Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190527

Dossier : T-502-19

Référence : 2019 CF 741

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 mai 2019

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

L’ENQUÊTE NATIONALE SUR LES FEMMES ET LES FILLES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA pour le compte de LA GRC, LE SOUS-COMMISSAIRE CURTIS ZABLOCKI et LE SURINTENDANT PRINCIPAL JAMES ZETTLER

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS (VERSION CAVIARDÉE)

I.  Introduction

[1]  On ne saurait trop insister sur les raisons d’intérêt public qui justifient les travaux de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (l’Enquête nationale ou la Commission), compte tenu du caractère épouvantable et tragique de la violence et des autres sévices dont les femmes et les filles autochtones sont victimes depuis de nombreuses années. L’importance de ces travaux est mise en évidence par le fait que, pour la toute première fois, les 14 gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada ont uni leurs efforts en vue d’autoriser par voie de décrets, sous le régime de leurs lois respectives en matière d’enquêtes publiques, la tenue de l’Enquête nationale.

[2]  Les questions que la Cour est appelée à trancher dans la présente demande ne remettent pas en cause l’importance de l’Enquête nationale. Elles visent plutôt à savoir si, dans le contexte particulier dans lequel ces questions ont pris naissance, l’intérêt du public à l’égard des travaux de l’Enquête nationale l’emporte sur l’intérêt du public à l’égard de la protection de deux enquêtes criminelles en cours contre le risque de divulgation de renseignements susceptibles de compromettre ces enquêtes et les poursuites qui pourraient en résulter.

[3]  Les deux enquêtes en question – l’une portant sur une femme autochtone assassinée et l’autre sur une femme autochtone disparue – ont été l’objet de certificats délivrés par des commandants divisionnaires de la Gendarmerie Royale du Canada (la GRC) en application de l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC (1985), c C‑5, dans le but de s’opposer à la divulgation de renseignements à l’Enquête nationale pour des raisons d’intérêt public déterminées. Les deux commandants divisionnaires en question ont attesté que la communication des dossiers connexes porterait préjudice à des enquêtes criminelles en cours sur la mort et la disparition de deux femmes autochtones.

[4]  Il est important de signaler au départ que, pour soutenir les travaux de l’Enquête nationale, la GRC a communiqué 119 dossiers d’enquête, dont 23 dossiers actifs. Rien dans le dossier soumis à la Cour n’indique que la délivrance des certificats relatifs aux deux affaires en question avait pour but d’entraver les travaux de l’Enquête nationale, ou qu’ils ont été délivrés de mauvaise foi pour éviter de mettre la GRC dans l’embarras. La Cour est convaincue que les deux certificats visaient à éviter que l’on porte préjudice à un intérêt public légitime.

[5]  Compte tenu des éléments de preuve ainsi que des observations orales et écrites des avocats des deux parties, de même que pour les motifs qui suivent, la Cour conclut que les certificats doivent être confirmés.

[6]  La présente demande a été l’objet dès le départ d’une ordonnance de confidentialité, et une ordonnance de confidentialité supplémentaire a été rendue en vue de régir l’audience publique tenue à Vancouver les 13 et 14 mai 2019. Les présents motifs ont été rédigés pour être rendus publics. La Cour a décidé de ne pas nommer la femme autochtone qui a été assassinée et celle qui a disparu, ni les endroits où leurs dossiers font l’objet d’une enquête. Il ne serait pas difficile de connaître leur nom à partir d’informations faisant partie du domaine public, mais la Cour estime qu’il convient de continuer de cacher leur identité par respect pour leur vie privée ainsi que pour celle de leur famille, de même que pour protéger les enquêtes. Pour les mêmes raisons, certains documents déposés dans le cadre de la présente instance seront gardés sous scellés et, dans les présents motifs, certains renseignements ont été caviardés.

II.  Le contexte

[7]  L’Enquête nationale a été constituée le 1er septembre 2016 par le décret CP 2016‑737, (2016) Gaz C II, 3425 (publié le 24 août 2016). Comme je l’ai indiqué, toutes les provinces et tous les territoires ont également décidé d’y participer. Les conditions des décrets provinciaux et territoriaux reflètent celles de l’instrument fédéral, et elles présentent quelques différences qui s’appliquent à la province ou au territoire en question. Les cinq mêmes commissaires ont été désignés dans chaque décret, et l’un d’eux a par la suite démissionné.

[8]  Conformément au Cadre de référence fédéral, dont une copie est jointe ci‑après en tant qu’annexe A, le rapport final de l’Enquête nationale devait être déposé le 1er novembre 2018, et le mandat de cette dernière était censé expirer le 31 décembre 2018. En juin 2018, le délai de production du rapport final a été reporté au 30 avril 2019. En avril 2019, le Canada a prolongé le délai au 30 mai 2019. L’Enquête nationale disposait d’un délai d’un mois par la suite pour régler certaines questions, comme le transfert de ses dossiers au Bureau du Conseil privé de façon à ce qu’ils soient conservés et stockés aux Archives nationales.

[9]  Le Cadre de référence, notamment, prescrivait aux commissaires d’enquêter et de faire rapport sur :

  1. les causes systémiques de toutes formes de violence — y compris la violence sexuelle — à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada, notamment les causes sociales, économiques, culturelles, institutionnelles et historiques sous-jacentes qui contribuent à perpétuer la violence et les vulnérabilités particulières de ces femmes et de ces filles,

  2. les politiques et les pratiques institutionnelles mises en place en réponse à la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada, y compris le recensement et l’examen des pratiques éprouvées de réduction de la violence et de renforcement de la sécurité,

[10]  Les commissaires ont également eu pour instruction de mener l’Enquête nationale de la manière qu’ils jugeaient indiquée et de formuler des recommandations sur les mesures pratiques et concrètes qui pouvaient être prises pour éradiquer les causes systémiques de la violence et renforcer la sécurité des femmes et des filles autochtones au Canada. Les commissaires ont également été chargés de remplir leurs fonctions sans formuler de conclusions ou de recommandations sur la responsabilité civile ou criminelle de quelque personne ou organisme que ce soit et de procéder de manière à ce que l’Enquête nationale ne nuise à aucune enquête criminelle ou instance pénale en cours.

[11]  Si les commissaires avaient des motifs raisonnables de croire que des renseignements obtenus dans le cadre de l’Enquête nationale pouvaient être utilisés lors d’une enquête ou d’une poursuite relative à une infraction prévue au Code criminel, LRC 1985, c C‑46, ils étaient autorisés à transmettre ces renseignements aux autorités compétentes. Ils étaient en outre autorisés à transmettre à ces dernières tous les renseignements obtenus au cours de l’Enquête nationale s’ils avaient des motifs raisonnables de croire que ces renseignements avaient trait à une inconduite.

[12]  Pour mener l’Enquête nationale, les commissaires étaient autorisés à retenir les services de spécialistes et d’autres personnes mentionnées à l’article 11 de la Loi sur les enquêtes, LRC 1985, c I‑11, dont des experts techniques et des avocats. En vertu de ce pouvoir, l’Enquête nationale a créé une Équipe d’analyse judiciaire des documents (EAJD).

[13]  Selon une Déclaration de transparence publiée par l’Enquête nationale, le mandat de l’EAJD consistait à procéder à l’examen judiciaire des dossiers des services de police et des documents institutionnels connexes en vue de :

  1. relever d’éventuels obstacles ou problèmes systémiques et des lacunes concernant la protection des femmes et des filles autochtones et des membres de la communauté 2SLGBTQ autochtone;

  2. tirer des conclusions et formuler des recommandations sur les causes systémiques de la disparition et de l’assassinat de femmes et de filles autochtones et de membres de la communauté 2SLGBTQ autochtone, y compris les actes de violence à leur encontre.

[14]  Comme il a été décrit, l’EAJD exercerait ses fonctions sous la supervision du directeur de la recherche de l’Enquête nationale et serait conseillée par le Cercle conseil national des familles et le Cercle consultatif des Grands-mères. L’Enquête nationale orienterait vers l’EAJD un certain nombre d’affaires tirées des dossiers relatifs aux plus de 1 700 personnes ou familles qui étaient entrées en contact avec l’Enquête nationale, ou s’étaient inscrites pour le faire, dans le cadre de ses audiences communautaires et de ses activités de séance de consignation des déclarations. L’objectif était d’obtenir et d’analyser des dossiers connexes de services de police, de coroners et d’avocats du ministère public, de même que des dossiers judiciaires et d’autres informations auprès d’institutions pertinentes.

[15]  Les renseignements reçus devaient demeurer strictement confidentiels et servir aux analyses et aux recommandations de l’EAJD, conformément au Cadre de référence de l’Enquête nationale ainsi qu’à un document intitulé Orientation juridique : règles de pratiques respectueuses.

[16]  Le dossier de la présente instance n’indique pas quels dossiers ont été demandés à des organismes d’application de la loi autres que la GRC ou à des coroners, des avocats du ministère public ou des tribunaux, ou reçus de ces derniers.

[17]  Pour l’examen prévu des deux dossiers en question, l’EAJD serait formée de deux avocats, d’un enquêteur et d’un membre du personnel de soutien, lesquels auraient tous reçu du Bureau du conseil privé des attestations de sécurité de niveau « secret ». La Cour a été informée qu’en raison de la taille des dossiers, l’EAJD avait l’intention de recourir aux services d’une équipe de gestion documentaire relevant du cabinet d’avocats McCarthy Tétrault en vue de les examiner, en se servant d’une liste de contrôle établie par l’enquêteur de l’EAJD.

[18]  Au début de l’Enquête nationale, la GRC a affecté une équipe d’agents et d’employés civils en poste à la Direction générale, à Ottawa, pour gérer la production des documents de la GRC qui étaient destinés à l’enquête. L’agent des opérations qui a été nommé à titre intérimaire et, par la suite, désigné pour superviser ce travail était l’inspecteur Kurtis Kamotzki. Dans l’affidavit qu’il a souscrit le 9 avril 2019, l’inspecteur Kamotzki affirme que la GRC a demandé à l’Enquête nationale de délivrer des ordonnances pour les dossiers qu’elle souhaitait voir produire de manière à ce que la GRC soit autorisée, sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à divulguer tous les renseignements personnels pertinents qui figuraient dans les dossiers.

[19]  La GRC a transmis un premier bloc de 10 dossiers d’enquête en juillet 2017 à titre de projet pilote en vue d’informer le personnel de la Commission. La GRC et les avocats du Service des poursuites pénales du Canada ont également facilité le travail d’examen des dossiers d’homicides pour le compte de la Commission.

[20]  Pour chaque dossier d’enquête de la GRC que l’Enquête nationale ou l’EAJD voulaient avoir, on a demandé à la division chargée de l’enquête de confirmer si le dossier était actif ou classé. Si l’enquête avait pris fin, a déclaré l’inspecteur Kamotzki, le dossier était produit. Si le dossier s’appliquait à une enquête en cours, on demandait à la division qui en était chargée d’évaluer si la communication de ce dossier à l’Enquête nationale nuirait à l’enquête, au dépôt d’accusations ou à la poursuite de l’affaire. Cette évaluation a été faite au cas par cas par un enquêteur chargé des crimes graves de la division. Les dossiers actifs qui pouvaient être communiqués sans nuire à une enquête en cours ont ensuite été produits, selon l’inspecteur Kamotzki.

