Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190621


Dossier : IMM-6143-18

Référence : 2019 CF 847

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ANGAGE LAKNATH UDAYANGA PERERA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 23 octobre 2018 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SPR] rejetait la demande d’asile du demandeur présentée au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

II.  Contexte

[2]  Le demandeur, Angage Laknath Udayanga Perera, est un citoyen du Sri Lanka né le 5 novembre 1968. Il est d’origine ethnique cinghalaise.

[3]  Entre 2000 et 2003, le demandeur a travaillé à l’hôpital Navaloka, au Sri Lanka. Au cours de cette période, il a reçu de nombreuses menaces de la part de la police en raison de son insistance à embaucher des personnes d’origine ethnique tamoule pour conduire des ambulances.

[4]  En 2003, le demandeur a déménagé à Cuba lorsque sa première épouse a été nommée à l’ambassade du Sri Lanka, à Cuba.

[5]  En 2007, le mariage du demandeur a pris fin, et il a quitté Cuba pour vivre aux États‑Unis. Le demandeur a rencontré et épousé sa seconde épouse, qui a parrainé sa résidence aux États‑Unis.

[6]  Pendant qu’il vivait aux États‑Unis, le demandeur a participé à des manifestations contre le gouvernement sri‑lankais qui ont eu lieu devant l’ambassade du Sri Lanka à Los Angeles. Lors de ces manifestations, des membres du personnel de l’ambassade du Sri Lanka l’ont confronté et pris en photo. Fâchés de voir que le demandeur, un Cinghalais, manifestait, les membres de l’ambassade l’ont qualifié de traître, en ajoutant qu’un jour, il allait souffrir.

[7]  Le 5 août 2011, le demandeur est retourné au Sri Lanka pour rendre visite à sa famille. À son arrivée à l’aéroport de Colombo, au Sri Lanka, il a été interrogé par les autorités, puis il a été libéré.

[8]  Le 20 août 2011, alors qu’il se trouvait toujours au Sri Lanka, le demandeur a été détenu par la police sri‑lankaise, qui l’a interrogé au sujet de son soutien aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET] aux États‑Unis, ainsi que de son embauche de chauffeurs ambulanciers tamouls par le passé. La police lui a dit qu’elle était au courant de sa participation à des manifestations contre le gouvernement sri‑lankais et de son appui au Parti national uni [PNU].

[9]  Le demandeur a été détenu pendant trois jours, au cours desquels on lui a infligé de sévères raclées. Il a finalement été libéré après avoir payé 50 000 roupies. On lui a dit qu’il serait arrêté de nouveau s’il restait au Sri Lanka. À sa libération, il a été hospitalisé pour des ecchymoses à la poitrine et des hémorragies internes.

[10]  Le 26 août 2011, le demandeur est retourné aux États‑Unis.

[11]  La relation entre le demandeur et sa seconde épouse s’est détériorée, et cette dernière a retiré son parrainage de la résidence du demandeur aux États‑Unis. Les autorités de l’immigration des États‑Unis lui ont dit qu’il devait quitter le pays.

[12]  Par conséquent, le demandeur est venu au Canada et a présenté une demande d’asile. Il craint d’être détenu et interrogé s’il retourne au Sri Lanka, en raison de son profil de demandeur d’asile débouté au Canada. Il craint également, en raison de ses activités passées aux États‑Unis et de son arrestation en 2011, qu’on l’interroge au sujet de ses activités au Canada et de son association avec la diaspora tamoule au Canada.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[13]  La SPR a accepté l’identité du demandeur et l’a jugé crédible.

[14]  La SPR a souligné que le demandeur n’avait participé à aucune activité politique depuis son arrivée au Canada et que sa participation à des manifestations contre le gouvernement sri‑lankais remontait à près de dix ans. La SPR a également souligné que le PNU, le parti politique que le demandeur avait appuyé en 2011, appui pour lequel il avait été harcelé, est maintenant au pouvoir au Sri Lanka. La SPR a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour conclure que les autorités sri‑lankaises auraient un intérêt à faire du mal au demandeur en raison de ses activités politiques.

[15]  La SPR a également tenu compte de la preuve concernant les demandeurs d’asile déboutés qui reviennent de l’étranger. La SPR a examiné des rapports selon lesquels, bien que la situation se soit améliorée depuis 2011, les demandeurs d’asile déboutés soupçonnés de liens avec les TLET risquent d’être arrêtés et torturés à leur retour au Sri Lanka. La SPR a ajouté que le demandeur n’a aucun lien direct avec les TLET, qu’il n’a pas été politiquement actif pendant qu’il se trouvait au Canada et que, même s’il a d’abord été détenu, il a finalement été libéré par les autorités en 2011. La SPR a conclu que le demandeur ne serait pas perçu comme une personne étant liée à des factions favorables aux TLET par le gouvernement sri‑lankais actuel et, par conséquent, qu’il n’avait pas de bonnes raisons de craindre d’être persécuté en tant que demandeur d’asile débouté.

