Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision






Date : 20001124


Dossier : T-1373-99



ENTRE :



BRUCE ALLAN BEATTIE, en qualité de cessionnaire de

Sicily Candice Aven, en son propre nom et

au nom des personnes énumérées dans l'Annexe « A » ci-jointe

     demandeurs


ET :


     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]          Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse en vue d'obtenir une ordonnance radiant la déclaration des demandeurs en vertu de la règle 221 des Règles de la Cour fédérale et une ordonnance rejetant l'action. Les moyens invoqués à l'appui de la requête sont les suivants : les actes de procédure ne révèlent aucune cause d'action valable, sont scandaleux, frivoles et vexatoires et constituent autrement un abus de procédure.

[2]          Voici les faits à l'origine de la requête. En 1915 et en 1916, en vertu du Traité no 8, la Bande indienne des Castors de Fort St. John a choisi des terres de réserve situées au nord de la rivière de la Paix. En 1916, la réserve indienne no 172 a été mise de côté au profit et à l'usage de la Bande. En mars 1948, le gouverneur général en conseil a transféré la réserve indienne no 172 au directeur, au sens de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, qui a ensuite subdivisé et cédé la réserve indienne no 172 avec les droits miniers afférentes à différents tiers.

[3]          En 1977, la Bande indienne de la rivière Blueberry et la Bande indienne de la rivière Doig ont été constituées à la suite de la scission en deux bandes de la Bande des Castors de Fort St. John. La bande indienne de la rivière Blueberry et la bande indienne de la rivière Doig ont alors succédé à la Bande indienne des Castors de Fort St. John dans ses droits, titres et intérêts sur la réserve no 172.

[4]          La subdivision et la vente de la réserve indienne no 172, y compris les droits miniers afférents, à des tiers ont fait l'objet de poursuites judiciaires engagées en 1978 par les chefs alors en poste de la Bande indienne de la rivière Blueberry et de la Bande indienne de la rivière Doig en leur propre nom et au nom de tous les descendants encore vivants de la Bande indienne des Castors. Cette instance, connue comme l'affaire Apsassin, a été formée contre la Couronne pour manquement à ses obligations de fiduciaire relativement à l'aliénation de la réserve indienne no 172, y compris l'aliénation des droits miniers afférents. La Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l'action et un appel devant la Cour d'appel fédérale a échoué.

[5]          L'affaire a alors été portée devant la Cour suprême du Canada, qui a prononcé son jugement accueillant le pourvoi le 14 décembre 1995 (révisé le 23 mai 1996). La Cour suprême a conclu que la Couronne avait manqué à son obligation de fiduciaire en aliénant et en n'acquérant pas de nouveau certains droits miniers afférents à la réserve indienne no 172. En conséquence, le Canada a été tenu de verser des dommages-intérêts relativement aux droits miniers afférents à la réserve indienne no 172 cédés après le 9 août 1949.

         

[6]          Le 2 mars 1998, le juge Hugessen, de notre Cour, a approuvé un règlement négocié entre la Couronne et les demandeurs sur présentation d'une requête en vertu de la règle 605 des Règles de la Cour fédérale. Un jugement de 147 millions de dollars a été prononcé contre la Couronne (le jugement Apsassin). Ce jugement a laissé irrésolue la question du droit des « descendants encore vivants » de recevoir une part du produit du jugement et a permis aux descendants encore vivants de la Bande indienne des Castors de faire valoir leur droit de recevoir une part du produit du jugement Apsassin. À la page 3 du jugement, le juge Hugessen a dit :

         [ Traduction] LA COUR ORDONNE que le présent jugement et le règlement auquel la Cour est parvenue ne créent aucun droit en faveur des personnes décrites dans l'intitulé de la cause comme étant les « descendants encore vivants de la bande indienne des Castors » , ou en faveur de personnes décrites au paragraphe 3 de la déclaration comme étant « tous les descendants, identifiés ou non, de la bande des Castors de Fort St. John et de la bande des Castors de St. John, et leurs représentants juridiques » , notamment un droit au partage du produit du règlement. La question de leurs droits reste à déterminer conformément à l'annexe A aux termes de toute autre ordonnance de la Cour.



[7]          Le jugement Apsassin a établi un processus visant à aviser ces personnes du jugement et leur permettant de déposer des avis de demande. Sicily Candice Aven et chacune des personnes énumérées dans l'Annexe « A » jointe à la déclaration dans la présente requête ont déposé un avis de demande dans lequel elles affirment être des descendants encore vivants d'un membre de la Bande des Castors et avoir droit à une part du jugement Apsassin. Ces personnes ont présenté des observations à la Cour concernant leur droit à une part du jugement.

