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Date : 20190509


Dossier : T-1446-18

Référence : 2019 CF 634

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2019

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

SOFIE GAGATEK

demanderesse

et

GOWLING WLG (CANADA) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Le 1er mai 2018, la registraire des marques de commerce a rendu une décision radiant l’enregistrement de la marque de commerce canadienne no LMC442769 [l’enregistrement 769], pour la marque de commerce « First National Homestead Inc. & Design » [la marque de commerce], du registre des marques de commerce.

[2]  Depuis le 12 mai 1995, la marque de commerce était enregistrée dans le but d’être employée en association avec des services de courtage immobilier, de courtage hypothécaire, de gestion immobilière et d’investissement immobilier.

[3]  Depuis son enregistrement, M. Ian Gagatek a toujours été le propriétaire inscrit de la marque de commerce.

[4]  La demanderesse, Mme Sofie Gagatek, a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du registraire de radier l’enregistrement 769. Elle est une courtière inscrite et elle a agi pour son propre compte devant la Cour.

[5]  Dans une lettre datée du 13 juin 2018, un agent d’audience de la Commission des oppositions des marques de commerce a avisé la demanderesse de la décision du registraire de radier l’enregistrement 769.

[6]  Dans cette lettre, l’agent d’audience a déclaré que la registraire avait rendu une décision définitive le 1er mai 2018 et que la registraire n’avait pas le pouvoir de faire droit à la demande, qui avait été présentée par la demanderesse, visant à obtenir la prorogation du délai imparti pour déposer un affidavit établissant l’emploi de la marque de commerce.

II.  Les faits

[7]  Le 29 novembre 2017, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [l’OPIC] a avisé M. Ian Gagatek et sa représentante aux fins de signification, Ridout & Maybee LLP [Ridout], que la procédure en radiation avait été entamée, en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [la LMC], à la demande de Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l. Dans cette lettre, l’OPIC a déclaré que, si M. Gagatek ne fournissait pas une preuve, sous forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, dans les trois mois suivants, attestant l’emploi de la marque de commerce au cours des trois années précédentes, la registraire rendrait une décision portant la radiation de l’enregistrement 769 aux termes du paragraphe 45(3) de la LMC.

[8]  Le 10 février 2018, la demanderesse a fait parvenir une lettre à l’OPIC, dans laquelle elle déclarait que la marque de commerce [traduction« a[vait] été employée activement à l’égard des produits ou services spécifiés dans l’enregistrement au cours des trois ans précédant la date de votre avis ». La demanderesse a joint des inscriptions au Service interagences ainsi qu’une copie d’un [traduction« site Web actif » de son entreprise familiale, First National Homestead Realdom Inc. Brokerage, pour établir l’emploi de la marque de commerce au cours de la période de trois ans qui a précédé l’avis. Dans sa lettre, la demanderesse a également demandé à l’OPIC de [traduction« mettre à jour vos dossiers concernant nos coordonnées et d’inscrire la soussignée comme personne-ressource pour toute la correspondance ».

[9]  Le 9 mars 2018, la registraire a fait parvenir une lettre à Ridout, dans laquelle elle déclarait qu’elle ne pouvait pas accepter la lettre du 10 février 2018 et ses pièces jointes en preuve sous le régime de l’article 45 de la LMC, parce que la lettre n’avait pas été présentée sous la forme d’une déclaration solennelle ou d’un affidavit valablement signé. L’OPIC a déclaré que l’échéance était dépassée, mais que la registraire pourrait se pencher sur une demande de prorogation du délai imparti pour déposer un affidavit ou une déclaration solennelle, si elle recevait les droits prescrits de 125,00 $ ainsi qu’une explication des raisons pour lesquelles le retard n’était pas raisonnablement évitable.

[10]  Le 4 mai 2018, un commis de Ridout a envoyé un courriel à la demanderesse et y a joint l’avis reçu de l’OPIC relativement à la procédure de radiation.

[11]  Le 8 mai 2018, la demanderesse a envoyé une lettre à la registraire pour lui signaler qu’elle lui avait demandé de la mettre sur la liste comme [traduction« la personne-ressource pour toute la correspondance » et de supprimer Ridout, étant donné qu’elle ne la représentait plus. La demanderesse a également demandé une prorogation du délai imparti pour produire une déclaration solennelle ou un affidavit valablement signé qu’elle déposerait ultérieurement, mais elle n’a pas inclus les droits prescrits.