[16]  Dans une décision datée du 23 octobre 2018, la SPR a conclu que le demandeur n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR [la décision].

IV.  Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[17]  La seule question dont la Cour est celle de savoir si la SPR a agi de façon déraisonnable lorsqu’elle a examiné les éléments de preuve concernant le risque auquel serait exposé le demandeur à son retour au Sri Lanka. C’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique.

V.  Analyse

[18]  Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur déraisonnable en ne tenant pas compte de la preuve objective au dossier qui appuyait sa demande d’asile. En particulier, le demandeur soutient que la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve suivants :

  • (i) les citoyens non tamouls du Sri Lanka qui ont des liens apparents avec les TLET continuent d’être menacés au Sri Lanka;

  • (ii) les demandeurs d’asile déboutés, à leur retour au Sri Lanka, subissent des contrôles envahissants, en plus d’être exposés à des amendes ou à la détention;

  • (iii) les sympathisants des TLET demeurent la cible de harcèlement et d’attaques au Sri Lanka;

  • (iv) des partisans cinghalais des TLET ont été détenus et torturés.

[19]  Je conclus que la SPR a mené un examen raisonnable des éléments de preuve au dossier. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1993] ACF nº 598, au paragraphe 1 :

Le fait que la Section n’a pas mentionné tous et chacun des documents mis en preuve devant elle n’est pas un indice qu’elle n’en a pas tenu compte; au contraire un tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu’à preuve du contraire.

[20]  Le demandeur affirme à juste titre qu’un décideur en matière d’immigration ne peut pas faire fi d’éléments de preuve qui contredisent directement ses conclusions, ou mentionner ces éléments de preuve sans les examiner de façon significative. Toutefois, la SPR n’a pas commis cette erreur.

[21]  La SPR a clairement reconnu les risques qui continuent d’exister pour les sympathisants apparents des TLET, ainsi que pour les demandeurs d’asile déboutés, à leur retour au Sri Lanka. Bien que la SPR n’ait peut‑être pas fait mention de tous les éléments de preuve contenus dans le dossier, le tribunal était manifestement conscient des dangers potentiels. En particulier, les paragraphes 14, 15, 16 et 17 de la décision font référence à la preuve documentaire des dangers potentiels du retour au Sri Lanka.

[22]  La SPR a examiné les dangers potentiels, mais les a écartés au regard de la situation particulière du demandeur, au motif que :

  • (i) le paysage politique avait changé depuis 2011, et le parti politique (PNU) que le demandeur avait appuyé, appui pour lequel il avait été harcelé, formait maintenant le gouvernement;

  • (ii) le demandeur n’avait participé à aucune activité politique depuis son départ des États‑Unis en 2012 et n’avait participé à aucune activité militante liée aux TLET depuis ce temps;

  • (iii) bien que des dangers persistent, la preuve donne à penser que la situation au Sri Lanka s’améliorait pour les personnes ayant des liens apparents avec les TLET et

  • (iv) bien qu’il soit possible de penser que le demandeur a appuyé les TLET par le passé, il n’avait aucun lien direct avec les TLET (les personnes ayant de tels liens directs sont davantage exposées à des risques).

[23]  Par conséquent, je conclus que la SPR n’a pas commis l’erreur de ne pas tenir compte d’éléments de preuve pertinents. De plus, il est évident que le demandeur cherche en fait à ce que la Cour soupèse de nouveau la preuve, ce qui n’est pas le rôle de la Cour lors d’un contrôle judiciaire.

[24]  Le demandeur soutient également que la SPR a commis une erreur en concluant, au paragraphe 18 de la décision, qu’au moment de sa mise en liberté en 2011, le demandeur s’était fait dire de ne pas retourner à Colombo. Le demandeur laisse entendre qu’il a déclaré dans son témoignage qu’on lui avait dit de ne pas rester au Sri Lanka. Bien que la SPR ait pu mal citer le demandeur, cette erreur mineure n’avait aucune importance dans l’analyse de la SPR. Elle n’a pas influé sur l’analyse ou sur les conclusions de la SPR et elle n’a aucune incidence sur cette décision.

VI.  Conclusion

[25]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑6143‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de juillet 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6143‑18

 

INTITULÉ :

ANGAGE LAKNATH UDAYANGA PERERA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 juin 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 juin 2019

 

COMPARUTIONS :

IAN R. J. WONG

POUR LE DEMANDEUR

 

NEETA LOGSETTY

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

IAN R. J. WONG

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.