    

[8]          Après l'expiration du délai fixé pour le dépôt des avis de demande, la Bande indienne de la rivière Blueberry et la Bande indienne de la rivière Doig ont présenté une requête demandant à la Cour de statuer sur une question de droit en vertu de l'alinéa 220(1)a) des Règles de la Cour fédérale. Le 19 novembre 1998, monsieur le juge Hugessen a prononcé des motifs concernant l'avis de requête, dans lesquels il a dit qu'il était « possible qu'une réponse à la question règle définitivement une partie ou la totalité des questions à l'étape actuelle de la présente action, c'est-à-dire la détermination du droit au produit du jugement. » Il a ensuite énoncé la question suivante afin qu'elle soit tranchée :

         Y a-t-il des personnes, c'est-à-dire des descendants encore vivants de la bande indienne des Castors, qui ne sont pas à l'heure actuelle membres de la bande indienne de la rivière Doig et de la bande indienne de la rivière Blueberry, et qui ont individuellement ou collectivement droit d'être considérés comme des membres de la collectivité à qui sera versé le produit du jugement?



[9]          L'audition de cette question de droit a eu lieu les 3 et 4 mars 1999. Dans une ordonnance en date du 7 avril 1999, la Cour a répondu à cette question de droit par la négative et a décidé que les « descendants encore vivants » de la Bande indienne des Castors qui ne sont pas actuellement membres de la Bande indienne de la rivière Doig ni de la Bande indienne de la rivière Blueberry n'avaient pas le droit, individuellement ou collectivement, de recevoir une part du produit du jugement Apsassin. Le juge Hugessen a fait la remarque suivante sur ce point :

         Les droits que la Bande des Castors possédait sur la réserve indienne 172 étaient des droits collectifs dont bénéficiaient les membres de la bande à ce moment-là. Lorsque la bande des Castors a cessé d'exister, ces droits ont été transmis aux membres des deux nouvelles bandes, soit les bandes de la rivière Blueberry et de la rivière Doig. Étant donné qu'il s'agissait de droits collectifs et non de droits individuels, ces droits ne pouvaient être exercés par des particuliers ou transmis à des particuliers. L'obligation fiduciaire qui a été violée a été établie dans ce cas-ci en faveur de la bande des Castors et le droit d'action en résultant a été transmis aux nouvelles bandes. Ce droit était également un droit collectif que possédaient et que possèdent encore les membres actuels de ces bandes collectivement et non individuellement. C'est l'appartenance et non l'ascendance qui détermine le droit aux terres de la réserve et, par conséquent, aux dommages-intérêts découlant de toute violation d'une obligation fiduciaire y afférente. Par conséquent, les descendants qui ne sont pas membres de la bande ne peuvent pas avoir droit à une partie du produit du jugement.


[10]          Onze appels de cette ordonnance ont été formés, mais les demandeurs n'ont pas déposé d'appel et le délai à l'intérieur duquel ils pouvaient le faire est expiré. Ni Sicily Candice Aven ni aucune personne dont le nom figure dans l'annexe « A » jointe à la déclaration ne sont membres soit de la Bande indienne de la rivière Blueberry, soit de la Bande indienne de la rivière Doig. Selon l'ordonnance du 7 avril 1999, elles n'ont donc pas droit à une part du produit du jugement Apsassin.

[11]          Le 23 septembre1999, sur présentation d'une requête par les demandeurs dans l'affaire Apsassin, notre Cour a statué que la question du droit des « descendants encore vivants » avait été résolue conformément à l'ordonnance du 2 mars 1998 et que les demandes des personnes qui avaient déposé un avis de demande en vertu de l'ordonnance du 2 mars 1998 étaient rejetées. Les demandeurs n'ont pas comparu dans le cadre de la requête, bien qu'elle leur ait été signifiée valablement, et n'ont pas non plus interjeté appel de l'ordonnance du 23 septembre 1999. Leur délai d'appel est expiré.

[12]          Le 29 juillet 1999, le demandeur, en qualité de cessionnaire de Sicily Candice Aven, et en son propre nom et au nom de seize autres personnes énumérées dans l'annexe « A » , a intenté la présente action au moyen d'une déclaration. Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire concernant leur droit personnel à une part égale per capita des avantages tirés découlant de l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172. De plus, ils demandent des jugements déclaratoires concernant leur droit personnel au paiement d'une part égale per capita de la juste valeur marchande totale des droits miniers afférents à la réserve indienne no 172 et des intérêts composés exigibles à l'égard de leur prétendu droit personnel.