[12]  Le 13 juin 2018, la registraire a adressé une lettre à M. Gagatek et à la défenderesse en réponse à la lettre de la demanderesse. La registraire s’est d’abord excusée du fait que les coordonnées de la demanderesse n’avaient pas été mises à jour comme elle l’avait demandé dans sa lettre du 10 février 2018; toutefois, elle n’avait pas indiqué dans cette lettre qu’elle désirait révoquer le mandat de Ridout, à titre d’agente et de représentante. La registraire a ensuite indiqué qu’elle avait rendu une décision définitive le 1er mai 2018 [traduction] « radiant cette marque de commerce du registre des marques de commerce ». Par conséquent, elle considérait qu’elle était dessaisie et qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accorder une prorogation rétroactive du délai après avoir rendu une décision définitive (Wolfville Holland Bakery Ltd c Canada (Registrar of Trade Marks) (1964), 42 CPR 88, p. 91 (C de l’Éch); Ford Motor Co of Canada Ltd c Registrar of Trade Marks (1977), 36 CPR (2d) 135 (CF 1re inst), p. 137). La demande de prorogation du délai ne pouvait donc pas être prise en considération.

[13]  La registraire a ensuite déclaré que le paragraphe 45(5) de la LMC devait être suivi et que l’enregistrement 769 devait être radié du registre en conformité avec la décision définitive de la registraire, si aucun appel n’était déposé à la Cour fédérale dans le délai imparti par l’article 56 de la LMC.

[14]  Le 30 juillet 2018, la demanderesse a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Dans l’avis de la demande, il est déclaré que le contrôle judiciaire concerne la décision de la registraire, rendue le 1er mai 2018, de radier l’enregistrement 769 du registre. La demanderesse demande que l’enregistrement 769 soit [traduction« rétabli par la registraire dans le registre des marques de commerce » et elle réclame des dommages-intérêts punitifs de 50 000,00 $ pour [traduction« négligence grossière et perte de revenus ».

[15]  La registraire a officiellement radié l’enregistrement 769 pour non-usage le 8 août 2018.

III.  Les questions en litige

[16]  La présente affaire soulève deux questions importantes en matière de procédure, lesquelles pourraient empêcher la Cour de se pencher sur le fond :

  1. Vu que la registraire a officiellement radié l’enregistrement 769 du registre le 8 août 2018, en conformité avec sa décision du 1er mai 2018, la Cour peut-elle connaître de la demande dont elle est saisie et rétablir l’enregistrement 769 si son emploi est démontré?

  2. La demanderesse a-t-elle la qualité pour agir ou un intérêt suffisant pour interjeter appel en vertu de l’article 56 de la LMC?

[17]  Au fond, la présente affaire soulève la question suivante :

  1. La demanderesse a-t-elle démontré que la marque de commerce était employée?

IV.  Analyse

A.  Vu que la registraire a officiellement radié l’enregistrement 769 du registre le 8 août 2018, en conformité avec sa décision du 1er mai 2018, la Cour peut-elle connaître de la demande dont elle est saisie et rétablir l’enregistrement 769 si son emploi est démontré?

[18]  Je ferais d’abord remarquer que les deux mesures de redressement demandées dans l’avis de demande de contrôle judiciaire présenté par la demanderesse ne peuvent pas être accordées aux termes des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la LCF].

[19]  Un redressement de la décision de la registraire de radier l’enregistrement 769, aux termes du paragraphe 45(3) de la LMC, relèverait de la portée du paragraphe 45(5) et de l’article 56 de la LMC et il n’est pas ouvert dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (article 18.5 de la LCF). De plus, la Cour ne peut pas octroyer de dommages-intérêts à l’issue d’un contrôle judiciaire (Canada (Procureur général) c TeleZone Inc, [2010] 3 RCS 585, par. 52).

