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Date : 20190627


Dossier : IMM‑5949‑18

Référence : 2019 CF 864

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

BRIGITTA LAKATOS

ANDRAS LAKATOS (par sa tutrice à l’instance, Brigitta Lakatos)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’une agente principale d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [l’agente] datée du 31 juillet 2018 qui a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi [la décision] présentée par les demandeurs.

II.  Contexte

[2]  Les demandeurs sont Brigitta Lakatos [la demanderesse principale ou Mme Lakatos] et son fils Andras. Mme Lakatos est née le 2 mars 1992 à Miskolc, en Hongrie. Elle a la citoyenneté hongroise et elle est d’origine ethnique rom.

[3]  Mme Lakatos est arrivée au Canada en septembre 2011 en compagnie de son conjoint de fait et de son fils. La famille a déposé une demande d’asile dans laquelle le conjoint de Mme Lakatos était le demandeur principal.

[4]  La demande de la famille a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SPR] dans une décision datée du 18 décembre 2012 [la décision de la SPR].

[5]  La famille a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la SPR, mais l’autorisation lui a été refusée en mai 2013.

[6]  En juin 2014, la famille a omis de se présenter pour son renvoi du Canada et un mandat a été délivré pour l’arrestation de Mme Lakatos. Elle a été mise en état d’arrestation le 21 juin 2017.

[7]  Mme Lakatos a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR] le 29 juin 2017. Cette demande a été rejetée le 28 août 2017 [la première décision sur l’ERAR].

[8]  Mme Lakatos a demandé le contrôle judiciaire de la première décision sur l’ERAR. Dans la décision Lakatos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 367 [Lakatos no 1], le juge Diner a fait droit à la demande de contrôle judiciaire. Le juge Diner a statué, au paragraphe 36, que l’agent d’immigration avait commis une erreur susceptible de contrôle en acceptant d’abord le récit fait par la demanderesse principale des agressions dont elle avait été victime et des blessures qu’elle avait subies, en concluant que la police hongroise n’avait pas enquêté de façon compétente sur les crimes haineux et en omettant ensuite d’analyser si les efforts déployés par Mme Lakatos pour tenter d’obtenir la protection de l’État avaient satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait, compte tenu des éléments de preuve acceptés. Pour ces motifs, le juge Diner a renvoyé l’affaire pour nouvel examen.

[9]  Andras a subséquemment reçu signification d’un ERAR. Quand il a déposé la demande d’ERAR d’Andras, l’avocate de Mme Lakatos et d’Andras a demandé que leurs demandes d’ERAR soient décidées ensemble et elle a affirmé qu’Andras allait s’en remettre à la preuve et aux observations de sa mère.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[10]  Les demandeurs se sont présentés à une entrevue avec l’agente le 26 juin 2018 [l’audience]. Les demandeurs étaient représentés par une avocate à l’audience et cette personne agit également comme avocate devant la Cour. L’audience a été tenue avec l’aide d’un interprète.

[11]  Dans la décision datée du 31 juillet 2018, l’agente a rejeté la demande d’ERAR des demandeurs.

[12]  L’agente a d’abord passé en revue le témoignage rendue par Mme Lakatos à l’audience et elle a tiré de nombreuses conclusions défavorables quant à sa crédibilité, notamment pour les motifs suivants :

  • (i) des divergences dans sa description de l’endroit où elle a fréquenté l’école secondaire;

  • (ii) une déclaration selon laquelle une agression contre sa famille en 1992 avait été perpétrée par la Garde hongroise, même si la Garde hongroise n’a été créée qu’en 2007;

  • (iii) une explication insuffisante quant à la discrimination dont elle a fait l’objet lorsqu’elle a reçu des soins médicaux;

  • (iv) une description insuffisante de moments où elle a eu besoin de traitements médicaux;

  • (v) son incapacité à se souvenir du degré d’avancement de sa grossesse au moment d’une agression menée en 2010 par la Garde hongroise au cours de laquelle elle a eu un doigt disloqué.

[13]  L’agente a conclu qu’en raison du manque de crédibilité de Mme Lakatos, la preuve était insuffisante pour établir l’existence d’antécédents personnels de maltraitance équivalant au traitement décrit aux articles 96 et 97 de la LIPR.

