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Date : 20000420


Dossier : T-549-98


Ottawa (Ontario), le 20 avril 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O"KEEFE


ENTRE :


MATTHEW G. YEAGER



demandeur



et



LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA et

LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA



défendeurs



MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O"KEEFE

[1]      L"audition de la présente affaire se rapportait aux requêtes présentées par le demandeur, Matthew G. Yeager, et par le défendeur, le Commissaire à l"information du Canada (le commissaire), à savoir :

     1.      Une requête présentée par le demandeur en vue de l"obtention d"une ordonnance lui accordant l"autorisation de modifier son avis de requête introductive d"instance, prorogeant le délai de dépôt des affidavits qui permettront, au besoin, aux parties de présenter de nouveaux éléments de preuve par suite des modifications effectuées et permettant le dépôt d"un mémoire complémentaire des faits et du droit;
     2.      Une requête présentée par le commissaire défendeur en vue de l"obtention d"une ordonnance le radiant à titre de partie défenderesse et radiant la demande que le demandeur avait présentée contre lui.

REQUÊTE DU DEMANDEUR

Modification de l"avis de requête introductive d"instance

[2]      Le demandeur cherche à modifier son avis de requête de façon à modifier la réparation sollicitée dans la demande. Le demandeur sollicitait initialement un jugement déclaratoire portant que la décision du commissaire porte atteinte aux droits qui lui sont reconnus par la Charte, un jugement déclaratoire portant que la décision du Service correctionnel du Canada (le SCC) de ne pas communiquer les documents qu"il avait demandés viole la Loi sur l"accès à l"information (la Loi), L.R.C. (1985), ch. A-1, ainsi qu"un bref de mandamus enjoignant au SCC de lui communiquer les documents demandés.

[3]      Si les modifications sont autorisées, le demandeur entend solliciter la réparation suivante :

     1.      Un jugement déclaratoire portant que la décision du commissaire viole la Loi;
     2.      Un jugement déclaratoire portant que la décision du SCC de ne pas communiquer les documents demandés porte atteinte aux droits reconnus au demandeur à l"alinéa 2b ) de la Charte;
     3.      Une ordonnance enjoignant au SCC de communiquer au demandeur les documents demandés.

[4]      De plus, le demandeur voudrait apporter diverses modifications aux moyens invoqués à l"appui de la réparation demandée. Ces modifications ne semblent pas prêter à controverse et semblent simplement préciser les faits et les points litigieux.

[5]      Le SCC défendeur s"oppose auxdites modifications pour le motif qu"à son avis, il faudrait interroger de nouveau les déposants et déposer des mémoires additionnels, ce qui retarderait encore plus l"audition de la demande. Si les modifications sont autorisées, le SCC demande qu"il lui soit accordé un délai de 30 jours pour déposer les documents complémentaires et un délai additionnel de 20 jours pour tout réinterrogatoire ou contre-interrogatoire du demandeur.

[6]      Le commissaire défendeur a également déposé des observations, en s"opposant aux modifications projetées pour le motif qu"elles sont préjudiciables et qu"il s"agit uniquement d"une tactique visant à corriger les erreurs commises dans la demande.

[7]      De son côté, le demandeur soutient que les modifications en question sont nécessaires en vue d"assurer la bonne administration de la justice, étant donné qu"il allègue que son premier avocat ne s"est pas bien acquitté de sa tâche.

Les dispositions législatives applicables : modifications

[8]      La règle 75 des Règles de la Cour fédérale prévoit que la Cour peut à tout moment autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de " protéger les droits de toutes les parties ". Cette règle doit être interprétée à la lumière de la règle 3 :

3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[9]      L"arrêt Canderel Ltée c. Canada , [1994] 1 C.F. 3 (C.A.) fait autorité en ce qui concerne l"octroi de l"autorisation de modifier des documents en vertu de la règle 75. La Cour d"appel a statué qu"il n"est pas possible d"énumérer tous les facteurs dont il faut tenir compte en décidant s"il convient d"accorder l"autorisation, mais la règle générale est qu"une modification devrait être autorisée aux fins de la détermination des véritables questions litigieuses -- pourvu que cette autorisation ne cause pas aux autres parties une injustice que des dépens ne pourraient pas réparer.

