une de ses marques de commerce dans une adresse électronique, un nom de domaine ou un profil sur les médias sociaux. Comme l’indique la transcription de l’interrogatoire préalable de Mme Miller, au cours de cet interrogatoire, l’avocat de Pampered Chef a confirmé la position de l’entreprise comme étant [CAVIARDÉ].

[120]  Loblaw est d’avis que Pampered Chef a admis avoir très peu appliqué ses politiques, que la seule mesure d’application reflétée dans la preuve faisait suite à la constatation par Loblaw de violations dans le cadre du présent litige et que, même alors, les mesures d’application étaient minimes. En ce qui concerne le fait qu’une partie de la preuve présentée par Loblaw concernait des consultants américains, Pampered Chef fait valoir que les politiques et les pratiques d’application sont les mêmes aux États-Unis et au Canada.

[121]  La position principale de Pampered Chef relativement aux éléments de preuve et aux arguments présentés par Loblaw concernant l’activité des CI dans les médias sociaux est que ces éléments de preuve et ces arguments ne permettent pas à Loblaw de s’acquitter du fardeau qui lui incombe de démontrer qu’il y a une probabilité de confusion. Cependant, dans ses observations finales, Pampered Chef a également soulevé deux points techniques qui, à son avis, empêchent Loblaw de s’appuyer sur les activités des CI dans les médias sociaux et sa position selon laquelle Pampered Chef ne s’assure pas que les CI respectent le guide des politiques.

[122]  Tout d’abord, Pampered Chef soutient que Loblaw n’a pas plaidé la responsabilité du fait d’autrui de la part de Pampered Chef pour les activités de ses CI menées en violation du guide des politiques. Pampered Chef soutient que, pour faire valoir une telle allégation, Loblaw était à tout le moins tenue d’identifier dans ses actes de procédure le groupe de personnes dont les activités donnent lieu à la responsabilité du fait d’autrui (voir Merchant Law Group c Agence du revenu du Canada, 2010 CAF 184, par. 38; Hud c Canada (Procureur général), 2014 CF 1090, par. 38) et d’affirmer que Pampered Chef est responsable de ces activités selon une théorie juridique telle que la responsabilité du fait d’autrui, l’insouciance téméraire ou la non-application des mesures.

[123]  En réponse à cet argument, Loblaw reconnaît qu’elle n’a pas plaidé la responsabilité du fait d’autrui et soutient que sa position ne repose pas sur une telle théorie. Elle affirme plutôt que Pampered Chef a fourni à ses CI le matériel de marketing qu’ils utilisent dans le cadre de leurs activités sur les médias sociaux, y compris des images qui montrent les produits Pampered Chef en combinaison avec les marques abrégées, et que le modèle commercial global de l’entreprise vise à ce que les CI agissent comme ils le font et facilite ce comportement.

[124]  Comme cette question n’a été soulevée qu’au cours des observations finales et que les parties n’ont fourni qu’un minimum d’arguments et d’exposés sur les principes juridiques entourant les théories de la responsabilité à l’égard des activités de tiers et les exigences connexes en matière de plaidoirie, je suis peu disposé à trancher cette question si je n’y suis pas tenu. J’ai de la difficulté à accepter la position de Loblaw selon laquelle ses arguments ne soulèvent pas une telle question, alors qu’elle fait expressément valoir que les CI de Pampered Chef ne respectent pas les politiques de l’entreprise et que la surveillance et l’application de ces politiques par l’entreprise sont inadéquates. Toutefois, je comprends que, comme l’a expliqué l’avocat de Loblaw dans sa conclusion orale, les arguments de Loblaw ne portent pas uniquement sur cette non-conformité. Loblaw soutient que, même si les règles imposées par Pampered Chef sont respectées, il est toujours possible que les clients qui acceptent une invitation à se joindre à un groupe Facebook qui représente une présentation virtuelle ne sachent pas qu’ils sont dans un environnement de Pampered Chef.

[125]  Par exemple, Loblaw soutient que, même si le CI qui organise une présentation virtuelle se présente d’emblée comme un CI de Pampered Chef, le fonctionnement de l’algorithme de Facebook est tel que chaque personne qui accepte l’invitation à se joindre au groupe ne voit pas nécessairement tous les messages du groupe et ne voit donc pas nécessairement la présentation du CI. Comme premier point relativement à cet argument, je souligne que Pampered Chef conteste le fait que la Cour se soit fondée sur le témoignage de Mme Kabat quant au fonctionnement de l’algorithme de Facebook, parce qu’elle n’a pas été qualifiée d’experte dans ce domaine. À mon avis, le témoignage que Mme Kabat a fourni sur cette question est admissible et peut se voir accorder un certain poids. Elle est la représentante principale de Pampered Chef au Canada, son rôle comprend [CAVIARDÉ], et il est clair que [CAVIARDÉ]. Bien que Mme Kabat n’ait pas prétendu être une experte dans le fonctionnement de Facebook, elle semblait certaine d’elle quand elle a déclaré que, selon le fonctionnement de l’algorithme de Facebook, tous les membres d’un groupe Facebook ou tous les abonnés d’un utilisateur de Facebook ne voient pas chaque message de ce groupe ou de cet utilisateur. Ce témoignage est fondé sur son expérience dans un domaine lié à ses responsabilités, et je me contente de m’appuyer sur ce témoignage.