[13]          Le paragraphe 5 de la déclaration allègue qu'un traité, soit le Traité no 8, a été conclu par voie d'adhésion à Fort St. John, en Colombie-Britannique, ou près de cet endroit, le 30 mai 1900, entre Sa Majesté la Reine et certains Autochtones qui ont été appelés les Indiens Castors de Fort St. John. La déclaration cite l'extrait suivant du Traité no 8, pertinent quant à la requête :

         Et Sa Majesté la Reine par les présentes convient et s'oblige de mettre à part des réserves pour les bandes qui en désireront, pourvu que ces réserves n'excèdent pas en tout un mille carré pour chaque famille de cinq personnes pour tel nombre de familles qui désireront habiter sur réserves, ou dans la même proportion pour des familles plus ou moins nombreuses ou petites; et pour les familles ou les sauvages particuliers qui préféreront vivre séparément des réserves des bandes, Sa Majesté s'engage de fournir une terre en particulier de 160 acres à chaque sauvage, la terre devant être cédée avec une restriction quant à l'inaliénation sans le consentement du Gouverneur général du Canada en conseil, le choix de ces réserves et terres en particulier devant se faire de la manière suivante, savoir: le Surintendant général des Affaires des Sauvages devra députer et envoyer une personne compétente pour déterminer et assigner ces réserves et terres après s'être consulté avec les sauvages intéressés quant à la localité que l'on pourra trouver convenable et disponible pour le choix.

[14]          Les demandeurs soutiennent que la réserve indienne no 172, y compris les droits miniers y afférents, a été mise de côté en vertu du Traité no 8, avec ratification par le décret CP 819 en date du 11 avril 1916, au profit et à l'usage des Indiens Castors de Fort St. John. La déclaration affirme que les ressources minières afférentes à la réserve indienne numéro 172 ont été aliénées par inadvertance et n'ont pas été acquises de nouveau par la Couronne, ce qui a créé un manquement à une obligation de fiduciaire qui existait, selon les prétentions des demandeurs, envers les personnes encore vivantes qui ont adhéré au traité et leurs descendants. Les demandeurs soutiennent que ce manquement par la Couronne à une obligation de fiduciaire concernant l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne numéro 172 et le défaut de les acquérir de nouveau leur a causé et continue de leur causer une perte personnelle de droits qui les autorise à réclamer des dommages-intérêts et les jugements déclaratoires susmentionnés.

[15]          Dans une défense déposée le 27 août 1999, la Couronne nie expressément l'allégation contenue dans la déclaration et décrit plus en détail la négociation et la ratification du Traité numéro 8 et l'adhésion au Traité numéro 8 par les Indiens Castors de Fort St. John.

[16]          La défense déposée par la Couronne nie aussi tout droit et toute cause d'action qu'invoquent les demandeurs dans la déclaration; elle nie la validité des cessions invoquées par les demandeurs; elle allègue que l'action des demandeurs est irrecevable par application du principe de la chose jugée; enfin, elle demande la radiation de la déclaration au motif qu'elle est scandaleuse, frivole, vexatoire et qu'elle constitue un abus de procédure.

[17]          Le 3 septembre 1999, en réponse à la défense, les demandeurs ont déposé une réponse devant la Cour. La réponse allègue notamment que les demandes que font valoir les demandeurs dans leur déclaration touchent des droits individuels et non des droits dévolus à la Bande. La réponse mentionne, au paragraphe 7, que les procédures et les jugements dans l'affaire Apsassin ne sont pas pertinents, si ce n'est dans la mesure où les tribunaux ont statué que :

     a) la qualité de membre d'une Première nation et la jouissance d'un droit ancestral ou issu de traité découlant de cette qualité est très différente de la qualité de membre d'une bande et de la jouissance de droits en découlant. Il peut y avoir et il y a effectivement souvent chevauchement entre ces deux notions, mais elles ne sont pas identiques pour autant;
     b) il a été établi que les droits collectifs visés par l'affaire Apsassin tirent leur origine exclusivement des dispositions de la Loi sur les Indiens et sont dévolus en exclusivité aux bandes, qui sont des entités d'origine législative;
     c) les demandeurs ne font pas partie de la collectivité qui a droit au produit du jugement Apsassin;
     d) les demandeurs n'ont subi aucun préjudice du fait de leur inclusion dans l'intitulé de la cause dans le jugement Apsassin et s'ils ont des droits, ils sont maintenant en mesure de les revendiquer.