[14]  L’agente s’est ensuite penchée sur la preuve documentaire des demandeurs. L’agente a examiné quatre lettres rédigées par des membres de la famille des demandeurs qui décrivaient chacune des incidents de violence et de menaces motivés par leur origine ethnique. L’agente a écarté les lettres en raison d’un manque apparent de précisions, d’un manque de preuve documentaire indépendante les corroborant et du fait que les lettres n’avaient pas été faites sous serment. L’agente a également écarté une note de menaces reçue par la belle‑mère de Mme Lakatos et sur laquelle il était écrit [traduction« Sales gitans, si vous rentrez à la maison, vous allez mourir! », parce que l’auteur de la note ne l’avait pas signée et ne l’avait pas adressée expressément aux demandeurs. En dernier lieu, l’agente a fait abstraction de photos d’une croix gammée peinte sur la porte de la maison de la belle‑mère de Mme Lakatos, parce que les photos n’indiquaient pas que la croix avait été peinte sur la porte de la maison de sa belle‑mère et parce qu’il n’y avait pas de preuve corroborante.

[15]  L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas produit suffisamment d’éléments de preuve documentaire pour démontrer qu’eux‑mêmes ou des membres de leur famille avaient subi en Hongrie de la maltraitance équivalant au traitement décrit aux articles 96 et 97 de la LIPR.

[16]  L’agente a ensuite étudié le dossier sur la situation dans le pays qui avait été préparé par l’avocate des demandeurs. L’agente a conclu que même si la preuve documentaire démontrait que la population des Roms en Hongrie était la cible de préjugés et de mauvais traitements, les demandeurs n’avaient pas réussi à établir qu’ils seraient personnellement victime d’une discrimination équivalant à de la persécution.

[17]  En dernier lieu, l’agente s’est penchée sur l’existence de la protection de l’État. L’agente a fait remarquer que Mme Lakatos avait fait tenter une seule fois de signaler le harcèlement dont elle était victime à la police locale en Hongrie, et qu’elle n’avait pas tenté de faire part de ses inquiétudes à des autorités supérieures ou à des organismes gouvernementaux qui auraient pu lui offrir une protection. L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État.

IV.  Questions en litige

[18]  Les questions en litige sont les suivantes :

  • (i) L’agente a‑t‑elle violé le droit des demandeurs à l’équité procédurale et a‑t‑elle excédé sa compétence en convoquant une audience?

  • (ii) L’appréciation faite par l’agente du risque de persécution des demandeurs en Hongrie est‑elle déraisonnable et l’agente a‑t‑elle appliqué le mauvais critère relativement à l’article 96 de la LIPR?

  • (iii) L’agente a‑t‑elle appliqué un mauvais critère lorsqu’elle a apprécié l’existence de la protection de l’État en Hongrie?

  • (iv) L’agente a‑t‑elle agi de manière déraisonnable dans son appréciation de la preuve de la protection de l’État?

V.  Norme de contrôle

[19]  Le choix du critère relatif à la protection de l’État est une question de droit qui est contrôlable selon la norme de la décision correcte (Kristofova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 415, au par. 30 [Kristofova]; Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004, aux par. 20 à 22). La décision qui s’ensuit quant à la question de savoir si les demandeurs ont réfuté la présomption de protection de l’État est une question mixte de fait et de droit qui doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Kristofova, précitée, au par. 30).

[20]  L’appréciation du risque de persécution pour les demandeurs est contrôlable selon la norme de la décision raisonnable. Toutefois, la question de savoir si le mauvais critère a été appliqué à l’étude de la « persécution » au sens de l’article 96 de la LIPR doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte (Ruszo, précitée, au par. 20).

[21]  Les questions d’équité procédurale sont contrôlables selon la norme de la décision correcte. Toutefois, pour les motifs énoncés ci‑dessous, j’arrive à la conclusion que la Cour n’est saisie d’aucune question d’équité procédurale en tant que telle.

VI.  Analyse

A.  L’agente a‑t‑elle violé le droit des demandeurs à l’équité procédurale et a‑t‑elle excédé sa compétence en convoquant une audience?

[22]  L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement] énumère les facteurs qu’un agent d’immigration doit prendre en considération quand il décide si la tenue d’une audience est requise :

167 Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci‑après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

[23]  Comme le prévoit l’alinéa 113a) de la LIPR, dans une demande d’ERAR, « le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet ».

[24]  L’agente a décidé de tenir une audience. Les demandeurs font valoir que l’agente a excédé sa compétence et a violé leurs droits procéduraux en concentrant son interrogatoire sur la preuve que la SPR avait étudiée et sur laquelle elle s’était prononcée – c’est‑à‑dire les expériences personnelles de maltraitance vécues par Mme Lakatos avant son départ de la Hongrie – et en attaquant la crédibilité des demandeurs pour le motif qu’ils n’avaient pas réussi à produire des éléments de preuve en raison du fait que l’article 113 les empêchait de le faire.