[126]  Toutefois, je ne considère pas que le témoignage de Mme Kabat fournit suffisamment de détails sur le fonctionnement de l’algorithme de Facebook pour appuyer le point particulier soulevé par Loblaw expliqué ci-dessus. Si, dans sa présentation initiale, le CI mentionne être un CI de Pampered Chef conformément au guide des politiques, par exemple dans l’invitation à se joindre à un groupe Facebook en vue d’une présentation virtuelle, il n’est pas évident pour moi que ceux qui acceptent l’invitation et se joignent au groupe ne verront pas nécessairement l’invitation et la présentation initiale.

[127]  En ce qui concerne les invitations, Loblaw soutient également que, bien que la preuve comprenne un exemple d’invitation à une présentation virtuelle assortie d’un texte faisant référence à « Pampered Chef », la preuve indique que les CI sont libres d’apporter des modifications à ce texte ou d’utiliser un autre texte. Toutefois, Mme Hoppe a déclaré dans son témoignage que, d’après son expérience, les CI utilisent presque toujours le texte fourni.

[128]  Même si je devais tenir compte des éléments de preuve selon lesquels des CI ne se sont pas conformés au guide des politiques, à mon avis, une grande partie de cette preuve n’est pas particulièrement importante. Loblaw a grandement mis l’accent sur le fait que Pampered Chef n’a pas fait respecter ses règles interdisant à ses CI d’utiliser le nom Pampered Chef ou l’une de ses marques de commerce dans une adresse électronique, un nom de domaine ou un profil sur les médias sociaux. Cependant, Loblaw reconnaît que l’utilisation des lettres « PC » dans les profils ou groupes des CI sur les médias sociaux (p. ex. « Lynne Anne de PC », « Présentation virtuelle PC de Lise » et « Brooke PC Szczepanski ») ne constitue pas une utilisation des marques abrégées qui font l’objet de son action en contrefaçon. Tout au plus, cela représente une partie des circonstances à prendre en compte dans l’évaluation de la confusion. La même analyse s’applique à l’élément de preuve présenté à l’instruction selon lequel Pampered Chef a utilisé certains mots-clics (c.‑à‑d. des agrégateurs de conversation sur les médias sociaux) qui comprennent les lettres « PC ».

[129]  Les publications sur Facebook qui montrent des produits de Pampered Chef en combinaison avec ses marques abrégées sur des groupes publics, en violation apparente de la pratique prescrite par l’entreprise consistant à rendre ces groupes privés, sont potentiellement plus importantes, car elles affichent les marques qui font l’objet de l’action. C’est là que le deuxième point technique soulevé par Pampered Chef dans ses observations finales devient pertinent. Pampered Chef soutient que, puisque les publications sur Facebook ne sont pas affichées au point de vente, elles constituent de la publicité pour les produits de Pampered Chef, et la publicité, en lien avec des produits par opposition à des services, ne constitue pas un « emploi » d’une marque de commerce pour l’application de la Loi. Pampered Chef soutient que, comme une telle publicité ne constitue pas un « emploi » de la marque, elle ne peut pas constituer une violation au sens de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, ni même le fondement d’une demande en vertu de l’alinéa 7b) ou de l’article 22.

[130]  Cet argument repose sur la définition du terme « emploi » énoncée comme suit à l’article 4 de la Loi :

Quand une marque de commerce est réputée employée

 

When deemed to be used

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

Idem

Idem

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

[131]  Les parties conviennent que l’effet de l’article 4 est que, bien que l’annonce d’un service montrant une marque puisse constituer un emploi de la marque, ce n’est pas le cas pour l’annonce de produits portant une marque. Pour constituer un emploi en liaison avec des produits, la marque doit plutôt être apposée sur les produits eux-mêmes ou sur leur emballage ou encore être autrement associée aux produits au moment du transfert de propriété ou de possession, souvent appelé le point de vente. Ce sur quoi les parties ne s’entendent pas, c’est sur l’application de ce principe dans le contexte d’une allégation de violation fondée sur l’alinéa 20(1)a) de la Loi, qui, il convient de le rappeler, est libellé comme suit :

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name;

[132]  Pampered Chef s’appuie sur la décision Cie Générale des Établissements Michelin – Michelin & Cie c CAW – Canada, [1997] 2 CF 306 (CF, 1re inst.) [Michelin], où le juge Teitelbaum a conclu qu’une violation au titre de l’alinéa 20(1)a) exige que la marque de commerce soit « employée » au sens de l’article 4 de la Loi. En réponse, Loblaw souligne que le libellé de l’alinéa 20(1)a) indique expressément que l’annonce de produits ou de services constitue une violation. Cependant, selon ma compréhension du paragraphe 29 de la décision Michelin, cet argument a été examiné et rejeté.