[21]  L’affidavit de l’inspecteur Kamotzki comporte une chronologie des faits liés aux demandes de dossiers et à la production de ces derniers à l’Enquête nationale, et cette chronologie est étayée par diverses pièces, dont des lettres échangées entre les avocats de la Commission et ceux de la GRC.

[22]  L’Enquête nationale a demandé que l’on produise les deux dossiers qui sont en litige en l’espèce le 22 décembre 2017, en même temps que 25 autres dossiers. L’équipe en poste à la Direction générale n’a pas examiné le contenu de ces deux dossiers, sinon pour déterminer leur [traduction] « empreinte numérique » ou leur taille. Il a été conclu que le dossier concernant la femme autochtone disparue comportait environ 29 000 pages et que celui qui avait trait à la femme autochtone assassinée en comptait 25 800.

[23]  Le 4 janvier 2018, les avocats de la GRC ont informé ceux de la Commission que les deux dossiers étaient liés à des enquêtes en cours et que la GRC examinait quels renseignements, s’il y en avait, pouvaient être communiqués à la Commission sans nuire aux enquêtes en cours. Le 9 janvier 2018, les avocats de la GRC ont transmis aux avocats de la Commission, à titre informatif, un résumé de cas concernant la femme disparue.

[24]  Le 30 janvier 2018, les avocats de la GRC ont confirmé que l’autre dossier en litige – celui qui avait trait à la femme assassinée – était lié à une enquête en cours et qu’il ne serait pas produit pour cause de privilège d’intérêt public. Le 19 avril 2018, l’Enquête nationale a demandé la production de |||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| à un détachement de la GRC en lien avec cette enquête. L’Enquête nationale a été orientée vers |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pour qu’elle demande le |||||||||||||||||||||||||||||, qui a été produit.

[25]  Le 20 septembre 2018, l’EAJD a délivré une ordonnance en vue de la production, avant le 12 octobre 2018, de tous les documents que la GRC avait en sa possession au sujet de 70 personnes. Le 26 septembre 2018, les avocats de la GRC ont écrit à ceux de la Commission et ont indiqué que les deux dossiers d’enquête qui sont en litige dans la présente demande étaient des dossiers pour lesquels l’Enquête nationale avait été informée antérieurement que la GRC revendiquait un privilège d’intérêt public.

[26]  Le 30 octobre 2018, les avocats de la GRC ont présenté une requête aux commissaires de l’Enquête nationale en vue d’obtenir une ordonnance annulant ou modifiant les conditions de l’ordonnance de production délivrée par l’EAJD le 20 septembre 2018, ainsi que celles d’une autre ordonnance de production de l’EAJD, datée du 27 septembre 2018, qui avait été signifiée le 1er octobre 2018. Cette dernière ordonnance concernait la production de tous les documents que possédait la GRC en lien avec 89 personnes, et ce, là aussi, avant le 12 octobre 2018.

[27]  La requête a été entendue les 7 et 14 novembre 2018 à huis clos et ex parte. D’autres parties ayant qualité pour agir devant l’Enquête nationale n’ont pas pris part à l’audition. Dans le cadre de la mesure ordonnée, la GRC a été tenue de fournir par écrit à l’EAJD, avant le 5 décembre 2018, les raisons pour lesquelles elle invoquait le privilège de l’intérêt public dans 12 dossiers, dont ceux qui sont en litige en l’espèce. Ces raisons ont été transmises le même jour, à titre confidentiel, aux avocats de la Commission.

[28]  Les 10 et 11 janvier 2019, six enquêteurs chargés des crimes graves à la GRC se sont entretenus avec des avocats de la Commission et ils ont été interrogés sur ce qui justifiait la revendication du privilège de l’intérêt public. Cette rencontre a eu lieu dans le cadre d’un processus que les avocats de la Commission avaient suggéré et auquel la GRC avait convenu de participer. Les entretiens ont eu lieu à huis clos et ex parte. À la suite de ces derniers, les avocats de la Commission ont voulu obtenir des décisions concernant la production de 10 des 12 dossiers (l’Enquête nationale a retiré son opposition à la revendication du privilège d’intérêt public concernant l’un des dossiers, et la GRC en a fait autant pour un autre). Des ordonnances relatives à la production de neuf des dossiers d’enquête ont été rendues, et au nombre de ces derniers figuraient les deux dossiers qui sont en litige en l’espèce. La GRC a retiré sa revendication de privilège concernant l’un des autres dossiers et elle a produit les dossiers concernant les six affaires restantes, conformément aux ordonnances de la Commission.

[29]  Le 13 février 2019, les avocats des défendeurs ont écrit à ceux de la Commission pour leur faire savoir que la GRC allait invoquer l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada au sujet des deux dossiers qui sont en litige dans la présente demande. Après avoir été informée, le 14 mars 2019, que les avocats de la Commission avaient été mandatés pour contester les demandes fondées sur l’article 37, la GRC a délivré les certificats le même jour. L’Enquête nationale a ensuite déposé la présente demande le 22 mars 2019.

[30]  L’inspecteur Kamotzki a été contre-interrogé sur son affidavit le 15 avril 2019. Ce contre‑interrogatoire a essentiellement porté sur la nature et l’étendue de la collaboration de la GRC avec l’Enquête nationale, dont les niveaux de dotation employés. L’inspecteur Kamotzki a déclaré que ces niveaux avaient atteint un sommet de 30 membres réguliers et civils et que, à la date de son interrogatoire, ce chiffre avait baissé à 18. De plus, quand on prenait la décision de communiquer un dossier, des employés de l’Équipe de gestion de la preuve du ministère de la Justice aidaient à relever et à caviarder les renseignements faisant l’objet d’un privilège générique.

[31]  Le |||||||||||||||||||||||||| relatif à l’enquête sur la femme assassinée a été produit et utilisé en vue du contre-interrogatoire de l’inspecteur Kamotzki. Le rapport a également été inclus dans le dossier relatif à la présente demande. Des parties du |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| par la famille |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| de la femme assassinée et ont été présentés à l’inspecteur Kamotzki à titre de pièces lors de son contre‑interrogatoire. Ont également été produites des informations de presse datées de juin 2015 et portant sur la publication d’une partie de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et des pages Internet de la GRC qui nommaient la victime et demandaient l’aide du public dans le cadre de l’enquête.

[32]  A également été soumis à l’inspecteur Kamotzki un reportage datant de 2017 au sujet de la femme autochtone disparue. Ce reportage comportait une déclaration de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

III.  L’historique procédural

[33]  La présente demande a été instruite de manière accélérée. L’avis de demande initial a été retiré du dossier public pour des raisons de confidentialité, et les parties ont convenu que la demande ferait l’objet d’une gestion spéciale. Une conférence de gestion d’instance a eu lieu le 1er avril 2019. À la suite de directives de la Cour, un avis de requête visant à obtenir une ordonnance de confidentialité sur consentement a été déposé le 4 avril 2019.

[34]  L’ordonnance a été rendue le 5 avril 2019; elle énumérait les documents à déposer à titre confidentiel et autorisait le dépôt d’un avis de demande modifié, exempt de renseignements susceptibles d’identifier les victimes et leurs familles. Un nombre considérable de documents ont par la suite été déposés sous scellés avec l’autorisation de la Cour.

[35]  Le 12 avril 2019, d’autres directives ont été données sur les prochaines mesures à prendre. Le même jour, une ordonnance a été rendue au sujet du dépôt de la preuve par affidavits publics et confidentiels des défendeurs ainsi que du contre-interrogatoire sur ces derniers, qui devait avoir lieu avant le 15 avril 2019. Une audience ex parte, devant le juge des requêtes, a été prévue pour le 26 avril 2019 à Ottawa, et l’audition de la demande a été inscrite pour les 13 et 14 mai 2019, à Vancouver.

[36]  Outre les affidavits publics et confidentiels de l’inspecteur Kamotzki, les défendeurs ont déposé les affidavits confidentiels de deux chefs de l’équipe des enquêteurs de la GRC. La demanderesse a déposé trois affidavits assortis de nombreuses pièces en vue de produire des documents, dont des lettres échangées entre les parties.

[37]  Comme il a été signalé plus tôt, le 26 avril 2019 la Cour a présidé une audience à huis clos et ex parte au cours de laquelle les deux chefs de l’équipe des enquêteurs de la GRC ont témoigné au sujet de l’état des deux dossiers en question. Les notes d’examen de dossier des agents ont été fournies à la Cour. Après que les avocats des défendeurs eurent brièvement interrogé chacun des agents, ceux-ci ont été interrogés en détail par la Cour, qui s’est fondée, en partie, sur des documents émanant de la demanderesse, dont une liste de questions destinées à chaque agent. Cette audience a duré plus de six heures. Conformément à la directive de la Cour, un sommaire de l’audience tenue à huis clos et ex parte a été établi par les avocats des défendeurs, approuvé par la Cour et transmis aux avocats de la demanderesse.

[38]  Lors de la conférence de gestion d’instance tenue le 12 avril 2019, la Cour avait informé les avocats qu’il serait peut-être nécessaire de tenir à huis clos au moins une partie de l’audience relative à la demande, de façon à préserver la confidentialité de certains renseignements en attendant que l’on se prononce sur les certificats délivrés en vertu de l’article 37, tout en respectant le plus possible, dans les circonstances de l’espèce, le principe de la publicité des débats.

[39]  Dans les observations écrites ainsi qu’au cours d’une conférence de gestion d’instance tenue le 7 mai 2019, les défendeurs ont exprimé l’avis qu’il fallait que l’audience relative à la demande ait lieu principalement, sinon entièrement, à huis clos, compte tenu de la difficulté de traiter des questions en litige sans parler des renseignements assujettis à l’ordonnance de confidentialité. La demanderesse a fait valoir que la majeure partie de l’audience devrait être publique. La Cour a ordonné que l’audience ait d’abord lieu en public et que, à ce moment‑là, les personnes présentes, dont n’importe quel membre du public, seraient invitées à présenter des observations sur l’opportunité d’instruire l’affaire à huis clos. Le 9 mai 2019, les défendeurs ont informé la Cour qu’ils avaient changé d’avis au sujet de la possibilité de tenir une audience publique et qu’ils pensaient que la majeure partie de l’audience pouvait avoir lieu en public. Lors d’une conférence de gestion d’instance tenue le 10 mai 2019, la Cour a indiqué que l’audience débuterait le 13 mai 2019 dans une salle d’audience publique et qu’elle se poursuivrait, au besoin, sous la forme d’une instance à huis clos.