[25]  Le défendeur soulève une objection d’abord en raison du fait que cet argument a été invoqué pour la première fois dans l’exposé complémentaire des demandeurs, qui a été déposé et signifié environ deux semaines avant l’audience sur cette question. Les demandeurs n’avaient pas soulevé la question à l’audience devant l’agente, ni dans leurs observations écrites à l’agente qui ont été préparées après l’audience ni dans leur mémoire demandant l’autorisation de la Cour.

[26]  Dans la décision Al Mansuri c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 22, aux paragraphes 12 et 13 [Al Mansuri], madame la juge Dawson a dressé une liste non exhaustive de facteurs qui peuvent s’appliquer quand la Cour envisage d’exercer son pouvoir discrétionnaire de permettre que des arguments soient soulevés pour la première fois dans un exposé complémentaire :

[12] Pour ces motifs donc, je suis d’avis qu’il appartient dans tous les cas à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en permettant ou non que des arguments soient invoqués pour la première fois dans l’exposé complémentaire des faits et du droit présenté par une partie. Les facteurs à prendre en compte dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire comprennent à mon avis les suivants :

(i) Les faits et éléments intéressant les nouveaux arguments étaient‑ils tous connus (ou raisonnablement accessibles) à l’époque où la demande d’autorisation fut déposée et/ou mise en état?

(ii) Est‑il possible que la partie adverse subisse un préjudice si les nouveaux arguments sont étudiés?

(iii) Le dossier révèle‑t‑il tous les faits à l’origine des nouveaux arguments?

(iv) Les nouveaux arguments sont‑ils apparentés à ceux au regard desquels fut accordée l’autorisation?

(v) Quelle est la force apparente des nouveaux arguments?

(vi) Le fait de permettre que les nouveaux arguments soient invoqués retardera‑t‑il indûment l’audition de la demande?

[13]  Comme je l’ai dit, la liste n’est pas limitative, et tel ou tel facteur ne sera pas nécessairement pertinent dans un cas donné. […]

[27]  Dans une lettre adressée à la Cour en réponse aux objections du défendeur, les demandeurs citent l’arrêt Sattva Capital Corp. c Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, au paragraphe 33 [Sattva], dans lequel la Cour suprême du Canada a accepté d’instruire une question qui n’avait pas été soulevée dans la demande d’autorisation :

À moins que la Cour n’impose des restrictions dans l’ordonnance accordant l’autorisation, cette ordonnance est de « portée générale ». Par conséquent, l’appelant peut soulever en appel une question qui n’était pas énoncée dans la demande d’autorisation. La Cour peut toutefois exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser de trancher une question qui n’a pas été abordée par les tribunaux d’instance inférieure, s’il en résulte un préjudice pour l’intimé, ou si, pour toute autre raison, elle juge opportun de ne pas la trancher.

[Souligné par les demandeurs.]

[28]  Même si les demandeurs mettent l’accent sur la première partie de cette citation, je trouve que la dernière partie est aussi riche en enseignements. Dans l’ensemble, l’analyse de l’arrêt Sattva, indépendamment du fait qu’elle met en cause la procédure de la Cour suprême du Canada plutôt que celle de la Cour fédérale, est compatible avec la démarche décrite dans la décision Al Mansuri; il est possible de soulever un nouvel argument qui n’a pas été invoqué à l’étape de l’autorisation, mais l’argument peut être rejeté à la discrétion de la Cour si la partie adverse en subit un préjudice ou pour tout autre motif.

[29]  Ayant étudié les facteurs énumérés dans la décision Al Mansuri, je refuse d’exercer mon pouvoir discrétionnaire et de permettre que cet argument soit soulevé. Je constate en particulier que les demandeurs connaissaient cet argument avant de préparer leurs observations postérieures à l’audience à l’intention de l’agente et, à coup sûr, avant de déposer leur demande d’autorisation. En fait, la lettre datée du 28 mai 2018, qui donnait avis de l’audience aux demandeurs, indiquait expressément que l’audience allait porter sur [traduction« les expériences de maltraitance fondée sur l’origine ethnique en Hongrie » subies par les demandeurs.

B.  L’appréciation par l’agente du risque de persécution des demandeurs en Hongrie est‑elle déraisonnable et l’agente a‑t‑elle appliqué le mauvais critère relativement à l’article 96 de la LIPR?

(1)  Conclusions sur la crédibilité

[30]  Comme je l’ai déjà mentionné, l’agente a fait abstraction du témoignage de la demanderesse principale en raison d’incohérences et de son incapacité à se souvenir de dates exactes et elle a tiré plusieurs conclusions défavorables concernant sa crédibilité. L’agente a conclu que le témoignage n’était pas suffisamment probant pour démontrer que la demanderesse principale avait été victime de maltraitance équivalant à un traitement décrit aux articles 96 et 97 de la LIPR.

