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Date : 20190703


Dossier : IMM‑4636‑18

Référence : 2019 CF 886

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2019

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

KELECHI B. AGBAI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, Mme Kelechi B. Agbai, est citoyenne du Nigeria. Le ou vers le 26 septembre 2017, elle a soumis un « profil » de candidature dans le système Entrée express d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC]. Son profil indiquait qu’elle avait une offre d’emploi au Canada appuyée par une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT] valide jusqu’au 19 octobre 2017. Sa candidature a été placée dans le bassin de candidats d’Entrée express le 26 septembre 2017.

[2]  Le 4 octobre 2017, la demanderesse a reçu une invitation à présenter une demande de résidence permanente dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral). L’invitation indiquait qu’elle devait soumettre une demande complète avant le 3 janvier 2018.

[3]  La demanderesse a présenté sa demande de résidence permanente le 13 novembre 2017. Le lendemain, IRCC l’a informée que sa demande avait été reçue et qu’elle faisait l’objet d’un examen pour savoir si elle répondait aux exigences d’une demande complète conformément à l’article 10 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. La lettre d’IRCC informait aussi la demanderesse que le délai de traitement variait d’une demande à l’autre, mais qu’IRCC tentait de traiter la plupart des demandes présentées au moyen d’Entrée express en six (6) mois ou moins.

[4]  Dans une lettre datée du 30 novembre 2017, IRCC a informé la demanderesse qu’elle devait soumettre les documents suivants pour que l’examen de sa demande se poursuive : (1) le formulaire de recours aux services d’un représentant, (2) le formulaire d’autorisation de communiquer des renseignements et (3) le certificat de naissance d’un de ses enfants.

[5]  Le 4 janvier 2018, un analyste de dossiers d’IRCC a inscrit au Système mondial de gestion des cas [SMGC] que l’EIMT fournie par la demanderesse dans Entrée express avait expiré avant la date déterminante de sa demande de résidence permanente. Il a recommandé un examen approfondi du dossier.

[6]  À un moment donné par la suite, le dossier de la demanderesse a été transféré à London pour la suite du traitement. En juillet 2018, le dossier a été renvoyé à Sydney, en Nouvelle‑Écosse, après qu’on eut constaté qu’il avait été transféré à London par erreur.

[7]  Le 31 août 2018, la demanderesse a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire par laquelle elle sollicitait une ordonnance de mandamus pour enjoindre à IRCC d’achever le traitement de sa demande de résidence permanente. Le 21 novembre 2018, cette demande a été rejetée en raison du défaut de la demanderesse de déposer le dossier de demande.

[8]  Le 6 septembre 2018, un agent du Bureau de réception centralisée des demandes à Sydney (Nouvelle‑Écosse) a refusé la demande de résidence permanente de la demanderesse. L’agent a noté que la demanderesse avait indiqué dans son profil d’Entrée express qu’elle avait une offre d’emploi réservé admissible pour laquelle on lui avait attribué 200 points. Cependant, en examinant le dossier de la demanderesse, il a constaté qu’il ne s’agissait pas d’une offre d’emploi admissible au titre du paragraphe 29(2) des Instructions ministérielles concernant le système Entrée express [instructions ministérielles], puisque l’EIMT avait expiré le 19 octobre 2017, alors que la demande de résidence permanente avait été reçue le 13 novembre 2017. Étant donné que la demanderesse n’avait plus d’offre d’emploi réservé admissible au titre du paragraphe 29(2) des instructions ministérielles, elle ne bénéficiait plus des 200 points attribués pour un emploi réservé. Ce changement plaçait la demanderesse sous le rang de la personne la moins bien classée ayant été invitée à poser sa candidature en même temps qu’elle au moyen du système de classement global d’Entrée express. Étant donné que la demanderesse n’avait plus les attributs sur la base desquels elle avait été classée au titre d’une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], l’agent a conclu que la demanderesse ne respectait plus les critères prévus à l’article 11.2 de la LIPR.

