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Date : 20040218

Dossier : T-768-03

Référence : 2004 CF 249

Toronto (Ontario), le 18 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN                                

ENTRE :

                                                      KEYVAN NOURHAGHIGHI

                                                                             

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le 13 mai 2003, le demandeur a demandé la délivrance d'un bref de mandamus pour contraindre Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à traiter sa demande de citoyenneté. Le 2 septembre 2003, le demandeur s'est vu accorder la citoyenneté canadienne. Malgré le fait qu'il ait obtenu la citoyenneté, il a décidé de poursuivre cette demande.


[2]                Le 10 octobre 2003, le défendeur a présenté la présente requête pour rejet de la demande de bref de mandamus en raison de son caractère théorique. Le protonotaire Lafrenière, dans une ordonnance datée du 22 octobre 2003, et le protonotaire Milczynski, dans une ordonnance datée du 21 novembre 2003, ont confirmé que la requête serait ajournée jusqu'à l'audition de la demande de bref de mandamus.

[3]                Entre le 30 août 2003 et janvier 2004, plusieurs requêtes ont été présentées par les deux parties. Voici un résumé des résultats des requêtes les plus pertinentes pour l'affaire qui nous occupe :

·                       Le 22 octobre 2003 : Ordonnance du protonotaire Lafrenière dans laquelle la requête du demandeur pour instruction accélérée a été retirée et la requête du défendeur fondée sur la nature théorique de la demande a été ajournée jusqu'au début de l'audience;

·                       Le 17 novembre 2003 : Ordonnance du protonotaire Lafrenière dans laquelle toutes les demandes de redressement du demandeur ont été rejetées, y compris une requête pour outrage au tribunal, une déclaration selon laquelle l'avocat du défendeur a agi de façon vexatoire et une demande pour instruction accélérée;

·                       Le 19 novembre 2003 : Ordonnance du juge O'Reilly rejetant une requête pour outrage au tribunal présentée par le demandeur et ordonnant que toute requête de l'une ou l'autre partie soit désormais présentée uniquement sur autorisation de la Cour;

·                       Le 20 novembre 2003 : Directives de la juge Snider selon lesquelles les requêtes de l'une ou l'autre des parties ne seraient entendues que sur autorisation écrite de la Cour, conformément à l'ordonnance du juge O'Reilly datée du 19 novembre 2003;


·                       Le 21 novembre 2003: Ordonnance du protonotaire Milczynski, rejetant la demande du demandeur pour que a) l'avocat du défendeur soit obligé de démontrer pourquoi il ne devrait pas être reconnu coupable d'outrage au tribunal, b) l'avocat du défendeur subisse une évaluation psychiatrique et c) la requête du défendeur portant sur la nature théorique de la demande soit radiée du dossier;

·                       Le 14 janvier 2004 : La juge Tremblay-Lamer rejette la demande du demandeur pour l'autoriser à déposer une requête interlocutoire.

[7]                Le défendeur prétend que, puisque le demandeur s'est déjà vu accorder la citoyenneté, il n'y a pas de redressement que la Cour puisse accorder dans la présente affaire. De plus, il soumet que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire d'entendre la cause quand même puisqu'il n'y a plus de contexte litigieux entre les parties; de plus, l'économie des ressources judiciaires milite dans le sens contraire d'une audience et la Cour devrait être sensible à son rôle juridictionnel au sein du gouvernement.

[8]                À l'audition de la présente requête, le demandeur a avancé les deux raisons suivantes pour lesquelles il devrait aller de l'avant avec sa demande de bref de mandamus :


1.         Il veut que la citoyenneté lui soit accordée en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985 ch. C-29 (Loi) et non du paragraphe 5(1) de cette loi. Il croit fermement qu'il a mérité sa citoyenneté comme une récompense pour des services rendus au Canada et que de tels services devraient être reconnus sous le régime du paragraphe 5(4) de la Loi. Il dit qu'il s'agit là d'un premier pas vers la reconnaissance de ses services et que cela mènera finalement à une plus grande récompense de Sa Majesté (ce qui est probablement une référence à la possibilité qu'il soit un jour décoré de l'Ordre du Canada).