[40]  À l’ouverture de l’audience, le 13 mai 2019, les avocats de la Société Radio-Canada (SRC) ont demandé à être entendus et ils ont obtenu la qualité pour agir à seule fin de présenter des observations sur l’opportunité de tenir une partie de l’audience à huis clos. Les avocats de la SRC ont fourni des observations écrites et de la jurisprudence et ils ont présenté des observations orales. La Cour a également entendu les avocats de la demanderesse, qui ont appuyé la position de la SRC, de même que les avocats des défendeurs, qui ont maintenu leur position.

[41]  La Cour a ordonné aux avocats, dont ceux de la SRC, de s’entendre sur les conditions éventuelles d’une autre ordonnance de confidentialité qui permettrait de tenir en public l’audience tout entière, tout en protégeant les renseignements énumérés dans l’ordonnance de confidentialité du 5 avril 2019. Cela a été fait, et l’ordonnance a été rendue avant la reprise de l’audience. Les personnes présentes dans la salle lors de l’audience ont été informées que certains renseignements ne pouvaient pas être publiés, et les avocats ont pris soin de leur rappeler cette restriction lorsqu’il a été nécessaire de faire référence à ces renseignements dans le cadre de leur argumentation. Des représentants des médias sont restés dans la salle d’audience pendant toute la durée de l’audience et ils ont plus tard rendu compte de celle-ci sans divulguer les renseignements sensibles.

IV.  Les dispositions législatives applicables

Renseignements d’intérêt public

Specified Public Interest

Opposition à divulgation

Objection to disclosure of information

37 (1) Sous réserve des articles 38 à 38.16, tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s’opposer à la divulgation de renseignements auprès d’un tribunal, d’un organisme ou d’une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d’intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

37 (1) Subject to sections 38 to 38.16, a Minister of the Crown in right of Canada or other official may object to the disclosure of information before a Court, person or body with jurisdiction to compel the production of information by certifying orally or in writing to the Court, person or body that the information should not be disclosed on the grounds of a specified public interest.

Mesure intérimaire

Obligation of Court, person or body

(1.1) En cas d’opposition, le tribunal, l’organisme ou la personne veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(1.1) If an objection is made under subsection (1), the Court, person or body shall ensure that the information is not disclosed other than in accordance with this Act.

Opposition devant une cour supérieure

Objection made to superior Court

(2) Si l’opposition est portée devant une cour supérieure, celle-ci peut décider la question.

(2) If an objection to the disclosure of information is made before a superior Court, that Court may determine the objection.

Opposition devant une autre instance

Objection not made to superior Court

(3) Si l’opposition est portée devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ne constituent pas une cour supérieure, la question peut être décidée, sur demande, par:

(3) If an objection to the disclosure of information is made before a Court, person or body other than a superior Court, the objection may be determined, on application, by

a) la Cour fédérale, dans les cas où l’organisme ou la personne investis du pouvoir de contraindre à la production de renseignements sous le régime d’une loi fédérale ne constituent pas un tribunal régi par le droit d’une province;

(a) the Federal Court, in the case of a person or body vested with power to compel production by or under an Act of Parliament if the person or body is not a Court established under a law of a province; or

b) la division ou le tribunal de première instance de la cour supérieure de la province dans le ressort de laquelle le tribunal, l’organisme ou la personne ont compétence, dans les autres cas.

(b) the trial division or trial Court of the superior Court of the province within which the Court, person or body exercises its jurisdiction, in any other case.

Délai

Limitation period

(4) Le délai dans lequel la demande visée au paragraphe (3) peut être faite est de dix jours suivant l’opposition, mais le tribunal saisi peut modifier ce délai s’il l’estime indiqué dans les circonstances.

(4) An application under subsection (3) shall be made within 10 days after the objection is made or within any further or lesser time that the Court having jurisdiction to hear the application considers appropriate in the circumstances.

Ordonnance de divulgation

Disclosure order

(4.1) Le tribunal saisi peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements qui ont fait l’objet d’une opposition au titre du paragraphe (1), sauf s’il conclut que leur divulgation est préjudiciable au regard des raisons d’intérêt public déterminées.

(4.1) Unless the Court having jurisdiction to hear the application concludes that the disclosure of the information to which the objection was made under subsection (1) would encroach upon a specified public interest, the Court may authorize by order the disclosure of the information.

Divulgation modifiée

Disclosure order

(5) Si le tribunal saisi conclut que la divulgation des renseignements qui ont fait l’objet d’une opposition au titre du paragraphe (1) est préjudiciable au regard des raisons d’intérêt public déterminées, mais que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public déterminées, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice au regard des raisons d’intérêt public déterminées, autoriser, sous réserve des conditions qu’il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d’un résumé de ceux-ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(5) If the Court having jurisdiction to hear the application concludes that the disclosure of the information to which the objection was made under subsection (1) would encroach upon a specified public interest, but that the public interest in disclosure outweighs in importance the specified public interest, the Court may, by order, after considering both the public interest in disclosure and the form of and conditions to disclosure that are most likely to limit any encroachment upon the specified public interest resulting from disclosure, authorize the disclosure, subject to any conditions that the Court considers appropriate, of all of the information, a part or summary of the information, or a written admission of facts relating to the information.

Ordonnance d’interdiction

Prohibition order

(6) Dans les cas où le tribunal n’autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (4.1) ou (5), il rend une ordonnance interdisant la divulgation.

(6) If the Court does not authorize disclosure under subsection (4.1) or (5), the Court shall, by order, prohibit disclosure of the information.

Preuve

Evidence

(6.1) Le tribunal peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut fonder sa décision sur cet élément.

(6.1) The Court may receive into evidence anything that, in the opinion of the Court, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base its decision on that evidence.

Prise d’effet de la décision

When determination takes effect

(7) L’ordonnance de divulgation prend effet après l’expiration du délai prévu ou accordé pour en appeler ou, en cas d’appel, après sa confirmation et l’épuisement des recours en appel.

(7) An order of the Court that authorizes disclosure does not take effect until the time provided or granted to appeal the order has expired or, if the order is appealed, the time provided or granted to appeal a judgment of an appeal Court that confirms the order has expired and no further appeal from a judgment that confirms the order is available.

Admissibilité en preuve

Introduction into evidence

(8) La personne qui veut faire admettre en preuve ce qui a fait l’objet d’une autorisation de divulgation prévue au paragraphe (5), mais qui ne pourrait peut-être pas le faire à cause des règles d’admissibilité applicables devant le tribunal, l’organisme ou la personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, peut demander au tribunal saisi au titre des paragraphes (2) ou (3) de rendre une ordonnance autorisant la production en preuve des renseignements, du résumé ou de l’aveu dans la forme ou aux conditions que celui-ci détermine, pourvu que telle forme ou telles conditions soient conformes à l’ordonnance rendue au titre du paragraphe (5).

(8) A person who wishes to introduce into evidence material the disclosure of which is authorized under subsection (5), but who may not be able to do so by reason of the rules of admissibility that apply before the Court, person or body with jurisdiction to compel the production of information, may request from the Court having jurisdiction under subsection (2) or (3) an order permitting the introduction into evidence of the material in a form or subject to any conditions fixed by that Court, as long as that form and those conditions comply with the order made under subsection (5).

Facteurs pertinents

Relevant factors

(9) Pour l’application du paragraphe (8), le tribunal saisi au titre des paragraphes (2) ou (3) prend en compte tous les facteurs qui seraient pertinents pour statuer sur l’admissibilité en preuve devant le tribunal, l’organisme ou la personne.

(9) For the purpose of subsection (8), the Court having jurisdiction under subsection (2) or (3) shall consider all the factors that would be relevant for a determination of admissibility before the Court, person or body.

V.  Les questions en litige

[42]  La seule question que la Cour doit trancher est celle de savoir si elle doit confirmer les certificats – et ainsi empêcher que les documents relatifs au décès de la femme autochtone assassinée et à la disparition de la femme autochtone disparue soient divulgués à l’Enquête nationale – ou ordonner, sous réserve des conditions qu’elle estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des documents, d’un résumé de ceux‑ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

[43]  La Cour confirmera les certificats et empêchera la divulgation des renseignements si elle conclut que cette divulgation est préjudiciable au regard des raisons d’intérêt public déterminées, soit le privilège d’enquête, et que les raisons d’intérêt qui justifient la divulgation ne l’emportent pas sur ces raisons d’intérêt public déterminées.

VI.  Analyse

A.  Processus

[44]  L’article 37 a pour objet de permettre à la Couronne de « s’opposer pour des raisons d’intérêt public à la divulgation de renseignements » : R c Brassington, 2018 CSC 37, par 31. Cette capacité de la Couronne de s’opposer à la divulgation de renseignements pour des raisons d’intérêt public ne se limite pas aux situations dans lesquelles la divulgation est obligatoire et se déroulera en salle d’audience; qu’elle ait lieu à l’extérieur du tribunal ou qu’elle soit faite volontairement, la divulgation peut être tout aussi préjudiciable : Brassington, précité, par 31. La divulgation de renseignements sensibles peut entraîner des conséquences pour des tiers et pour l’administration de la justice : Brassington, précité, par 31.

[45]  Pour ce qui est des oppositions fondées sur l’article 37, il n’y a aucun processus précis à suivre; la Cour fédérale « a l’entière discrétion de choisir sa propre procédure en fonction des circonstances dont elle est saisie » : Canada (Procureur général) c Chad, 2018 CF 319, par 10 [Chad no 1]. Pour choisir sa procédure, la Cour fédérale doit « tenir compte de la nature de l’intérêt public en jeu, du contexte factuel et législatif dans lequel le demandeur s’oppose à la divulgation des renseignements, ainsi que du caractère délicat des documents caviardés » : R c Pilotte (2002), 156 OAC 1, par 52 et 60, 163 CCC (3d) 225 (CA Ont). La Cour devrait tenir compte des observations de la partie adverse quant au privilège revendiqué : Chad no 1, précitée, par 27. Le juge qui préside l’audience peut tenir une conférence de gestion de l’instance avant et après une audience à huis clos en vue d’obtenir de plus amples observations et de relever les questions que la partie adverse aimerait que l’on pose à la personne qui invoque le privilège de l’intérêt public : Chad no 1, précitée, par 28 et 29.

[46]  La Cour peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’elle estime digne de foi et approprié, même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité, et elle peut fonder sa décision sur cet élément : Loi sur la preuve au Canada, par 37(6.1). Cependant, le ministère public doit fonder sa demande sur des « affirmations précises et concrètes » et il « doit présenter suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre la Cour » : Chad no 1, précitée, par 15.

[47]  Il se peut que la Couronne doive présenter une preuve qui va plus loin que celle relative au certificat : Chad no 1, précitée, par 16. Ce n’est pas parce qu’elle autorise la partie adverse à examiner des renseignements contestés pour montrer qu’ils ne sont pas pertinents et qu’elle précise que, malgré cet examen, il reste encore des questions de privilège ou d’immunité à trancher, qu’elle renonce au privilège de l’intérêt public qu’elle invoque : Canada (Procureur général) c Tepper, 2016 CF 307, par 11 et 12.