[9]  La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision. Elle soutient essentiellement que l’agent a mal interprété le paragraphe 11.2(1) de la LIPR et qu’IRCC a contrevenu à l’équité procédurale en lui imposant un délai de 11 mois tout en sachant que l’EIMT avait expiré avant que soit refusée sa demande de résidence permanente.

II.  Analyse

A.  La norme de contrôle applicable

[10]  La norme de contrôle applicable à l’examen de l’admissibilité d’un demandeur à présenter une demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié (fédéral) est celle de la décision raisonnable (Wijayansinghe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 811, par. 25 [Wijayansinghe]; Hamza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264, par. 14 [Hamza]; Bazaid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 17, par. 36; Khowaja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 823, par. 7; Roberts c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 518, par. 15).

[11]  Lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit prendre en considération la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, par. 59; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47 [Dunsmuir]).

[12]  En ce qui a trait aux questions d’équité procédurale, le rôle de la Cour consiste à décider si la procédure en question est équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Cie de chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, par. 54; Dunsmuir, par. 79).

B.  L’article 11.2 de la LIPR

[13]  La demanderesse soutient que l’agent a mal interprété le paragraphe 11.2(1) de la LIPR. Elle soutient que l’EIMT était valide au moment de l’envoi de l’invitation à présenter une demande de résidence permanente – le 4 octobre 2017 – ainsi qu’au moment où IRCC a reçu sa demande – le ou vers le 26 septembre 2017 – soit lorsque son profil de candidature a été soumis dans Entrée express. La demanderesse prétend que le paragraphe 11.2(1) de la LIPR vise non pas les demandes complètes, mais simplement les demandes reçues. Elle ajoute que le libellé du paragraphe 11.2(1) de la LIPR n’est pas impératif, en raison de l’emploi de l’expression « an agent may not » (dans la version anglaise de la disposition) plutôt que l’emploi des auxiliaires modaux « must » ou « shall ».

[14]  Je ne puis souscrire à l’interprétation du paragraphe 11.2(1) de la LIPR proposée par la demanderesse.

[15]  Pour comprendre les questions en litige devant la Cour, il convient de donner un aperçu du cadre dans lequel s’inscrit la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse.

[16]  Le paragraphe 11.2(1) de la LIPR prévoit ceci :

11.2 (1) Ne peut être délivré à l’étranger à qui une invitation à présenter une demande de résidence permanente a été formulée en vertu de la section 0.1 un visa ou autre document à l’égard de la demande si, lorsque l’invitation a été formulée ou que la demande a été reçue par l’agent, il ne répondait pas aux critères prévus dans une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)e) ou il n’avait pas les attributs sur la base desquels il a été classé au titre d’une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)h) et sur la base desquels cette invitation a été formulée.

11.2 (1) An officer may not issue a visa or other document in respect of an application for permanent residence to a foreign national who was issued an invitation under Division 0.1 to make that application if — at the time the invitation was issued or at the time the officer received their application — the foreign national did not meet the criteria set out in an instruction given under paragraph 10.3(1)(e) or did not have the qualifications on the basis of which they were ranked under an instruction given under paragraph 10.3(1)(h) and were issued the invitation.

(2) Malgré le paragraphe (1), le visa ou autre document peut être délivré à l’étranger si, lorsque sa demande a été reçue par l’agent, selon le cas :

(2) Despite subsection (1), an officer may issue the visa or other document if, at the time the officer received their application,

[…]

b) il n’avait pas les attributs — qu’il avait au moment où l’invitation a été formulée — sur la base desquels il a été classé au titre d’une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)h), mais :

[…]

(b) the foreign national did not have the qualifications they had at the time the invitation was issued and on the basis of which they were ranked under an instruction given under paragraph 10.3(1)(h), but

(i) il répondait aux critères prévus dans une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)e),

(i) they met the criteria set out in an instruction given under paragraph 10.3(1)(e), and

(ii) il occupait un rang qui n’est pas inférieur au rang qu’un étranger devait occuper pour être invité à présenter une demande.