[20]  Bien que la demanderesse ne demande pas expressément des redressements en droit administratif à l’égard de la lettre de la registraire datée du 13 juin 2018 (alors qu’elle y fait parfois allusion en la qualifiant de [traduction« décision »), aucun redressement de cette nature ne semble être possible, dans la mesure où cette lettre peut être qualifiée de décision. Comme l’a fait remarquer la registraire, elle avait rendu la décision définitive de radier l’enregistrement 769 aux termes du paragraphe 45(3) de la LMC et elle ne pouvait pas accorder rétroactivement une prorogation du délai imparti pour déposer une preuve de l’emploi de la marque de commerce (Wolfville Holland Bakery Ltd c Canada (Registrar of Trade Marks) (1964), 42 CPR 88, p. 91 (C de l’Éch); Ford Motor Co of Canada Ltd c Registrar of Trade Marks (1977), 36 CPR (2d) 135 (CF 1re inst), p. 137; Torres c Barrette Legal Inc., 2017 CF 552, par. 4 et 5; Bereskin & Parr c La Cie de Literie Provinciale Ltée, 2005 CanLII 78347 (CA COMC); Doumak Inc c Fireside Snacks of Canada Ltd, 59 CPR (3d) 107 (CA COMC)).

[21]  Comme la registraire l’a indiqué à la fin de la lettre, la bonne démarche à suivre à cette étape était de déposer un avis d’appel en vertu de l’article 56 de la LMC (Austin Nichols & Co, Inc c Cinnabon Inc, [1998] 4 CF 569 (CAF), par. 18 à 20). Un appel de cette nature est traité comme une demande sous le régime de l’alinéa 300d) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles].

[22]  Cela étant dit, l’article 56 des Règles prévoit que l’« inobservation d’une disposition des présentes règles n’entache pas de nullité l’instance, une mesure prise dans l’instance ou l’ordonnance en cause. Elle constitue une irrégularité régie par les règles 58 à 60 ». De plus, l’article 57 des Règles dispose que « [l]a Cour n’annule pas un acte introductif d’instance au seul motif que l’instance aurait dû être introduite par un autre acte introductif d’instance ». Par conséquent, en vertu de l’article 60 des Règles, la Cour peut permettre à une partie de remédier à toute inobservation des Règles selon les modalités qu’elle juge équitables à tout moment avant de rendre jugement dans une instance.

[23]  Dans la décision Le Massif inc c Station touristique Massif du sud (1993) inc, 2011 CF 118, le registraire avait rejeté une demande d’enregistrement d’une marque de commerce dans le contexte d’une procédure d’opposition intentée au titre de l’article 38 de la LMC. La partie qui n’avait pas eu gain de cause a demandé le contrôle judiciaire de la décision du registraire. La Cour a accueilli une requête formulée de vive voix sous le régime des articles 56 et 57 des Règles visant à transformer la demande de contrôle judiciaire en appel au titre de l’article 56 de la LMC (par. 1 à 3). Par conséquent, la Cour a radié le registraire à titre de défendeur et a instruit l’affaire comme un appel de la décision du registraire au titre de l’article 56 de la LMC.

[24]  En l’espèce, le 30 juillet 2018, la demanderesse a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la registraire et a fait signifier uniquement Gowling à titre de défenderesse désignée. La bonne procédure aurait plutôt consisté à produire un avis d’appel aux termes du paragraphe 56(2) de la LMC, à la Cour et au bureau de la registraire. En fait, la registraire n’a jamais reçu signification ni été avisée par ailleurs de l’intention qu’avait la demanderesse de contester sa décision de radier l’enregistrement 769. Étant donné que la demanderesse n’a pas produit d’avis d’appel au bureau de la registraire, comme elle était tenue de le faire, la registraire a officiellement radié l’enregistrement 769 le 8 août 2018, comme le prévoit le paragraphe 45(5) de la LMC, bien que la demanderesse eût déjà demandé le contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision de le radier. Si la registraire avait été avisée comme il se doit, elle n’aurait pas radié officiellement l’enregistrement 769 avant qu’un jugement définitif confirmant sa décision ait été rendu.

[25]  Cela étant dit, je crois qu’il est possible de remédier à cette irrégularité de procédure, de telle sorte que l’affaire puisse être instruite comme un appel au titre de l’article 56 de la LMC. Bien que le mauvais choix de procédure par la demanderesse a eu comme conséquence la radiation officielle de l’enregistrement 769 du registre, il appert que la Cour a le pouvoir d’ordonner à la registraire de rétablir un enregistrement. En particulier, le paragraphe 56(5) de la LMC prévoit ce qui suit : « Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi ».