[31]  Les demandeurs font valoir que l’appréciation par l’agente du témoignage de la demanderesse principale à l’audience était déraisonnable, parce que l’agente a fait une analyse exagérément microscopique avant d’écarter son témoignage au sujet d’événements qui se sont produits il y a plus de huit ans, surtout alors qu’elle était mineure. Le défendeur laisse entendre que les conclusions défavorables de l’agente quant à la crédibilité étaient raisonnables et démontraient que la demanderesse principale était un témoin peu fiable et que sa déposition était contradictoire.

[32]  Le témoignage de la demanderesse principale comporte certaines incohérences. Toutefois, ces incohérences de peu d’importance n’affaiblissent pas de manière significative l’ensemble de la preuve concernant la violence qu’elle a subie quand elle était jeune en Hongrie.

[33]  En premier lieu, la demanderesse principale a témoigné d’une agression en 1992 au cours de laquelle les auteurs ont lancé un cocktail Molotov à travers la fenêtre de sa résidence familiale, mettant le feu à sa couchette. La demanderesse principale a subi des brûlures importantes qui lui ont notamment fait perdre tous ses orteils et qui ont nécessité de lourdes chirurgies plastiques alors qu’elle était bébé et pendant toute sa jeunesse. La demanderesse principale a affirmé que son père lui avait dit que cette agression avait été commise par la Garde hongroise. L’agente a rejeté ce témoignage en se fondant sur la preuve documentaire selon laquelle la Garde hongroise n’existait pas avant 2007, et elle en a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[34]  L’agente peut remettre en question l’identité des auteurs de l’agression de 1992, mais il a été clairement établi que la demanderesse principale a été gravement blessée à la suite de celle‑ci. De plus, le fait que l’agente n’ait pas reconnu qu’un cocktail Molotov lancé à travers la fenêtre de la maison d’une famille rom est très probatoire d’une violence motivée par la race déjoue toute logique. Une incohérence concernant l’identité de l’auteur de l’agression, en particulier si elle touche des événements qui se sont produits quand la demanderesse principale était une enfant en bas âge, ne doit pas et ne peut pas atténuer cette réalité.

[35]  Deuxièmement, l’agente a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité en raison du fait que la demanderesse principale a omis d’expliquer suffisamment de quelle manière le personnel de l’hôpital a fait preuve de discrimination à son égard. Les notes de l’agente indiquent que la demanderesse principale a affirmé sous serment qu’on a tardé à lui donner accès à des analgésiques, que les infirmières enfilaient deux paires de gants avant de la toucher, qu’elles évitaient de lui toucher autant que possible et qu’elles la manipulaient rudement. L’agente a rejeté ces explications sous prétexte que la demanderesse principale avait été traitée dans une chambre à part et qu’elle n’aurait donc pas pu savoir si la façon dont elle était traitée était différente de celle dont les infirmières traitaient d’autres patients.

[36]  Là encore, l’agente paraît être à la recherche d’un moyen de rejeter le témoignage de la demanderesse principale. Cette conclusion fait totalement abstraction du contexte de la discrimination importante que subissent les Roms en Hongrie.

[37]  En troisième lieu, l’agente a reproché à la demanderesse principale les éléments suivants : (1) un témoignage incohérent au sujet de l’école qu’elle avait fréquentée en neuvième année et de la question de savoir si la ségrégation était appliquée dans son école de neuvième année, (2) l’incapacité de se souvenir des détails entourant une agression qui s’est produite quand elle avait 13 ou 14 ans et (3) l’incapacité de se souvenir de combien de mois elle était enceinte au moment d’une agression, en 2010, au cours de laquelle elle s’est disloqué un os d’un doigt.

[38]  Le témoignage de la demanderesse principale présentait des incohérences au sujet de chacun de ces événements. Toutefois, l’agente a déraisonnablement écarté l’intégralité du témoignage et a omis de reconnaître que, indépendamment de ces incohérences de peu d’importance, le témoignage de la demanderesse principale donnait fortement à penser qu’elle a subi de la violence à caractère raciste dans sa jeunesse et quand elle était enceinte d’Andras en 2010.