[133]  Loblaw affirme également que, pourvu qu’il y ait un certain contexte d’« emploi » au sens de l’article 4, il y a violation lorsque l’annonce des produits représente la première fois que le client voit la marque, même si le rôle de la marque au moment où elle est vue la première fois ne constitue pas en soi un emploi des produits. À cet égard, je crois comprendre que Loblaw tente dans une certaine mesure d’établir une distinction avec Michelin, étant donné qu’il s’agissait d’une affaire dans laquelle la marque n’avait pas été employée du tout, alors qu’il est évident en l’espèce que Pampered Chef emploie ses marques abrégées au sens de l’article 4, même si l’emploi des marques dans les annonces sur les médias sociaux ne constitue pas en soi un tel emploi. Je devrais souligner que je ne crois pas que Loblaw prétende que cette utilisation des médias sociaux constitue un « emploi » au sens de l’article 4, et je crois que la preuve montre clairement que l’achat des produits par les clients n’a pas lieu sur la plateforme de médias sociaux, mais plutôt, en général, sur le site Web du CI vers lequel le client est dirigé par un lien sur la plateforme de médias sociaux ou en communiquant avec le CI.

[134]  Loblaw soutient que sa position selon laquelle, pourvu qu’il y ait un certain emploi, l’annonce qui ne constitue pas en soi un emploi peut néanmoins représenter la première impression, qui devrait être évaluée au regard de la probabilité de confusion, est appuyée par les principes expliqués comme suit par le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece, aux paragraphes 70 à 74 :

70 Cette question porte principalement sur l’attitude du consommateur qui s’apprête à faire un achat. Or, l’examen convenable de la nature des marchandises, des services ou de l’entreprise en cause doit tenir compte du fait que la probabilité que des marques de commerce créent de la confusion peut être moins grande lorsque le consommateur est à la recherche de marchandises ou de services importants ou onéreux. Il n’en demeure pas moins que cette probabilité moins grande est toujours fondée sur la première impression du consommateur lorsqu’il voit les marques en question. Le consommateur à la recherche de marchandises ou de services onéreux pourra n’avoir qu’un vague souvenir d’une marque de commerce qu’il a déjà vue, et il portera probablement un peu plus attention à la marque de commerce qui identifie les marchandises ou services qu’il est en train d’examiner, notamment quant aux similitudes ou différences entre cette marque et celle déjà vue. Comme l’a affirmé le juge Binnie dans Mattel, les marques de commerce sont des raccourcis offerts aux consommateurs. Cette affirmation s’applique peu importe que les consommateurs soient à la recherche de marchandises ou de services plus ou moins onéreux.

71 Il est sans importance que, comme l’a conclu le juge de première instance, « il [soit] peu probable [que les consommateurs] basent leur choix sur une première impression » ou que, « [e]n règle générale, ils consacrent un temps appréciable à s’informer sur la source de biens et services qui coûtent cher » (par. 43). En effet, tant les recherches ultérieures que l’achat qui s’ensuit ont lieu après que le consommateur a vu une marque.

72 Cette distinction est importante car, malgré ce degré d’attention accru, il peut tout de même subsister la probabilité que des marques de commerce créent de la confusion chez le consommateur à la recherche de biens et de services onéreux. Cela dit, une telle confusion peut se dissiper après mûre réflexion au terme de recherches approfondies. Toutefois, cela ne veut pas dire que le consommateur de biens onéreux ne peut bénéficier de la protection du régime des marques de commerce parce qu’il fait preuve de prudence et de méfiance. Ce qui compte, c’est la confusion qui naît dans son esprit lorsqu’il voit les marques de commerce. Il ne faut pas déduire de la dissipation ultérieure de la confusion au terme de recherches approfondies qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cessera de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

73 D’ailleurs, avant qu’elle ne soit dissipée, une telle confusion peut amener le consommateur à rechercher, considérer ou acheter les marchandises ou les services d’une source dont il ignorait jusque-là l’existence ou à laquelle il ne s’était pas auparavant intéressé, et, partant, diminuer la valeur de l’achalandage rattaché à la marque de commerce et à l’entreprise à laquelle le consommateur croyait initialement avoir affaire en voyant la marque de commerce. Induire ainsi le consommateur en erreur est l’un des maux que la législation sur les marques de commerce vise à enrayer. Les consommateurs de marchandises ou de services onéreux et les propriétaires des marques de commerce qui y sont associées ont autant droit de bénéficier du régime des marques de commerce, notamment en matière de protection, que ceux qui achètent ou vendent des marchandises ou des services peu coûteux.