(ii) they occupied a rank that is not lower than the rank that a foreign national was required to have occupied to be invited to make an application.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[17]  La section 0.1 de la partie 1 de la LIPR s’intitule « Invitation à présenter une demande ». Aux termes du paragraphe 10.1(1) de la LIPR, l’étranger qui cherche à entrer au Canada à titre de membre d’une catégorie visée par une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)a) de la LIPR ne peut présenter une demande de résidence permanente que si le défendeur lui a formulé une invitation à le faire.

[18]  Le paragraphe 10.3(1) de la LIPR prévoit que le défendeur peut donner des instructions régissant l’application de la section 0.1, y compris les catégories à l’égard desquelles l’étranger peut être invité à présenter une demande de résidence permanente au titre du paragraphe 10.1(1) (LIPR, al. 10.3(1)a)), les critères que l’étranger est tenu de remplir pour pouvoir être invité à présenter une demande (LIPR, al. 10.3(1)e)) et la base sur laquelle peuvent être classés les uns par rapport aux autres les étrangers pouvant être invités à présenter une demande (LIPR, al. 10.3(1)h)).

[19]  Les instructions ministérielles du défendeur ont été données en vertu de cette disposition. L’une des catégories pour lesquelles une invitation peut être faite au titre du paragraphe 10.1(1) de la LIPR est celle des travailleurs qualifiés (fédéral), visée au paragraphe 75(1) du RIPR.

[20]  Le paragraphe 75(1) du RIPR décrit la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) comme une catégorie de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec. Les critères dont il faut tenir compte pour savoir si un travailleur qualifié « peut réussir son établissement économique au Canada » à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont énoncés au paragraphe 76(1) de la LIPR. Le travailleur qualifié doit notamment avoir accumulé le nombre minimal de points requis en fonction d’un certain nombre de facteurs, dont l’exercice d’un « emploi réservé » aux termes de l’article 82 du RIPR.

[21]  L’article 82 du RIPR définit l’emploi réservé comme une offre d’emploi au Canada faite par un seul employeur, à l’exclusion de certains employeurs spécifiés, pour un travail à temps plein continu d’une durée d’au moins un an à partir de la date de délivrance du visa de résident permanent et appartenant au genre de compétence 0 Gestion ou aux niveaux de compétence A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions.

[22]  Aux termes du paragraphe 29(1) des instructions ministérielles, l’étranger ayant une « offre d’emploi réservé admissible » se verra attribuer 50 ou 200 points, selon le type d’emploi. L’expression « offre d’emploi réservé admissible » est définie au paragraphe 29(2) des instructions ministérielles. Il s’agit d’un emploi réservé au sens du paragraphe 82(1) du RIPR, appuyé par une évaluation valide attestant que les exigences prévues au paragraphe 203(1) du RIPR sont remplies à l’égard de l’offre. Ces exigences comprennent l’appréciation consistant à savoir si le travail de l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien (alinéa 203(1)b) du RIPR).

[23]  Lorsque la demanderesse a été invitée à présenter une demande de résidence permanente, l’invitation était fondée sur les renseignements qu’elle avait inscrits dans son profil d’Entrée express. Elle s’était vu accorder 200 points pour l’emploi réservé et 505 points au total. Lorsqu’elle a présenté sa demande de résidence permanente le 13 novembre 2017, l’EIMT était expirée et elle ne disposait plus d’une « offre d’emploi réservé admissible » aux termes du paragraphe 29(2) des instructions ministérielles, ce qui a entraîné la perte de 200 points. L’agent a conclu que cette perte de points plaçait la demanderesse sous le rang de la personne la moins bien classée ayant été invitée à poser sa candidature en même temps qu’elle, d’après le système de classement global d’Entrée express.

[24]  Même si la demanderesse avait le nombre de points requis au moment où elle a été invitée à présenter sa demande, ce n’était pas le cas au moment où elle a présenté sa demande de résidence permanente.