[39]  Dans le même ordre d’idées, une incohérence touchant la question de savoir où la demanderesse principale a fréquenté l’école en neuvième année n’affaiblit pas la preuve selon laquelle elle a été victime de discrimination à l’école et a fini par abandonner l’école secondaire. De plus, son témoignage concernant la discrimination est compatible avec la preuve documentaire portant sur la discrimination exercée contre les enfants des Roms à l’école, et on ne devrait pas lui reprocher une certaine imprécision quant à l’école qu’elle avait fréquentée environ 12 ans avant la décision. Quoi qu’il en soit, l’emplacement de son école en neuvième année n’a aucun lien significatif avec sa demande.

[40]  Dans l’ensemble, je statue que les conclusions de l’agente quant à la crédibilité étaient déraisonnables. L’agente s’est livrée à une analyse exagérément microscopique du témoignage de la demanderesse principale et n’a pas reconnu que, abstraction faite de certaines incohérences de peu d’importance au sujet de détails périphériques, la demanderesse principale a subi au moins deux agressions à caractère raciste pendant qu’elle vivait en Hongrie, dont l’une lui a causé des brûlures graves qui ont nécessité de nombreuses années de soins hospitaliers et de chirurgies plastiques. De plus, l’agente a reproché à la demanderesse principale de ne pas avoir produit de preuve pour corroborer son témoignage au sujet des événements passés en Hongrie alors que, comme le prévoit l’article 113 de la LIPR, elle devait en grande partie se limiter à présenter des éléments de preuve survenus depuis la décision de la SPR.

(2)  Lettres et preuve à l’appui

[41]  La demanderesse principale a présenté plusieurs lettres émanant de membres de sa famille, y compris :

  • (i) Une lettre de M. Zoltan Hering, l’ex‑beau‑frère de la demanderesse principale, dans laquelle il décrit un incident au cours duquel la Garde hongroise a enfoncé son pare‑brise à coups de bâtons de baseball et il fournit des photos de son pare‑brise endommagé [la lettre du beau‑frère];

  • (ii) Une lettre de Mme Farkas, la marraine de la demanderesse principale, dans laquelle elle décrit une agression dans le transport en commun [la lettre de la marraine];

  • (iii) Une lettre de Mme Ferencne Hering, l’ex‑belle‑mère de la demanderesse principale, dans laquelle elle décrit comment la tombe de son mari avait été vandalisée et elle fournit des photos de la tombe vandalisée [la lettre de la belle‑mère];

  • (iv) Une lettre de M. Mark Varadi, un autre ex‑beau‑frère de la demanderesse principale, dans laquelle il décrit un incident où une voiture l’a renversé alors qu’il roulait à bicyclette [la lettre de Varadi].

[42]  La demanderesse principale a également produit des photos d’une note que sa belle‑mère avait reçue après que sa famille eut indiqué sur Facebook qu’elle quittait le Canada pour rentrer en Hongrie. Cette note comprenait la phrase suivante : [traduction« Sales gitans, si vous rentrez à la maison, vous allez mourir! ».

[43]  L’agente a admis ces éléments de preuve, mais elle a ensuite accordé une valeur probante minime à chacun d’entre eux. L’agente a écarté chacune des pièces, généralement pour les motifs que (1) les lettres n’avaient pas été faites sous serment, (2) certaines des lettres n’étaient pas datées ou (3) les descriptions d’actes de violence n’étaient pas accompagnées par des rapports de police ou d’autres documents corroborants.

[44]  Les demandeurs font valoir que l’agente a commis une erreur en rejetant les lettres, parce qu’elles n’avaient pas été rédigées sous forme d’affidavits. Les demandeurs soutiennent également que l’agente a commis une erreur en trouvant à redire sur les lettres pour ce qu’elles ne montraient pas, plutôt que pour ce qu’elles montraient, c’est‑à‑dire que les membres de la famille de la demanderesse principale avaient été victimes de violence à caractère raciste. En dernier lieu, les demandeurs font valoir que l’agente a commis une erreur en écartant les photos en raison de l’absence de preuve corroborante, parce qu’elle a fait abstraction du fait que les lettres corroboraient les photos.

[45]  Le défendeur soutient que l’agente a constaté de façon raisonnable que les lettres n’avaient pas été faites sous serment, qu’elles étaient vagues et qu’elles n’étaient pas accompagnées de documents à l’appui.

[46]  Considérant la décision dans son ensemble, l’agente a d’abord conclu que le témoignage de la demanderesse principale n’était pas crédible et elle s’est ensuite livrée à un examen minutieux des lettres et des photos à l’appui, en quête de motifs pour écarter chaque élément de preuve. Cette démarche est inexorablement liée aux conclusions erronées de l’agente concernant la crédibilité. De plus, la démarche rigide et concentrée de l’agente fait abstraction du fait que, même en présence de certaines incohérences ou imprécisions dans la preuve, les lettres et les photos justifient une conclusion selon laquelle au moins un certain nombre des membres de la famille des demandeurs ont été victimes de violence à caractère raciste en Hongrie. Cela est compatible avec la preuve sur la situation qui règne dans le pays.

