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Date : 20040213

Dossier : T-1158-02

Référence : 2004 CF 229

Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                        PAUL ALLAN CARLSON

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                         LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                        défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                Paul Allan Carlson, un détenu fédéral de l'établissement Mountain agissant pour son propre compte, a porté en appel, conformément à l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), la décision en date du 4 février 2003 dans laquelle le protonotaire John Hargrave (le protonotaire) a radié, sans autorisation de modifier, sa déclaration modifiée.


[2]                Comme la décision du protonotaire a eu pour effet de mettre fin à l'action intentée par M. Carlson, je suis tenu, conformément à ce qu'a dit la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, de procéder par instruction de novo, ce qui signifie que dois accorder à la décision du protonotaire le poids qui lui convient sous réserve de mon appréciation discrétionnaire.

[3]                Les motifs du protonotaire sont rédigés comme suit :

[traduction]

4.    Dans la déclaration modifiée qu'il a déposée le 2 décembre 2002, le demandeur réclame à la GRC un montant d'un million de dollars pour les préjudices qu'il aurait subis en raison de sa prétendue incarcération illégale quelques temps avant le procès qui a eu lieu en 1994 et en raison de l'omission de la GRC de l'informer de ses droits, ce qui constitue une violation des droits constitutionnels fondamentaux du demandeur. Toutefois, il s'agit là d'un résumé très sommaire de la déclaration modifiée, qui est complètement incohérente et en grande partie incompréhensible.

5.    La Couronne sollicite maintenant la radiation de la déclaration modifiée pour le motif que la GRC n'est pas une personne morale, et surtout pour le motif que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d'action valable, traite des éléments de preuve et des conclusions plutôt que des faits, contient des allégations non pertinentes ou redondantes et est frivole et vexatoire au point que l'action n'a aucune chance de succès.

6.    Le demandeur a avisé la Cour par écrit qu'il n'avait pas l'intention de contester la requête.

7.    J'ai étudié la déclaration modifiée, les documents présentés par la Couronne et la jurisprudence invoquée par la Couronne. La déclaration modifiée est tellement vague, ambigue, inintelligible et contient si peu de faits pertinents et précis qu'il est impossible à la défenderesse de connaître ou de comprendre les prétentions qu'elle doit réfuter. Cela a non seulement pour effet d'empêcher la défenderesse de présenter une défense valable, mais empêche également la Cour de trancher l'affaire.

8.    Après avoir lu la déclaration modifiée avec ouverture d'esprit, je ne parviens pas à y trouver de cause d'action claire. L'action est radiée non seulement en raison de l'absence d'une cause d'action valable et du fait qu'il est clair et manifeste que le demandeur n'a aucune chance de succès, mais également parce qu'il s'agit dans l'ensemble d'une action scandaleuse, frivole, vexatoire et constituant un abus de procédure, c'est à dire d'une instance qui ne mènera à aucun résultat concret.

9.    La défenderesse me demande de rejeter sommairement la déclaration modifiée. J'ai examiné à la fois la déclaration initiale et la déclaration modifiée. Je ne vois pas le moindre indice de cause d'action qui pourrait être invoquée au moyen d'une autre modification. La déclaration modifiée est radiée sans autorisation de modifier. Conformément à l'article 221, l'action est rejetée.


[4]                Je conviens avec l'avocat de la défenderesse que le présent appel doit être rejeté avec dépens, et ce, pour deux raisons.

[5]                Premièrement, comme l'a fait valoir la défenderesse, le présent appel constitue un abus de procédure parce que le 9 janvier 2003 le demandeur informé le greffe par écrit de ce qui suit :

[traduction]    Je ne signifierai pas/ne déposerai pas de réponse [...] par conséquent, veuillez donner suite ou demander à la Cour de statuer sur le dossier de requête de la défenderesse et me communiquer sa décision lorsqu'elle l'aura rendue.

[6]                La doctrine de l'abus de procédure est souple, et elle permet à la Cour d'exercer un contrôle sur sa procédure dans l'intérêt de la justice.

[7]                Il est clair que le fait de porter une décision en appel lorsqu'on ne l'a pas contestée constitue un abus de procédure, et le fait qu'une personne agisse pour son propre compte ne lui permet pas de se soustraire à l'application de cette doctrine.

[8]                Deuxièmement, l'appel de M. Carlson est mal fondé.

[9]                Contrairement à ce que prétend le demandeur, la forme et le contenu du dossier de requête de la défenderesse qui a été signifié et déposé le 15 janvier 2003 sont conformes aux Règles.

[10]            L'article 23 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif invoqué par le demandeur ne lui permet pas d'établir l'existence d'une cause d'action.


[11]            Comme l'a clairement dit le protonotaire, sa décision repose sur la conclusion selon laquelle [traduction] « la déclaration modifiée est tellement vague, ambigue, inintelligible et contient si peu de faits pertinents et précis qu'il est impossible à la défenderesse de connaître ou de comprendre les prétentions qu'elle doit réfuter [...] mais empêche également la Cour de trancher l'affaire » .

[12]            Cette constatation l'a amené à conclure qu'il lui était impossible de trouver une cause d'action claire.                              

[13]            J'ai examiné la déclaration modifiée et je suis parvenu à la même conclusion que le protonotaire.                        

[14]            De plus, les ordonnances interlocutoires rendues par différents juges de la Cour dans le présent dossier ne reflétaient pas, comme le prétend le demandeur, l'opinion des juges en question au sujet du bien-fondé du présent appel. Elles n'avaient qu'un caractère procédural.


                                                     

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que le présent appel soit rejeté avec dépens.

          « F. Lemieux »         

     Juge

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                T-1158-02

INTITULÉ :                               PAUL ALLAN CARLSON

c.

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :         VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :       LE 11 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :              LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :              LE 13 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Paul Allan Carlson                        POUR SON PROPRE COMPTE

Ken Manning                                POUR LA DÉFENDERESSE

Ministère de la Justice

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                         POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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