2.         Voici, dans ses propres mots, ce qu'il veut :

[traduction]

Le défendeur [soit] obligé de démontrer pourquoi il ne devrait pas être reconnu coupable d'outrage pénal pour avoir abusé de son pouvoir dans le traitement de la demande de citoyenneté du demandeur en vertu du paragraphe 5(4) et/ou du paragraphe 5(1) de la Loi sur la Citoyenneté avec l'intention d'entraver le cours de la justice de façon à nuire à l'administration ordonnée de la justice, en contournant le processus, et en portant atteinte à l'autorité de la Cour. (Dossier du demandeur, page 3.)

Il allègue également l'existence d'un complot entre les membres des bureaux torontois de CIC, le procureur général du Canada et le greffe de la Cour fédérale pour exclure sa cause du processus judiciaire. Malgré le fait qu'il ait peaufiné une demande de bref de mandamus, ce complot l'empêche d'obtenir une audition et de plaider devant la Cour.

Le paragraphe 5(1) par opposition au paragraphe 5(4) de la Loi


[9]                Le demandeur a fait une demande de citoyenneté le 6 décembre 2000. Son formulaire de demande ne mentionne aucunement le paragraphe 5(4) de la Loi, et ne fournit aucune explication à savoir pourquoi il pense mériter qu'on lui accorde la citoyenneté à titre de récompense. Le dossier informatisé de sa demande tenu par le ministère montre qu'elle a été traitée, dès le départ, comme une demande fondée sur le paragraphe 5(1) de la Loi.

[10]            Même si je n'ai aucun doute que, pour le demandeur, il y a une différence très importante entre l'obtention de sa citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) plutôt que du paragraphe 5(4) de la Loi, c'est là une question personnelle au demandeur. Il importe peu en vertu de quel paragraphe de la Loi la citoyenneté est accordée. La Loi ne prévoit pas différents types de citoyenneté et ne fait aucune différence entre la citoyenneté obtenue en vertu d'une disposition plutôt que d'une autre.

[11]            Le demandeur a obtenu sa citoyenneté. La question est donc théorique. Il n'existe aucune raison de continuer la procédure de mandamus.

[12]            La Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire d'entendre l'affaire malgré sa nature théorique? Le critère pour continuer une affaire théorique est établi dans la décision Khalil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1727, au paragraphe 8, où le juge Gibson a résumé les facteurs pertinents comme suit :

(1) la question de savoir si un débat contradictoire subsiste entre les parties au sujet des questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire;

(2) la question de savoir si, dans l'ensemble des circonstances, les questions à trancher dans la demande de contrôle judiciaire sont suffisamment importantes pour justifier l'utilisation des ressources judiciaires nécessaires à cette fin, au sens où la décision aurait des effets pratiques sur les droits des parties;

(3) la question de savoir si la Cour sloignerait de son rôle juridictionnel traditionnel si elle tranchait la demande de contrôle judiciaire.


[13]            Dans la présente affaire, rien ne favorise l'exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d'entendre l'affaire malgré sa nature théorique. À part la présente instance, il ne subsiste aucun débat contradictoire entre les parties. Il y a eu de nombreuses procédures judiciaires dans la présente affaire. L'économie des ressources judiciaires exige clairement que la présente affaire se termine rapidement. Enfin, il n'appartient pas à la Cour de passer au peigne fin la manière dont le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire quand le résultat est précisément le même, qu'il accorde la citoyenneté aux termes du paragraphe 5(1) ou du paragraphe 5(4) de la Loi.

Outrage criminel au tribunal pour abus de pouvoir

[14]            Indépendamment de la question de savoir si l'on peut greffer une procédure d'outrage au tribunal à une requête en mandamus, le demandeur n'a pas réussi à établir le fondement d'une procédure d'outrage au tribunal.