(3)  Le critère applicable à la persécution

[47]  Selon l’article 96 de la LIPR, un demandeur doit établir selon la prépondérance des probabilités qu’il existe plus qu’une simple possibilité qu’il sera persécuté pour un motif énoncé dans la Convention (Sallai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 446, au par. 64 [Sallai]). Selon l’article 97 de la LIPR, il n’est pas nécessaire d’établir un lien avec un motif énoncé dans la Convention; le demandeur doit établir que le risque auquel il est exposé est personnel, c’est‑à‑dire qu’il ne s’agit pas d’un risque auquel d’autres citoyens du pays sont exposés de façon générale (Sallai, précitée, au par. 65).

[48]  Madame la juge Strickland a résumé l’analyse relative à l’article 96 dans la décision Debnath c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 332, au paragraphe 31 :

[31] Comme la Cour l’a précisé dans la décision Fi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1125, au paragraphe 13, pour satisfaire à la définition de « réfugié au sens de la Convention » qui figure à l’article 96 de la LIPR, le demandeur doit démontrer qu’il satisfait à tous les éléments mentionnés dans cette définition, à commencer par l’existence d’une crainte subjective et objective de persécution. Le demandeur doit établir un lien entre lui et la persécution pour un motif prévu dans la Convention. Cette persécution doit être dirigée contre lui, soit « personnellement », soit en tant que « membre d’une collectivité », et le demandeur doit craindre, avec raison, d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques. En outre, l’existence de la persécution en vertu de l’article 96 peut être établie par un examen du traitement de personnes qui sont dans une situation semblable à celle du demandeur et celui‑ci n’a pas à prouver qu’il a été persécuté dans le passé ou qu’il serait persécuté à l’avenir.

[49]  Le défendeur fait valoir que l’agente a fait une appréciation prospective et il cite une phrase d’une décision de 13 pages (incluse dans l’extrait ci‑dessous) pour laisser entendre que l’agente a pris en considération le risque que posait pour les demandeurs un retour futur en Hongrie.

[50]  Les demandeurs soutiennent que l’agente a appliqué le mauvais critère lorsqu’elle a apprécié leur risque de persécution au titre de l’article 96. En premier lieu, les demandeurs font valoir que l’agente a commis une erreur en omettant de prendre en considération le risque prospectif de persécution auquel les demandeurs seraient exposés en Hongrie.

[51]  Deuxièmement, les demandeurs affirment que l’agente leur a demandé de faire la preuve de la persécution passée et qu’elle a omis de se demander si le traitement de personnes qui sont dans une situation semblable pourrait prouver l’existence de la persécution. Dans la décision Debnath, précitée, il a été établi que l’existence de la persécution peut être démontrée en examinant le traitement de personnes qui sont dans une situation semblable; il n’incombe pas aux demandeurs d’établir qu’ils ont eux‑mêmes été persécutés dans le passé ou qu’ils seraient persécutés à l’avenir.

[52]  Le libellé employé par l’agente dans plusieurs passages de la décision illustrent les erreurs qu’ont relevées les demandeurs. Après avoir étudié le témoignage de la demanderesse principale, l’agente a conclu ceci : [traduction« Je conclus que la preuve dans la demande dont je suis saisie est insuffisante pour établir l’existence d’antécédents personnels de maltraitance équivalant au traitement décrit aux articles 96 et 97 de la LIPR ». Se penchant sur les lettres et les photos de membres de la famille, l’agente a ajouté ceci : [traduction« […] Je conclus que la demanderesse principale a produit une preuve documentaire corroborante insuffisante pour démontrer qu’elle‑même ou des membres de sa famille ont subi de la maltraitance en Hongrie équivalant au traitement décrit aux articles 96 et 97 de la LIPR ».

[53]  En dernier lieu, après avoir examiné certains éléments de preuve documentaire, l’agente a conclu par les paragraphes suivants :

[traduction]

Dans l’ensemble, je reconnais que la population rom a fait l’objet de préjugés et de maltraitance en Hongrie. Je reconnais que la population hongroise rom peut faire l’objet de discrimination fondée sur son origine ethnique. J’admets que les Roms sont victimes de discrimination généralisée dans l’emploi, l’éducation, les soins de santé, le logement et la participation politique. Toutefois, je ne puis conclure que les demandeurs ont produit une preuve suffisante pour démontrer qu’ils ont personnellement été victimes de maltraitance qui, en fin de compte, équivaut au traitement décrit aux articles 96 ou 97 de la LIPR. Je ne puis conclure, à la lumière de la preuve présentée, que les demandeurs se sont déchargés du fardeau de la preuve qui les obligeait à démontrer qu’ils feront personnellement l’objet de discrimination équivalant à de la persécution en Hongrie.