[48]  Les tribunaux reconnaissent que le privilège d’enquête fait partie des raisons d’intérêt public déterminées au sens de l’article 37 : PJ et al c The Attorney General of Canada, 2000 BCSC 1780; R c Amer, 2017 ABQB 651. Toutefois, ce privilège n’est pas de nature générique; c’est un moyen limité d’invoquer le secret, et il est accordé au cas par cas : R c Toronto Star Newspaper Ltd, [2005] OTC 1112, par 14, 204 CCC (3d) 397 (C. Sup. Ont.).

[49]  La présente instance est nouvelle. Il ne s’agit pas du contrôle judiciaire du caractère raisonnable ou correct des décisions qu’ont prises les commissaires de l’Enquête nationale. Bien que la Cour puisse examiner ces décisions et estimer qu’elles sont convaincantes, elle n’a pas à faire preuve de retenue à leur égard et elle doit rendre ses propres décisions en se fondant sur les faits et sur le droit.

[50]  En l’espèce, la Cour a jugé qu’il serait nécessaire de procéder à une audience ex parte et à huis clos en vue de recevoir le témoignage oral des deux chefs de l’équipe d’enquêteurs pour déterminer si les revendications de privilège étaient bien fondées et présentaient un risque de préjudice. Pour ce faire, la Cour a demandé et reçu, à l’avance, des observations écrites de l’Enquête nationale, dont des déclarations sur ce que cette dernière savait sur les deux affaires et les questions qui, proposait-elle, devaient être posées aux deux agents.

[51]  La Cour reconnaît que ce processus n’équivaut pas à offrir à l’Enquête nationale la possibilité de contre-interroger les deux agents, mais les observations et les questions proposées ont été utiles. L’un de ces agents et le supérieur de l’autre avaient été interrogés par les avocats de la Commission en lien avec les deux affaires, et leurs réponses se trouvaient dans le dossier. À la conclusion de l’audience à huis clos, la Cour a ordonné qu’un sommaire de la preuve soit établi et remis aux avocats de l’Enquête nationale pour les besoins de l’audience qui aurait lieu les 13 et 14 mai 2019.

B.  L’analyse relative à l’article 37

[52]  Dans son analyse, si la Cour conclut que la divulgation des renseignements qui ont fait l’objet d’une opposition n’est pas préjudiciable au regard des raisons d’intérêt public déterminées, elle peut rendre une ordonnance autorisant leur divulgation : Loi sur la preuve au Canada, par 37(4.1); Wang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 493, par 34. Dans une affaire où l’on s’oppose à la divulgation pour protéger une enquête en cours, la personne qui s’y oppose a le fardeau d’établir que cette mesure aurait un « effet préjudiciable concret sur l’enquête en cours » : Wang, précitée, par 35.

[53]  Si la Cour conclut que la divulgation des renseignements qui ont fait l’objet d’une opposition est préjudiciable au regard des raisons d’intérêt public déterminées, mais que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public déterminées, elle peut par ordonnance, compte tenu de la forme et des conditions de divulgation qui sont les plus susceptibles de limiter le préjudice causé par la divulgation, autoriser, sous réserve des conditions qu’elle estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d’un résumé de ceux-ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés : Loi sur la preuve au Canada, par 37(5); Wang, précitée, par 35.

[54]  Pour décider s’il convient de divulguer les renseignements, la Cour doit d’abord décider si ces renseignements sont pertinents eu égard aux questions dont est saisie la partie qui en demande la divulgation : Wang, précitée, par 47. La Cour doit en déterminer par elle-même la pertinence, même si la partie qui demande la divulgation est d’avis que les renseignements sont pertinents : Wang, précitée, par 50. Cela requiert une « compréhension claire » des questions exactes qui sont en jeu : Wang, précitée, par 51.

[55]  Dans le cas où la Cour n’autorise pas la divulgation au titre du paragraphe (4.1) ou (5), elle rend une ordonnance interdisant la divulgation des renseignements qui ont fait l’objet d’une opposition : Loi sur la preuve au Canada, par 37(6).

C.  Les conclusions sur les raisons d’intérêt public déterminées

[56]  Après avoir pris en considération les éléments de preuve et les observations des parties, je conclus que la protection des enquêtes policières en cours, comme le précisent les certificats, est une raisons d’intérêt public légitime et que le fait de communiquer à l’Enquête nationale les renseignements contenus dans les deux dossiers serait préjudiciable au regard de cet intérêt. La Cour suprême du Canada a conclu qu’il est clairement dans l’intérêt public de protéger les documents liés à l’application de la loi, et notamment de préserver la confidentialité des enquêtes policières : Michaud c Québec (Procureur général), [1996] 3 RCS 3, par 48, 138 DLR (4th) 423. Comme elle l’a déclaré au paragraphe 51 de l’arrêt Michaud, l’intérêt de l’État à ce que soit protégé le caractère confidentiel de ses méthodes d’enquête demeure impérieux.

[57]  Je conviens avec les défendeurs que les raisons d’intérêt public déterminées résident ici dans la préservation de la confidentialité des renseignements que la GRC a recueillis dans le cadre des deux enquêtes ainsi que dans l’intégrité de toute poursuite susceptible d’en résulter. Pour établir qu’il y aura préjudice au regard des raisons d’intérêt public déterminées, il n’est pas nécessaire que les défendeurs montrent que la divulgation mettra forcément en péril les enquêtes, mais uniquement qu’elle le pourrait : Amer, précitée, par 60; R c Mirarchi, 2015 QCCS 6629, par 16; R c Minisini, 2008 QCCA 2188, par 54 et 55.

[58]  En l’espèce, la demanderesse a fait valoir que les défendeurs n’ont pas démontré que la communication des renseignements à l’Enquête nationale aurait des effets préjudiciables concrets. Je ne suis pas d’accord.

[59]  L’audience ex parte et les observations me convainquent que [traduction] « la preuve confirme l’existence d’une préoccupation véritable et raisonnable quant aux effets préjudiciables » de la communication des renseignements sur les deux enquêtes : Amer, précitée, par 55 et 56. Cette preuve a attiré mon attention sur, notamment, la forme et l’ampleur des enquêtes menées à ce jour, la nature des collectivités visées, les antécédents de violence dans les environs, le risque d’intimidation des témoins, la nature des stratégies d’enquête dont dispose encore la police et la possibilité que les deux affaires puissent être liées à celles d’autres femmes autochtones disparues ou assassinées.

D.  La mise en balance des intérêts publics opposés

[60]  Les intérêts qui sont en jeu dans la présente instance sont tous deux importants. Pour ce qui est de mes conclusions sur la preuve qui m’a été présentée et sur les observations que j’ai reçues des avocats, je ne tiens nullement à amoindrir l’importance des travaux de l’Enquête nationale. Comme il a été indiqué dans les préambules des décrets par lesquels l’Enquête nationale a été établie, le nombre élevé de femmes et de filles autochtones qui sont décédées ou qui ont disparu au Canada est une tragédie nationale à laquelle il faut mettre fin.

[61]  L’Enquête nationale a pour tâche de chercher des faits et de présenter au gouvernement des recommandations qui permettent de s’attaquer à un grave problème national. C’est un rôle extraordinairement important et il devrait fortement inciter la Cour à ordonner que l’on communique aux commissaires les renseignements qu’ils jugent nécessaires pour qu’ils puissent accomplir leur tâche. Les défendeurs reconnaissent que ces travaux sont d’une importance indéniable, mais ils font valoir qu’ils doivent céder le pas devant l’intérêt public opposé, compte tenu des circonstances particulières soumises à la Cour. L’Enquête nationale a eu l’avantage d’avoir accès à de nombreux autres dossiers à partir desquels elle a pu tirer des conclusions au sujet de l’efficacité des enquêtes policières. Il n’est pas nécessaire, soutiennent-ils, que l’Enquête obtienne ces deux dossiers.

[62]  L’Enquête nationale a le vaste mandat d’étudier les causes systémiques de toutes les formes de violence dont sont victimes les femmes et les filles autochtones ainsi que les politiques et les pratiques institutionnelles mises en place en réponse à ces violences, dont les pratiques éprouvées de réduction de la violence et de renforcement de la sécurité. Les commissaires ont reçu comme instruction de formuler des recommandations sur : 1) les mesures pratiques et concrètes qui peuvent être prises pour éradiquer les causes systémiques de la violence et renforcer la sécurité des femmes et des filles autochtones, et 2) les façons d’honorer et de commémorer les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

[63]  Les commissaires n’ont pas été autorisés à tirer des conclusions d’inconduite ou de responsabilité civile ou criminelle, mais ils peuvent transmettre aux autorités compétentes des renseignements qui peuvent être utiles dans le cadre d’une enquête ou d’une poursuite relative à une infraction prévue au Code criminel ou qui se rapporte à une inconduite.

[64]  Dans cet exercice de mise en balance, la Cour doit considérer le contexte dans lequel les deux dossiers sont demandés et les autres facteurs qui peuvent militer en faveur d’une conclusion ou de l’autre. Les facteurs énoncés dans les décisions Khan, Wang et Canada (Procureur général) c Chad, 2018 CF 556 [Chad no 2], modifiés de façon à convenir au présent contexte, servent de cadre utile pour l’examen des intérêts opposés.

(1)  L’objet du litige

[65]  Le litige découle d’un désaccord entre les parties quant à la question de savoir s’il est nécessaire de produire les deux dossiers en cause pour que l’Enquête nationale puisse s’acquitter de son mandat. L’Enquête est en droit de contester les deux certificats. Il est toutefois regrettable que cette affaire se retrouve devant la Cour.

[66]  Il ressort du dossier présenté à la Cour que, dès le début de l’Enquête nationale, il y a eu un degré élevé de coopération et de collaboration entre la GRC et l’Enquête nationale, par l’intermédiaire de leurs avocats respectifs, de l’équipe de la Direction générale de la GRC ainsi que de l’EAJD. La GRC a facilité la tenue d’un premier exercice d’examen des dossiers d’homicide avec des membres du personnel de la Commission, a transmis 10 dossiers d’enquête dans le cadre d’un projet pilote et a finalement communiqué 119 dossiers d’enquête sur des homicides, des agressions graves et des personnes disparues, dont 23 dossiers en cours et actifs. Les lettres contenues dans le dossier indiquent que les parties travaillaient ensemble pour fournir les renseignements dont l’Enquête nationale avait besoin. Mais il y a aussi d’importants écarts de temps dans les cas, où semble-t-il, on ne savait pas clairement ce que l’Enquête nationale voulait et quand elle voulait que ce soit fait.

[67]  Le travail de préparation d’un dossier d’enquête actif en vue de sa communication est un processus qui requiert un temps considérable et beaucoup de ressources. Il faut prendre soin de ne pas divulguer de renseignements faisant l’objet d’un privilège (comme le privilège relatif aux indicateurs de police et le privilège du secret professionnel de l’avocat), de caviarder des renseignements personnels privés et de protéger d’importants éléments de preuve, ce que l’on appelle habituellement des [traduction] « éléments non divulgués », qui pourraient servir par la suite à confirmer l’identité de l’auteur d’une infraction ou à corroborer un aveu.