[10]      Les facteurs à prendre en compte pour déterminer si un préjudice non indemnisable serait subi sont notamment le stade auquel en est l"instance lorsque la modification est demandée, la mesure dans laquelle la modification retarde la tenue rapide de l"instruction et la mesure dans laquelle la position de l"autre partie, selon ses plaidoiries et ses arguments, serait minée ou inaltérable : Scanner Industries c. Canada [1994] 69 F.T.R. 310; confirmé [1994] 172 N.R. 313 (C.A.F.).

Les dispositions législatives applicables : affidavits et mémoires complémentaires

[11]      En l"espèce, il se peut que les dépôts additionnels projetés ne puissent pas à proprement parler être considérés comme une " contre-preuve " classique, étant donné qu"ils sont uniquement nécessaires par suite des modifications qui pourront être apportées à l"avis de requête introductive d"instance. Toutefois, la jurisprudence se rapportant aux circonstances dans lesquelles la contre-preuve sera autorisée peut fournir des indications lorsqu"il s"agit de déterminer s"il convient d"effectuer des dépôts additionnels en l"espèce.

[12]      La règle 312 prévoit le dépôt d"affidavits et de mémoires complémentaires avec l"autorisation de la Cour. L"arrêt Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc. (1997), 77 C.P.R. (3d) 15 (1re inst.) fait autorité à ce sujet. Dans cet arrêt, il a été statué que l"autorisation devrait être accordée si, ce faisant, cela sert l"intérêt de la justice, cela aide la Cour et cela ne cause pas de préjudice important ou sérieux aux autres parties.

Analyse

[13]      Les Règles confèrent à la Cour un vaste pouvoir discrétionnaire sur ce point, mais la jurisprudence indique que les modifications devraient être autorisées dans la mesure où le préjudice subi par les autres parties peut faire l"objet d"une indemnité au moyen de l"octroi des dépens. Étant donné la nature facultative de la règle régissant l"octroi de l"autorisation de modifier un document, la nature de cette instance et les faits de l"affaire, je suis porté à accorder l"autorisation de modifier l"avis de requête. Il est vrai que les modifications sont demandées tardivement -- après la clôture des plaidoiries -- et que la nature des modifications peut nécessiter une réouverture de la preuve. Toutefois, à mon avis, le fait que les modifications fourniront des précisions permettra de mieux délimiter les points litigieux et cela l"emporterait sur les effets préjudiciables des modifications. Le seul préjudice causé résulte du fait que l"audition de la demande sera retardée et, même si ce retard est peut-être à première vue préjudiciable et non indemnisable eu égard aux circonstances de l"espèce, je crois que le préjudice subi n"est pas important. Par conséquent, à mon avis, les effets bénéfiques résultant de l"octroi de l"autorisation l"emportent sur les effets préjudiciables.

[14]      En ce qui concerne le dépôt d"une preuve par affidavit additionnelle, je note que ce dépôt ne se produira que dans la mesure où il sera nécessaire de le faire par suite des modifications. La réparation demandée contre les parties défenderesses ne sera plus la même, mais les faits et les points litigieux n"auront pas changé -- le demandeur se fondera sur les mêmes faits et contestera la même ligne de conduite. Cet état de choses causera un retard et des coûts additionnels, mais je crois qu"ils seront minimes.

REQUÊTE DU COMMISSAIRE À L"INFORMATION

[15]      Le commissaire a présenté une requête en vue d"être radié à titre de partie défenderesse.

[16]      Le commissaire soutient qu"il devrait être radié à titre de partie défenderesse parce qu"à son avis, ses recommandations ne constituent pas une question susceptible de faire l"objet d"une demande de contrôle judiciaire. De plus, le commissaire soutient que la demande ne révèle pas l"existence d"une cause raisonnable d"action qui puisse être invoquée contre lui. Le commissaire soutient également que la conduite négligente du demandeur, en l"espèce, permet à la Cour d"exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de la règle 400(3)k ) lorsqu"il s"agit de fixer le montant des dépens que le demandeur doit payer par suite des mesures inappropriées qui ont été prises au cours de l"instance.