74 Pour ces raisons, j’estime que la décision du juge de première instance de faire abstraction de la probabilité de confusion en examinant ce que le consommateur était susceptible de faire au vu d’une marque était erronée. Il aurait plutôt dû s’en tenir à la question de savoir comment le consommateur ayant un vague souvenir de la marque de Masterpiece Inc. aurait réagi en voyant celle d’Alavida. Comme on peut s’attendre à ce que le consommateur à la recherche d’une résidence de luxe pour personnes âgées porte un peu plus attention à la marque de commerce qu’il voit pour la première fois que le consommateur de marchandises ou services moins onéreux, la question du coût n’est pas dénuée de pertinence. Toutefois, cette question ne mènera vraisemblablement pas à une conclusion différente dans les cas où l’existence d’une forte ressemblance donne à penser qu’il y a probabilité de confusion et où les autres facteurs énoncés au par. 6(5) de la Loi ne militent pas fortement contre l’existence d’une telle probabilité.

[Non souligné dans l’original.]

[135]  Loblaw fait valoir qu’il irait à l’encontre de l’arrêt Masterpiece de ne pas se demander si un consommateur qui voit pour la première fois l’une des marques abrégées de Pampered Chef dans les médias sociaux serait porté à croire qu’il voit la marque de Loblaw, et serait ainsi détourné vers des produits de Pampered Chef. Loblaw souligne que le juge Rothstein explique, au paragraphe 73, que le fait d’induire ainsi le consommateur en erreur est l’un des maux que la législation sur les marques de commerce vise à enrayer. Loblaw explique que c’est précisément le genre de confusion qui la concerne en l’espèce. En d’autres termes, elle reconnaît qu’au moment où un consommateur achète un produit de Pampered Chef sur le site Web d’un de ses CI, il peut avoir été exposé à suffisamment de contenu de Pampered Chef pour savoir quelle entreprise est à l’origine du produit. Toutefois, Loblaw craint que le consommateur ne soit détourné vers les produits de Pampered Chef par une marque qui, au départ, le porte à croire qu’il s’agit de la marque de Loblaw. Par conséquent, elle soutient que l’analyse envisagée dans l’arrêt Masterpiece doit être effectuée lorsque la marque est vue pour la première fois, même si cela constitue un examen de l’effet de la marque à un stade du processus commercial antérieur à son utilisation pour l’application de l’article 4.

[136]  Comme pour la question examinée ci-dessus au sujet de la plaidoirie relative à la responsabilité du fait d’autrui, la question de l’interaction de l’article 4 et de l’alinéa 20(1)a) n’a été soulevée qu’au cours des observations finales, de sorte que la Cour a reçu un minimum de renseignements sur les principes juridiques pertinents et les précédents applicables. Par conséquent, je suis réticent à trancher cette question si ce n’est pas nécessaire, et, à mon avis, il n’est pas nécessaire de le faire. Même si je tenais compte des cas d’apparition des marques abrégées dans l’espace des médias sociaux, sur lesquels Loblaw s’appuie, et de l’allégation selon laquelle d’autres cas semblables se produisent ou peuvent se produire, cela constitue néanmoins seulement l’une des composantes des circonstances générales entourant la façon dont le consommateur peut voir les marques abrégées.

[137]  Comme le soutient Loblaw, il ne serait pas possible de conclure qu’il n’y a aucune possibilité qu’un consommateur voie la marque abrégée sans avoir préalablement ou simultanément vu la marque version longue ou une autre utilisation du nom Pampered Chef. Toutefois, une telle conclusion n’est pas nécessaire au regard de l’ensemble de la preuve concernant la façon dont Pampered Chef déploie ses marques afin de favoriser son entreprise dans l’analyse relative à la confusion. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime que l’analyse des voies commerciales, semblable à celle effectuée dans l’affaire Alticor, favorise fortement Pampered Chef et, dans l’ensemble, j’estime que les éléments de preuve relatifs à l’emploi du nom et du logo version longue de Pampered Chef appuient davantage la conclusion que les clients ne seront probablement pas confus lorsqu’ils verront les marques abrégées.

(6)  Circonstances de l’espèce

[138]  L’analyse exigée par le par. 6(5) de la Loi impose que soient pris en considération non seulement les facteurs prescrits par la loi, mais également toutes les circonstances de l’espèce. Les principales circonstances de l’espèce invoquées par les parties qui n’ont pas encore été évaluées sont : i) la conclusion du registraire des marques de commerce relativement aux demandes d’enregistrement des marques abrégées présentées par Pampered Chef; ii) le sondage de M. Chakrapani présenté en preuve; et ii) la preuve de l’absence de confusion réelle entre les marques des parties.