[25]  La demanderesse se méprend en tenant pour acquis que la demande dont il est question au paragraphe 11.2(1) de la LIPR est celle par laquelle elle a soumis son profil d’Entrée express le 26 septembre 2017 ou peu avant cette date. Elle affirme qu’elle avait présenté sa demande le ou vers le 26 septembre 2017 et prétend l’avoir simplement complétée par la suite, le 13 novembre 2017. À mon avis, l’interprétation donnée par la demanderesse ne trouve pas appui dans le libellé du paragraphe 11.2(1). Son interprétation n’est pas appuyée non plus par le paragraphe 10.1(3) de la LIPR, selon lequel « [l]’étranger qui désire être invité à présenter une demande soumet une déclaration d’intérêt [au défendeur] ». Ainsi, il convient de considérer le profil de la demanderesse soumis dans Entrée express comme une « déclaration d’intérêt », et non comme une demande.

[26]  Enfin, l’argument de la demanderesse selon lequel le paragraphe 11.2(1) prévoit un pouvoir discrétionnaire en raison de l’emploi, dans la version anglaise de la disposition, du verbe « may » (« peut ») au lieu de « shall » (« doit ») est tout aussi sans fondement. Il ressort de l’économie de la version française du paragraphe 11.2(1) de la LIPR que la disposition est nettement plus impérative que discrétionnaire ou permissive.

[27]  Par conséquent, en ce qui a trait à l’application de l’article 11.2 de la LIPR en l’espèce, la date pertinente était le 13 novembre 2017.

C.  Le manquement à l’équité procédurale

[28]  La demanderesse prétend qu’IRCC a contrevenu à l’équité procédurale. Voici l’essentiel de son argumentation : (1) IRCC aurait dû lui renvoyer sa demande jugée incomplète ou bien lui demander une EIMT mise à jour; (2) IRCC lui a fait subir un délai de 11 mois tout en sachant que l’EIMT avait expiré; (3) sa demande de résidence permanente a été refusée en guise de représailles pour avoir présenté une requête en mandamus à la Cour; (4) si sa demande lui avait été renvoyée en novembre 2017, ou si elle avait été refusée à cette date, elle aurait pu présenter une nouvelle demande, accompagnée d’un certificat médical et d’un certificat de police valides. La demanderesse réclame des dépens supplémentaires de 5 500 $ au titre de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 [les RCFCIPR], ainsi qu’un remboursement du paiement de 1 850 $ qu’elle avait effectué.

[29]  Les arguments de la demanderesse sont sans fondement.

[30]  L’agent n’était nullement tenu de lui renvoyer sa demande de résidence permanente du fait qu’elle était incomplète, ni de lui demander une EIMT mise à jour. Bien que l’EIMT ait été une condition préalable à l’attribution de points pour une « offre d’emploi admissible » conformément aux instructions ministérielles, l’« offre d’emploi admissible » n’était qu’un facteur parmi d’autres devant être pris en compte dans l’examen global de la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) dans Entrée express. Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, le fait de ne pas avoir suffisamment de points de classement ne signifie pas que la demande est « incomplète ».

[31]  De plus, il est bien établi que le degré d’obligation qui incombe aux agents des visas en matière d’équité procédurale se situe au bas de l’échelle et que l’équité procédurale s’applique aux doutes quant à la crédibilité, à la véracité ou à l’authenticité des documents présentés plutôt qu’au caractère suffisant de la preuve. L’agent des visas n’est pas tenu de donner au demandeur l’occasion de répondre à des préoccupations lorsque les documents fournis à l’appui de la demande sont incomplets, imprécis ou insuffisants. Rien dans le dossier dont je dispose n’indique que l’agent avait des doutes quant à l’authenticité de la demande (Singh c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 266, par. 14‑16; Wijayansinghe, par. 28‑29; Hamza, par. 23‑25).

[32]  En ce qui a trait à la question du délai de 11 mois, je comprends la frustration de la demanderesse, compte tenu du fait qu’IRCC était au courant que l’EIMT avait expiré bien avant que soit refusée sa demande de résidence permanente. Je reconnais aussi qu’elle puisse avoir l’impression qu’elle a été induite en erreur par la date limite mentionnée dans la lettre d’invitation datée du 4 octobre 2017 qui l’invitait à présenter une demande de résidence permanente.