[68]  L’Enquête nationale semble avoir tenu pour acquis que ce travail serait accompli par la GRC lorsque son personnel se dirait intéressé par un dossier particulier à une étape initiale. La GRC considérait qu’elle pouvait attendre de le faire jusqu’à ce que les questions de privilège d’intérêt public soient réglées. Quelle que soit celle de ces deux opinions qui est exacte, les délais fixés pour la production des dossiers dont l’EAJD avait ordonné la production à l’automne de 2018 étaient déraisonnables. Il est évident que l’Enquête nationale était au courant des deux affaires depuis longtemps déjà, car le nom de la femme assassinée et celui de la femme disparue étaient inclus dans une liste que la GRC lui avait fournie. Qui plus est, à compter de mai 2017, les avocats de la GRC ont demandé à maintes reprises de quels dossiers l’Enquête nationale allait avoir besoin. Aucune explication n’a été donnée pour justifier les retards avec lesquels les ordonnances de production ont été délivrées.

[69]  La demanderesse soutient que la question des retards à demander les renseignements n’est pas pertinente. Je ne suis pas d’accord. Il ressort de la preuve que, dès le mois de mai 2017, la GRC a fait preuve de diligence raisonnable en collaborant avec l’Enquête nationale pour ce qui est de ses demandes de renseignements. Il n’y a eu aucune réponse de l’Enquête pendant une bonne partie du temps qui a suivi. Dans les circonstances, il était raisonnable que la GRC tienne pour acquis que l’Enquête nationale ne s’intéressait pas aux deux dossiers en question. Si on l’avait informée que ces dossiers étaient considérés comme importants pour l’Enquête nationale, les oppositions à la divulgation auraient pu être formulées et réglées nettement plus tôt – pas dans les derniers jours de l’Enquête.

[70]  Tout bien considéré, ce facteur ne favorise pas la communication.

(2)  La valeur probante, la pertinence et la nécessité de la preuve

[71]  Une fois que le préjudice au regard des raisons d’intérêt public déterminées est établi, le critère de la pertinence exige que les renseignements demandés soient d’une « importance cruciale » pour la partie qui demande la divulgation : Chad no 2, précitée, par 68. Il ne suffit pas que la demanderesse affirme que les renseignements peuvent être pertinents. Ces derniers doivent être évalués en fonction de leur « importance relative lorsqu’il s’agit de prouver la demande ou de se défendre » : Pereira E Hijos S.A. c Canada (Procureur général), 2002 CAF 470, par 17. La Cour doit donc examiner de quelle façon le contenu des deux dossiers d’enquête en question ferait avancer les travaux de l’Enquête nationale.

[72]  Comme le font valoir les défendeurs, l’Enquête nationale a reçu une grande quantité de renseignements liés aux enquêtes, et ce, uniquement de la GRC. Les dossiers de la GRC comportent entre autres des dossiers d’enquête sur des homicides, des personnes disparues, des morts subites et des agressions sexuelles qui sont survenus à des moments divers et ils émanent de divisions du pays tout entier. De plus, la GRC a produit plus de 200 documents de politique générale concernant ces enquêtes. Bien que les résultats des demandes adressées à d’autres organismes d’enquête ne soient pas présentés en preuve en l’espèce, la Cour présume que l’Enquête nationale a reçu de ces organismes des documents semblables.

[73]  On ne sait pas en quoi les deux dossiers en question aideraient l’Enquête nationale à s’acquitter de son mandat. On ne sait pas non plus de quelle façon l’EAJD, même avec le soutien de l’équipe de gestion documentaire du cabinet McCarthy Tétrault, pourrait examiner les dossiers avant l’expiration du mandat de la Commission, dans les jours suivant la rédaction de la présente décision. À l’audience, la Cour a été informée qu’il était possible qu’un addenda au rapport final soit publié ultérieurement. Peut‑être bien, mais ce serait sous la direction des gouvernements concernés et non sous celle de l’Enquête nationale.

[74]  Dans les circonstances, la Cour convient avec les défendeurs que la pertinence et la nécessité des deux dossiers pour ce qui est de l’exécution du mandat de l’Enquête nationale sont, dans le meilleur des cas, minimes. En particulier, il n’a pas été démontré à la satisfaction de la Cour que ces deux dossiers aideraient beaucoup l’Enquête dans ses travaux. Rappelons que, pour arriver à cette conclusion, la Cour a eu l’avantage d’entendre, pendant plusieurs heures, les témoignages des deux chefs de l’équipe d’enquêteurs, et d’examiner les notes qu’ils avaient écrites au moment d’évaluer les dossiers.

a)  Le dossier de la femme disparue

[75]  Cette affaire concerne une jeune femme portée disparue le |||||||||||||||||||||||||| par sa tante, à qui elle rendait visite dans une collectivité du Nord. La jeune femme en question était sortie pour rencontrer quelques amis tard dans la soirée du |||||||||||||||||||||||||| et on l’avait vue prendre place à bord d’un véhicule. Des vérifications avaient été faites, mais on avait reçu des renseignements erronés selon lesquels elle se trouvait au domicile d’un oncle. Elle avait passé plusieurs jours dans une autre collectivité et serait partie le |||||||||||||, en faisant de l’auto-stop, pour attraper un vol qui la ramènerait dans sa collectivité d’origine, le ||||||||||||||||||||||||||. Elle avait raté ce vol. La dernière fois crédible où on l’avait vue était ||||||||||||||||||||||||||. Des recherches menées dans le secteur, y compris le long de la route qu’elle aurait suivie pour retourner dans la collectivité de sa tante, n’avaient donné aucun résultat.

[76]  Au départ, la police avait tenu pour acquis que la femme disparue avait été assassinée, mais aucune scène de crime n’avait été relevée et aucun reste n’avait été découvert. La police avait également envisagé la possibilité que la femme avait quitté le secteur, et elle avait élargi la zone de recherche. Des techniques modernes complexes avaient été employées pour établir son profil génétique et pour éliminer la possibilité qu’un fragment d’os lui soit relié. Dans le même ordre d’idées, des restes découverts à un endroit situé aux États-Unis avaient été écartés.

[77]  Même s’il y avait eu quelques premiers suspects, dont des personnes reconnues pour avoir été en contact avec la femme disparue dans les jours précédant sa disparition, ces personnes avaient été blanchies par divers moyens, dont des tests par détecteur de mensonges. Au cours des années suivantes, plusieurs suspects avaient été arrêtés et longuement interrogés. Tous les nombreux témoins – des centaines, selon l’estimation de l’agent – dont les enquêteurs connaissaient l’existence avaient été interrogés et tous les endroits où la police croyait qu’il pouvait y avoir des preuves, à partir de renseignements reçus, avaient été fouillés. Entre ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, des demandes de renseignements avaient été affichées dans des médias différents, dont des affiches dans les collectivités, de même qu’à la télévision et sur Internet. Une série d’examens de dossier avait été entreprise les années suivantes afin de s’assurer que toutes les mesures d’enquête avaient été prises. En 1999, le dossier faisait mention de 115 enquêteurs et de 232 témoins. Selon le témoignage du chef d’équipe d’enquête, on avait entièrement épuisé les techniques d’enquête classiques, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[78]  Pendant de longues périodes, peu de choses ont été faites dans le dossier à cause d’un manque de ressources, d’après le chef d’équipe. Entre autres difficultés, a expliqué l’agent, le dossier, maintenant constitué de quelque 10 000 documents, était au départ entièrement sur papier, et il avait fallu le convertir au format de communication électronique qui est aujourd’hui la norme appliquée par la GRC. Sa Division n’avait pas les ressources nécessaires pour le faire sans une aide externe.

[79]  Le financement de ces enquêtes est assuré par des ententes de police intergouvernementales. L’unité des crimes graves que compte la division de la GRC en question est petite et couvre un très vaste territoire. Ce n’est que récemment qu’elle a pu obtenir des fonds pour faire enquête sur des dossiers anciens de la Division, dont celui de la femme disparue. Cette affaire allait être l’une des cinq qui seraient priorisées.

[80]  Malgré le temps écoulé et ces difficultés, le chef d’équipe était convaincu qu’il était encore possible de résoudre l’affaire si la GRC pouvait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Et sans un dossier [traduction] « prêt à communiquer » en vue de répondre aux obligations du ministère public, selon la norme énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326, 130 NR 277, la GRC ne pouvait pas procéder à |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cette difficulté a maintenant été réglée.

[81]  Je ne suis pas convaincu que la communication du dossier d’enquête à l’Enquête nationale aiderait cette dernière à s’acquitter de son mandat. Et il est peu probable que ce dossier donne lieu à des recommandations ou à un renvoi qui feraient avancer l’enquête. La communication du dossier à l’Enquête pourrait mettre l’enquête en péril si l’on divulguait accidentellement des renseignements.

b)  L’affaire de la femme assassinée

[82]  Dans cette affaire, la victime avait été signalée comme disparue par sa mère le |||||||||||||||||||||||||||||||||| parce qu’elle ne répondait pas à des messages textes. Elle s’était rendue dans une autre ville avec son enfant en bas âge et une amie le ||||||||||||||||||||||||||||||||| et elle les avait laissés dans une chambre de motel pendant qu’elle était allée acheter des provisions et des couches dans la soirée du ||||||||||||||||||||||||||||||||||. Elle avait accepté de monter à bord du véhicule d’un inconnu et, pendant qu’elle s’y trouvait, elle avait eu une conversation téléphonique avec une amie |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||. Ses restes avaient été découverts ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[83]  Le nom de la victime avait été inscrit dans la base de données du Centre d’information de la police canadienne après le signalement de sa disparition, mais il en avait été retiré quand on avait reçu des renseignements selon lesquels elle avait été vue dans une autre ville et qu’il avait été signalé qu’elle avait été active sur les réseaux sociaux. L’enquête n’avait repris qu’après que la mère de la victime eut téléphoné de nouveau à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pour faire part de son inquiétude.

[84]  Le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| a été remis en |||||||||||||||||||| au commissaire de la GRC ainsi qu’au ministre de la Sécurité publique. Il contenait 24 conclusions et 17 recommandations. En résumé, le rapport concluait que l’enquête avait été lacunaire au départ, en ce sens que de nombreux membres n’avaient pas reçu de formation adéquate ou bien n’avaient pas appliqué les enseignements reçus et ne s’étaient pas conformés aux politiques, aux procédures et aux lignes directrices en vigueur. Le rapport faisait également état de lacunes dans les activités de formation, ainsi que dans les politiques, les procédures et les lignes directrices existantes.