[139]  Pampered Chef souligne que ses demandes d’enregistrement des marques abrégées ont été examinées par deux examinateurs distincts, et les parties conviennent que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada n’a cité aucune marque de commerce, qu’elle appartienne à Loblaw ou à toute autre partie, comme source de confusion avec les marques abrégées. Il y a des décisions qui établissent qu’une telle absence de confusion est une circonstance de l’espèce qui appuie une conclusion d’absence de confusion (voir, par exemple, McCallum Industries Limited. c HJ Heinz Company Australia Ltd., 2011 CF 1216, par. 52, confirmé par 2013 CAF 5). Toutefois, Loblaw soutient qu’il n’est pas inhabituel que les approbations des examinateurs soient annulées par la Commission des oppositions des marques de commerce ou par la Cour, et je suis conscient que la Cour bénéficie d’un dossier et d’arguments connexes beaucoup plus complets que ce dont disposaient les examinateurs. À mon avis, en l’espèce, peu de poids devrait être accordé aux conclusions des examinateurs, bien qu’elles soient pertinentes.

[140]  En ce qui concerne le sondage effectué par M. Chakrapani, il convient de rappeler que Loblaw a chargé ce dernier de concevoir et de mener un sondage afin de déterminer si les consommateurs pourraient mal identifier une des marques abrégées employées par Pampered Chef comme étant une marque employée par Loblaw et, le cas échéant, dans quelle mesure ils pourraient le faire. Pampered Chef a soulevé plusieurs objections quant à l’admissibilité du sondage de M. Hassay et au poids qui devrait lui être accordé, mais les parties ont convenu que de telles objections ne seraient tranchées qu’après l’instruction. Pampered Chef a appuyé ses objections sur le témoignage de ses experts, M. Hassay et M. Corbin. Loblaw soulève à son tour des objections quant à l’admissibilité de certaines parties de la preuve présentée par M. Hassay.

[141]  Pampered Chef soulève trois préoccupations principales au sujet du sondage de M. Chakrapani : i) il a sondé la mauvaise population; ii) il n’était pas informé de la façon dont les clients de Pampered Chef verraient les marques abrégées dans le monde réel et n’a donc pas intégré les indices contextuels nécessaires dans son sondage; et iii) le soin et l’attention accordés au sondage et à ses résultats ont été insuffisants, notamment du fait qu’il n’a pas exclu les suppositions des résultats. D’après ce que je comprends de la position de Pampered Chef, les deux premières préoccupations concernent l’admissibilité, et la troisième concerne le poids accordé à cette preuve.

[142]  En ce qui concerne la population pertinente, la confusion doit être déterminée par rapport aux personnes qui sont susceptibles d’acheter les marchandises en question (voir, par exemple, BBM, par. 34). Pampered Chef soutient que M. Chakrapani a mené le sondage auprès de la mauvaise population, parce qu’il n’a pris aucune mesure, ni avant ni après le sondage, pour sélectionner les participants afin de s’assurer que les résultats tiennent compte de certains facteurs psychographiques de la clientèle de Pampered Chef, selon cette dernière. Ces attributs sont le fait de savoir si les participants au sondage cuisinent, s’ils ont participé à des présentations de vente directe, s’ils ont déjà acheté des produits par l’entremise de catalogues de vente directe, s’ils ont déjà acheté des ustensiles de cuisine ou s’ils pourraient le faire au cours des six prochains mois.

[143]  Pampered Chef s’appuie à cet égard en partie sur les éléments de preuve de M. Hassay et de M. Corbin. Comme il a été mentionné précédemment, j’ai rejeté l’objection de Loblaw selon laquelle la preuve de M. Hassay expliquant le circuit de ventes directes n’était pas admissible parce qu’elle dépassait la portée d’un rapport préparé en réponse. Cette preuve servait de toile de fond à sa réponse au rapport de M. Chakrapani. Je rejette également l’objection de Loblaw relativement à l’admissibilité de l’opinion de M. Hassay, à savoir si M. Chakrapani a sondé la population pertinente. Loblaw soutient qu’il n’est pas qualifié pour donner cette opinion, puisqu’il est un expert en marketing, et non en études de marché. Après avoir entendu les témoignages relativement à ses qualifications, je suis convaincu qu’il a suffisamment d’expérience dans ce domaine pour que ses opinions soient admissibles. Le fait que les sondages ne sont pas l’aspect principal de son travail a trait au poids à accorder à la preuve.

[144]  Cependant, il ne m’est pas nécessaire de me fier à l’opinion de M. Hassay ou de M. Corbin au sujet du sondage de M. Chakrapani, étant donné qu’il ressort selon moi clairement de la preuve factuelle présentée lors de l’instruction que ce dernier n’était pas tenu de présélectionner les participants au sondage en fonction des facteurs psychographiques déterminés par Pampered Chef afin de rendre son sondage pertinent. Ces attributs se rapportent en grande partie à [CAVIARDÉ]. J’ai conclu précédemment, en me fondant sur le témoignage de Mme Kabat, que [CAVIARDÉ] et que [CAVIARDÉ].

