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Date : 20190626


Dossier : IMM-6001-18

Référence : 2019 CF 865

Montréal (Québec), le 26 juin 2019

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

RAMA DEBBANEH

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision d’un agent d’immigration internationale refusant l’application de résidence permanente de la demanderesse à titre de membre de la catégorie « personnes de pays d’accueil » et à titre de membre de la catégorie « réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ».

II.  Faits

[2]  La demanderesse est une citoyenne de la Syrie âgée de 22 ans. Elle a fait une demande de résidence permanente au Canada à partir du Liban et a été interviewée à Beyrouth par un agent d’immigration le 6 septembre 2018.

[3]  Selon l’histoire racontée par la demanderesse, elle aurait vécu des événements traumatisants en 2011 et en 2015 alors qu’elle vivait en Syrie. L’événement de 2015 l’aurait affectée au point où son père aurait fait les arrangements nécessaires pour qu’elle puisse aller vivre au Liban chez une cousine paternelle. Elle aurait donc déménagé au Liban dans la ville de Burj Hammoud en août 2015. Elle y serait restée jusqu’en décembre 2017 et aurait ensuite déménagé chez de la parenté dans la ville de Bromana.

[4]  La demanderesse a reçu une invitation pour une entrevue dans laquelle il était fait mention de la nécessité d’apporter, entre autres, la carte qui est remise à la frontière par la Sécurité Générale libanaise aux ressortissants syriens. Selon les notes figurant dans le système mondial de gestion des cas, la demanderesse a d’abord dit qu’elle avait perdu cette carte. Elle a éventuellement modifié son récit pour raconter qu’elle n’avait jamais été en possession dudit document, puisqu’elle était entrée illégalement au Liban. Elle ne possédait donc aucune preuve de son séjour de trois ans au Liban. Lors de l’entrevue du 6 septembre 2018, elle a expliqué qu’elle avait décidé de faire un aller-retour entre le Liban et la Syrie la veille afin d’obtenir un document du Liban démontrant qu’elle était entrée dans ce pays.

III.  Décision contestée

[5]  L’agent d’immigration a conclu que les déclarations de la demanderesse n’étaient pas crédibles et par conséquent qu’elle ne rencontre pas les exigences de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR].

[6]  En bref, l’agent a remis en doute le fait que la demanderesse serait déménagée au Liban, seule, alors que sa famille était restée en Syrie. L’agent n’aurait pas été satisfait des réponses fournies à ses questions, trouvant qu’elles étaient vagues et manquaient de détails. L’agent a noté que la demanderesse n’était pas en mesure de décrire où elle habite au Liban et que les documents fournis par la demanderesse ont été contredits par celle-ci lors de l’entrevue.

[7]  L’agent n’a pas cru que la demanderesse habitait le Liban et a conclu que la demanderesse 1) n’avait pas répondu véridiquement aux questions et 2) ne rencontrait pas les exigences de la LIPR et du RIPR.

IV.  Analyse

A.  Remarque préliminaire du défendeur

[8]  Le défendeur a souligné d’entrée de jeu que la demanderesse n’avait pas fourni d’affidavit personnel au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, en contravention du paragraphe 10(2) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22. La demanderesse a expliqué n’avoir pas été en mesure de trouver un notaire au Liban pouvant l’assermenter. La demande est donc accompagnée par l’affidavit d’une avocate pratiquant au Québec.

Mise en état de la demande d’autorisation

Perfecting Application for Leave

10 (2) Le demandeur signifie à chacun des défendeurs qui a déposé et signifié un avis de comparution un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

10 (2) The applicant shall serve on every respondent who has filed and served a notice of appearance, a record containing the following, on consecutively numbered pages, and in the following order

a) la demande d’autorisation,

(a) the application for leave,

b) la décision, l’ordonnance ou la mesure, s’il y a lieu, visée par la demande,

(b) the decision or order, if any, in respect of which the application is made,

c) les motifs écrits donnés par le tribunal administratif ou l’avis prévu à l’alinéa 9(2)(b), selon le cas,

(c) the written reasons given by the tribunal, or the notice under paragraph 9(2)(b), as the case may be,

d) un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués à l’appui de sa demande,

(d) one or more supporting affidavits verifying the facts relied on by the applicant in support of the application, and

e) un mémoire énonçant succinctement les faits et les règles de droit invoqués par le demandeur à l’appui du redressement envisagé au cas où l’autorisation serait accordée,

(e) a memorandum of argument which shall set out concise written submissions of the facts and law relied upon by the applicant for the relief proposed should leave be granted,

et le dépose avec la preuve de la signification.

and file it, together with proof of service.

[9]  Cette Cour a déjà dû se pencher sur cette question et la Cour note que dans la décision Fatima c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1086 [Fatima], citée par le défendeur, il s’agissait de la même avocate que celle qui représente la demanderesse. Dans Fatima, au paragraphe 5, le juge Martineau a déterminé que l’omission de déposer un affidavit de la demanderesse était d’importance majeure :

[5]  En premier lieu, on n’a pas déposé à la Cour, conformément au paragraphe 10(2) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, un affidavit de la demanderesse établissant les faits invoqués à l’appui de la demande de contrôle judiciaire. L’affidavit en date du 27 juillet 2017 d’une avocate travaillant à l’ancien cabinet d’avocats représentant la demanderesse n’est pas suffisant. Depuis que la demande d’autorisation a été accordée par la Cour, le 14 septembre 2017, aucune requête n’a été présentée du côté de la demanderesse ou de ses anciens procureurs aux fins de remplacer l’affidavit déficient de l’avocate par un affidavit de la demanderesse. Il s’agit d’un vice fatal (voir par ex Metodieva c Canada (Ministre de l’Emploi et de l'Immigration) (1991), 132 NR 38, 28 ACWS (3d) 326 (CAF); Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614 aux paras 4-10; et jurisprudence citée dans ces décisions). La Cour n’a donc pas d’autre alternative que de rejeter sommairement la présente demande de contrôle judiciaire.

[10]  La Cour abonde dans le même sens.

[11]  À la lumière de cette conclusion, il n’est pas nécessaire pour le Cour de procéder à une analyse détaillée de la raisonnabilité de la décision de l’agent. La Cour souligne tout de même que les éléments vagues ou contradictoires fournis par la demanderesse, et mis en lumière par l’agent, sont tels que la conclusion voulant que la demanderesse manque de crédibilité était raisonnable.

V.  Conclusion

[12]  Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-6001-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6001-18

 

INTITULÉ :

RAMA DEBBANEH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 juin 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 juin 2019

 

COMPARUTIONS :

Meryam Haddad

 

Pour lA DEMANDERESSE

 

Michel Pépin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Meryam Haddad

Westmount (Québec)

 

Pour lA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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