Les dispositions législatives applicables : le commissaire à titre de défendeur

[17]      L"arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) et Frank Bernard [1994] 2 C.F. 447 (C.A.F.) (ci-après l"arrêt Bernard ), est à mon avis ici pertinent. Ni l"une ni l"autre des parties requérantes n"a cité cet arrêt. Dans l"arrêt Bernard , la Cour d"appel a statué qu"un tribunal dont la décision fait l"objet d"une demande de contrôle judiciaire n"est pas une partie appropriée dans la demande. La Cour d"appel a été influencée dans sa décision par un examen de la règle suivante (qui faisait partie des anciennes Règles de la Cour fédérale , C.R.C. 1978, ch. 663), concernant la signification de l"avis de requête :

1604.(1) The notice of motion, the applicant"s affidavits and the respondent"s affidavits shall be served on

(a) the other parties;

(b) the federal board, commission or other tribunal in respect of which the application is made; and

(c) all interested persons, unless the Court orders otherwise.

1604(1) L"avis de requête, les affidavits de la partie requérante et ceux de la partie intimée sont signifiés:

a) aux autres parties;

b) à l"office fédéral visé par la demande;



c) à toute personne intéressée, sauf ordonnance contraire de la Cour.

[18]      La Cour a conclu que cette disposition impliquait de toute évidence que l"office fédéral n"est, en général, ni une partie à la demande ni une personne intéressée.

[19]      Le juge MacKay a suivi l"arrêt Bernard dans la décision Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l"information) [1998] 1 C.F. 337 (1re inst.).

[20]      Cette demande a été présentée le 27 mars 1998, environ un mois avant l"entrée en vigueur de nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998) , DORS/98-106. La question de l"applicabilité des nouvelles règles n"a pas été débattue devant moi. Toutefois, indépendamment de l"ensemble de règles en cause, le raisonnement qui a été fait dans l"arrêt Bernard est encore à mon avis valable.

[21]      Examinons la nouvelle règle 304, qui a remplacé la règle 1604 :

304. (1) Unless the Court directs otherwise, within 10 days after the issuance of a notice of application, the applicant shall serve it on

(a) all respondents;

(b) in respect of an application for judicial review or an application appealing the order of a tribunal,

(i) . . . the tribunal in respect of which the application is brought,

(iii) the Attorney General of Canada;

(c) where the application is made under the Access to Information Act, the Privacy Act or the Official Languages Act, the Commissioner appointed under that Act.

304. (1) Sauf directives contraires de la Cour, le demandeur signifie l'avis de demande dans les 10 jours suivant sa délivrance:

a) aux défendeurs;

b) s'il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire ou d'un appel d'une ordonnance d'un office fédéral:

(i) à l'office fédéral visé par la demande, sauf s'il s'agit d'un agent des visas,

(iii) au procureur général du Canada;

c) si la demande est présentée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la Loi sur les langues officielles, au commissaire compétent sous le régime de cette loi;

[22]      De plus, la règle 303 prévoit d"une façon plus explicite qui peut être désigné à titre de défendeur :

303. (1) Subject to subsection (2), an applicant shall name as a respondent every person

(a) directly affected by the order sought in the application, other than a tribunal in respect of which the application is brought; or

(b) required to be named as a party under an Act of Parliament pursuant to which the application is brought.


(2) Where in an application for judicial review there are no persons that can be named under subsection (1), the applicant shall name the Attorney General of Canada as a respondent.

303. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur:

a) toute personne directement touchée par l'ordonnance recherchée, autre que l'office fédéral visé par la demande;

b) toute autre personne qui doit être désignée à titre de partie aux termes de la loi fédérale ou de ses textes d'application qui prévoient ou autorisent la présentation de la demande.

(2) Dans une demande de contrôle judiciaire, si aucun défendeur n'est désigné en application du paragraphe (1), le demandeur désigne le procureur général du Canada à ce titre.

[23]      À mon avis, la nouvelle règle est un peu plus explicite puisqu"elle laisse entendre que l"office ne peut pas être partie à la demande.

[24]      Le demandeur se fonde sur la décision que cette cour a rendue dans l"affaire Moar c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) [1992] 1 C.F. 501 (1re inst.), où le commissaire à la protection de la vie privée n"a pas été radié à titre de partie dans une demande de contrôle judiciaire. Les faits de l"affaire Moar et les dispositions législatives qui s"appliquaient sont remarquablement semblables à ceux de la présente espèce, mais cette décision a été rendue deux ans avant l"arrêt Bernard et il faut donc considérer qu"elle n"a plus d"effet.

[25]      Dans l"arrêt Bernard , il a été statué que le tribunal (le commissaire) ne peut pas être désigné à titre d"intimé dans une demande visant au contrôle judiciaire de ses actions ou recommandations. Toutefois, cette conclusion ne veut pas nécessairement dire que l"office en question est à l"abri de tout contrôle judiciaire. Les actions de l"office fédéral en cause peuvent néanmoins être révisées, mais sans que l"office lui-même soit désigné à titre de partie défenderesse.