[15]            L'article 467 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (Règles) formule une procédure en deux étapes pour établir l'outrage au tribunal. Le demandeur doit d'abord obtenir une ordonnance enjoignant à la personne soupçonnée d'outrage au tribunal de comparaître devant un juge pour présenter une défense. Il incombe au demandeur d'établir une preuve prima facie qu'il y a eu outrage au tribunal pour qu'une telle ordonnance soit rendue. Dans la présente affaire, la Cour doit donc décider si la preuve par affidavit déposée par le demandeur pour l'obtention d'une ordonnance de justification prouve que le défendeur (c'est-à-dire le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou l'un de ses employés) a commis l'outrage décrit à l'article 466 des Règles.

[16]            Le dossier de la demande, déposé le 21 juillet 2003, contient des affidavits du demandeur qui sont remplis d'allégations de conduite irrégulière. Cependant, il n'existe aucun élément de preuve dans la demande qui démontre que le ministre ou ses employés, qui sont responsables du traitement de la demande de citoyenneté du demandeur, ont désobéi à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour ou ont agi de façon à :

[traduction]

[abuser] de son pouvoir dans le traitement de la demande de citoyenneté du demandeur en vertu du paragraphe 5(4) et/ou du paragraphe 5(1) de la Loi sur la Citoyenneté avec l'intention d'entraver le cours de la justice de façon à nuire à l'administration ordonnée de la justice, en contournant le processus, et en portant atteinte à l'autorité de la Cour. (Dossier du demandeur, page 3.)

[17]            Le demandeur croit fermement qu'il se trame un complot contre lui. Il aimerait beaucoup avoir la possibilité d'exposer ce prétendu complot dans le cadre d'une audition en Cour. Cependant, une allégation d'outrage au tribunal, non soutenue par la preuve n'est pas un bon moyen d'en arriver à ses fins.


Frais

[18]            Le défendeur a demandé que lui soient accordés les frais de la présente requête. Le demandeur a demandé l'annulation de toutes les ordonnances quant aux dépens précédemment rendues contre lui, ainsi que le paiement de 50 000 $ pour les frais cumulés relativement à toutes les procédures qui se sont déroulées jusqu'à maintenant dans la présente affaire.

[19]            Je suis d'avis que suffisamment de temps et de ressources de la Cour ont été utilisés dans la présente affaire. Ce dossier devrait être fermé. Je n'accorderai pas de dépens pour cette requête. Avant que toute autre procédure ne soit entamée dans la présente affaire, j'exerce aussi par les présentes mon pouvoir discrétionnaire et j'annule toutes les ordonnances rendues quant aux dépens dans les procédures antérieures.

[20]            La demande de bref de mandamus, datée du 13 mai 2003 et déposée le 21 juillet 2003, est par les présentes rejetée. Toutefois, l'ordonnance du juge O'Reilly, datée du 19 novembre 2003, demeure en vigueur.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de bref de mandamus, datée du 13 mai 2003 et déposée le 21 juillet 2003, est par les présentes rejetée en raison de sa nature théorique.


2.         Il n'y aura pas d'ordonnance quant aux dépens. Toutes les ordonnances rendues quant aux dépens dans des procédures antérieures sont par les présentes annulées.

3.         L'ordonnance du juge O'Reilly datée du 19 novembre 2003 demeure en vigueur en ce qui a trait à toutes les procédures actuelles ou futures dans la présente affaire.                        

                                                                 « Konrad von Finckenstein »          

                                                                                                     Juge                              

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       T-768-03

INTITULÉ :                      KEYVAN NOURHAGHIGHI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 17 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :    LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :     LE 18 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Keyvan Nourhaghighi          POUR SON PROPRE COMPTE

Lorne McClenaghan            POUR LE DÉFENDEUR

Sally Thomas

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Keyvan Nourhaghighi          POUR SON PROPRE COMPTE

Toronto (Ontario)                                             

Morris Rosenberg                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)               


             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20040218

Dossier : T-768-03

ENTRE :

KEYVAN NOURHAGHIGHI

                                                           

                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                   

                                                           


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