[18]          Le paragraphe 8 de la réponse affirme que les demandeurs ne revendiquent aucune part du produit du jugement Apsassin et, de plus, que les cessions mentionnées dans la déclaration n'avaient pas pour objet d'emporter la cession d'un droit ou d'une prétention au produit du jugement et n'emportaient pas la cession de droits collectifs ou de quelque autre droit sur des réserves existantes.

[19]          Après un examen attentif, je suis convaincu que la déclaration doit être radiée et l'action des demandeurs rejetée parce que la déclaration ne révèle aucune cause d'action et qu'elle donne application aux principes de la préclusion et de la chose jugée, de sorte qu'elle constitue un abus de procédure au sens de l'alinéa 221f) des Règles de la cour fédérale.

[20]          Le critère à appliquer pour radier un acte de procédure consiste à se demander s'il est évident et manifeste que la demande ne révèle aucune cause d'action valable. En l'espèce, il est évident et manifeste que tout droit afférent à la réserve indienne numéro 172 et tout droit ancestral ou issu d'un traité touchant la réserve indienne numéro 172 constituent des droits collectifs d'une bande indienne ou d'une Première nation. En droit, les demandeurs n'ont aucun droit personnel lié aux droits miniers ou à l'aliénation de ces droits, sur lequel fonder une cause d'action telle celle invoquée par les demandeurs en l'espèce. Le droit légal à l'usage et au profit des terres de réserve est un droit collectif dévolu aux membres de la bande regroupés en une entité et non aux membres de la bande individuellement.

[21]          Dans la déclaration, la cause d'action invoquée par les particuliers demandeurs est une demande fondée sur un manquement à une obligation de fiduciaire. L'unique perte ou préjudice que les particuliers demandeurs soutiennent avoir subi en raison du prétendu manquement découlerait des opérations conclues par la défenderesse relativement à la réserve indienne numéro 172. Étant donné que la réserve indienne numéro 172 a été mise de côté pour une bande indienne en vertu du Traité numéro 8, seule la bande, en tant que collectivité, peut faire valoir les allégations formulées dans la déclaration, que les demandeurs ne peuvent donc pas invoquer individuellement dans la présente action pour se faire reconnaître un droit individuel. Par conséquent, la déclaration ne révèle aucune cause d'action et il est évident et manifeste qu'elle est vouée à l'échec et doit donc être radiée.

[22]          Par ailleurs, il est clair que le principe de la chose jugée s'applique en l'espèce. En 1916, la réserve indienne numéro 172 a été mise de côté pour la Bande indienne des Castors de Fort St. John en application des stipulations du Traité numéro 8. Par la suite, les droits miniers afférents à la réserve indienne numéro 172 ont été aliénés en faveur de tiers. Comme je l'ai déjà souligné et comme de nombreuses décisions de la Cour l'ont établi, jusqu'à l'arrêt culminant prononcé par la Cour suprême dans l'affaire Apsassin, il a été décidé que la Couronne est tenue de verser des dommages-intérêts relativement à l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne numéro 172. En conséquence, une ordonnance de notre Cour fixant le montant des dommages-intérêts à 147 millions de dollars a été inscrite. De plus, la Cour a établi un processus visant à déterminer qui a le droit de recevoir une part du jugement parmi tous ceux qui le revendiquent, y compris les demandeurs. Plus tard, une question de droit consistant à déterminer si des particuliers demandeurs avaient droit à une part du produit du jugement a été soumise à la Cour. Dans le cadre de la procédure visant à trancher cette question de droit, les demandeurs ont demandé à la Cour de décider s'ils avaient personnellement droit à une part de l'argent versé en raison de l'aliénation des droits minéraux afférents à la réserve indienne numéro 172.

[23]          Les demandeurs ont aussi fait valoir, dans cette instance, comme dans les paragraphes 10 et 11 de la déclaration contestée, que la réserve indienne numéro 172 a été mise de côté au profit et à l'usage des membres de la Bande des Castors, individuellement, et que l'affaire Apsassin a été introduite pour leur profit personnel quant a leurs droits personnels sur la réserve indienne numéro 172. Les demandeurs ont présenté de longues observations oralement et par écrit sur le droit individuel des [Traduction] « descendants naturels des personnes qui ont adhéré initialement au Traité numéro 8 » et ils ont déposé des observations écrites portant que c'étaient les descendants des Castors qui avaient adhéré au Traité numéro 8 qui avaient le droit de présenter une demande fondée sur un manquement à une obligation de fiduciaire. Ils ont soutenu que c'était ce groupe et non une bande constituée sous le régime de la Loi sur les Indiens qui était créancier de cette obligation. En conclusion, les demandeurs ont plaidé ce qui suit :