[26]      Cette conclusion aurait pour effet de régler la requête présentée par le commissaire. Le commissaire n"est pas une partie défenderesse appropriée. Toutefois, étant donné qu"un grand nombre des arguments soulevés par le commissaire sont en fait des arguments subsidiaires visant à la radiation de la réparation pour le motif qu"elle ne révèle aucune cause raisonnable d"action, j"examinerai ces arguments dans les sections qui suivent.

Les dispositions législatives applicables : portée de l"examen

[27]      Le commissaire soutient avec vigueur non seulement qu"il ne doit pas être partie, mais aussi que son enquête et ses recommandations ne peuvent pas faire l"objet d"une demande de contrôle judiciaire.

[28]      La jurisprudence reconnaît expressément que l"enquête menée par le commissaire est susceptible d"examen lorsqu"il s"agit de déterminer si elle est légale et si le commissaire a la compétence voulue, mais non lorsqu"il s"agit de déterminer si le commissaire a exercé à bon droit son pouvoir discrétionnaire. Dans la décision Canada (P.G.) c. Canada (C.I.), supra , le juge MacKay a dit que dans la mesure où les normes minimales d"équité sont respectées et où la recommandation n"est pas manifestement déraisonnable compte tenu de la preuve et des documents dont disposait le commissaire, la Cour n"interviendra pas :

Or, il ne s"agit pas d"une question [la question du bien-fondé de la recommandation] relevant de la compétence de la Cour. Sauf si la demande et les affidavits à l"appui renferment un élément permettant de conclure que le Commissaire a agi illégalement, que ses recommandations étaient manifestement déraisonnables, compte tenu de la preuve dont il était saisi, ou qu"il n"a pas respecté la norme d"équité minimale exigée de lui dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, la Cour ne peut intervenir.

[29]      Et dans la décision Wells c. Canada (Ministre des Transports), T-1729-92, 19 avril 1993, le juge en chef adjoint Jerome (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :

Lorsque la plainte contre un organisme public ne porte pas sur son refus d"exécuter ses obligations statutaires, mais seulement sur le mode d"exécution de ces obligations, la Cour se gardera d"intervenir, sauf s"il y a lieu de croire que l"organisme public a agi de mauvaise foi ou pour des motifs inavouables.

[30]      Ces décisions envisagent clairement le contrôle judiciaire de la conduite de l"enquête menée par un commissaire, contrairement à l"argument convaincant que l"avocat du commissaire a invoqué.

Les dispositions législatives applicables : requête visant à la radiation fondée sur l"absence de cause raisonnable d"action

[31]      L"arrêt David Bull Laboratories c. Pharmacia [1995] 1 C.F. 588 (C.A.) fait autorité en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles une plaidoirie ou une demande peut être radiée (page 600). Selon le critère énoncé dans cet arrêt-là, la demande serait radiée si elle était " manifestement irrégulière au point de n"avoir aucune chance d"être accueillie ". Il a été statué que la Cour était autorisée à radier la demande à cause de la compétence intrinsèque qu"elle possède en vue de contrôler ses propres procédures, ou au moyen de la règle 4 -- la " règle des lacunes " -- qui lui permet de déterminer la procédure applicable en cas de silence des Règles.

[32]      Le commissaire soutient que la demande " n"a aucune chance d"être accueillie ", étant donné que l"affaire n"a plus qu"un intérêt théorique. Le commissaire affirme que l"affaire n"a plus qu"un intérêt théorique parce qu"il fait uniquement des recommandations et qu"il ne peut pas ordonner au SCC de communiquer les documents au demandeur.

[33]      J"ai examiné l"affidavit du 27 mars 1998 de M. Yeager et en particulier le paragraphe 22 de cet affidavit ainsi que le paragraphe 7 de l"affidavit que celui-ci a établi le 31 mai 1999, de même que le paragraphe 7 des moyens modifiés invoqués à l"appui de la demande. Il ressort de ces paragraphes que le demandeur allègue que le commissaire n"a pas enquêté sur la plainte d"une façon régulière.