Dans le cas des demandeurs, je constate qu’ils n’ont pas réussi à établir, au moyen d’une preuve documentaire ou d’un témoignage de vive voix, qu’ils ont personnellement été l’objet de graves incidents de harcèlement ou de maltraitance en Hongrie. Même s’il existe un risque de discrimination en raison de l’origine ethnique des demandeurs, je ne puis conclure qu’il existe un risque de persécution, compte tenu de leur situation personnelle.

[Non souligné dans l’original.]

[54]  Même si le défendeur a raison de dire que, à un certain point dans l’extrait qui précède, l’agente a fait mention d’un risque prospectif, dans l’ensemble, son analyse du risque au titre de l’article 96 insiste à maintes reprises sur le fait que les demandeurs n’ont pas réussi à faire la preuve d’antécédents personnels de persécution.

[55]  L’agente a commis une erreur en omettant de tenir adéquatement compte du risque prospectif, en omettant de tenir adéquatement compte de la preuve de personnes qui sont dans une situation semblable et en demandant aux demandeurs de faire la preuve d’antécédents de persécution. Par surcroît, bien que j’admette qu’Andras s’en remettait aux observations de sa mère, l’agente n’a jamais adéquatement tenu compte de la situation d’Andras en tant qu’enfant retournant en Hongrie et s’inscrivant à l’école après avoir quitté ce pays en bas âge.

C.  L’agente a‑t‑elle appliqué un mauvais critère lorsqu’elle a apprécié l’existence de la protection de l’État en Hongrie?

[56]  Le droit en matière de protection de l’État a été savamment résumé par le juge Diner dans la décision Lakatos no 1, précitée, au paragraphe 18 :

[18] En vertu de l’article 96 de la LIPR, un demandeur d’asile doit établir le bien‑fondé d’une crainte subjective de persécution. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 (CSC) à la ligne 712 [Ward], la Cour suprême du Canada a statué que la protection adéquate de l’État fait référence au bien‑fondé objectif de la crainte subjective d’un demandeur. Les affaires subséquentes ont confirmé qu’une conclusion selon laquelle la protection de l’État est adéquate est fatale aux demandes fondées sur l’article 97 (voir l’affaire Samuel c Canada (Citoyenneté et Immigration, 2012 CF 973 au paragraphe 40). Par conséquent, la conclusion d’une protection adéquate de l’État empêche le statut de réfugié (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Foster, 2016 CF 130 au paragraphe 25; Neubauer au paragraphe 23).

[57]  Il existe une présomption que la protection de l’État existe dans le pays d’origine d’un demandeur (Ruszo, au par. 29). Toutefois, un demandeur d’asile peut réfuter cette présomption au moyen d’une « preuve claire et convaincante » en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, que l’État est incapable d’offrir une protection adéquate (Ruszo, au par. 29). Le demandeur doit démontrer qu’il ne peut obtenir une protection adéquate de l’État ou, du fait qu’il craint avec raison d’être persécuté, ne veut pas se réclamer de la protection de son pays (Ruszo, au par. 30).

[58]  Pour déterminer si la protection de l’État est adéquate, le décideur doit se concentrer sur le caractère adéquat et réel, plutôt que sur les « efforts » mis de l’avant par le pays pour protéger ses citoyens (Lakatos no 1, au par. 21).

[59]  Les demandeurs affirment que l’agente a commis une erreur en appliquant le mauvais critère, en se concentrant exclusivement sur les efforts du gouvernement hongrois et en omettant de se demander si ces démarches s’étaient traduites par une protection réelle de la population des Roms.

[60]  Le défendeur ne répond pas à cet argument, si ce n’est que pour laisser entendre que la thèse des demandeurs équivaut à un désaccord sur l’appréciation de la preuve par l’agente.

[61]  Je conviens que l’agente s’est concentrée sur les efforts du gouvernement hongrois, plutôt que sur leur caractère adéquat et réel. Toutefois, je ne puis conclure que l’agente a appliqué le mauvais critère juridique. Aux pages 13 et 14 de la décision, l’agente mentionne, ne serait‑ce que brièvement, une preuve traitant de résultats réels des efforts déployés par le gouvernement hongrois pour protéger les Roms.