[145]  En ce qui concerne les indices contextuels, j’estime que les préoccupations de Pampered Chef sont plus fondées, mais je conclus qu’elles ont trait au poids de la preuve plutôt qu’à son admissibilité. Comme il a été examiné ci-dessus dans les présents motifs, une quantité importante d’éléments de preuve ont été produits à l’instruction au sujet des indices contextuels (par exemple, l’emploi du logo version longue ou du nom de Pampered Chef) et de la possibilité qu’un consommateur voie de tels indices avant qu’il rencontre la marque abrégée ou au même moment. Par conséquent, la pertinence des résultats du sondage de M. Chakrapani dépend en grande partie de la question de savoir si de tels indices contextuels sont présentés au consommateur. Le sondage de M. Chakrapani est pertinent dans des circonstances où le consommateur n’est pas en présence de tels indices, ce qui, comme je l’ai conclu ci-dessus, pourrait éventuellement se produire. Toutefois, cela ne serait pas pertinent dans des circonstances où les indices sont présents. Par conséquent, j’estime que les résultats du sondage sont admissibles, mais qu’ils ne sont pertinents que dans les circonstances limitées décrites ci-dessus, et qu’un poids limité doit donc leur être accordé. Vu cette conclusion, il m’est inutile d’examiner les autres arguments avancés par Pampered Chef selon lesquels un poids limité devrait être accordé au sondage.

[146]  Les résultats du sondage ont révélé que, quand un participant voyait une image de l’un des trois produits Pampered Chef portant l’une des marques abrégées, entre 11 % et 17 % d’entre eux (selon le produit) ont identifié de façon erronée la marque comme étant associée à la marque « le Choix du Président », ce qui milite en faveur de Loblaw pour ce qui est de l’analyse relative à la confusion, mais pas de façon importante compte tenu de la pertinence limitée du sondage.

[147]  Enfin, Pampered Chef s’appuie en grande partie sur l’absence de preuve de confusion réelle. Elle renvoie la Cour à la déclaration suivante de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Christian Dior S.A. c Dion Neckwear Ltd., 2002 CAF 29, au paragraphe 19 :

[L]’opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu’il n’a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion.

[148]  Loblaw souligne que la preuve d’une confusion réelle n’est pas nécessaire pour établir la probabilité de confusion (voir Mattel, par. 55) et fait valoir que les marchandises des parties portant les marques pertinentes ont coexisté sur le marché pendant une période relativement brève. Loblaw renvoie au fait que les produits de Pampered Chef portant les marques abrégées ne sont vendus que depuis 2016, et qu’il y avait seulement 22 produits de ce type sur le marché au départ, pour atteindre environ 80 produits en 2018. Bien que Pampered Chef fasse référence [CAVIARDÉ] dans les ventes de produits depuis le changement de marque, Loblaw soutient que le volume des ventes pertinent est d’environ [CAVIARDÉ] uniquement pour les ventes de produits portant les marques abrégées.

[149]  À mon avis, le volume des ventes pertinent est [CAVIARDÉ]. Comme il a été examiné en détail ci-dessus, Loblaw fonde ses arguments à l’appui de l’existence d’une probabilité de confusion en partie sur l’activité des CI de Pampered Chef dans les médias sociaux, dont une partie consiste en de la publicité de produits portant les marques abrégées. Toutefois, l’activité désignée par Loblaw comprend l’utilisation non seulement d’images de produits portant les marques abrégées sur les produits eux-mêmes ou sur leur emballage, mais également d’images employant les marques abrégées d’autres façons (par exemple, dans une image montrant un produit et, séparément, la marque abrégée). L’argument de Loblaw selon lequel une telle activité dans les médias sociaux pourrait créer de la confusion suppose nécessairement la commercialisation et la vente de produits qui ne portent pas eux-mêmes la marque abrégée. Par conséquent, la totalité des [CAVIARDÉ] des ventes est pertinente.

[150]  Quoi qu’il en soit, même si l’on ne devait prendre en compte que [CAVIARDÉ] volume des ventes, il s’agit quand même d’une quantité importante. En outre, et malgré le fait que les produits portant la nouvelle marque ne sont sur le marché que depuis deux ou trois ans, Pampered Chef soutient qu’il existe des circonstances particulières en l’espèce qui rendent l’absence de preuve de confusion réelle particulièrement révélatrice, étant donné que cette preuve aurait probablement été accessible si l’allégation de confusion probable était justifiée.