[34]      Il est essentiel de se rappeler qu"il ne s"agit pas ici d"une audience portant sur le bien-fondé de la demande, mais plutôt d"une requête qui m"oblige à déterminer si la demande que le demandeur a présentée à l"égard du commissaire est " manifestement irrégulière au point de n"avoir aucune chance d"être accueillie " (voir David Bull Laboratories c. Pharmacia (supra) ). Si le demandeur a raison, tel qu"il est énoncé au moyen 7 de son avis modifié de requête et aux paragraphes 7 et 22 de ses affidavits, il semblerait que le commissaire n"a peut-être pas examiné la plainte déposée par M. Yeager. Le commissaire est tenu d"enquêter sur les plaintes reçues des personnes qui se sont vu refuser l"accès à un document en vertu de la Loi sur l"accès à l"information. Si les allégations sont exactes, c"est au juge qui entend la requête au fond plutôt qu"au juge saisi de la requête visant à la radiation de la demande qu"il appartient de se prononcer. Le demandeur ne sollicite pas un examen de la décision ou de la recommandation du commissaire, mais il affirme plutôt que le commissaire n"a pas examiné la plainte qui avait été déposée.

[35]      En outre, je ne crois pas que le droit empêche le demandeur de solliciter une réparation contre le commissaire eu égard aux circonstances de l"espèce. Selon la preuve, le demandeur sollicite l"examen de la conduite du commissaire et allègue que celui-ci a mené une enquête inéquitable et incomplète. La jurisprudence n"empêche aucunement pareil examen. De plus, il ne convient pas à mon avis de chercher à refuser au demandeur une réparation contre le commissaire simplement parce que la demande vise également à l"octroi d"une réparation sous la forme de l"accès aux documents du SCC. La réparation demandée comporte deux volets : l"examen de l"enquête du commissaire et l"examen du refus du SCC de communiquer les documents. La réparation demandée contre le commissaire ne peut pas aboutir à la communication des documents, mais cela ne permet pas pour autant d"empêcher le demandeur de solliciter une réparation contre le commissaire.

[36]      Pour que les choses soient claires, j"ajouterais qu"à mon avis, le droit applicable est tel qu"il est énoncé par le juge MacKay dans la décision Canada (Procureur général) c. Canada, supra , aux pages 365 et 366 :

À mon avis, la requête introductive d"instance des requérants vise à contester le bien-fondé de la recommandation du Commissaire. Or, il ne s"agit pas d"une question relevant de la compétence de la Cour. Sauf si la demande et les affidavits à l"appui renferment un élément permettant de conclure que le Commissaire a agi illégalement, que ses recommandations étaient manifestement déraisonnables, compte tenu de la preuve dont il était saisi, ou qu"il n"a pas respecté la norme d"équité minimale exigée de lui dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, la Cour ne peut intervenir.

Cependant, comme je l"ai déjà dit, il est allégué que le commissaire n"a pas examiné la plainte qui lui avait été transmise. De plus, il est allégué que le commissaire n"a pas donné au demandeur la possibilité de présenter des observations. Il s"agit de questions qu"il incombe au juge qui entend la requête de trancher.

[37]      D"autre part, il y a la décision qui a été rendue dans l"affaire David Bull , où est énoncé un critère strict à l"égard des requêtes préliminaires en radiation. Dans une demande sommaire comme celle-ci, le bien-fondé de l"affaire devrait être débattu à l"audience même et, par conséquent, la requête visant à la radiation des demandes présentées contre le commissaire n"est pas accueillie.

[38]      En conclusion, le commissaire devrait être radié à titre de partie défenderesse, et son nom devrait être enlevé de l"intitulé de la cause. Selon les Règles et la jurisprudence, l"office dont la décision est examinée ne peut pas être une partie défenderesse dans l"instance.

[39]      Le demandeur disposera d"un délai de trente (30) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer des documents complémentaires, après quoi les défendeurs disposeront d"un délai de vingt (20) jours pour procéder au réinterrogatoire ou aux contre-interrogatoires. Les défendeurs disposeront également d"un délai de trente (30) jours à compter de la date du dépôt des documents complémentaires du demandeur pour déposer leurs documents complémentaires.

[40]      Toutefois, il y a un problème; en effet, par suite de l"autorisation qui est accordée en vue de la modification de l"avis de requête et de la radiation du commissaire à titre de partie défenderesse, une réparation est demandée contre le commissaire, alors qu"il n"y a pas de partie défenderesse.