[26]  Par conséquent, dans la mesure où la demanderesse aurait la qualité pour interjeter un appel, la présente affaire devrait être traitée et instruite comme un appel au titre de l’article 56 de la LMC.

B.  La demanderesse a-t-elle la qualité pour agir ou un intérêt suffisant pour interjeter appel en vertu de l’article 56 de la LMC?

[27]  Le paragraphe 45(1) de la LMC exige qu’un avis soit donné au propriétaire inscrit d’une marque de commerce afin qu’il fournisse la preuve de l’emploi de la marque de commerce au Canada au cours des trois années précédentes. Une fois que le registraire a décidé de radier ou de maintenir un enregistrement, le paragraphe 45(4) de la LMC dispose qu’un avis de la décision et des motifs doit aussi être donné au propriétaire inscrit et à la personne à la demande de qui l’avis visé au paragraphe (1) a été donné (en l’espèce, Gowling).

[28]  En revanche, le paragraphe 45(5) et l’article 56 de la LMC, qui traitent des appels, ne précisent pas qui peut interjeter appel d’une décision de la registraire. Notamment, le paragraphe 56(1) de la LMC prévoit qu’un« [a]ppel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale », tandis que le paragraphe 45(5) de la LMC dispose que « [l]e registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n’en est interjeté ».

[29]  Dans des décisions antérieures, la Cour a tenté de circonscrire les parties qui pouvaient interjeter appel d’une décision du registraire au titre de l’article 56 de la LMC.

[30]  Dans la décision Restaurants Pachini Inc c Pachino’s Pizza Ltd, [1994] AFC no 1607 (CF 1re inst), la Cour a statué que l’appelante n’avait pas la qualité pour interjeter appel d’une décision rendue aux termes de l’article 38 de la LMC qui permet à « toute personne » de s’opposer à une demande de marque de commerce. À l’origine, l’opposition devant le registraire avait été produite par le propriétaire inscrit de la marque de commerce PACINI pour faire obstacle à une demande de marque de commerce de PACINO. La marque de commerce PACINI a subséquemment été cédée à un ayant cause. Après cette cession, le propriétaire original de la marque de commerce PACINI et la partie qui demandait la marque de commerce PACINO sont demeurés les seules parties à la procédure d’opposition, et ils ont été les seuls à recevoir avis de la décision du registraire. L’ayant cause a tenté d’interjeter appel de la décision sur l’opposition devant la Cour au titre de l’article 56 de la LMC.

[31]  En fin de compte, la Cour a statué que l’ayant cause n’avait pas la qualité pour agir pour les motifs suivants :

[…] [B]ien que l’appel statutaire énoncé au paragraphe 56(1) ne soit pas expressément réservé à quiconque en particulier, cela ne veut pas dire pour autant que toute personne peut exercer ce droit exceptionnel. […] En l’espèce, non seulement la Loi ne dit-elle pas que toute personne peut en appeler de la décision du registraire rendue en vertu de l’article 38 (dont le paragraphe (1), incidemment, permet, lui, à « toute personne » de former opposition dans le délai requis), mais en outre le paragraphe 38(8) oblige le registraire à notifier « aux parties » sa décision ainsi que les motifs sur lesquels il s’appuie. Il m’apparaît logique et approprié de conclure, dans les circonstances, que seules les parties ainsi avisées ou notifiées de la décision du registraire ont le droit d’en appeler.

[Non souligné dans l’original.]

[32]  Dans la décision Gainers Inc c Robin Hood Multifoods Inc (1996), 109 FTR 309 (CF 1re inst), la Cour s’est penchée sur une requête en radiation d’un appel d’une décision radiant un enregistrement du registre, au motif qu’il n’y avait pas de qualité pour agir. Dans cette affaire, l’appelante Gainers était le propriétaire inscrit au moment où elle a reçu un avis du registraire au titre du paragraphe 45(1) de la LMC, mais elle a cédé la marque de commerce à une autre société, Burns, avant que le registraire rende sa décision de radier l’enregistrement du registre. D’emblée, la Cour a fait remarquer que l’article 56 de la LMC « ne vise pas à apporter des restrictions quant aux personnes autorisées à interjeter appel d’une décision ». En statuant que le propriétaire inscrit original avait qualité pour interjeter appel de la décision, la Cour s’est exprimée ainsi :

Le registraire aurait ordonné la radiation de la marque pour cause de non-usage de cette dernière par Gainers durant la période précédant la date où a été engagée l’instance en vertu de l’art. 45. Gainers est la partie qui peut traiter le plus directement des conclusions relatives à l’usage ou au non-usage, par elle, de la marque de commerce. À mon avis, à titre de propriétaire inscrit à ce moment et à titre de partie intéressée à l’instance qui s’est déroulée devant le registraire, Gainers jouit d’un intérêt permanent qui, à moins que Burns ne s’y oppose, appuie son droit d’interjeter appel de la décision du registraire.