[151]  Pampered Chef souligne que Loblaw dispose d’un service à la clientèle et d’un programme d’application des lois relatives aux marques de commerce rigoureux. Les aveux de Loblaw figurant dans l’exposé conjoint des faits déposé par les défenderesses confirment que Loblaw exerce une surveillance active pour détecter des marques de commerce contrefaites, que ses employés sont généralement conscients de l’importance de protéger ses marques de commerce, qu’ils sont formés pour signaler les marques pouvant créer de la confusion et qu’ils signent un code de conduite leur exigeant de signaler toute confusion. De plus, dans le cadre du présent litige, Loblaw a procédé à certains examens des données à sa disposition et a confirmé qu’elle n’avait décelé aucun cas de confusion réelle entre les marques des parties. Elle a notamment procédé à l’examen de ses plateformes de médias sociaux, lequel n’a révélé aucune mention de confusion ou déclaration associant Pampered Chef ou ses marques à Loblaw ou à ses marques, ni aucun autre renvoi à Pampered Chef ou à ses marques, produits ou services. Loblaw a également passé au crible son service à la clientèle, encore une fois sans trouver de trace d’un consommateur faisant référence à Pampered Chef ou à ses marques, produits ou services.

[152]  Je souligne également le témoignage de l’enquêteur de Pampered Chef, Derek MacIssac, qui portait sur les résultats des recherches que les avocats de Pampered Chef lui avait demandé d’effectuer à l’égard de certains mots-clics dans des publications sur des comptes Twitter cibles appartenant aux parties. En ce qui concerne certains comptes Twitter de Loblaw, il a cherché dans toutes les publications et tous les commentaires certains mots-clés liés à Pampered Chef. Pour ce qui est du compte Twitter de Pampered Chef, il a cherché dans toutes les publications et tous les commentaires certains mots-clés liés à Loblaw et à la marque le Choix du Président. Ces recherches n’ont révélé aucun résultat indiquant une confusion. Loblaw fait valoir que le contre‑interrogatoire de M. MacIsaac a révélé plusieurs lacunes dans sa méthodologie, notamment l’existence d’un grand nombre de comptes Twitter des diverses enseignes de vente au détail de Loblaw qui n’ont pas fait l’objet de la recherche et l’absence d’une recherche du mot-clé « PC ». Ces arguments sont à mon avis valables. Bien que le témoignage de M. MacIsaac contribue à montrer l’absence générale de toute preuve de confusion réelle, il ne le fait que dans une mesure minime.

[153]  Enfin, j’ai examiné l’argument de Loblaw selon lequel le genre de confusion qui la préoccupe, c’est‑à‑dire le fait que les consommateurs soient amenés à considérer les produits de Pampered Chef par une marque qui, au départ, les porte à croire qu’ils voient la marque de Loblaw, ne donnerait pas lieu à une plainte de la part de ces consommateurs. Loblaw soutient qu’un tel consommateur peut se contenter du produit qu’il achète au bout du compte auprès de Pampered Chef et n’a aucune raison de se plaindre, mais Loblaw aura néanmoins subi le « mal » décrit dans l’arrêt Masterpiece, soit le détournement du consommateur vers cet achat. Cependant, j’estime que cet argument est largement hypothétique, et il m’est difficile de conclure que ce genre de scénario ne pourrait pas donner lieu au moins à des commentaires du consommateur dans les médias sociaux.

[154]  Au bout du compte, j’interprète le droit relatif à la confusion réelle comme exigeant l’examen de la mesure dans laquelle les circonstances particulières d’un cas individuel donnent à penser que l’absence de preuve de confusion réelle est un indice probant d’une probabilité de confusion, qui est le véritable critère. J’estime que les circonstances examinées ci-dessus étayent la conclusion selon laquelle, en l’espèce, l’absence d’une telle preuve est un indice très probant de la probabilité de confusion.

(7)  Conclusion concernant la contrefaçon

[155]  Compte tenu de tous les facteurs prévus au paragraphe 6(5) et des circonstances de l’espèce, le degré de ressemblance entre les marques abrégées et la marque nominale PC justifient la prise en compte des autres facteurs, et le caractère distinctif acquis de la marque nominale PC favorise fortement Loblaw, tout comme la durée pendant laquelle sa marque a été employée et la similarité des produits et de la clientèle des parties. Toutefois, la nature du commerce, compte tenu des différences dans les voies commerciales et de la réduction de la probabilité de confusion découlant de la preuve relative à l’emploi du nom et du logo version longue de Pampered Chef dans le cadre de ses circuits commerciaux, favorise fortement Pampered Chef. Compte tenu de ces considérations et de ce que j’ai conclu comme étant la nature très probante de l’absence de preuve de confusion réelle, je conclus que, malgré ses efforts très efficaces, Loblaw ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir la probabilité de confusion entre les marques abrégées et la marque nominale PC.