[85]  Il est clair qu’au début de l’enquête, la GRC a mal géré l’affaire, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Si c’était là la seule information soumise à la Cour, je n’hésiterais nullement à ordonner la communication du dossier. Cependant, la responsabilité du dossier a été transférée à une unité d’enquête |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| qui, aussitôt, a mis en œuvre des principes fondamentaux de gestion de dossiers. Le dossier a été attribué par la suite à une équipe spécialisée dans les crimes graves, constituée à l’échelle divisionnaire. Depuis lors, de nombreuses mesures ont été prises, dont ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le |||||||||||||||||||||||||||||||||| n’a pas précisément porté sur la conduite de l’enquête |||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||.

[86]  L’affidavit confidentiel du chef d’équipe, les notes que celui-ci a prises lors de l’examen du dossier et le témoignage qu’il a fait ex parte et à huis clos, convainquent la Cour que, hormis la période de quelques mois qui s’est écoulée en ||||||||, l’enquête a été – et demeure – active. De nombreux entretiens ont été réalisés auprès de contacts de la personne décédée, ainsi qu’auprès de personnes détenant censément des renseignements sur ce qui lui est arrivé. Quatorze ordonnances judiciaires ont été obtenues pour autoriser la collecte et la saisie d’éléments de preuve en vertu du Code criminel. Ces ordonnances et les renseignements soumis en vue de les obtenir continuent d’être sous le coup d’ordonnances de mise sous scellés judiciaires.

[87]  L’équipe d’enquête continue de recevoir des renseignements du public et d’y donner suite. Le chef d’équipe a estimé que ses collaborateurs avaient reçu plus de 1 300 renseignements de ce genre, dont environ 400 par l’entremise du programme « Échec au crime ». La GRC continue de recevoir des renseignements, et des entretiens avec d’éventuels témoins ont eu lieu ces derniers mois. Plus de 100 témoins ont été interrogés et plus de 440 « personnes d’intérêt » ont été identifiées et ont fait l’objet d’une enquête. En plus du |||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||, qui n’a pas été communiqué au public, un élément de preuve matériel trouvé sur les lieux où les restes ont été découverts a été désigné à titre d’élément non divulgué. De l’avis du chef d’équipe, l’affaire [traduction] « peut être résolue », et la Cour n’a aucune raison de mettre en doute cette évaluation.

[88]  Je suis persuadé que la communication du dossier complet à ce moment‑ci, indépendamment de la volonté de la GRC, pourrait mettre en péril l’enquête en cours. Et il y a sous enquête d’autres homicides, peut‑être liés, qui pourraient permettre de résoudre cette affaire.

(3)  La nature de l’intérêt public à protéger

[89]  Les raisons d’intérêt public qui justifient la non-communication des renseignements ont été décrites comme étant la « protection des enquêtes efficaces, ainsi que […] celle des personnes qui sont impliquées dans ces enquêtes ou qui y contribuent » : Chad no 2, précitée, par 74.

[90]  La Cour est convaincue que l’intérêt du public à ce que l’enquête sur l’affaire de la femme assassinée soit protégée est impérieux, compte tenu des témoignages entendus ex parte et à huis clos. Il n’y a pas lieu de douter que l’affaire est actuellement active et que la GRC suit activement des pistes qu’une divulgation accidentelle de renseignements sensibles pourrait compromettre.

[91]  L’intérêt du public à ce que l’affaire de la femme disparue soit protégée est moins évident, compte tenu du long délai qui s’est écoulé et des failles qu’il y a eues dans la poursuite active de l’enquête. Je suis néanmoins persuadé que, grâce aux nouvelles ressources récemment attribuées, il y a des chances que l’affaire soit résolue et un risque que sa résolution soit compromise par la communication du dossier.

(4)  L’effet de la non‑communication des renseignements sur la perception du public à l’égard de l’administration de la justice

[92]  Vu l’importance de l’Enquête nationale, la Cour est consciente que des membres du public peuvent ne pas reconnaître que la GRC a le droit de s’opposer à la divulgation de renseignements relatifs à une affaire concernant une femme autochtone assassinée ou disparue car cela pourrait nuire à l’enquête en cours.

[93]  Je conviens avec les défendeurs qu’il faut préserver l’intégrité des enquêtes policières dans les cas où des éléments de preuve non contredits tendent à indiquer que la communication du dossier pourrait compromettre l’enquête. Le public s’attend à ce que la police prenne toutes les mesures possibles pour élucider les crimes. Dans chacune des deux affaires en cause, la preuve soumise à la Cour montre que les agents de la GRC qui sont maintenant chargés des enquêtes croient que celles‑ci peuvent être résolues. Et leurs commandants ont souscrit à ces évaluations en délivrant les certificats.

[94]  Il est dans l’intérêt du public que l’on s’assure de faire tout ce qui est possible pour résoudre les crimes graves. Cet intérêt est encore plus évident dans les cas où les victimes sont des femmes et des filles autochtones, à cause du contexte historique qui est marqué par un manque scandaleux d’attention et de succès pour ce qui est de la manière dont ces affaires sont traitées. Les individus responsables de l’assassinat ou de la disparition de femmes et de filles autochtones doivent rendre compte de leurs actes. Il est également dans l’intérêt du public que les familles des victimes puissent surmonter jusqu’à un certain point le deuil d’un être qui leur est cher en apprenant ce qui lui est arrivé. Je conclus que ce facteur ne justifie pas la communication des dossiers à l’Enquête nationale.

(5)  Les allégations d’actes fautifs de la part du gouvernement

[95]  Comme je l’ai mentionné, pour ce qui est de la femme autochtone assassinée, le |||||||||||||||||||||||||||| a fait clairement état de lacunes de la part du détachement local de la GRC qui a répondu au départ au signalement de la disparition de la victime. Cette réponse était insuffisante et elle a eu pour effet de retarder les tentatives visant à retrouver la victime.

[96]  Comme je l’ai indiqué, je suis convaincu que l’Enquête nationale a suffisamment de renseignements sur les lacunes de l’enquête initiale, qui lui proviennent du ||||||||||||||||||||||||||, et que d’ordonner à ce moment-ci la communication du dossier tout entier n’ajouterait rien de plus. Il s’agit d’une affaire qui fait encore l’objet d’une enquête active. En fait, la GRC continue de recevoir des renseignements. Dans les circonstances, les raisons d’intérêt public justifiant de protéger cette enquête l’emportent sur les raisons d’intérêt public justifiant de communiquer le dossier à l’Enquête nationale.

[97]  Quant à la femme autochtone disparue, il y a eu des périodes pendant le |||||||||||||||| depuis sa disparition au cours desquelles la police n’a pas fait grand-chose dans cette affaire. Je retiens le témoignage du chef d’équipe selon qui ces périodes d’inactivité ne sont pas attribuables à une faute commise par la police, mais plutôt au manque de ressources affectées aux enquêtes sur les crimes graves au sein de cette administration. Les ressources nécessaires ont maintenant été accordées, et l’affaire sera du nombre de celles que l’on traitera en priorité.

[98]  Le manque de ressources suffisantes est un problème systémique, qui empêche de répondre comme il faut à de tels crimes. La Cour a considéré qu’il s’agit là du facteur qui milite le plus en faveur de la communication du dossier en l’espèce. Il est atténué, selon moi, par les autres facteurs. Je suis également convaincu que l’Enquête nationale détient assez de renseignements sur cette affaire pour en faire un exemple de ce problème systémique.

(6)  La sensibilité des renseignements

[99]  La Cour admet que, dans les deux affaires, les renseignements contenus dans le dossier de la GRC sont des plus sensibles et qu’il y a un risque que ces derniers, s’ils sont divulgués, tombent entre des mains autres que celles de la police. Les défendeurs ont présenté en preuve plus que des affirmations générales de préjudice – en fait, ces affirmations sont plutôt concrètes et détaillées. La Cour a été informée de manière précise des renseignements qui risquent d’être divulgués.

[100]  À cet égard, le manque de renseignements sur les protocoles, les mesures ou les protections applicables en matière de protection de la vie privée que l’Enquête nationale et l’EAJD ont mis en place est préoccupant. La Cour convient avec les défendeurs que le simple fait de faire état de la Déclaration sur la transparence de l’EAJD et de la règle 49.1 du document intitulé Orientation juridique, qui prévoit que l’on préservera la confidentialité de ces renseignements, offre peu de réconfort. Il ne s’agit pas d’un [traduction] « faux-fuyant », comme l’ont fait valoir les avocats de la demanderesse, mais d’une préoccupation légitime. Bien que quatre membres de l’EAJD détiennent une cote de sécurité de niveau « secret », cela ne règle pas le problème de la GRC, à savoir que d’autres membres du personnel technologique et de soutien participeront forcément aussi à l’étude de ces dossiers. Plus il y aura de personnes à pouvoir accéder à ces derniers, plus il y aura de risques d’une divulgation accidentelle.

[101]  La demanderesse fait valoir avec raison que la GRC était tenue de produire le dossier d’enquête concernant la femme assassinée, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Cet organisme a été créé et est lié par les dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10. Bien que l’on puisse dire, à première vue, que cet organisme est analogue à une commission d’enquête constituée sous le régime de la Loi sur les enquêtes, la Cour n’a aucune raison de croire que le risque d’une divulgation accidentelle de la part de |||||||||||||||||||| soit comparable à celui que les défendeurs considèrent comme préoccupant en l’espèce.

(7)  La publication antérieure

[102]  La Cour retient l’argument des défendeurs selon lequel les éléments de preuve qui figurent dans les deux dossiers d’enquête n’ont jamais été rendus publics. Il y a bien eu des articles de presse sur les deux enquêtes et la diffusion de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans l’affaire de la femme assassinée, mais les renseignements divulgués étaient limités. Dans cette affaire, la majeure partie des |||||||||||||||||||||||||| et des autres éléments non divulgués n’ont pas été communiqués. Dans l’affaire de la femme disparue, des appels au public ont été lancés en vue d’obtenir des renseignements sur sa disparition, mais le dossier d’enquête n’a pas été communiqué. D’autres efforts d’enquête n’ont pas été divulgués.

[103]  La décision de la famille de la femme assassinée de divulguer des extraits du |||||||||||||||||||||||||| aux médias a permis de constater les faiblesses de l’enquête initiale du détachement de la GRC concerné. Elle ne s’est pas étendue aux efforts que le groupe des crimes graves a faits par la suite.

(8) Une communication générale ou une recherche à l’aveuglette

[104]  Les défendeurs n’ont pas fait valoir que la demanderesse se livre à une recherche à l’aveuglette en voulant obtenir ces deux dossiers, mais ils soutiennent que l’Enquête nationale n’a pas besoin de ces dossiers pour s’acquitter de son important mandat. La GRC a produit 119 dossiers d’enquête que l’Enquête nationale avait relevés et choisis. De plus, il est probable que l’Enquête nationale ait demandé d’autres dossiers à des organismes d’enquête autres que la GRC et qu’elle les ait obtenus. Les dossiers déjà produits sont suffisants pour aider l’Enquête nationale à cerner et à examiner les causes systémiques de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones au Canada et pour recommander la prise de mesures efficaces.