[41]      J"ordonnerai donc en outre que l"autorisation qui est accordée en vue de la modification de la réparation demandée contre le commissaire et des moyens invoqués à l"appui soit assortie d"une condition, à savoir qu"une partie défenderesse appropriée soit désignée et que celle-ci reçoive signification de tous les documents pertinents dans les procédures où une réparation est demandée contre le commissaire, conformément à la règle 303(2) des Règles de la Cour fédérale , dans les vingt et un (21) jours de la date de cette ordonnance. L"inobservation de cette condition entraînera l"octroi de la requête visant à la radiation de la réparation demandée contre le commissaire.

[42]      Le Commissariat à l"information du Canada devra toutefois continuer à recevoir signification de tous les dépôts effectués dans l"instance.

[43]      Les défendeurs auront droit aux dépens de la requête visant à la modification des plaidoiries et de la requête visant à la radiation du commissaire à titre de partie, le montant y afférent devant être fixé de gré à gré par les parties; à défaut d"entente, le montant sera fixé par l"officier taxateur. Le demandeur aura droit à ses dépens contre le commissaire à l"égard de la requête en radiation qu"il a présentée, le montant y afférent devant être fixé de gré à gré par les parties; à défaut d"entente, le montant sera fixé par l"officier taxateur.











ORDONNANCE

     IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

[44]      La requête visant à la modification de l"avis de requête introductive d"instance est accueillie.

[45]      Le demandeur disposera d"un délai de trente (30) jours pour déposer des documents complémentaires; dans les trente (30) jours qui suivront, les défendeurs pourront déposer des documents complémentaires, ces derniers disposant en outre d"un délai de vingt (20) jours, après l"expiration du délai de trente (30) jours dans lequel le demandeur peut déposer des documents complémentaires, en vue de procéder au réinterrogatoire ou au contre-interrogatoire à l"égard des affidavits complémentaires du demandeur.

[46]      La requête visant à la radiation du commissaire à l"information à titre de partie défenderesse est accueillie.

[47]      La requête du commissaire à l"information visant à la radiation de la demande d"examen présentée contre lui est rejetée.

[48]      L"autorisation qui est accordée à l"égard de la modification de la réparation demandée contre le commissaire et des moyens y afférents est assortie d"une condition ; une partie défenderesse appropriée devra être désignée, cette partie devant recevoir signification de tous les documents pertinents dans les procédures où une réparation est demandée contre le commissaire conformément à la règle 303(2) des Règles de la Cour fédérale , dans les vingt et un (21) jours de la date de cette ordonnance. L"inobservation de cette condition entraînera l"octroi de la requête en radiation de la réparation demandée contre le commissaire.

[49]      Les défendeurs auront droit aux dépens de la requête visant à la modification des plaidoiries et de la requête visant à la radiation du commissaire à l"information à titre de partie, le montant y afférent devant être fixé de gré à gré par les parties; à défaut d"entente, le montant sera fixé par l"officier taxateur.

[50]      Le demandeur aura droit à ses dépens contre le commissaire à l"information à l"égard de la requête en radiation qu"il a présentée, le montant y afférent devant être fixé de gré à gré par les parties; à défaut d"entente, le montant sera fixé par l"officier taxateur.





                             John A. O"Keefe                                          J.C.F.C.


OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 avril 2000


Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



Date : 20000420


Dossier : T-549-98


ENTRE


MATTHEW G. YEAGER



demandeur



et



LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA et

LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA



défendeurs







MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  T-549-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MATTHEW G. YEAGER

                         et

                         LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA, LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA et LE COMMISSAIRE À L"INFORMATION DU CANADA

LIEU DE L"AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE MERCREDI 20 OCTOBRE 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE O"KEEFE EN DATE DU 20 AVRIL 2000.


ONT COMPARU :

Neil Wilson                      pour le demandeur
Daniel Brunet                  pour le Commissaire à l"information, défendeur
Christopher Rupar                  pour le Service correctionnel du Canada et le Commissaire du Service correctionnel du Canada, défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson          pour le demandeur

160, rue Elgin

Bureau 2600

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3

Commissariat à l"information          pour le Commissaire à l"information, défendeur

112, rue Kent

Tour B, 3e étage

Place de Ville

Ottawa (Ontario)

K1A 1H3

Ministère de la Justice              pour le Service correctionnel du Canada et le
Édifice commémoratif de l"Est          Commissaire du Service correctionnel du Canada,

284, rue Wellington                  Défendeurs

Bureau 2242

Ottawa (Ontario)

K1A 0H8


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