[…]

[traduction] 

[...] Je pense qu’un appel interjeté en vertu de la Loi doit l’être par quelqu’un qui a un intérêt au sens large et cela comprend toute personne qui était une partie...devant le registraire dans l’instance en cause. [...] Il me semble que dans les circonstances, Gainers ayant été une partie devant le registraire, dont la décision est maintenant contestée, et à cette époque, aucune question n’a été soulevée au sujet de sa participation à titre de partie, lorsque l’instance a été engagée du moins, elle a le droit, à mon avis, de contester la décision du registraire. […]

[33]  Dans la décision NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, la Cour a instruit un appel au titre de l’article 56 de la LMC, interjeté à l’encontre d’une décision de radier deux enregistrements de marques de commerce. Plusieurs années après l’enregistrement des marques de commerce en question, le propriétaire inscrit a déclaré faillite et a subséquemment cédé les marques de commerce à l’appelante dans le cadre d’une série de cessions non enregistrées. Le propriétaire inscrit a d’abord interjeté appel au titre de l’article 56 de la LMC, mais la Cour a en fin de compte fait droit à une requête, en ordonnant que le propriétaire non inscrit des marques de commerce soit constitué appelant, et elle a radié le propriétaire inscrit failli de l’instance (par. 4). La Cour a ensuite apprécié l’emploi des marques de commerce qui avaient fait l’objet de la décision de radiation.

[34]  Il se dégage clairement du libellé de la LMC et des décisions qui ont interprété les dispositions régissant les appels qu’en principe, la qualité pour interjeter appel d’une décision radiant l’enregistrement d’une marque de commerce revient aux personnes qui ont pris part à l’instance devant le registraire. Autrement dit, seule une personne qui était partie devant le registraire peut se prévaloir du droit d’appel prévu à l’article 56 de la LMC.

[35]  En l’espèce, la demanderesse n’a jamais été inscrite comme propriétaire de la marque de commerce ni comme partie devant la registraire. La registraire a accepté la correspondance de la demanderesse comme de la correspondance envoyée au nom du propriétaire inscrit, mais ses propres lettres et avis ont toujours été envoyés à Ridout (la représentante aux fins de la signification) et/ou à M. Ian Gagatek (le propriétaire inscrit).

[36]  À l’audience, la demanderesse a fourni à la Cour des renseignements supplémentaires dont ne disposait pas la registraire. La demanderesse a avisé la Cour que M. Ian Gagatek était son père et qu’il était décédé en 2004 en léguant l’entreprise familiale à son épouse, Anna Gagatek. La demanderesse a également affirmé que sa mère lui avait demandé de déposer le présent appel à l’encontre de la décision de la registraire et d’agir en son nom.

[37]  Dans ces circonstances, je ne suis malheureusement pas en mesure de conclure que la demanderesse a qualité pour interjeter le présent appel. La registraire aurait dû être mise au courant de la transmission des droits en faveur d’Anna Gagatek, la nouvelle propriétaire de la marque de commerce depuis 2004, et Anna Gagatek aurait dû interjeter le présent appel.

V.  Conclusion

[38]  Vu que la demanderesse n’a pas qualité pour agir, l’appel est rejeté. La défenderesse n’a pas demandé les dépens, et aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-1446-18

LA COUR STATUE :

  1. que l’appel est rejeté;

  2. qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’août 2019

Christian Laroche, LL.B., juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1446-18

INTITULÉ :

SOFIE GAGATEK c GOWLING WLG (CANADA) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 MARS 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 9 MAI 2019

COMPARUTIONS :

Sophie Gagatek

POUR La demanderesse

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Kevin Sartorio

POUR LA défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA défenderesse

 

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