[156]  Enfin, pour ce qui est de savoir s’il existe une probabilité de confusion avec la marque PC manuscrite, les principales différences dans l’analyse, par rapport à la marque nominale PC, sont que le caractère distinctif inhérent et acquis de la marque PC manuscrite est plus élevé, mais sa ressemblance avec les marques abrégées de Pampered Chef est plus faible. Ces différences ne modifient pas le fondement de la conclusion ci-dessus selon laquelle une probabilité de confusion n’a pas été établie.

[157]  Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas violation au titre du par. 20(1) de la Loi.

D.  Pampered Chef a-t-elle violé les droits que Loblaw tire de l’article 22 de la Loi?

[158]  Loblaw reconnaît que, bien que le critère de dépréciation de l’achalandage prévu à l’article 22 diffère de celui prévu à l’article 20 et qu’il n’exige pas une preuve de confusion, en raison des circonstances de l’espèce, le rejet de sa demande fondée sur l’article 20 sera très déterminant pour sa demande fondée sur l’article 22. En effet, la dépréciation de l’achalandage que Loblaw fait valoir en vertu de l’article 22 a trait à l’érosion alléguée du caractère distinctif des marques PC de Loblaw, ce qui est lié au fait que le consommateur associe le produit de Pampered Chef à celui de Loblaw ou l’identifie comme tel. Je souscris à cette analyse et, compte tenu de mes conclusions relatives à la confusion, je n’estime pas non plus qu’il y a eu violation de l’article 22.

[159]  Je tiens à souligner que je comprends que la preuve de M. Wong a été présentée par Loblaw à l’appui de sa demande fondée sur l’article 22 afin d’établir l’achalandage associé aux marques PC. Étant donné que la demande fondée sur l’article 22 est rejetée pour des motifs sans rapport avec l’obligation d’établir l’achalandage, il ne m’est pas nécessaire de tenir compte de l’opinion de M. Wong.

E.  Pampered Chef a-t-elle contrevenu à l’alinéa 7b) de la Loi?

[160]  Loblaw reconnaît encore une fois que, si la confusion n’est pas établie relativement à l’article 20, la demande fondée sur la commercialisation trompeuse visée à l’alinéa 7b) ne sera pas non plus accueillie. Il y a toutefois une différence : l’alinéa 7b) permet l’examen de la marque PC circulaire reconnue en common law. Loblaw soutient que, si la Cour avait conclu que la marque nominale PC n’était pas valide en raison de l’absence de caractère distinctif, la marque PC circulaire serait alors devenue pertinente pour l’analyse relative à la confusion, car, en raison du cercle, elle se situe quelque part entre la marque nominale PC et la marque PC manuscrite quant au degré de ressemblance avec les marques abrégées (et probablement en particulier avec la marque abrégée, qui comprend également le cercle). Toutefois, comme la marque nominale PC n’a pas été jugée invalide, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la marque PC circulaire, et ma conclusion est que Pampered Chef n’a pas violé l’alinéa 7b).

F.  Si Loblaw réussit à établir l’une ou l’autre des causes d’action, quelles sont les réparations appropriées?

[161]  Comme Loblaw n’a réussi à établir aucune des causes d’action, il n’est pas nécessaire d’examiner les réparations sollicitées.

VI.  Dépens

[162]  Lors des conclusions finales, les deux parties ont convenu qu’il devrait être sursis au prononcé de ma décision concernant les dépens jusqu’à ce que la décision sur le fond ait été rendue, afin de donner aux parties la possibilité de tenter de s’entendre sur les dépens, à défaut de quoi chaque partie pourra présenter des observations écrites relativement brèves sur la façon dont les dépens devraient être traités. Mon jugement tiendra compte de ce souhait.


JUGEMENT dans le dossier T-548-18

LA COUR STATUE que :

  1. L’action de la demanderesse est rejetée.

  2. La demande reconventionnelle des défenderesses est rejetée.

  3. Les parties disposent d’un délai de 14 jours à compter de la date du présent jugement pour parvenir à un accord sur les dépens et en aviser la Cour ou pour signifier et déposer leurs observations écrites respectives sur les dépens, d’un maximum de cinq pages chacune, auxquelles est joint tout élément de preuve à l’appui nécessaire.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de septembre 2019

Sandra de Azevedo, LL. B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-548-18

INTITULÉ :

LOBLAWS INC. ET COLUMBIA INSURANCE COMPANY, THE PAMPERED CHEF, LTD ET PAMPERED CHEF – CANADA CORP.

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

DU 6 AU 10 MAI, ET LES 16 et 17 MAI 2019

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICs :

LE JUGE southcott

DATE DES MOTIFS :

LE 22 JUILLET 2019

COMPARUTIONS :

Andrew Bernstein

Emily Sherkey

Stefan Case

Michelle Nelles

POUR LA DEMANDERESSE

Mark Evans

Mark Biernacki

Steven Garland

Graham Hood

POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Smart & Biggar

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.