[33]  Cependant, la lettre d’invitation du 4 octobre 2017 indiquait clairement que, advenant un changement à sa situation, la demanderesse devrait recalculer ses points avant de présenter sa demande de résidence permanente. De plus, la lettre contenait une adresse Internet utile aux fins du recalcul ainsi qu’une indication comme quoi il serait préférable de décliner l’invitation à présenter une demande si la nouvelle somme de ses points était inférieure au nombre de points minimum à partir duquel elle avait été invitée à présenter sa demande, ou si elle ne répondait plus aux critères minimaux essentiels d’Entrée express. La lettre précisait que, si c’était le cas, elle pouvait néanmoins présenter une demande, mais que celle‑ci pourrait être refusée et que les frais y afférents ne lui seraient pas remboursés. En outre, la lettre d’invitation contenait des exemples de changements de situation pouvant entraîner une baisse de points et mentionnait précisément le fait de ne plus avoir une offre d’emploi valide. Les termes employés dans la lettre d’invitation indiquent qu’il incombait à la demanderesse de s’assurer qu’elle conservait le nombre de points minimal requis pour que sa candidature soit retenue dans le cadre du programme Entrée express. Elle aurait pu chercher à obtenir une nouvelle EIMT avant de présenter sa demande de résidence permanente, puisqu’elle avait jusqu’au 3 janvier 2018 pour le faire.

[34]  Par ailleurs, il est vrai que l’accusé de réception daté du 14 novembre 2017 indiquait qu’IRCC tentait de traiter la plupart des demandes en six mois ou moins, mais il y était aussi précisé que le délai de traitement pouvait varier d’une demande à l’autre et qu’en l’espèce cela dépendrait des circonstances propres au dossier de la demanderesse.

[35]  En ce qui concerne la note inscrite au SMGC indiquant qu’IRCC était au courant, le 4 janvier 2018, que l’EIMT avait expiré, il n’était pas déraisonnable pour l’analyste de dossiers d’IRCC de recommander un examen approfondi de la demande de résidence permanente afin de décider si la demanderesse demeurait admissible et si elle avait toujours les attributs sur la base desquels elle avait été classée au moment de l’invitation à présenter une demande (LIPR, al. 10.3(1)h)).

[36]  Certes, il est dommage que le dossier de la demanderesse ait été envoyé à London par erreur; toutefois, la demanderesse ne m’a pas convaincue que le temps qu’il a fallu pour rendre la décision était déraisonnable au point de constituer un manquement à l’équité procédurale.

[37]  Quant à l’allégation de la demanderesse selon laquelle sa demande de résidence permanente a été refusée en guise de représailles pour avoir présenté une requête en mandamus à la Cour, rien au dossier n’appuie une telle allégation.

[38]  Enfin, les dommages‑intérêts ne peuvent être accordés comme réparation dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. De même, aucuns dépens ne devraient être adjugés dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée sous le régime de la LIPR, sauf pour des raisons spéciales (RCFCIPR, art. 22). Le seuil constitué par les « raisons spéciales » est très élevé. Des raisons spéciales peuvent exister lorsque la conduite du défendeur est « inéquitable, abusive, inconvenante ou […] de mauvaise foi » (Uppal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] ACF no 1390 (QL), par. 8). Des juges ont ordonné à une partie de payer des dépens pour cause de retards injustifiés dans certains cas, mais le délai dont il est question en l’espèce n’atteint pas le seuil exigé, qui est élevé. Rien n’indique non plus que le défendeur a agi de mauvaise foi ou d’une manière inéquitable, abusive ou inconvenante. Une simple erreur de la part du décideur ne suffit pas à justifier l’adjudication de dépens (Sapru c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 35, par. 65). Compte tenu de la jurisprudence susmentionnée, je ne suis pas convaincue que le seuil élevé justifiant l’adjudication des dépens a été atteint.

[39]  Par conséquent, je rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’a été proposée aux fins de la certification.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4636‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour d’août 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 


DOSSIER :

IMM‑4636‑18

INTITULÉ :

KELECHI B. AGBAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juin 2019

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

La juge ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

Le 3 juillet 2019

COMPARUTIONS :

Kelechi B. Agbai

La DEMANDEresse

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Maria Green

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

Pour le défendeur

 

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