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Date : 20060620

Dossier : IMM-3915-05

Référence : 2006 CF 751

ENTRE :

THAMBITHURAI, Puviraj

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE PINARD

 

 

[1]        Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 14 juin 2005, selon laquelle le demandeur a perdu son droit d’interjeter appel de la mesure de renvoi prononcée contre lui.

 

Faits

[2]        Puviraj Thambithurai (le demandeur) est arrivé par le point d’entrée de Mirabel le 23 mars 1993. Il a déclaré avoir quitté son pays de citoyenneté, le Sri Lanka, le 19 mars 1993 pour se rendre à Bangkok et à Londres avant d’arriver au Canada. Il ne possédait aucun titre de voyage. Il avait une copie de son permis de conduire, délivré en février 1984. Il habitait alors à Colombo. Il possédait également une carte d’identité délivrée le 30 juillet 1992 à Colombo. Selon ce document, il exerçait la profession d’« étudiant ». 

 

[3]        Le 5 avril 1993, le demandeur a présenté son Formulaire de renseignements personnels (FRP) à la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Le 2 septembre 1993, le demandeur s’est vu accorder le statut de réfugié au Canada.

 

[4]        Le 18 novembre 1993, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente pour réfugié au sens de la Convention. Il y a déclaré qu’il possédait un passeport sri‑lankais valide jusqu’au 29 juillet 1997.

 

[5]        Le 10 décembre 1994, le demandeur est devenu résident permanent du Canada.

 

[6]        Après avoir reçu une dénonciation anonyme, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a ouvert une enquête. La GRC a informé CIC qu’Interpol France avait identifié le demandeur, les 18 et 20 février 1988, par comparaison des empreintes digitales. Il avait été identifié en raison d’un crime en matière de drogue.

 

[7]        Le 9 janvier 1997, le demandeur est entré au Canada à l’aéroport de Mirabel et subi une entrevue menée par deux agents d’immigration. Il a nié avoir résidé en France et y avoir commis un crime quelconque. Le demandeur a présenté un passeport sri-lankais valide du 2 février 1995 au 9 février 2000. Il a également présenté un document d’A.K.S. Pharmacy, son présumé employeur au Sri Lanka. Ce document confirmait qu’il y avait été employé d’avril 1990 à janvier 1993. 

 

[8]        CIC a effectivement reçu des documents judiciaires portant sur les infractions criminelles  dont le demandeur avait été accusé. Ces documents révèlent que le demandeur a été arrêté à Paris le 16 février 1988, ainsi que d’autres personnes, lors d’une tentative délibérée de vendre 720 grammes et 560 grammes d’héroïne. Le 26 septembre 1989, il a été reconnu coupable d'acquisition, de possession et de trafic d’héroïne ainsi que d’association ou de conspiration en vue d’acquérir des marchandises prohibées, d’en posséder ou d’en faire le trafic et la contrebande, infractions punissables en vertu du Code de la santé publique et du Code des douanes. Il a été condamné à sept ans d'emprisonnement en vertu du paragraphe 464-1 du Code de procédure pénale, à verser conjointement et individuellement à l'administration douanière la somme de 1 277 000 francs et à payer une amende de 2 554 000 francs. Il a également été banni du territoire français.

 

[9]        Le procès-verbal de l’audience devant la Section de l’immigration, tenue le 28 février 2002, indique que le demandeur a été interrogé sur le temps pendant lequel il est demeuré en France après septembre 1989. Il a répondu [traduction] « environ trois ans et demi », mais il ne pouvait se souvenir du moment exact ou de l’année où il a quitté la France.

 

[10]      Selon la décision rendue le 23 septembre 2003 par la Section de l’immigration, le demandeur est une personne visée par l’alinéa 36(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, c’est-à­‑dire qu’il est interdit de territoire pour grande criminalité, et par l’alinéa 40(1)a), c’est-à-dire qu’il est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations. Le demandeur a été frappé d’une mesure d’expulsion. Il a interjeté appel de cette décision devant la SAI. L’appel n’a jamais été jugé sur le fond.

 

[11]      Le demandeur est aujourd’hui marié à Shanti Rajaratnam, qu’il a parrainée après son mariage. Mme Thambithurai possède maintenant la citoyenneté canadienne. Deux enfants sont nés au Canada de cette union; ils sont citoyens canadiens.

 

[12]      Le 12 février 2004, le défendeur a déposé une demande, en vertu de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, pour faire annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile.

 

[13]      Le 18 mai 2005, la SPR a accueilli la demande visant à faire annuler le statut de réfugié / personne à protéger du demandeur. Cette décision fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire devant la Cour, dossier IMM-3579-05 (demande accueillie par la Cour aujourd’hui).

 

[14]      Le 14 juin 2005, pour faire suite à la demande déposée par le défendeur, la SAI a rendu une décision statuant que le demandeur avait perdu son droit d’interjeter appel de la mesure de renvoi prononcée contre lui. Cette décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. 

 

Dispositions pertinentes

[15]      Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), sont rédigées ainsi :

46. (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants :

46. (1) A person loses permanent resident status

a) l’obtention de la citoyenneté canadienne;

(a) when they become a Canadian citizen;

b) la confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence;

(b) on a final determination of a decision made outside of Canada that they have failed to comply with the residency obligation under section 28;

c) la prise d’effet de la mesure de renvoi;

(c) when a removal order made against them comes into force; or

d) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile ou celle d’accorder la demande de protection.

(d) on a final determination under section 109 to vacate a decision to allow their claim for refugee protection or a final determination under subsection 114(3) to vacate a decision to allow their application for protection.

63. (3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise au contrôle ou à l’enquête.

63. (3) A permanent resident or a protected person may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision at an examination or admissibility hearing to make a removal order against them.

95. (2) Est appelée personne protégée la personne à qui l’asile est conféré et dont la demande n’est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

95. (2) A protected person is a person on whom refugee protection is conferred under subsection (1), and whose claim or application has not subsequently been deemed to be rejected under subsection 108(3), 109(3) or 114(4).

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

 

 

 

Décision à l’étude

 

[16]      La décision rendue par la SAI le 14 juin 2005 est rédigée ainsi :

 

[traduction]

Une vérification a été faite relativement à la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 18 mai 2005.  La SPR a accueilli la demande visant à faire annuler le statut de réfugié / personne à protéger de l’appelant. L’appelant a perdu son statut de résident permanent, conformément à l’alinéa 46(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), ainsi que son droit d’interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) prévu au paragraphe 63(3) de la LIPR.

 

 

 

Analyse

[17]      À mon sens, le fondement de la décision rendue le 14 juin 2005 par la SAI est entaché d’un vice essentiellement parce que la SAI s’est appuyée sur la décision qui a été rendue le 23 septembre 2003 par la Section de l’immigration et qui a été annulée par la Cour aujourd’hui pour le motif qu’elle constituait un abus de procédure. 

 

[18]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision rendue le 14 juin 2005 par la SAI, en toute équité, est annulée et l’affaire est renvoyée à la SAI pour qu’elle la juge en tenant compte des présents motifs. 

 

[19]      Je conviens avec l’avocat du défendeur qu’il n’y a aucune raison de certifier une question en l’espèce.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 20 juin 2006

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-3915-05

 

INTITULÉ :                                                               THAMBITHURAI, PUVIRAJ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 11 AVRIL 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 20 JUIN 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jérôme Choquette, c.r.                                                 POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel Latulippe                                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Choquette, Beaupré, Rhéaume                                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                          

 

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