[62]  Même si le critère à appliquer a pu être cerné correctement, il reste la question de savoir si l’agente l’a appliqué de manière déraisonnable.

D.  L’agente a‑t‑elle agi de manière déraisonnable dans son appréciation de la preuve de la protection de l’État?

[63]  J’arrive à la conclusion que l’agente a commis une erreur déraisonnable quand elle a apprécié la preuve documentaire sur la protection de l’État.

[64]  Comme je l’ai déjà mentionné, l’analyse de l’agente s’est concentrée sur les efforts du gouvernement hongrois pour offrir la protection de l’État aux Roms, plutôt que sur leur caractère adéquat et réel ou sur leur effet pratique. L’agente a, à maintes reprises, fait mention de changements législatifs et politiques destinés à lutter contre la violence à caractère raciste et la discrimination, sans se demander de manière significative si ces efforts ont eu un effet quelconque.

[65]  Cette erreur a été exacerbée par l’omission de l’agente de se pencher sur des éléments de preuve matérielle au dossier qui démontraient (i) l’affaiblissement de la démocratie en Hongrie et la montée de l’extrême droite, (ii) une réaction gouvernementale faible ou inexistante face à la violence à caractère raciste et (iii) une réaction inadéquate de l’État face à la violence contre les Roms.

[66]  En particulier, l’agente a omis de se pencher sur :

  • (i) la preuve de l’incapacité ou de l’absence de volonté de la police de lutter contre la violence à caractère raciste;

  • (ii) la preuve que la police hongroise continue de ne pas protéger les Roms contre les crimes haineux;

  • (iii) la preuve que les efforts déployés par le gouvernement hongrois pour réduire la discrimination contre les Roms n’ont pas encore abouti à des améliorations substantielles.

[67]  Plus la preuve qui n’a pas été analysée est importante, plus il est probable que cette omission rende une décision déraisonnable (Lakatos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 20, au par. 22). L’agente était saisie d’une preuve appréciable pour appuyer une conclusion selon laquelle il était objectivement raisonnable de la part de Mme Lakatos de ne faire aucune autre démarche pour demander la protection de l’État. L’agente a commis une erreur déraisonnable en omettant d’étudier valablement cette preuve.

[68]  De plus, l’agente a commis une erreur en invoquant la possibilité pour les demandeurs de recevoir une protection de la part d’ONG, de l’ombudsman, de l’Autorité pour l’égalité de traitement et du siège social de la police nationale. La jurisprudence de la Cour établit très clairement que la police est présumée être la principale institution chargée d’assurer la protection des citoyens et que les autres institutions publiques ou privées sont présumées n’avoir ni les moyens ni le rôle d’assumer une telle responsabilité, à moins qu’une preuve contraire ne soit produite (Katinszki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1326, au par. 15 [Katinszki]).

[69]  Comme l’a écrit le juge de Montigny dans la décision Katinszki, au paragraphe 15, faisant allusion aux mêmes organisations mentionnées par l’agente en l’espèce, « assurer une protection ne fait pas partie du rôle des organisations mentionnées par la Commission […] – leur rôle est de formuler des recommandations et, au mieux, de faire enquête sur l’inaction de la police après les incidents ». D’autres décisions de la Cour ont également conclu que les organismes de cette nature ne sont pas un moyen pour les Roms de Hongrie d’obtenir la protection de l’État (Katinszki, précitée, aux par. 14 et 15; Racz c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 824, au par. 38; Vidak c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 976, au par. 13; Orgona c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1438, au par. 14).

[70]  J’arrive à la conclusion que l’agente a commis une erreur lorsqu’elle a apprécié le risque de persécution auquel seraient exposés les demandeurs en Hongrie et qu’elle a aussi commis une erreur en appliquant le mauvais critère au titre de l’article 96 de la LIPR. L’agente a commis une autre erreur quand elle a apprécié la preuve documentaire sur la protection de l’État et elle a omis d’étudier valablement le caractère adéquat et réel des efforts déployés par le gouvernement hongrois pour offrir la protection de l’État aux Roms.

[71]  La présente demande est accueillie et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent d’immigration conformément aux présents motifs. Les avocats se sont entendus sur le fait qu’il n’existe aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5949‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent d’immigration conformément aux présents motifs;

  2. Il n’existe aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour d’août 2019

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5949‑18

 

INTITULÉ :

BRIGITTA LAKATOS, ANDRAS LAKATOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 juin 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 27 JUIN 2019

 

COMPARUTIONS :

Chelsea Peterdy

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Maria Burgos

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aide juridique de l’Ontario

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

 

POUR Les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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