     [Traduction] Pour tous les motifs qui précèdent, les demandeurs soutiennent qu'il convient de conclure, à partir des faits avérés et du droit applicable, que les descendants naturels encore vivants des Indiens qui ont adhéré au Traité numéro 8, au profit exclusif desquels la réserve indienne numéro 172 a été mise de côté, sont les seules personnes qui aient déjà eu une cause d'action contre la défenderesse relativement à l'aliénation des droits miniers afférents à cette réserve et qu'ils sont donc les seules personnes qui peuvent, selon le droit, bénéficier du jugement.



[24]          Le 7 avril 1999, la Cour a répondu à cette question de droit par la négative. Le juge Hugessen a statué que les demandeurs, y compris les demandeurs en l'espèce, n'avaient droit à aucune part du produit du jugement Apsassin. La Cour a dit ce qui suit, dans son ordonnance :

     25. La réserve indienne 172 a été mise de côté au profit de la bande des Castors. Une bande est formée d'un groupe d'Indiens pour lequel des terres ont été mises de côté par Sa Majesté et au profit duquel ces terres sont détenues. Une bande ne doit pas être assimilée à une première nation. La qualité de membre d'une bande ne dépend pas d'une succession héréditaire ou d'un lien de descendance, mais de la loi elle-même. Une bande est une collectivité et les droits qu'elle possède sur une réserve qui est mise de côté à son profit sont des droits collectifs et non des droits individuels. Ces droits peuvent englober des droits ancestraux ou des droits issus de traités, mais ils ne sont dévolus qu'à la bande. Ils ne sont pas transmissibles par succession héréditaire; le descendant d'un membre d'une bande n'acquiert pas les droits de ce membre dans la collectivité à moins d'être ou de devenir lui-même membre de la bande.
     26. Les droits que la Bande des Castors possédait sur la réserve indienne 172 étaient des droits collectifs dont bénéficiaient les membres de la bande à ce moment-là. Lorsque la bande des Castors a cessé d'exister, ces droits ont été transmis aux membres des deux nouvelles bandes, soit les bandes de la rivière Blueberry et de la rivière Doig. Étant donné qu'il s'agissait de droits collectifs et non de droits individuels, ces droits ne pouvaient être exercés par des particuliers ou transmis à des particuliers. L'obligation fiduciaire qui a été violée a été établie dans ce cas-ci en faveur de la bande des Castors et le droit d'action en résultant a été transmis aux nouvelles bandes. Ce droit était également un droit collectif que possédaient et que possèdent encore les membres actuels de ces bandes collectivement et non individuellement. C'est l'appartenance et non l'ascendance qui détermine le droit aux terres de la réserve et, par conséquent, aux dommages-intérêts découlant de toute violation d'une obligation fiduciaire y afférente. Par conséquent, les descendants qui ne sont pas membres de la bande ne peuvent pas avoir droit à une partie du produit du jugement.

(non souligné dans l'original)




[25]          Il est clair que les demandeurs veulent débattre en l'espèce d'une question qui a déjà été tranchée par la Cour. En l'espèce, ils soulèvent une question identique, soit celle du prétendu manquement de la défenderesse relativement à la réserve indienne numéro 172. La question de l'aliénation des droits miniers afférents à la réserve indienne numéro 172 a déjà été tranché exhaustivement par les tribunaux. La présente instance ne révèle aucune cause d'action qui n'ait pas déjà fait l'objet d'une décision; par conséquent, la déclaration des demandeurs est radiée et leur action est rejetée.

[26]          Je suis d'accord avec la Couronne pour dire que l'action est scandaleuse, frivole et vexatoire. Il ne fait aucun dote que la défenderesse-requérante a droit à ses dépens et, compte tenu des nombreuses instances dans lesquelles la Cour a déjà tranché cette question, j'adjuge les dépens en faveur de la défenderesse sur la base avocat-client.



                                 « P. Rouleau »


                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

24 novembre 2000


Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :              T-1373-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          BRUCE ALLAN BEATTIE et autres c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE :              VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :              LE 16 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                  24 NOVEMBRE 2000


ONT COMPARU :

M. Bruce Allan Beattie                  EN SON PROPRE NOM

Me Robert J. McDonell                  POUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                             POUR LE DEMANDEUR


FARRIS, VAUGHAN WILLS & MURPHY      POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (C.-B.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.