[105]  On a laissé entendre lors des débats que la GRC s’oppose à la communication de ces deux dossiers parce qu’elle craint qu’ils se révèlent embarrassants pour elle. Il s’agit là d’une possibilité qui est venue à l’esprit de la Cour au début de l’instance. Les deux chefs de l’équipe d’enquêteurs ont donc fait l’objet d’un interrogatoire serré visant à déterminer si cette crainte pouvait être fondée. Ils ont parlé avec franchise des forces et des faiblesses de leurs dossiers. La Cour estime que, même si les agents étaient convaincus qu’il ne fallait pas communiquer les dossiers afin de protéger leurs enquêtes, ce n’était pas par crainte de créer des embarras ou de divulguer des actes fautifs de membres de la GRC.

VII.  Conclusion

[106]  Les défendeurs ont attesté qu’il y avait des raisons d’intérêt public déterminées justifiant de protéger l’intégrité d’enquêtes policières en cours et ils ont démontré que la communication des deux dossiers en question serait préjudiciable au regard de ces importantes raisons d’intérêt public. Ils ont démontré de façon concrète en quoi la communication des dossiers à l’EAJD pour le compte de l’Enquête nationale était susceptible de nuire aux enquêtes en cours. Bien que l’Enquête nationale soit autorisée à en demander la divulgation en vertu du Cadre de référence qui la régit, et qu’elle soit chargée d’un mandat important, cet intérêt ne l’emporte pas sur l’intérêt du public à ce que les enquêtes soient protégées. L’examen des facteurs susmentionnés incite fortement à confirmer qu’il est dans l’intérêt du public que la confidentialité des enquêtes soit préservée. Pour ces raisons, la présente demande sera rejetée.

[107]  La Cour croit savoir que les parties sont toutes deux financées par le gouvernement du Canada et, pour cette raison, aucuns dépens ne seront adjugés.

[108]  Les présents jugement et motifs seront remis tout d’abord aux avocats des parties en leur donnant pour instruction qu’ils présentent à la Cour des observations écrites sur les renseignements qu’il faudrait considérer comme confidentiels avant la publication. Les avocats pourront communiquer les présents jugement et motifs à leurs clients en vue d’obtenir des instructions.


JUGEMENT dans le dossier T-502-19

LA COUR ORDONNE :

  • (1) La demande présentée en vertu de l’alinéa 37(3)a) de la Loi sur la preuve au Canada en vue d’obtenir une ordonnance annulant les oppositions déposées par le gouvernement du Canada et d’obliger à remettre à l’Enquête nationale les dossiers d’enquête de la GRC concernant la femme autochtone disparue et la femme autochtone assassinée est rejetée;

  • (2) Les ordonnances de confidentialité datées du 5 avril 2019, du 13 mai 2019 et du 19 juin 2019 demeureront en vigueur jusqu’à ce qu’une nouvelle ordonnance soit rendue;

  • (3) Les présents jugement et motifs (version caviardée) seront rendus publics conformément à l’ordonnance de confidentialité que la Cour a rendue le 19 juin 2019;

  • (4) Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de juillet 2019.

Édith Malo, LL.B.


ANNEXE A

Cadre de référence

Attendu que le nombre élevé de décès et de disparitions de femmes et de filles autochtones au Canada constitue une tragédie nationale perdurant qui doit cesser;

Attendu que le gouvernement du Canada s’est engagé à lancer une enquête pour cerner et examiner les causes systémiques de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada et pour recommander des mesures efficaces pour y remédier;

Attendu que le gouvernement du Canada s’est engagé à prendre des mesures efficaces pour prévenir et éradiquer la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada,

À ces causes, sur recommandation du premier ministre, Son Excellence le Gouverneur général en conseil ordonne que soit prise, pour la période commençant le 1er septembre 2016 et se terminant le 31 décembre 2018, en vertu de la partie I de la Loi sur les enquêtes, une commission (ci‑après « commission ») revêtue du grand sceau du Canada et portant nomination de cinq commissaires (ci‑après « commissaires »), dont l’honorable Marion R. Buller à titre de commissaire en chef et Michèle Taïna Audette, E. Qajaq Robinson, Marilyn Poitras et Brian Eyolfson à titre de commissaires, chargés de faire enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Canada, laquelle commission :

  1. ordonne aux commissaires d’enquêter et de faire rapport sur ce qui suit :
    1. les causes systémiques de toutes formes de violence — y compris la violence sexuelle — à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada, notamment les causes sociales, économiques, culturelles, institutionnelles et historiques sous‑jacentes qui contribuent à perpétuer la violence et les vulnérabilités particulières de ces femmes et de ces filles,
    2. les politiques et les pratiques institutionnelles mises en place en réponse à la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada, y compris le recensement et l’examen des pratiques éprouvées de réduction de la violence et de renforcement de la sécurité;
  2. ordonne aux commissaires de faire des recommandations sur ce qui suit :
    1. les mesures pratiques et concrètes pouvant être prises pour éradiquer les causes systémiques de la violence et renforcer la sécurité des femmes et des filles autochtones au Canada,
    2. les façons d’honorer et de commémorer les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Canada;
  3. ordonne aux commissaires de mener l’enquête sous le nom d’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ci‑après « l’Enquête »);
  4. autorise les commissaires à adopter les procédures qu’ils jugent opportunes pour le bon déroulement de l’Enquête, à siéger aux moments et aux endroits qu’ils jugent indiqués, en particulier dans les collectivités autochtones au Canada et, dans toute la mesure du possible, à mener l’Enquête au moyen de processus informels, notamment en faisant consigner les expériences des familles des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et des survivants de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones qui participent à l’Enquête, par des personnes qualifiées en traumatisme;
  5. ordonne aux commissaires de tenir compte, dans le cadre de l’Enquête, du fait que celle‑ci a pour but, autant que possible :
    1. de prendre en compte les traumatismes subis et de respecter les personnes, les familles et les collectivités touchées,
    2. de donner aux personnes, aux familles et aux membres des collectivités l’occasion de faire part de leurs expériences et de leurs opinions, notamment sur les façons de renforcer la sécurité, de prévenir et d’éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada,
    3. de tenir compte des réalités culturelles, de reconnaître, de respecter et d’honorer la diversité des traditions culturelles, linguistiques et spirituelles des peuples autochtones,
    4. de promouvoir et de favoriser la réconciliation et de contribuer à sensibiliser le public aux causes de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada ainsi qu’aux solutions pour y mettre fin;
  6. autorise les commissaires à donner à toute personne ayant un intérêt direct et réel dans l’objet de l’Enquête la possibilité d’y participer;
  7. autorise les commissaires à constituer les comités suivants :
    1. des comités consultatifs régionaux composés de familles des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et des survivants de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones pour fournir des conseils sur des questions régionales qui relèvent du mandat de l’Enquête,
    2. des comités consultatifs chargés de l’étude de questions particulières et composés d’aînés, de jeunes, de membres des familles des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et des survivants de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones, d’experts, d’universitaires, notamment des spécialistes des traditions juridiques autochtones, ainsi que de représentants d’organismes nationaux, autochtones, locaux et féministes pour fournir des conseils sur des questions régionales qui relèvent du mandat de l’Enquête;
  8. ordonne aux commissaires de mener l’Enquête comme il leur semble opportun, en tenant pour définitives les conclusions de fait établies dans les rapports, études, recherches et examens pertinents menés à l’échelle nationale ou internationale ou en leur accordant l’importance qu’elles méritent, notamment :
    1. le Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015),
    2. le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996),
    3. Femmes invisibles : Un appel à l’action – Un rapport sur les femmes autochtones portées disparues ou assassinées au Canada, Rapport du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones (2014),
    4. Les femmes autochtones disparues et assassinées : Un aperçu opérationnel national, Gendarmerie royale du Canada (2014),
    5. Ce que leurs histoires nous disent : Résultats de recherche de l’initiative Sœurs par l’esprit, Association des femmes autochtones du Canada (2010),
    6. le rapport intitulé Report of the inquiry concerning Canada of the Committee on the Elimination of Discrimination against Women under article 8 of the Optional Protocol to the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women (30 mars 2015),
    7. le document intitulé Missing and Murdered Indigenous Women in British Columbia, Canada, Commission interaméricaine des droits de l’homme (21 décembre 2014),
    8. les rapports de la Commission d’enquête sur les femmes disparues (Commission Oppal, Colombie-Britannique);
  9. ordonne aux commissaires d’examiner les résultats du processus de mobilisation préalable à l’Enquête entrepris par le gouvernement du Canada;
  10. autorise les commissaires à louer les locaux et installations nécessaires à la tenue de l’Enquête, conformément aux politiques applicables du Conseil du Trésor;
  11. autorise les commissaires à recommander au greffier du Conseil privé de financer la participation selon les lignes directrices approuvées concernant la rémunération et les indemnités ainsi que l’évaluation des comptes de toute personne visée à l’alinéa f), si les commissaires sont d’avis que celle‑ci ne pourrait pas participer à l’Enquête sans ce financement;
  12. autorise les commissaires à mettre à la disposition des membres des familles de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées ainsi que des survivantes de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones, durant leur comparution devant la commission, les services de counseling qu’ils jugent indiqués, et ce, compte tenu de leur culture et des traumatismes subis;
  13. autorise les commissaires à orienter vers l’autorité provinciale ou territoriale compétente responsable de la prestation de services aux victimes les familles de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées ainsi que les survivantes de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones qui communiquent avec la commission pour obtenir de l’aide ou des renseignements sur des questions relatives à des enquêtes, à des poursuites ou à des enquêtes du coroner passées ou en cours;
  14. ordonne aux commissaires d’utiliser les systèmes de données électroniques et les procédures précisées par le Bureau du Conseil privé et de consulter les représentants de la gestion des documents du Bureau du Conseil privé concernant l’application des normes et l’utilisation des systèmes conçus précisément pour la gestion des documents;
  15. autorise les commissaires à retenir les services de spécialistes et d’autres personnes mentionnées à l’article 11 de la Loi sur les enquêtes et à leur verser la rémunération et les indemnités approuvées par le Conseil du Trésor;
  16. ordonne aux commissaires de remplir leurs fonctions sans formuler de conclusion ou de recommandation sur la responsabilité civile ou criminelle de quelque personne ou organisme que ce soit;
  17. ordonne aux commissaires de remplir leurs fonctions de manière à ne nuire à aucune enquête criminelle ou instance pénale en cours;
  18. autorise les commissaires à transmettre aux autorités compétentes tous les renseignements obtenus dans le cadre de l’Enquête si ces derniers ont des motifs raisonnables de croire que ces renseignements peuvent servir à une enquête ou à une poursuite relative à une infraction au Code criminel;
  19. autorise les commissaires à transmettre aux autorités compétentes tous les renseignements obtenus dans le cadre de l’Enquête si ces derniers ont des motifs raisonnables de croire que ces renseignements ont trait à une inconduite;
  20. ordonne aux commissaires de suivre les procédures établies en matière de sécurité, notamment les exigences prévues par les politiques, directives, normes et lignes directrices du gouvernement du Canada en matière de sécurité à l’égard des personnes dont les services sont retenus en vertu de l’article 11 de la Loi sur les enquêtes et à l’égard du traitement de l’information à toutes les étapes de l’Enquête;
  21. ordonne aux commissaires de ne pas communiquer, publiquement ou dans quelque rapport que ce soit, des renseignements personnels au sens de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui ont été déposés en preuve au cours de l’Enquête lorsque celle‑ci est menée à huis clos, à moins qu’ils soient d’avis que des raisons d’intérêt public justifient nettement une éventuelle violation de la vie privée;
  22. ordonne aux commissaires de ne faire toute communication visée à l’alinéa u) que de façon à minimiser, dans toute la mesure du possible, une éventuelle violation de la vie privée;
  23. ordonne aux commissaires de veiller à ce que le public, dans le cadre de toute partie de l’Enquête tenue en public, puisse communiquer avec la commission et obtenir ses services simultanément dans les deux langues officielles, y compris les transcriptions d’audiences si celles‑ci sont mises à la disposition du public;
  24. ordonne aux commissaires de soumettre au gouverneur en conseil les rapports ci‑après, simultanément dans les deux langues officielles :
    1. un rapport provisoire, déposé avant le 1er novembre 2017, sur leurs observations et recommandations préliminaires sur les examens, enquêtes et rapports antérieurs qu’ils ont jugé pertinents et sur leur appréciation de ceux‑ci,
    2. un rapport final, déposé avant le 1er novembre 2018, sur leurs observations avec leurs recommandations;
  25. ordonne aux commissaires de déposer auprès du greffier du Conseil privé, dès que possible à l’issue de l’Enquête, les documents et les rapports y afférents.

