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Date : 19981106


Dossier : T-2375-97


AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

L.R.C. (1985), ch. C-29,


ET l'appel de la

décision d'un juge de la citoyenneté,


ET


NAWAL RAJA EL SABBAGHE,

appelante.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Il s'agit de l'appel de la décision en date du 16 septembre 1997 par laquelle un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté présentée par l'appelante. Cette décision est fondée sur le fait que l'appelante n'avait pas une connaissance suffisante de l'une des deux langues officielles du Canada, tel que l'exige l'alinéa 5(1)d) de la Loi sur la Citoyenneté, et qu'elle n'avait pas une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, comme le prescrit l'alinéa 5(1)e).

[2]      Pendant les cinq derniers mois tout au moins, l'appelante a suivi des cours d'anglais quatre jours par semaine. De toute évidence, l'appelante qui n'avait aucune aisance dans la langue anglaise a atteint le niveau d'aptitude dont elle a fait preuve devant moi où, malgré le climat peu familier et stressant de la salle d'audience, elle a compris à tout le moins en partie ce qu'on lui disait et a réussi à y répondre en partie.

[3]      L'appelante n'a pas été capable de comprendre les questions qui se rapportaient à sa connaissance du Canada et aux droits et obligations des citoyens de ce pays, sans recourir de façon fort considérable à l'aide de son fils qui agissait à titre d'interprète.

[4]      La jurisprudence ne comporte pas de norme précise

à appliquer pour reconnaître une aptitude " suffisante " dans l'une des deux langues officielles du Canada ou une connaissance " suffisante " des avantages et responsabilités conférés par la citoyenneté. Dans Re Abdul - Hamid , [1979] 1 C.F. 600 (C.F. 1re inst.), la Cour a décidé que les exigences linguistiques et les connaissances requises n'étaient pas cumulatives. La Cour a souligné que, dans cette affaire-là, l'appelant pouvait parler de son travail, de sa famille et de ses antécédents avec facilité en anglais, quoique avec un accent, et que l'aptitude de ce dernier à comprendre et à s'exprimer en anglais sur des sujets qu'il connaît était bonne. L'appelant éprouvait néanmoins de la difficulté à comprendre les questions portant sur sa connaissance des responsabilités et obligations conférés par la citoyenneté ou à y répondre. Il a été autorisé à s'exprimer par l'entremise d'un interprète.

[5]      Cependant, dans Re Adolfo D'Intino, T-819-78 (5 juillet 1978), la Cour a considéré que les exigences linguistiques et les connaissances requises étaient liées. Elle a refusé d'accorder à l'appelant l'autorisation de soumettre sa preuve par l'entremise d'un interprète. Le juge a écrit :

                 [TRADUCTION] Une connaissance suffisante de l'anglais présuppose que l'on comprenne des questions simples et directes sur des sujets que l'on connaît, et que l'on réponde verbalement et d'une manière intelligible à ces questions dans cette langue. Il est évident qu'un candidat à la citoyenneté doit connaître les responsabilités et privilèges que celle-ci confère, et ce sont là des questions qu'il est essentiel pour le candidat de connaître. Ce sont des conditions préalables à l'octroi de la citoyenneté.                 

[6]      Si je comprends bien les dispositions de la Loi sur la Citoyenneté, le demandeur de citoyenneté doit avoir une aptitude suffisante en anglais et une connaissance suffisante du régime politique canadien (les responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté) pour y prendre part (exercer son droit de vote, par exemple) d'une façon indépendante et significative. C'est pour cette raison que l'aptitude dans l'une des deux langues officielles et la connaissance des responsabilités et avantages des citoyens doivent être " suffisantes ". À mon sens, cela exige au minimum un niveau de compréhension raisonnable d'une langue écrite ou parlée et une facilité restreinte à s'exprimer dans celle-ci.

[7]      L'appelante se trouve malheureusement dans la même situation que plusieurs immigrants admis qui ne sont pas arrivés au pays en jeune âge. Plus on vieillit, plus il est difficile d'apprendre une deuxième langue. En outre, vu que l'appelante est mère de plusieurs enfants et qu'elle n'a jamais travaillé à l'extérieur du foyer, il ne lui était pas vraiment nécessaire d'apprendre l'anglais ni vraiment possible d'intéragir avec des personnes unilingues anglaises. Dans les circonstances, j'estime qu'il convient de renvoyer la demande de l'appelante à un juge de la citoyenneté pour qu'il l'examine à nouveau en se demandant s'il convient de recommander une dispense ministérielle, compte tenu particulièrement des efforts récemment déployés par l'appelante pour améliorer sa connaissance de l'anglais et du Canada.

[8]      À la lumière de ce qui précède, je ne peux malheureusement pas conclure que l'appelante possède une connaissance suffisante de la langue anglaise conformément aux exigences de la Loi. D'autre part, je souhaite qu'elle poursuive ses efforts pour acquérir la connaissance de l'anglais et du Canada et, tel que je



l'ai mentionné précédemment, sa demande est renvoyée afin d'être examinée à nouveau eu égard à une possible recommandation de dispense.

" B. Reed "          Juge

Toronto (Ontario)

Le 6 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                      T-2375-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AFFAIRE INTÉRESSANT LA
                             LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29,
                             ET l'appel de la décision d'un juge de la citoyenneté,
                             ET
                             NAWAL RAJA EL SABBAGHE,

     appelante.

DATE DE L'AUDIENCE :              LE MARDI 3 NOVEMBRE 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE REED
DATE DES MOTIFS :                  LE VENDREDI 6 NOVEMBRE 1998
ONT COMPARU :                      Mme Nawal Raja El Sabbaghe
                                     pour son propre compte
                                 M. Peter K. Large
                                     amicus curiae
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Nawal Raja El Sabbaghe
                             3050, avenue Pharmacy Appartement 1805
                             Scarborough (Ontario)
                             M1W 2N7
                                        
                                 pour son propre compte
                             Peter K. Large
                             372, rue Bay, bureau 610
                             Toronto (Ontario)
                             M5H 2W9
                                 amicus curiae

                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19981106

                         Dossier : T-2375-97

                     Entre :

                     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C.(1985), ch. C-29,
                     ET l'appel de la décision d'un juge de la citoyenneté,
                     ET
                     NAWAL RAJA EL SABBAGHE,

     appelante.

                    

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                    

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