Terms of reference

Whereas the high number of deaths and disappearances of Indigenous women and girls in Canada is an ongoing national tragedy that must be brought to an end;

Whereas the Government of Canada has committed to launching an inquiry to identify and examine the systemic causes of violence against Indigenous women and girls in Canada and to make recommendations for effective action;

And whereas the Government of Canada is committed to taking effective action to prevent and eliminate violence against Indigenous women and girls in Canada;

Therefore, His Excellency the Governor General in Council, on the recommendation of the Prime Minister, directs that a commission (“the Commission”) do issue, for the period beginning on September 1, 2016 and ending on December 31, 2018, under Part I of the Inquiries Act and under the Great Seal of Canada appointing five persons as commissioners (the Commissioners), namely, the Honourable Marion R. Buller as Chief Commissioner, Michèle Taïna Audette, E. Qajaq Robinson, Marilyn Poitras and Brian Eyolfson, to conduct an inquiry into missing and murdered Indigenous women and girls in Canada, which Commission must

  1. direct the Commissioners to inquire into and to report on the following:
    1. systemic causes of all forms of violence — including sexual violence — against Indigenous women and girls in Canada, including underlying social, economic, cultural, institutional and historical causes contributing to the ongoing violence and particular vulnerabilities of Indigenous women and girls in Canada, and
    2. institutional policies and practices implemented in response to violence experienced by Indigenous women and girls in Canada, including the identification and examination of practices that have been effective in reducing violence and increasing safety
  2. direct the Commissioners to make recommendations on the following:
    1. concrete and effective action that can be taken to remove systemic causes of violence and to increase the safety of Indigenous women and girls in Canada, and
    2. ways to honour and commemorate the missing and murdered Indigenous women and girls in Canada;
  3. direct the Commissioners to conduct the inquiry under the name of the National Inquiry into Missing and Murdered Indigenous Women and Girls (“the Inquiry”);
  4. authorize the Commissioners to adopt any procedures that they consider expedient for the proper conduct of the Inquiry, to sit at the times and in the places, especially in Indigenous communities in Canada, that the Commissioners consider appropriate and to conduct the Inquiry, to the greatest extent possible, by means of informal processes such as the gathering of statements by qualified trauma-informed persons to record the experiences of families of missing and murdered Indigenous women and girls and survivors of violence against Indigenous women and girls participating in the Inquiry;
  5. direct the Commissioners to take into account, in conducting the Inquiry, that the Inquiry process is intended, to the extent possible,
    1. to be trauma-informed and respect the persons, families and communities concerned,
    2. to provide an opportunity for persons, families and community members to express and share their experiences and views, particularly on ways to increase safety and prevent and eliminate violence against Indigenous women and girls in Canada,
    3. to be culturally appropriate and to acknowledge, respect and honour the diverse cultural, linguistic and spiritual traditions of Indigenous peoples, and
    4. to promote and advance reconciliation and to contribute to public awareness about the causes of and solutions for ending violence experienced by Indigenous women and girls in Canada;
  6. authorize the Commissioners to provide any person having a substantial and direct interest in the subject matter of the Inquiry with an opportunity to participate in the Inquiry;
  7. authorize the Commissioners to establish
    1. regional advisory bodies – composed of families of missing and murdered Indigenous women and girls and survivors of violence against Indigenous women and girls – to advise on regional matters that fall within the scope of the Inquiry, and
    2. issue-specific advisory bodies – composed of elders, youth, families of missing and murdered Indigenous women and girls and survivors of violence against Indigenous women and girls, experts and academics, including academics specializing in Indigenous legal traditions, as well as representatives of national, Indigenous, local and feminist organizations – to advise on regional matters that fall within the scope of the Inquiry;
  8. direct the Commissioners to conduct the Inquiry as they consider appropriate with respect to accepting as conclusive or giving due weight to the findings of fact set out in relevant reports, studies, research and examinations, whether national or international, including
    1. the Final Report of the Truth and Reconciliation Commission of Canada (2015),
    2. The Report of the Royal Commission on Aboriginal Peoples (1996),
    3. Invisible Women: A Call to Action – A Report on Missing and Murdered Indigenous Women in Canada, Report of the Special Committee on Violence Against Indigenous Women (2014),
    4. Missing and Murdered Aboriginal Women: A National Operational Overview, Royal Canadian Mounted Police (2014),
    5. What Their Stories Tell Us: Research findings from the Sisters In Spirit initiative, Native Women's Association of Canada (2010),
    6. Report of the inquiry concerning Canada of the Committee on the Elimination of Discrimination against Women under article 8 of the Optional Protocol to the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women (30 March 2015),
    7. Missing and Murdered Indigenous Women in British Columbia, Canada, Inter-American Commission on Human Rights (21 December 2014), and
    8. reports of the Missing Women Commission of Inquiry (Oppal Commission, British Columbia);
  9. direct the Commissioners to review the results of the Government of Canada's pre-Inquiry engagement process;
  10. authorize the Commissioners to rent, in accordance with the applicable Treasury Board policies, any space and facilities that are required for the purposes of the Inquiry;
  11. authorize the Commissioners to recommend to the Clerk of the Privy Council that funding be provided, in accordance with approved guidelines respecting the rates of remuneration and reimbursement and the assessment of accounts, to any person described in paragraph (f), where in the Commissioners' view the person would not otherwise be able to participate in the Inquiry;
  12. authorize the Commissioners to make available to members of the families of missing and murdered Indigenous women and girls and to survivors of violence against Indigenous women and girls, for the duration of their appearance before the Commission, the trauma-informed and culturally appropriate counselling services that the Commissioners consider appropriate;
  13. authorize the Commissioners to refer the families of missing and murdered Indigenous women and girls and survivors of violence against Indigenous women and girls who contact the Commission for information and assistance with respect to matters such as ongoing or past investigations, prosecutions or inquests to the appropriate provincial or territorial authority that is responsible for the provision of victim services;
  14. direct the Commissioners to use the electronic data systems and procedures specified by the Privy Council Office and to consult with records management officials within the Privy Council Office on the use of standards and systems that are specifically designed for the purpose of managing records;
  15. authorize the Commissioners to engage the services of the experts and other persons who are referred to in section 11 of the Inquiries Act, at the rates of remuneration and reimbursement that the Treasury Board approves;
  16. direct the Commissioners to perform their duties without expressing any conclusion or recommendation regarding the civil or criminal liability of any person or organization;
  17. direct the Commissioners to perform their duties in such a way as to ensure that the conduct of the Inquiry does not jeopardize any ongoing criminal investigation or criminal proceeding;
  18. if the Commissioners have reasonable grounds to believe that any information obtained in the course of the Inquiry may be used in the investigation or prosecution of an offence under the Criminal Code, authorize the Commissioners to remit that information to the appropriate authorities;
  19. authorize the Commissioners to remit to the appropriate authorities any information that was obtained in the course of the Inquiry that the Commissioners have reasonable grounds to believe relates to misconduct;
  20. direct the Commissioners to follow established security procedures, including the requirements of the Government of Canada's security policies, directives, standards and guidelines, with respect to persons engaged under section 11 of the Inquiries Act and the handling of information at all stages of the Inquiry;
  21. direct the Commissioners to not disclose publicly or in any report any personal information, as defined in section 3 of the Privacy Act, that has been received in evidence during any portion of the Inquiry conducted in camera, unless, in the opinion of the Commissioners, the public interest in the disclosure outweighs any invasion of privacy that could result from the disclosure;
  22. direct the Commissioners to make any disclosure referred to in paragraph (u) in such a way as to minimize, to the greatest extent possible, any invasion of privacy that could result from the disclosure;
  23. direct the Commissioners, in respect of any portion of the Inquiry conducted in public, to ensure that members of the public can, simultaneously in both official languages, communicate with and obtain services from the Commission, including any transcripts of proceedings that have been made available to the public;
  24. direct the Commissioners to submit, simultaneously in both official languages, the following reports to the Governor in Council:
    1. an interim report, to be submitted before November 1, 2017, setting out the Commissioners' preliminary findings and recommendations, and their views on and assessment of any previous examination, investigation and report that they consider relevant to the Inquiry, and
    2. a final report, to be submitted before November 1, 2018, setting out the Commissioners' findings and recommendations; and
  25. direct the Commissioners to file the records and papers of the Inquiry with the Clerk of the Privy Council as soon as feasible after the conclusion of the Inquiry.

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑502‑19

INTITULÉ :

L’ENQUÊTE NATIONALE SUR LES FEMMES ET LES FILLES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA pour le compte de LA GRC, LE SOUS‑COMMISSAIRE CURTIS ZABLOCKI et LE SURINTENDANT PRINCIPAL JAMES ZETTLER

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-bRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 13 ET 14 MAI 2019

JUGEMENT ET MOTIFS (VERSION CAVIARDÉE) :

LE JUGE mosley

DATE DES MOTIFS :

LE 27 MAI 2019

COMPARUTIONS :

Ravi R. Hira

Ryan Hira

J. Kyle Bienvenu

POUR LA DEMANDERESSE

Anne M. Turley

Helen Gray

Anne McConville

POUR LES DÉFENDEURS

Daniel H. Coles

(ReprÉsentANT LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hira Rowan LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS

Owen Bird Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

(ReprÉsentANT LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.